Intervention de Claude Jeannerot

Réunion du 2 décembre 2009 à 14h45
Loi de finances pour 2010 — Travail et emploi

Photo de Claude JeannerotClaude Jeannerot :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les chiffres du chômage en octobre sont mauvais, comme l’a reconnu avec franchise Mme Lagarde.

À l’évidence, le Gouvernement a été surpris par cette nouvelle et franche dégradation. Le directeur général de Pôle emploi lui-même s’est dit dans l’incapacité d’éclairer cette évolution. Quelques jours plus tôt, en réponse à une question d’actualité que je lui avais posée sur la situation de l’emploi observée en septembre, Mme Lagarde tentait, avec sincérité, de nous rassurer en évoquant une « décélération de la dégradation ».

Monsieur le ministre, alors que vous vouliez voir dans ce ralentissement de la hausse les premiers signes précurseurs d’une sortie de crise, vous voilà brutalement replongés dans le réel ! Cela a d’ailleurs conduit, il y a quelques jours, Mme Lagarde à reconnaître que « la tendance à la dégradation de l’emploi devrait se poursuivre quelques trimestres ».

À l’appui de votre analyse, l’OCDE estime que la hausse du taux de chômage pourrait bien ne pas s’achever avant le début de 2011, date à laquelle il pourrait dépasser le taux de 10 % en métropole. Le Premier ministre lui-même reconnaît que l’économie française ne recommencera à créer des emplois que lorsqu’elle retrouvera un niveau de croissance de 2 %.

Dans ce contexte, comment comprendre, et accepter, que les dotations de la mission « Travail et emploi » pour 2010, affichent, hors mesures du plan de relance, une diminution de l’ordre de 5 % ? Comment comprendre les réductions des dispositifs d’accompagnement comme le chômage partiel et l’allocation équivalent retraite ? Comment comprendre que la subvention que l’État accorde à Pôle emploi, qui est maintenue au même niveau que l’an passé, n’augmente pas ? Comme mes collègues l’ont fait remarquer, devant l’accroissement du nombre mécanique des demandeurs d’emploi, on peut craindre une nouvelle dégradation des conditions de fonctionnement de ce service public, qui est déjà particulièrement mis à mal.

Dans ce contexte de crise, la formation professionnelle aurait dû, vous en conviendrez, monsieur le ministre, trouver une place privilégiée dans le budget.

Or, pour ne prendre qu’un seul exemple, qui a également été évoqué par mes collègues, les contrats d’apprentissage sont en baisse d’une année sur l’autre, et dans des proportions très significatives. De même, la baisse des crédits pour 2010 concernant les contrats de professionnalisation est surprenante.

J’en viens à l’AFPA, l’Association nationale pour la formation professionnelle des adultes, dont la subvention est réduite de 20 millions d’euros. Cette diminution semble correspondre à une réduction de sa dotation d’investissement. Or, monsieur le ministre, jamais autant qu’aujourd’hui sans doute, cet organisme n’a eu besoin de budget pour entretenir le patrimoine que vous venez ou que vous allez lui transférer.

J’observe par ailleurs que l’AFPA se trouve, et j’ai déjà eu l’occasion de vous exprimer toutes mes craintes sur ce sujet, engagée dans un processus malthusien. Les embauches sont désormais gelées, alors même qu’elle devrait être au plein de sa capacité pour assurer l’accompagnement sur le marché de l’emploi et la sortie de crise.

Alors, non seulement je ne vous fais pas de procès d’intention, mais je vous donne pleinement raison lorsque vous déclariez il y a quelques jours dans Le Monde qu’il fallait des mesures plus offensives pour l’emploi. Or, ce projet de budget n’est, me semble-t-il, ni à la mesure du contexte observé, que j’ai décrit tout à l’heure, ni en phase avec vos propres déclarations. Comment expliquer ce décalage ? Je propose une hypothèse. Vous avez élaboré ce projet de budget sur un pari, celui de la sortie de crise dans les prochains mois. J’observe d’ailleurs que la tonalité du rapport de notre rapporteur Alain Gournac, sans doute rédigé avant que nous ayons connaissance des chiffres du mois d’octobre, le confirme : « En cette fin d’année 2009, plusieurs signes positifs permettent d’espérer que la période la plus difficile est maintenant derrière nous ».

Ce pari, on le constate aujourd’hui, est en fait une erreur d’analyse, qui rend caduque et dépassé ce projet de budget, avant même son début d’exécution.

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