Intervention de Jacques Muller

Réunion du 25 mai 2010 à 14h30
Modernisation de l'agriculture et de la pêche — Article 3

Photo de Jacques MullerJacques Muller :

Mon propos portera sur ce titre II qui fait du renforcement de la compétitivité de l’agriculture française une priorité. C’est le cœur du projet de loi que nous analysons aujourd’hui, comme l’a rappelé M. le ministre.

Je développerai mon propos en trois temps. Avant cela, je souhaiterais vous faire part de mon étonnement à l’égard du caractère prioritaire donné à cet objectif. Cela fleure bon les lois de 1960 et 1962, dont le propos était identique : augmenter la productivité de l’agriculture française pour la rendre compétitive.

Pour ma part, je considère que c’est là une approche court-termiste. Si elle répond à certaines interrogations des agriculteurs confrontés à la crise, cette orientation me paraît décalée. En effet, en un demi-siècle, notre agriculture a profondément changé. Elle s’est intensifiée, spécialisée et insérée dans la division internationale du travail.

Les systèmes de production agricole dits de polyculture élevage ont pour ainsi dire disparu. La ferme France, au lieu d’utiliser l’azote tiré de l’exploitation même, se fournit auprès du secteur agrochimique, très consommateur de pétrole.

L’agriculture s’est également spécialisée et intensifiée. Nous utilisons désormais des semences à très haut rendement, et donc des variétés plus fragiles nécessitant plus d’intrants, notamment de pesticides. Cela engendre une dépendance plus préoccupante à l’égard du pétrole. Nos élevages ont également vu leur modèle évoluer, puisque nous importons de plus en plus de protéines.

Ainsi, la priorité doit être donnée de façon similaire à d’autres objectifs.

La souveraineté alimentaire doit devenir un objectif gouvernemental, comme je l’ai évoqué la semaine passée. Une indépendance politique durable exige la maîtrise réelle du système de production alimentaire. Or, le système agricole français est devenu très dépendant à l’égard des importations de pétrole et de protéines.

Le deuxième objectif a trait à l’environnement. La forte consommation de pétrole à l’origine de notre dépendance provoque également certains dégâts environnementaux, notamment des émissions de gaz à effet de serre.

Accroître l’autonomie des systèmes de production agricole me paraît primordial. C’était d’ailleurs l’une des orientations du Grenelle de l’environnement.

Je regrette que ces orientations aient été balayées la semaine dernière par un vote bloqué, puisqu’il faut bien l’appeler ainsi…. Cette loi de modernisation de l’agriculture devait être pour nous l’occasion de prendre plus de hauteur et de tracer de nouvelles perspectives, qui puissent être reprises au niveau européen.

Le troisième objectif, qui fait sérieusement défaut ici, concerne l’enrichissement de l’activité agricole en emplois. Nous, élus locaux, observons l’apparition de nouvelles formes d’exploitation agricole, de taille modeste, créant de la valeur ajoutée par une transformation fonctionnant en circuit court. Or aujourd’hui, du fait des normes législatives et réglementaires, les personnes développant ces systèmes de production ne sont pas reconnues comme agriculteurs. Il serait pertinent d’y remédier.

J’admets que toutes ces orientations pourraient relever de l’Union européenne. Je rappellerai toutefois qu’en 1957 nous avons mis en place le dispositif de soutien au prix des céréales sans nous poser de question, en le proposant également à l’Europe.

Aujourd’hui, la France doit, de la même manière, définir ses propres orientations et les soumettre à l’Union européenne, car c’est évidemment à ce niveau-là qu’elles prendront tout leur effet.

Certes, les dispositions relatives à la contractualisation vont dans le bon sens, …

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