Cependant, le Gouvernement n’est pas hostile à la formule proposée par la commission des lois, qui tend à fixer la date limite de la première élection des assemblées de Guyane et de Martinique « au plus tard en mars 2014 » et qui préserve ainsi toutes les possibilités.
En revanche, dans cet esprit, il ne peut être question de conditionner le choix de cette date à la publication des ordonnances prévues à l’article 10, puisque ces dernières constituent une faculté pour le Gouvernement et ne sont en rien une obligation s’imposant à lui. J’ai donc déposé un amendement en vue de disjoindre la prise de ces ordonnances de l’échéance électorale qui sera à l’origine de la création effective des deux collectivités.
Dans tous les cas, j’adhère à la proposition de votre commission de revenir au calendrier électoral de droit commun dès 2020. C’est un souhait largement partagé par les élus guyanais et martiniquais.
Je voudrais maintenant évoquer les conditions de mise en œuvre du pouvoir de substitution du préfet, qui sont prévues à l’article 9 du projet de loi ordinaire. Je sais que ces dispositions n’emportent pas spontanément l’adhésion. Pourtant, elles sont nécessaires pour assurer la continuité de l’action publique dans certains cas, et spécifiquement en outre-mer.
Afin de couper court à l’idée d’un retour possible à la centralisation du pouvoir, je voudrais rappeler simplement de quoi il s’agit.
Lorsqu’une collectivité néglige de prendre ou de faire prendre par l’un de ses établissements publics les mesures relevant de ses compétences et nécessaires à la sauvegarde de la santé publique, de la sécurité publique ou de l’environnement, ou au respect par la France de ses engagements européens ou internationaux, le représentant de l’État pourra, après mise en demeure restée sans effet, prendre en lieu et place de cette collectivité toute mesure appelée par l’urgence.
Certains voient là une atteinte à la libre administration des collectivités territoriales. Il n’en est rien, puisqu’il s’agit de créer un mécanisme à la fois dissuasif et incitatif.
Qui peut contester aujourd’hui que, dans plusieurs domaines primordiaux, comme les déchets et l’assainissement, par exemple, les DOM connaissent un retard structurel important par rapport à la métropole ? Qui peut nier que, dans ces matières, les risques de contentieux européens sont très élevés, alors même que les collectivités rencontrent d’importantes difficultés à mettre en œuvre des projets ? Pour ma part, je suis convaincue que la perspective d’un déclenchement de ce pouvoir de substitution peut accélérer la conclusion des partenariats locaux guidés par le seul intérêt général.
En cas d’échec, l’intervention du préfet permettra à l’État d’engager les actions les plus nécessaires et les plus urgentes, comme c’est le cas dans d’autres hypothèses où l’intervention du représentant de l’État, en cas de carence de l’autorité territoriale, est déjà prévue, notamment par le code général des collectivités territoriales ou le code de la santé.
Le projet du Gouvernement prévoit un mécanisme de « riposte graduée » que le Conseil d’État, dans son avis du 20 janvier dernier, a relevé puisqu’il est convenu que cette intervention était encadrée précisément et que, au regard de ses finalités d’intérêt général et des limites dont elle est assortie, elle n’était pas contraire au principe de libre administration.
Enfin, il est indéniable que l’exercice ponctuel par le représentant de l’État de compétences relevant de collectivités qui ont été défaillantes constitue une contrepartie indispensable à la plus grande concentration des pouvoirs qui caractérisera l’exécutif de la collectivité unique. S’il me paraît difficile de se passer de cette possibilité réclamée par de très nombreux ultramarins, je suis néanmoins prête à examiner les modalités de sa mise en œuvre.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l’avez bien compris, la « matière » institutionnelle que nous évoquons ce matin est, par nature, malléable. Nous vous proposons à travers plusieurs des évolutions envisagées de ne pas trop nous éloigner des repères habituels du code général des collectivités territoriales tout en créant une collectivité unique innovante sur bien des points.
Grâce à la contribution tant des uns et des autres que de votre commission, je souhaite fixer pour les années à venir un cadre institutionnel opérationnel qui permette à la démocratie locale de bien fonctionner en Martinique et en Guyane, et qui facilite la transition, voire, je l’espère, le développement économique et social de ces deux territoires dans les meilleures conditions.