Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la loi instituant un droit d’accueil pour les élèves des écoles maternelles et primaires, votée l’été dernier, non sans une certaine précipitation, a, depuis, et très rapidement, révélé ses faiblesses et ses lacunes.
Ce service minimum d’accueil consiste avant tout pour l’État à faire porter, une nouvelle fois, suis-je tenté de dire, sur les collectivités locales l’organisation et le coût de l’encadrement des enfants les jours de grève des enseignants. II s’agit donc manifestement d’un nouveau désengagement de l’État et d’un nouveau transfert de charges vers les collectivités locales, lesquelles n’ont bien évidemment en l’occurrence rien demandé.
On peut se poser la question : pourquoi ce service d’accueil doit-il être à la charge des communes, alors que le conflit conduisant à la grève oppose un employeur, en l’occurrence l’État, à ses propres agents, les enseignants ?
Ainsi, il nous paraît inacceptable de renvoyer aux élus locaux la responsabilité de l’État sur des acteurs étrangers au conflit ayant conduit à la grève.
Mais, au-delà même du principe, l’expérience et la pratique de cette loi ont mis en évidence une réalité : le service minimum d’accueil dans les écoles soulève indéniablement de nombreuses difficultés d’application et, avant tout, dans les toutes petites communes.
II est impossible pour un maire, et à plus forte raison en milieu rural, d’organiser l’accueil des élèves en moins de 48 heures. La tâche est d’autant moins aisée que le seuil de 25 % à partir duquel le service minimum d’accueil devient obligatoire est très vite atteint dans de nombreuses communes. C’est d’ailleurs souvent le cas dans les écoles situées en milieu rural.
Par ailleurs, la question du recrutement des personnes chargées d’encadrer les élèves demeure problématique, monsieur le ministre. Selon la circulaire du 26 août 2008, aucune qualification minimale n’est exigée alors qu’il s’agit de l’encadrement d’enfants de deux à dix ans. Cette carence de la loi est d’autant plus surprenante qu’habituellement les conditions d’accès aux professions portant sur l’accueil d’enfants sont strictement encadrées et qu’est exigée au minimum la possession du brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur, BAFA.
Cette méthode de recrutement nous semble, en conséquence, bien hasardeuse. Elle confirme que cette loi est inapplicable et fait courir des risques aux élèves.
De plus, la loi a eu pour conséquence de placer dans l’illégalité les élus qui ne pouvaient pas l’appliquer ou qui ont refusé de le faire par respect des règles de sécurité, ce qui a donné lieu à de nombreuses condamnations, très disparates selon les juridictions. La décision d’arrêter les recours devant les tribunaux administratifs contre certains maires traduit d’ailleurs une prise de conscience des aberrations de ce texte particulièrement inadapté aux petites communes.
Il n’est donc pas honnête d’incriminer systématiquement la mauvaise volonté des maires, voire d’invoquer un positionnement politique, monsieur le ministre. Chacun est en effet conscient de la difficulté que vivent les familles en cas de grève. Mais force est de reconnaître que des communes, particulièrement les plus petites, qui sont aussi les plus nombreuses, ne sont pas en mesure de fournir ce service minimum. Nous le savons tous ici.
Chacun d’entre nous mesure combien les petites communes rencontrent des difficultés pratiques pour organiser ce service minimum qui devient, à chaque annonce de grève dans le monde enseignant, un véritable casse-tête pour les maires ruraux.
La situation est d’autant plus délicate que s’est désormais diffusée dans l’opinion et, donc, chez les parents d’élèves, l’idée selon laquelle le service minimum d’accueil fonctionne, qu’il est un droit, pour ne pas dire un dû ! Et dans les communes rurales où les parents d’élèves s’organisaient habituellement avec les grands-parents, la famille ou les voisins, en un mot, avec les moyens du bord, eh bien, désormais, ils s’en remettent au service minimum d’accueil, ce qui ne fait que compliquer sa mise en œuvre par le maire.
Le président de l’Association des maires ruraux ne rappelait-il pas, à propos du service minimum d’accueil, que « rendre obligatoire ne permet pas de rendre possible ce qui ne l’est pas » ?
C’est pourquoi, mes chers collègues, faute d’abroger le service minimum d’accueil, il apparaît du moins indispensable de prendre en considération la taille des communes. Et, sur ce point, mes collègues du RDSE et moi sommes disposés à faire évoluer le seuil proposé de 2 000 habitants, à la hausse comme à la baisse.
C’est donc dans cet esprit constructif et uniquement guidé par un souci pratique, sans tenir compte d’une posture a priori, que mon groupe, le RDSE, a déposé cette proposition de loi et en souhaite l’adoption.
Je remercie mes collègues Anne-Marie Escoffier et Michel Charasse, parmi les meilleurs spécialistes des collectivités que compte notre Haute Assemblée, d’être à l’origine de ce texte aussi simple qu’attendu par les maires ruraux.
Nous ne doutons pas que cette proposition de loi, qui a reçu l’approbation de plusieurs associations d’élus locaux, connaîtra ici le seul prolongement qui s’impose, son adoption.
Mes chers collègues, parce que je sais notre Haute Assemblée à l’abri des positionnements idéologiques et parce que, dans sa grande sagesse, elle est toujours soucieuse d’améliorer les conditions pratiques d’exercice des mandats des élus locaux et des maires en particulier, toute autre issue que l’adoption de ce texte par le Sénat apparaîtrait comme incompréhensible.
Enfin, et pour conclure, je m’adresserai à mes collègues de la majorité pour leur rappeler, si cela leur avait échappé, que cette proposition de loi bénéficie du soutien du Président de la République lui-même.