Intervention de François Fortassin

Réunion du 27 mai 2010 à 9h30
Tarif réglementé d'électricité — Adoption définitive d'une proposition de loi en deuxième lecture

Photo de François FortassinFrançois Fortassin :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, conformément à la réglementation européenne, notre pays a, depuis dix ans, procédé par étapes à l’ouverture à la concurrence des marchés de l’électricité et du gaz naturel.

Limitée dans les premiers temps aux plus gros consommateurs, cette libéralisation a conduit à adapter notre cadre législatif afin de clarifier les conditions dans lesquelles les clients éligibles, c’est-à-dire autorisés à faire le choix de la concurrence, pouvaient conserver le bénéfice des tarifs réglementés.

Aujourd’hui, il est indéniable que nous sommes dans un encadrement européen extrêmement contraignant.

Globalement, la mise en œuvre des directives concernant l’énergie suscite quelques effets négatifs. On a considéré que l’énergie était un bien comme les autres, alors qu’elle ne peut être légitimement comparée à aucun autre produit, quel qu’il soit. Tous ceux qui s’intéressent attentivement à ces questions le savent depuis bien longtemps. Un jour ou l’autre, il faudra bien remettre en cause l’organisation de ce marché.

Le seul message qui nous soit adressé est que la politique européenne énergétique est fondée sur le recours aux mécanismes – prétendument régulateurs – du marché. Alors que disparaissaient certains opérateurs publics et qu’arrivaient sur le marché de nouveaux opérateurs, nous savons que cette politique a entraîné des augmentations des tarifs de l’énergie à travers tout le continent.

S’agissant de l’électricité, la totalité du marché français est ouvert à la concurrence depuis le 1er juillet 2007. Or, près de trois ans après cette libéralisation totale, la plupart des consommateurs domestiques ont choisi de rester fidèles aux tarifs réglementés. De même, la répartition des ventes entre les tarifs réglementés et le marché évolue très lentement. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 94 % des utilisateurs domestiques sont restés au tarif réglementé, tandis que 1 % ont accédé à l’offre de marché d’un fournisseur historique et seulement 5 % à l’offre de marché d’un fournisseur alternatif.

Tandis que l’immense majorité des ménages est demeurée fidèle au tarif réglementé d’électricité, ce sont surtout les grands sites industriels qui ont su faire jouer la concurrence pour passer aux offres de marché.

L’ouverture à la concurrence est donc restée purement théorique.

Cette prédominance des tarifs réglementés a trois causes principales.

Il s’agit premièrement de la notoriété d’EDF qui, par le choix du nucléaire, a renforcé sa capacité à produire une énergie à un coût relativement acceptable et sans émission de gaz à effet de serre.

Le fait qu’EDF ait pendant très longtemps entretenu les réseaux d’une façon très satisfaisante n’y est pas étranger. À cet égard, on peut déplorer aujourd'hui quelques dérives…

Deuxièmement, je citerai le caractère modéré des tarifications et, troisièmement, la crainte de subir des hausses de tarifs non maîtrisées.

Toutefois, la plus grande confusion règne dans l’esprit de nos concitoyens quant au rôle respectif des différents acteurs et aux mécanismes existants ; il est donc nécessaire, nous semble-t-il, d’engager une action pédagogique forte pour mieux les informer sur l’ouverture des marchés et sur les implications du changement de fournisseur.

Il est même urgent de simplifier le système, car la France est le seul pays où les conditions de réversibilité sont aussi restrictives et complexes.

Que constatons-nous ?

À la complexité des systèmes énergétiques, il faut ajouter le désengagement d’EDF et de GDF de nos territoires. C’est peut-être le problème majeur car, dès lors qu’un certain nombre d’agents ne sont plus déployés, la méconnaissance du terrain s’installe, et les élus ruraux savent combien elle est pénalisante. Il faut voir aussi que les centres de décision sont éloignés ; les interlocuteurs de proximité manquent et les clients sont renvoyés à des numéros de téléphone qui les obligent à appuyer sur une douzaine de touches avant d’obtenir un interlocuteur, et encore, s’ils ont la chance d’être mis en relation dans la journée… Sinon, c’est remis au lendemain !

De même, les litiges liés à des facturations peu lisibles mais surtout très fantaisistes sont de plus en plus nombreux, et les opérateurs ont tendance à se défausser de leurs responsabilités sur l’informatique, qui a souvent bon dos !

Dans ces conditions, le nombre de saisines du médiateur national de l’énergie a explosé. Le texte que nous examinons aujourd’hui a au moins le mérite de nous donner l’occasion de le rappeler.

Par ailleurs, la part des dépenses d’énergie ne cesse de croître dans le budget des ménages et peut dépasser 15 % pour les ménages les plus modestes, ce qui pose la question de la capacité politique du Gouvernement à agir sur les tarifs réglementés. Il ne saurait y avoir de démission politique en matière tarifaire, sinon c’est le pouvoir d’achat de nos concitoyens qui serait de plus en plus pénalisé, ne l’oublions jamais !

La présente proposition de loi, composée d’un article unique, a pour objet d’autoriser les petits consommateurs d’électricité et de gaz à accéder ou à retourner aux tarifs réglementés sans condition de date butoir. Elle est à la fois consensuelle et pragmatique, deux adjectifs qui la résument le mieux. Il était en effet nécessaire de combler le vide juridique auquel auraient été bientôt confrontés les consommateurs, petits ou gros, et de prolonger de façon pragmatique le TaRTAM.

En réalité, la proposition de loi est un dispositif transitoire – certains pourraient le qualifier de « replâtrage » - en préambule à une nouvelle organisation du marché de l’électricité.

Les consommateurs pouvaient choisir de quitter l’opérateur historique ; désormais, ils pourront choisir de revenir sur le marché réglementé. Il s’agit en fait d’une sorte de régulation qui, sur proposition de notre assemblée en première lecture, sera élargie au gaz naturel. Je tiens à cet égard à rendre hommage à notre rapporteur, car c’est un élément d’une très grande importance.

Considérant que l’électricité et le gaz sont des produits de première nécessité et non des produits comme les autres, nous estimons que la proposition de loi est un signe clair envoyé au Gouvernement afin de l’alerter sur les conséquences néfastes de la libéralisation du marché de l’énergie, surtout lorsqu’il s’agit de la fourniture d’un bien de consommation essentiel.

Cette proposition de loi semble répondre aux attentes immédiates des consommateurs finals, quels qu’ils soient, qui gardent leur liberté de choix. C'est la raison pour laquelle le groupe du RDSE, notamment les Radicaux de gauche, votera ce texte à l’unanimité.

Avant de quitter la tribune, madame la secrétaire d'État, je voudrais vous faire part de mon souhait d’une mise à plat prochaine de tous les problèmes énergétiques. En tant que président d’un syndicat départemental d’électricité, je suis presque quotidiennement confronté à la méconnaissance de nos concitoyens concernant le panel énergétique : on entend de tout, des propos sincères mais non fondés, et souvent aussi des propos beaucoup plus discutables. Notre Haute Assemblée et le Gouvernement s’honoreraient d’engager cette nécessaire remise à plat.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion