Un document du MEDEF se trouve être encore une fois - ce n'est pas une surprise ! - la source de la pensée de la majorité. Des pans entiers de ce texte sont repris dans le projet de loi, tout cela enrobé dans un discours pompeux sur la protection de l'emploi et la sauvegarde des entreprises gérées par des entrepreneurs honnêtes et courageux.
C'est le rôle du MEDEF de travailler pour le compte des entrepreneurs ; on ne le blâmera pas sur ce point ! Mais le Gouvernement reprend mot à mot les propositions du MEDEF, devenant ainsi une véritable courroie de transmission.
Ce texte s'inscrit donc dans la logique de votre majorité. Il continue de casser le modèle social français. Il demande toujours plus aux salariés. Après leur avoir déjà ajouté un jour de travail non rémunéré, voilà qu'il protège à nouveau les privilégiés.
Il est évident qu'une réforme du droit de la faillite était nécessaire car, depuis dix ans, rien n'avait évolué. Il était donc important de moderniser la législation, de sorte qu'elle accompagne l'économie et ne devienne pas un carcan. Les textes doivent guider l'évolution de la vie économique.
Nous travaillons ici à la réforme d'une loi de 1985 du gouvernement Fabius, initiée par notre collègue Robert Badinter. Or cette loi et le texte qui nous est soumis aujourd'hui ne sont pas du tout de la même veine.
En 1985, il s'agissait d'instaurer une protection des entreprises confrontées à des difficultés financières, afin de conserver la structure, donc les emplois qui lui étaient attachés. Cette loi, éminemment sociale, prenait en compte le lien qui existe entre l'économie et l'emploi. C'était un texte moderne et réformateur.
Dans le projet de loi qui nous est soumis, aucune mesure ne prend en compte les emplois et les salariés. Nous sommes face à une philosophie complètement différente : il s'agit de protéger l'entrepreneur, sans considération pour ceux qu'il emploie. Certains ont tendance à oublier qu'un entrepreneur est aussi un employeur : il a des droits, mais aussi des devoirs.
La réforme du droit de la faillite ne doit pas se faire au détriment des salariés. Elle ne doit pas non plus être l'occasion d'un alignement du Gouvernement sur les désirs des patrons. Elle doit s'évertuer à présenter un équilibre afin de préserver les entreprises qui sont viables, sans conserver artificiellement des structures qui finiraient de toute façon par sombrer.
Le droit des entreprises en difficulté doit aussi permettre aux entrepreneurs qui rencontrent des problèmes de bénéficier d'une nouvelle chance, tout en sanctionnant ceux qui commettent des abus. Comme tout équilibre, celui-ci est fragile.
L'objet du droit de la faillite est aussi de sauvegarder les territoires. En effet, l'existence et la vitalité d'un territoire sont liées à l'emploi qu'il porte. Sauvegarder l'emploi, c'est sauvegarder les entreprises qui sont implantées sur un territoire, donc préserver celui-ci !
Les collectivités locales sont concernées au premier chef par la qualité du tissu économique de leur territoire. Or la fermeture d'une entreprise constitue une faiblesse dans la chaîne économique.
Tout d'abord, cette fermeture a des conséquences financières importantes pour les salariés de l'entreprise, qui sont eux-mêmes clients des autres entreprises du territoire. La baisse de leur pouvoir d'achat aura donc une répercussion sur l'ensemble de l'économie locale.
Par ailleurs, ces salariés licenciés sont aussi des utilisateurs des services publics. La fermeture d'une entreprise entraînera donc une charge plus importante pour les services sociaux, mais aussi pour les services à la personne. L'éventuel départ massif d'habitants représente en effet une perte importante d'usagers : la collectivité locale sera donc obligée de fermer des classes, des centres de loisirs, des services au public, etc.
Enfin, la fermeture d'une entreprise signifie l'arrêt du versement de la taxe professionnelle, ce qui constitue une baisse des revenus de la collectivité locale concernée.
Cela est grave et important, car il s'agit de la défense des collectivités locales, dont nous sommes ici, au Sénat, les représentants ; il s'agit de la sauvegarde de la richesse de nos territoires et du pouvoir d'achat individuel et collectif.
Mes chers collègues, l'objet du droit de la faillite doit être d'abord de sauvegarder l'emploi. Or cela ne semble pas être prioritaire dans le texte qui nous est soumis : le but politique paraît plutôt être la poursuite de la dérégulation du droit du travail, déjà largement entamée.
La seule nouveauté du texte est la création de la procédure de sauvegarde. Son but annoncé est de prévenir les difficultés d'une entreprise. Nous le savons, avec les procédures actuelles, 90% des sociétés qui déposent leur bilan sont placées en liquidation judiciaire. Afin de faire cesser cette hécatombe, le texte crée une procédure qui devra permettre aux chefs d'entreprises d'anticiper leurs difficultés. Trop souvent, ceux-ci donnent l'alerte trop tardivement, et les ennuis s'étant accumulés, plus rien n'est envisageable pour sauver la structure.
Le fond du problème, c'est que la quasi-totalité de ces entreprises en difficulté sont de très petites structures ; le chef d'entreprise est confronté à des obligations juridiques et fiscales qui, souvent, le dépassent. La taille modeste de son entreprise ne lui permet pas d'avoir un conseiller juridique au quotidien. Il cherche donc à se débrouiller tout seul, et se persuade que ses ennuis sont passagers.
L'idée est belle d'une procédure d'accompagnement du chef d'entreprise dès les premiers signes de faiblesse de sa structure. Or ce texte ne tente rien d'autre que de permettre au chef d'entreprise de licencier plus facilement et de recourir davantage à l'emprunt. Aucune mesure d'accompagnement, aucun moyen de recevoir des conseils juridiques pour faire face aux demandes de l'administration, des créanciers et des salariés !