Intervention de Gérard Le Cam

Réunion du 25 mai 2010 à 14h30
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Article 3

Photo de Gérard Le CamGérard Le Cam :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le monde agricole connaît une profonde crise. Les producteurs, les éleveurs, les pêcheurs ne vivent plus aujourd’hui des revenus de leur travail. Cette situation n’est pas nouvelle, mais son ampleur est sans précédent.

Face au désespoir profond de ces femmes et de ces hommes, le Président de la République n’a cessé, ces derniers mois, de dénoncer la déréglementation mondiale et européenne, de déplorer les baisses de revenus, mais, concrètement, qu’y a-t-il eu de fait ?

Lors de la présidence française, aucune action n’a été lancée pour renforcer la régulation du secteur agricole ou pour tendre vers l’établissement d’un revenu minimum européen.

Pourtant, M. Barnier avait une feuille de route prometteuse : « Promouvoir une politique alimentaire, agricole et territoriale porteuse de plus de prévention, de régulation et d’équité. »

Nous étions en droit d’attendre que le projet de loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche contienne des mesures fortes allant dans ce sens, au moins au niveau national.

Or l’article 3, relatif à la contractualisation, mesure annoncée par le Président de la République comme mesure phare du projet de loi, ne répondra absolument pas aux attentes du monde agricole. Des voix venant de tous bords semblent en douter.

Nous nous situons exactement dans la logique qu’avait fait prévaloir la loi du 4 août 2008 de modernisation de l’économie. Renforcer les formalités contractuelles ne suffit pas à changer les rapports de force déséquilibrés entre les producteurs et les distributeurs. C’est l’histoire du loup et de l’agneau qui se perpétue.

Le bilan de la réglementation issue de la loi de modernisation de l’économie a été très négatif. S’agissant de la diminution des marges arrière, les rapporteurs constatent « des méthodes de contournement que nous n’avions même pas imaginées ».

Les pressions sur les fournisseurs restent importantes, et la crainte de dénoncer ces pratiques tout aussi forte. « Nous avons rencontré certains fournisseurs à huis clos, en cachette, le soir, et ces gens nous ont demandé que leur nom ne figure pas », rapporte mon ami le député socialiste des Côtes-d’Armor, Jean Gaubert.

Notre collègue Élisabeth Lamure note que la loi de modernisation de l’économie « n’a pas permis une réelle amélioration des relations commerciales : les relations entre fournisseurs et distributeurs restent fortement déséquilibrées et de nombreux abus ont été constatés ».

Monsieur le rapporteur, vous avez sensiblement amélioré la rédaction du projet de loi, notamment en élargissant le contenu des mentions obligatoires du contrat. Cependant, en réalité, le principe d’un contrat n’est toujours pas obligatoire. En cas d’absence d’accord interprofessionnel, rien n’impose aujourd’hui et n’imposera demain aux acheteurs qui ne le souhaitent pas de passer un contrat écrit.

Quant aux volumes concernés par les contrats, le texte n’en dit pas un mot, tandis que le recours aux importations tactiques et abusives n’est en rien entravé.

Enfin, si rien n’est fait pour réguler le secteur et pour endiguer les spéculations, la contractualisation prévue par l’article 3 ne suffira pas à garantir un prix rémunérateur aux vendeurs que sont les agriculteurs et les pêcheurs.

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