Intervention de Lucette Michaux-Chevry

Réunion du 12 mai 2011 à 9h30
Collectivités régies par l'article 73 de la constitution et collectivités de guyane et de martinique — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi organique et d'un projet de loi dans les textes de la commission

Photo de Lucette Michaux-ChevryLucette Michaux-Chevry :

La France, de la période coloniale à la grande réforme de la décentralisation entreprise en 1982, en passant par la départementalisation de 1946, a mené une politique généreuse de rattrapage en outre-mer, même si l’on peut la considérer insuffisante. Malgré son souci de préserver l’unité nationale et l’égalité de tous les Français, elle a confondu unité et uniformité.

La métropole, ce n’est pas la « France du large », qui se compose de territoires qui sont notre cadre de vie. Pourtant, le général de Gaulle avait fait reconnaître, dans la Constitution de la Ve République, la nécessité de prendre en compte les particularismes de l’outre-mer. Si la départementalisation a amené l’égalité sociale, la décentralisation a permis un pas en avant pour reconnaître nos spécificités. Néanmoins, l’esprit de ces réformes a toujours été de calquer systématiquement des décisions métropolitaines, pensées sur des espaces donnés, pour les appliquer dans le monde entier, de l’océan atlantique à l’océan pacifique, sur des territoires exigus qui se trouvent sous des latitudes différentes.

Ce ne sont pas les incidents de 2009 qui ont créé ce besoin de changement. Celui-ci remonte à l’époque où l’Angleterre a permis aux îles de la Caraïbe d’accéder à l’indépendance. Des intellectuels de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Guyane ont alors considéré que, peut-être, était venu le temps de s’exprimer, de parler au nom de leur pays. Cela a déclenché un climat de violence, qui culmina notamment avec un décret d’avril 1960 imposant aux Domiens des contrôles systématiques pour les empêcher de rentrer sur le territoire en raison de leurs opinions politiques.

Le Gouvernement a alors présenté en 1982 une loi qui fusionnait département et région. Le Conseil constitutionnel ayant annulé ce texte, une loi de 1983 créa les régions monodépartementales outre-mer et nous fûmes les premiers à expérimenter le fait régional. Le droit commun a alors été écarté. Il s’agissait d’un véritable choix politique, qui consistait à accorder les compétences des départements à la région. Les pressions n’ont pas cessé pour autant.

De nombreux élus de Guadeloupe, de Martinique, de Guyane ont voulu alors instaurer un vrai dialogue entre ces trois territoires. Il était inadmissible, mes chers collègues, de ne pas entretenir de contacts directs entre nous. Il était totalement anormal qu’un billet d’avion entre Cayenne et Pointe-à-Pitre soit plus cher qu’un billet entre Pointe-à-Pitre et Paris. Mais la volonté de la métropole a toujours été d’accrocher systématiquement l’outre-mer à la nation française.

Trois forces politiques d’origine différente, il est important de le souligner, ont décidé de réformer cela : l’exécutif de Guyane, affilié au parti socialiste, le nationalisme martiniquais et la droite guadeloupéenne. Il faut du courage en politique ! Nous n’avons pas fait un texte sur le développement économique – ce n’est pas ce qui manque –, mais nous avons élaboré ensemble un texte de responsabilité dans la gestion de nos territoires, affirmant que nous voulions penser et agir par nous-mêmes, dans la cadre de la République française.

Il n’était pas facile, pour des gens partisans de l’indépendance de la Guadeloupe, de se trouver autour d’une table pour rappeler le respect de la nation française. Nous sommes allés très loin, sous l’impulsion d’Alain Juppé, alors ministre des affaires étrangères, à qui je tiens à rendre hommage, puisque nous avons créé l’Association des États de la Caraïbe, validée par le Parlement.

La France ignorait alors tout du fonctionnement du Caricom. Savez-vous que la France a donné à l’Europe le soin de parler au nom de l’outre-mer, dans des structures intergouvernementales de la Caraïbe qui prennent des décisions ayant des conséquences pour nous.

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