Madame la ministre, les 10 et 24 janvier 2010 ne doivent pas être vécus uniquement comme des victoires électorales.
En choisissant, à une large majorité, de demeurer dans le droit commun de l’article 73 de la Constitution et en optant pour la mise en place d’une collectivité unique, les Guyanais ont voulu vous adresser un double message : certes, le maintien dans l’article 73, mais aussi le refus d’un statu quo qui reconduirait un système de région monodépartementale unanimement décrié pour « ses enchevêtrements de compétences préjudiciables », pour reprendre les termes de votre étude d’impact.
Dès lors, la collectivité unique devait permettre de rationaliser et de rendre plus efficace l’action publique locale à une Guyane qui en a grandement besoin tant sont mauvais ses chiffres et indicateurs, et ce dans tous les domaines – santé, éducation, chômage, logement...
Ainsi était-on en droit d’espérer que la collectivité unique, par son côté novateur et correcteur, serait un instrument plus performant, qui apporterait plus de consistance au développement économique, social et culturel de la Guyane.
Trouve-t-on dans les deux textes qui nous sont proposés aujourd’hui les éléments qui apportent des réponses à notre légitime attente, même si le titre du rapport d’information des sénateurs Cointat et Frimat « Guyane, Martinique, Guadeloupe : L’évolution institutionnelle, une opportunité, pas une solution miracle » est déjà fortement évocateur ?
Il existe, certes, de réelles avancées dans ces projets de loi. Certaines ont d’ailleurs été introduites par la commission des lois. Je profite de cette occasion pour saluer le travail qu’elle a réalisé, tant sur les textes qu’au travers des déplacements sur le terrain. Et je suis bien placé pour en parler pour avoir accompagné ses représentants dans tous les coins et recoins de Guyane, en avion, en voiture et en pirogue !
Ces textes comportent, certes, des avancées. C’est le cas, notamment, sur le régime des habilitations. À la prolongation prévue par le projet initial jusqu’à la fin du mandat de l’Assemblée qui en fait la demande, la commission des lois a ajouté une possibilité de prorogation de droit de deux ans après le renouvellement de l’Assemblée et adopté plusieurs dispositions de nature à éviter un contrôle d’opportunité de la part du Gouvernement. Permettez-moi de noter que l’on est tout de même loin d’un nouveau statut apparenté à l’article 74, comme certains n’hésitent pas à l’évoquer !
Une autre avancée importante est la garantie d’une représentation équilibrée du territoire à l’Assemblée de Guyane, avec un découpage des sections et une affectation des sièges dans chaque section, qui devront tenir compte des caractéristiques du territoire : son étendue, son éclatement, voire sa diversité.
Il faut aussi retenir la préservation de la dimension culturelle dans la fusion des deux conseils exécutifs locaux, par la création, au sein du Conseil économique, social environnemental et culturel de la Guyane, de deux sections, l’une « économique et sociale », et l’autre « culture, éducation et environnement ».
De même peuvent être considérées comme des avancées l’introduction dans la loi du comité consultatif des populations amérindiennes et bushinengué, la conservation et la rénovation du Congrès des élus dans les futures collectivités uniques, avec l’adjonction de l’ensemble des maires, même avec voix consultative, la création du centre territorial de promotion de la santé et le conseil territorial de l’habitat. La santé et l’habitat sont en effet deux secteurs en panne en Guyane, qui devient de plus en plus un désert médical. Plus de 13 000 personnes sont en attente d’un logement pour un parc de 11 000 logements totalement occupés.
Certaines dispositions méritent cependant d’être encore revues. Je veux parler de celles sur lesquelles la commission des lois n’a finalement pas tranché, alors qu’elle avait semblé prendre acte de la justesse des demandes locales. Il s’agit du pouvoir de substitution et du calendrier électoral.
Sur ces deux points, il y a pourtant unanimité des deux collectivités de Guyane, tant pour la suppression de ce pouvoir de substitution au « fort relent colonialiste » que pour la fixation de la date des élections en mars 2014. Aussi, les positions arrêtées dans le texte – encadrement, mais maintien du pouvoir de substitution, en définitive, et la formule retenue pour la date de l’élection « au plus tard 2014 » – ne nous satisfont guère !
Beaucoup plus surprenant est le silence embarrassant affiché par la commission des lois sur mes amendements d’ordre financier.