Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous avons l’honneur de vous présenter aujourd’hui est un texte dicté par le bon sens et l’expérience, élaboré de surcroît au terme de nombreux échanges tenus avec les maires de nos départements respectifs, un texte que nul ne saurait qualifier de malvenu dans cette enceinte, où la majorité d’entre nous sait pertinemment ce qu’est une petite commune, connaît ses problèmes et mesure les difficultés que rencontrent tous les jours ses élus.
J’ai déjà eu à me prononcer sur le dispositif du service minimum d’accueil, créé par la loi du 20 août 2008 instituant un droit – et non un devoir – d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et élémentaires les jours de grève, une loi très difficile à appliquer si, bien entendu, les maires veulent le faire correctement et non dans une improvisation qui, à l’usage, peut se révéler désastreuse.
Si je peux naturellement concevoir que l’instauration d’un droit d’accueil n’était pas a priori une mauvaise idée, force est de constater que sa mise en place a constitué une sorte de « supercherie », faisant miroiter auprès des familles une aide qu’il était pratiquement impossible de mettre en œuvre.
Au reste, monsieur le ministre, cette loi n’a-t-elle pas suscité, dès sa publication, l’opposition des syndicats, qui voient en elle la violation même du droit de grève, et celle des parents d’élèves, inquiets de voir l’école enseignante transformée en vulgaire garderie ?
De nombreux élus, pour leur part, surtout ceux des zones rurales, les plus directement concernés, se sont émus d’un système faisant reposer sur leurs épaules toute l’application d’un texte qu’ils n’ont ni souhaité ni demandé.
Je ne parle pas de la justice, qui, dans de nombreux cas, a donné raison aux maires réfractaires à l’application de cette loi ; je pense, en particulier, à cet arrêt du tribunal administratif de Bobigny, en Seine-Saint-Denis, qui fera probablement jurisprudence et qui explicite le principe suivant : « Nul ne saurait être contraint de faire ce qu’il ne peut objectivement pas mettre en œuvre ». Cet arrêt est au demeurant parfaitement conforme à la jurisprudence du Conseil d’État sur la recevabilité des recours en référé.
Monsieur le ministre, pensez-vous sérieusement que le maire d’une commune de moins de deux mille habitants – la majorité des communes du terroir dont je suis l’élue sont de cette taille, et nous sommes nombreux, ici, à en être les élus, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons – peut, tout à la fois, préparer un dispositif d’accueil dans un délai très court, à savoir moins de quarante-huit heures, trouver les collaborations nécessaires pour appliquer une réglementation qui exige, par ailleurs, un encadrement d’un adulte pour garder vingt enfants, recenser les compétences professionnelles, ou tout au moins la formation, des bénévoles requis, mettre en place un service de restauration, veiller à l’organisation modifiée des transports scolaires – que sais-je encore ? – sans tomber dans le piège d’une mauvaise garderie, parfois non dénuée de risques et de dangers ?
Tous, sans exception, nous avons mesuré, dans nos départements, nos cantons, nos villages, l’extrême difficulté d’appliquer ce qui, il faut bien le reconnaître, est une loi précipitée, produit d’une absence totale de concertation.
Cette constatation, encore une fois de bon sens, mes collègues du groupe RDSE et moi-même ne sommes pas les seuls à l’avoir formulée, puisque le Président de la République lui-même, le 27 novembre dernier, à l’occasion du 91e congrès des maires de France, a fait, en public, la déclaration suivante : « C’est vrai qu’on ne peut pas demander la même obligation de service à un maire d’une commune rurale qui n’a même pas dans ses collaborateurs un employé titulaire ayant le BAFA et [à un maire] d’une grande ville d’un ou deux millions d’habitants. Je le comprends parfaitement et l’on doit pouvoir trouver un accord. » C’est précisément pour trouver cet accord – du moins, je l’espère ! – que nous sommes réunis aujourd’hui. Et c’est la raison même de cette proposition de loi, dont l’objet est justement d’exclure du dispositif d’accueil les petites communes de moins de 2 000 habitants, seuil qui nous paraît raisonnable.
Le Sénat devrait, en toute logique, approuver ce texte à une large majorité, puisqu’il s’inscrit dans le droit-fil des propos présidentiels.