Intervention de Serge Larcher

Réunion du 12 mai 2011 à 9h30
Collectivités régies par l'article 73 de la constitution et collectivités de guyane et de martinique — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi organique et d'un projet de loi dans les textes de la commission

Photo de Serge LarcherSerge Larcher :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, en ce 12 mai 2011, nous débattons du projet de loi visant à créer une collectivité de Guyane et une collectivité de Martinique, ayant vocation à se substituer au conseil général et au conseil régional de chacun de ces territoires. Concomitamment, nous examinons le projet de loi organique portant diverses mesures de nature organique relatives aux collectivités régies par l’article 73 de la Constitution.

Ces textes font suite aux consultations de la population qui ont eu lieu en Guyane et en Martinique les 10 et 24 janvier 2010. À cette occasion, les citoyens se sont prononcés pour que la région et le département fusionnent dans une collectivité unique régie par l’article 73 de la Constitution.

Un an et demi après ces consultations, je me réjouis que ces textes arrivent enfin devant notre assemblée. Je me réjouis aussi de la capacité d’écoute de nos deux collègues qui se sont rendus en Martinique et en Guyane : Christian Cointat et Bernard Frimat. Je me réjouis enfin de la très grande qualité du travail réalisé par la commission des lois du Sénat. Non seulement les textes que nous examinons sont plus équilibrés et plus lisibles que ne l’étaient les projets du Gouvernement, mais, surtout, ils sont bien plus respectueux des choix de la population et des élus de la Martinique et de la Guyane.

Singulièrement, j’évoquerai aujourd’hui essentiellement la Martinique.

Dans les mois qui ont suivi la consultation a été formée une commission ad hoc composée, à parité, d’élus du conseil général et du conseil régional. Cette commission était chargée de conduire une réflexion quant à l’architecture générale de la future collectivité de Martinique.

Un accord a été trouvé sur de nombreux points : le nom de la collectivité, la gouvernance avec une assemblée et un collège exécutif, le nombre de conseillers, un conseil consultatif unique, le principe du mode de scrutin à la proportionnelle.

Qu’en est-il des divergences ? Le débat restait ouvert sur quelques points, notamment les questions de l’amélioration du dispositif des habilitations et de la date de mise en place de cette nouvelle collectivité.

Or, sur ces deux questions essentielles, force est de constater que, dans son projet, le Gouvernement prenait le contre-pied de la majorité des élus martiniquais. La commission des lois du Sénat a très largement amélioré le dispositif.

Commençons par les habilitations.

Le texte de la commission apporte deux améliorations notables par rapport à celui du Gouvernement.

D’une part, il institue un garde-fou en créant des contraintes de transmission et de délais pour le Premier ministre, alors que, dans sa forme actuelle, l’étude des habilitations relève quasiment d’un pouvoir discrétionnaire de l’État.

D’autre part, non seulement la durée des habilitations est étendue à celle de la mandature de la collectivité, mais elle peut même être prolongée pour deux ans après les renouvellements électoraux.

Examinons maintenant la question de la date de mise en place de cette nouvelle collectivité.

Créer une collectivité nouvelle issue de la fusion des deux grandes collectivités nécessite un travail à la fois colossal et de précision.

S’agissant notamment des ressources humaines, il convient que nul ne soit « laissé sur le carreau », ni affecté à un poste ne correspondant pas à son statut et à ses compétences.

Les créations d’établissements publics nouveaux, tels que les communautés d’agglomération, ont nécessité des années de travail. Comment pourrait-il en être autrement lorsqu’il s’agit de faire du nouveau en intégrant ce qui existe ?

En vérité, pour y parvenir en 2014, il faudra travailler à un rythme soutenu. Tenter 2012, comme le prévoyait le texte initial, c’est, je suis désolé, prendre le risque de l’échec.

Le projet revisité porte désormais la date butoir au mois de mars 2014, ce qui est à la fois réaliste, raisonnable et conforme au souhait de la majorité des élus de la Martinique.

In fine, tout concourt à choisir 2014 : le bon sens, qui est, dit-on, la chose du monde la mieux partagée, le sens des réalités et la volonté de tous mes collègues, je crois, et de bien d’autres de créer les meilleures conditions de succès de ces nouvelles collectivités.

Le texte que nous examinons est donc de qualité. Pour autant, il peut encore être amélioré. À cet égard, je présenterai des amendements et je me suis aussi associé à de nombreux amendements sur lesquels je reviendrai en cours de discussion.

Sans trop entrer dans les détails, je souhaite évoquer ici certains points qui me tiennent particulièrement à cœur.

Le premier est l’organe consultatif de la collectivité.

