Intervention de Georges Patient

Réunion du 12 mai 2011 à 9h30
Collectivités régies par l'article 73 de la constitution et collectivités de guyane et de martinique — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi organique et d'un projet de loi dans les textes de la commission

Photo de Georges PatientGeorges Patient :

Est également troublant, madame la ministre, votre refus persistant de ne pas nous rétablir dans nos droits financiers, alors que vous connaissez parfaitement la difficile situation financière des collectivités locales de Guyane.

En effet, dans votre propre étude d’impact, on peut lire que « le conseil régional de Guyane connaît une situation financière fragilisée par un endettement préoccupant, une pression fiscale relativement élevée » et que « les indicateurs se sont même dégradés en 2009 ». La situation est identique pour le conseil général, qui, selon ce même document, « se maintient dans un équilibre précaire avec un taux d’épargne faible et des marges de manœuvre étroites du fait d’une fiscalité déjà élevée ».

Madame la ministre, comment peut-on s’attendre à un fonctionnement optimal pour une collectivité qui démarrera avec un tel handicap ?

Vous évoquez le droit commun pour justifier le fait que les compétences des deux collectivités étant regroupées et conservées à l’identique, elles continueront à percevoir strictement les mêmes produits des impôts locaux et des taxes et les mêmes dotations de l’État. Cela explique que vous n’ayez pas retenu la proposition des élus de Guyane d’instaurer une « dotation spécifique d’accompagnement » pour compenser les frais généraux engendrés par la fusion.

Vous présentez cette fusion comme un véritable gisement d’économies qui permettra de dégager de nouvelles marges de manœuvre financières. Néanmoins, l’expérience de transferts intervenus dans le cadre du développement des structures intercommunales ou, plus récemment, dans le prolongement des différents transferts de l’État vers les départements et régions démontre l’existence d’un certain nombre d’effets qui, s’ils se traduisent souvent par une amélioration qualitative du niveau de service public, se soldent financièrement par une progression des dépenses, du moins au cours des premières années. D’ailleurs, l’étude d’impact réalisée par le Gouvernement ne l’exclut pas puisqu’elle indique que des « conséquences financières préalables sont à prévoir ».

Madame la ministre, vous mettez constamment en avant le droit commun de l’article 73 de la Constitution. Vous avez tout à fait raison, car les Guyanais ont largement choisi de demeurer dans ce cadre. Toutefois, ce rappel constant au droit commun doit l’être également quand nous réclamons une juste évaluation des recettes de nos collectivités locales, minorées de manière dérogatoire et par la loi pour la seule Guyane.

Au risque de me répéter inlassablement dans cet hémicycle, je citerai de nouveau le foncier domanial non exploité, non constaté qui n’est pas évalué et qui permet à l’État, dans le seul département de la Guyane, d’échapper à la taxe sur le foncier non bâti sur l’ensemble de son domaine privé.

Je reviendrai également sur la dotation globale de fonctionnement plafonnée dans sa part superficiaire pour le seul département de la Guyane, alors que des communes de montagne de France métropolitaine bénéficient au contraire d’une majoration de quelque cinq euros par hectare. De même, elle est minorée pour les communes aurifères, la dangerosité de ces territoires empêchant de procéder à des décomptes de population exhaustifs.

Ainsi, sur 9 000 habitants, ma propre commune en a « perdu » entre 1 500 et 2 000 au dernier recensement, les agents de l’INSEE n’ayant pu accéder à une grande partie du territoire à cause des garimpeiros. Il s’agit donc d’une zone de non-droit à forte densité, dont les habitants n’ont pu être dénombrés, ce qui entraîne un grave préjudice financier.

Je pense encore au prélèvement de 27 millions d’euros sur l’octroi de mer des communes qui est effectué de manière unilatérale, sans compensation et, là aussi, uniquement pour la Guyane, par le représentant de l’État depuis 1974 et introduit dans la loi en 2004. Madame la ministre, songez que, si cette somme était rétrocédée aux communes, Saint-Laurent-du-Maroni et Roura, qui sont financièrement en péril, pourraient obtenir un prêt de restructuration et voir ainsi leur situation s’assainir.

Ces régimes dérogatoires, qui frappent uniquement la Guyane, ne favorisent aucunement l’égalité entre les collectivités territoriales et amplifient même les inégalités. La mise en place de la collectivité unique de Guyane, dans le cadre de l’article 73 de la Constitution, paraissait une opportunité permettant de ne pas laisser perdurer des dispositifs injustes et contraires à l’article 72–2 de la Constitution. Il serait d’ailleurs intéressant de connaître l’avis du Conseil constitutionnel sur ces différents points, voire de déposer une question prioritaire de constitutionnalité sur le sujet.

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