Intervention de François Rebsamen

Réunion du 31 mars 2009 à 22h00
Loi de finances rectificative pour 2009 — Articles additionnels avant l'article 1er

Photo de François RebsamenFrançois Rebsamen :

Comme nous ne cessons de le dénoncer, le dispositif relatif aux heures supplémentaires, instauré par la loi TEPA, conduit à rendre l’embauche plus chère pour l’entreprise que le recours aux heures supplémentaires. Si l’on peut comprendre l’intérêt d’un tel dispositif en période de forte activité, on s’aperçoit qu’il freine l’embauche en période de faible activité économique et qu’il s’agit d’une véritable arme à créer des chômeurs en période de récession. Vous devez entendre ces arguments ! En outre, il y a un effet pervers : les entreprises se sont souvent arrangées pour moins embaucher et faire davantage travailler leurs salariés, sous le régime des heures supplémentaires, privant ainsi le système de cotisations sociales substantielles.

D’une façon générale, ce dispositif a des effets contradictoires. C’est un frein à l’embauche, et il s’agit d’une évidence. Quel employeur, fut-il le plus vertueux et le mieux disposé à soutenir les efforts du Gouvernement, hésiterait une seconde à faire effectuer des heures supplémentaires défiscalisées, et sans cotisations sociales, permettant d’éviter des embauches ?

Pis, ce système ouvre la porte à des effets d’aubaine. Il est ainsi plus avantageux de ne pas payer de primes au salarié et de les convertir en heures supplémentaires. Pour les salariés à temps partiel, il est encore préférable de leur payer des heures complémentaires plutôt que d’augmenter la durée de leur temps de travail prévue au contrat. Il est même plus profitable de diminuer la durée du temps de travail prévue au contrat et de transformer une partie des heures en heures complémentaires.

Ce système, tout le monde l’aura compris, va à l’encontre du besoin des salariés à temps partiel de travailler de manière durable et sûre, et je ne parle même pas de travailler plus. Il accentue la précarité ! La fraude et le bricolage qui ont résulté de ce texte ont fait surgir du néant des quantités d’heures supplémentaires, dont certaines sont purement fictives. Mais il y a eu aussi les heures supplémentaires réalisées avant de manière clandestine, que les employeurs ont eu intérêt à déclarer, tout au moins pour les bas salaires.

La majorité a manifestement compté sur le cumul de ces effets pour annoncer une hausse spectaculaire, ce qui était attendu, du temps travaillé. Mais c’était une autre époque et cela est maintenant hors de saison !

De plus, ce système a démontré son inefficacité totale non seulement en termes d’emploi, mais également en matière d’augmentation du pouvoir d’achat. Dans la période de crise que nous traversons, ce sont d’abord les Français les plus modestes, parmi eux les intérimaires et les personnes en CDD, qui sont les premiers à en faire les frais : donc, les plus précaires !

Faut-il rappeler le coût considérable que représente ce système intenable et dangereux ? Près de 4 milliards d’euros par an ! Ces milliards sont autant de moyens qui pourraient être utilisés pour soutenir l’emploi et, comme nous le pensons, le pouvoir d’achat ou, comme vous le soutenez, l’investissement. En outre, cette ingérable usine à gaz a un coût terrible pour les finances publiques et représente un manque à gagner pour la trésorerie de la sécurité sociale.

En matière de pouvoir d’achat, l’employeur a intérêt à recourir aux heures supplémentaires pour les salariés mal payés plutôt que d’augmenter les salaires. Pour les salariés mieux payés, il a intérêt à maintenir la pression, dans le flou d’un temps de travail extensible et le plus possible forfaitisé.

Ce dispositif prend donc place dans la longue liste des mesures conçues, peut-être dans une bonne intention, pour exercer une pression à la baisse sur les salaires. L’employeur a tout intérêt à ce que des heures supplémentaires, réelles ou fictives, remplacent des augmentations de salaires. Et ce sont les salariés les plus faibles qui en sont les premières victimes ! Aujourd’hui, si l’on a un travail et qu’on fait des heures supplémentaires, c’est, contrairement à ce qui est dit, pour gagner moins !

L’amendement que nous présentons ici vise donc à supprimer ce dispositif inique et inefficace, qui, quand la croissance réapparaîtra, appauvrira même la croissance en nombre d’emplois. Écoutez-nous : en cette période de crise, vous ne pouvez pas faire autrement. Pourtant, bien que nous vous le disions tous les jours, vous ne nous entendez pas. Vous attendez sans doute que le Président de la République vous l’annonce. À ce moment-là, nous serons là pour vous le rappeler !

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