Intervention de Claude Domeizel

Réunion du 23 novembre 2005 à 22h00
Financement de la sécurité sociale pour 2006 — Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission mixe paritaire

Photo de Claude DomeizelClaude Domeizel :

Monsieur le ministre, je ne suis pas habitué à utiliser des artifices ou des détours pour dire ce que je pense ; vous avez pu le constater tout au long des débats qui se sont déroulés durant trente-sept heures !

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est l'illustration de votre échec en matière d'emploi et de sécurité sociale. Pour la première fois, toutes les branches sont déficitaires : en additionnant les déficits de l'ensemble des branches et de tous les fonds, on ne doit pas être loin des 100 milliards d'euros !

Ce PLFSS est un peu la faillite de la pseudo-réforme Douste-Blazy de 2004 et de la réforme Fillon de 2003. Et, comme chaque année depuis trois ans, nous gérons la crise et la pénurie. Soixante ans après la création de la sécurité sociale, jamais ses principes de solidarité, d'universalité, d'humanité et de démocratie sociale n'auront été autant bafoués.

Loin d'avoir tiré les leçons de quarante mois d'échec, vous persistez à pénaliser toujours les mêmes et à réserver les mesures les plus injustes aux assurés sociaux, donc aux plus fragiles.

Vous avez besoin de trouver des remèdes à vos réformes inadaptées, et vous puisez toujours chez les mêmes : d'un côté, on impose aux patients de changer, de l'autre, on suppose que la responsabilisation des professionnels de santé permettra de lutter contre les dépenses inutiles ; d'un côté, c'est la stigmatisation et la contrainte, de l'autre, c'est l'incantation et la simple invitation à de meilleurs comportements. C'est insupportable !

Chaque année, on demande aux Français encore plus et, chaque année, ce sont les mêmes qui sont visés. Monsieur le ministre, nous sommes sur une mauvaise pente. Chaque année, les plus démunis s'enfoncent encore plus ! Vous êtes à l'affût de tous les fonds de tiroirs, de toutes les recettes de poche qui pourraient rapporter. Jusqu'où allons-nous descendre ?

Alors que les banlieues s'enflamment, que les jeunes se révoltent, des travailleurs étrangers n'auront plus le droit de toucher intégralement le minimum vieillesse.

Puis, vous vous attaquez aux allocations familiales en décidant de ne plus les octroyer pour les enfants qui ne sont pas le fruit d'un regroupement familial.

Jusqu'où allez-vous défaire les principes de justice, de solidarité et d'équité qui ont fondé notre sécurité sociale et qui ont fait l'honneur de la France ? Notre pays est garant, à travers sa Constitution, de l'égalité entre tous les citoyens, qu'ils soient riches, pauvres ou démunis. Les étrangers qui vivent sur notre territoire sont des concitoyens à part entière.

Entre le laxisme et ce que vous faites aujourd'hui, il y a une juste mesure : celle de la considération de l'individu, celle de l'acceptation que l'autre soit différent, celle du malade à être malade, celle de l'individu à ne pas se sentir diminué, suspecté ou culpabilisé.

Je ne reviendrai pas en détail sur toutes les branches ni sur l'ensemble des mesures injustes que véhicule ce projet, qu'il s'agisse du forfait de 18 euros, des 60 000 personnes qui ne pourront plus toucher la CMU parce que vous modifiez les règles de calcul, des prélèvements sur les plans d'épargne logement, ou encore des difficultés que rencontreront les mutuelles ; nous en avons déjà longuement parlé.

Je voudrais tout de même insister sur votre décision soudaine de ne plus accorder le minimum vieillesse aux étrangers ayant travaillé sur notre territoire. Ils ont servi le pays parce que nous sommes allés les chercher au moment des Trente Glorieuses, et, aujourd'hui, alors que le problème ne se posait pas, vous décidez de vous attaquer à eux.

Comme tous leurs autres collègues, pendant des dizaines d'années, ils ont travaillé sur le sol français, se coupant de leur famille, sacrifiant pour la plupart d'entre eux leur vie privée. Ce sont eux, faut-il le rappeler, qui ont effectué les travaux pénibles non qualifiés.

Où est la reconnaissance ? Quel sera, demain, le regard de nos jeunes des banlieues sur le sort que le pays réserve à leurs aînés ? Dans le contexte actuel, il y a matière à réfléchir sur les conséquences psychologiques et sociales d'un tel dispositif. Pour renflouer les caisses que vous avez asséchées, vous êtes prêt à brader les plus beaux principes de notre République.

Et que dire également de cette mesure inique, sortie de je ne sais quelle poche entre la discussion de l'Assemblée nationale et celle du Sénat, et qui est du même acabit ? En effet, parce que, au milieu de la semaine dernière, la question de la polygamie a surgi lors du débat sur les banlieues, vous vous attaquez aux allocations familiales pour les enfants dont les parents vivent en situation régulière, mais sans avoir fait l'objet d'un regroupement familial.

A l'heure où la France vit une montée des inégalités, conséquence de la précarité des conditions de logement touchant les familles pauvres, votre décision est incompréhensible !

Pour en revenir à des questions purement financières, que dire du FFIPSA, qui se trouve dans une situation désastreuse et qui s'enfonce de mois en mois ? Pourquoi ne rien proposer, alors que les angoisses des agriculteurs et de la mutualité sociale agricole montent ?

Il en est de même pour le fonds de solidarité vieillesse, qui porte lui aussi sa croix financière. M. Vasselle a rappelé tout à l'heure qu'hier son conseil de surveillance s'est réuni. Nous y avons appris que, à la fin de l'année 2006, le déficit cumulé serait de 5 milliards d'euros. En 2009, il aura atteint 8 milliards d'euros, qu'il faut comparer aux 15 milliards d'euros du budget total de ce fonds. Donc, le déficit cumulé en 2009 représentera 60 % du budget.

C'est le résultat de la politique de Gribouille que vous menez depuis trois ans. La Cour des comptes vous alerte ? Vous ne faites rien. Elle menace de ne pas approuver les comptes ? Vous n'avez aucune réaction ; vous proposez seulement de créer un groupe de travail.

Hier, le conseil de surveillance de ce fonds, unanime, vous a demandé d'assumer vos responsabilités financières, de prendre des mesures pour rétablir l'équilibre. Le président a annoncé officiellement qu'il mettait fin à ses fonctions : quelle a été votre réaction ? Aucune ! Vous auriez encore pu réagir après cet appel, mais vous ne l'avez pas fait.

Vous voulez amener nos concitoyens à vous suivre sur le chemin de la fatalité, de l'exclusion et du recul de leurs droits.

Vous parlez de « responsabilité » alors que ce projet de loi de financement de la sécurité sociale prouve que votre politique pèsera encore sur les prochaines générations.

Vous parlez d' « exigence de qualité et de sécurité », alors que vous ne cessez d'exclure des dispositifs de soins de plus en plus de nos concitoyens.

Vous nous dites que « la sécurité sociale va mieux », alors que les déficits prouvent le contraire !

Vous l'aurez compris, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne sommes pas sur la même voie. Le groupe socialiste votera donc contre ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.

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