Le projet de loi relatif à la collectivité unique de Martinique opère un alignement du Conseil économique, social et environnemental de Martinique sur le droit commun. Cet alignement a pour conséquence la suppression du Conseil de la culture, de l’éducation et de l’environnement, CCEE. La création du CCEE en tant qu’institution spécifique aux régions d’outre-mer par la loi du 31 décembre 1982 était motivée par la volonté politique de prendre en compte la spécificité culturelle des départements d’outre-mer. Il convient donc de ne pas faire disparaître cette spécificité, d’autant que le conseil consultatif unique a vocation, selon l’article L. 7226–4, à se substituer aux deux conseils actuels pour l’application des dispositions relatives aux régions d’outre-mer, lesquelles comportent des dispositions impliquant des demandes d’avis en matière d’éducation, de culture et d’audiovisuel.

Par ailleurs, quand on connaît la place qu’occupe le sport dans la vie économique et sociale de notre île, il me semble indispensable que cette mission soit également identifiée en tant que telle parmi les champs d’étude de l’organe consultatif.

Permettez-moi d’ouvrir une parenthèse, madame la ministre, pour ajouter que les récents et scandaleux débordements au sein de la Fédération française de football ne font que consolider ma conviction quant à la nécessité que le sport devienne un objet de débat de la société dans son ensemble, et pas seulement une affaire de sportifs... Je referme la parenthèse.

J’en viens au deuxième point qui, à mes yeux, doit être amélioré : le texte ne confère pas à l’assemblée la possibilité de créer un bureau ; cela nous paraît regrettable à plusieurs titres.

En effet, l’existence d’un conseil exécutif distinct de l’assemblée n’empêche pas d’instaurer au sein même de celle-ci un bureau, un peu à l’instar de ce qui existe pour les communes.

Composé du président de l’assemblée et des quatre vice-présidents, ce bureau, qui n’aurait bien entendu aucun pouvoir exécutif, serait chargé d’aider son président à organiser les travaux non seulement de ladite assemblée, mais également des commissions sectorielles. Ainsi, occasionnellement, certains élus chargés de suivre des dossiers particuliers, assistés éventuellement du directeur général des services, pourraient être conviés à participer aux réunions du bureau, afin d’exposer les donnés des problèmes qu’ils auraient à traiter.

Enfin, doté de crédits budgétaires de fonctionnement, ce bureau, dont la fréquence des réunions pourrait être fixée par le règlement intérieur de l’assemblée, aurait également pour mission d’établir un bilan périodique des séances plénières.

En définitive, il symboliserait la volonté du président de l’assemblée et de son équipe de travailler en profondeur sur tous les sujets sur lesquels cette dernière est appelée à délibérer.

Ce rôle ne peut en aucun cas être rempli par le conseil exécutif, celui-ci étant strictement séparé de l’assemblée et chacun de ces organes ayant son propre président.

Par ailleurs, il me semble indispensable d’évoquer dès maintenant la nécessité de prévoir des mesures d’exécution des délibérations de l’assemblée.

Le choix de la mise en place d’un conseil exécutif distinct de l’assemblée se justifie par l’application du principe de la séparation des pouvoirs. Cette séparation paraît logique dès l’instant où l’assemblée délibérante peut être habilitée à adopter des règles applicables sur le territoire de la collectivité « dans un nombre limité de matières pouvant relever du domaine de la loi », comme le prévoit l’alinéa 3 de l’article 73 de la Constitution. Dès lors, des mesures d’exécution des délibérations de l’assemblée sont nécessaires.

Il convient donc de doter le président du conseil exécutif de la possibilité de prendre en conseil exécutif lesdites mesures.

Je me dois en cet instant de soulever la question, évoquée par mon collègue Georges Patient, des moyens à allouer à cette future collectivité.

La création d’une collectivité unique en Martinique doit être une réussite. Cela va sans dire, il faut que l’État lui attribue, de manière exceptionnelle, une dotation spéciale, dont le montant reste à définir, de mise en place ou d’instauration.

En effet, je ne voudrais pas que le financement de l’instauration de cette collectivité unique soit issu des budgets des conseils régional et général de Martinique. Je rappelle que ces deux collectivités n’ont aucune compétence légale en la matière.

Enfin, je souhaiterais que l’État, à l’instar de l’Union européenne, reconnaisse davantage nos contraintes en matière de développement économique, contraintes qui sont notamment liées à notre éloignement par rapport à la métropole, à notre géographie, à notre insularité et à notre exposition particulière aux risques majeurs. À cet égard, il me semble opportun que l’on réfléchisse d’ores et déjà à la création d’une dotation spécifique de développement économique qui prendrait en compte nos spécificités et nos contraintes ; j’y reviendrai en temps utile.

Sur l’ensemble de ces questions, la qualité des travaux qui seront réalisés au sein de la commission tripartite prévue à l’article 10 du titre IV du projet de loi sera déterminante. Aussi, il me semble indispensable que tous les membres de ladite commission y siègent dans un esprit d’efficacité et avec la préoccupation constante de mettre en place les leviers d’un véritable développement.

Singulièrement, et sans faire de procès d’intention à quiconque, j’espère que les représentants de l’État y seront missionnés avec l’ordre de se servir de leur imagination plutôt que de leur calculatrice !

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