Si les débats institutionnels ont leur qualité, ils ont aussi leurs limites. Nous abordons aujourd’hui un texte important, dans la mesure où, s’il est adopté, il donnera naissance à des collectivités uniques. Nous pouvons cependant regretter son élaboration quelque peu chaotique. Nous avons en effet connu des phases de précipitation et des phases de langueur.
La précipitation a en effet été de mise pour l’organisation du referendum. La campagne s’est déroulée durant les fêtes de fin d’année, période peu propice, chacun s’accorde à le reconnaître, à la mobilisation sur un tel sujet : l’ensemble des Guyanais et des Martiniquais pouvaient avoir alors d’autres préoccupations en tête.
Après cette consultation, dont je ne commenterai pas les résultats – les Martiniquais et les Guyanais ont parlé -, s’est ouverte une longue période. Elle débouche aujourd’hui sur ces deux textes, qui ne deviendront opérationnels que l’été prochain, si l’on considère le temps nécessaire à la navette parlementaire.
Ensuite, s’ouvrira une phase d’une durée indéterminée, réservée à la mise en place de ces nouvelles collectivités, avec le télescopage d’échéances que tout le monde connaît. L’année 2012 sera en effet particulièrement riche en scrutins, avec l’élection présidentielle puis les élections législatives.
Pour ma part, je conserve le souvenir du report électoral que nous avions décidé lors du dernier couplage des élections législatives et de l’élection présidentielle. Il faudra donc faire son affaire de tout cela.
Changer les institutions, c’est toujours important, mais la tâche exige d’être abordée avec une très grande modestie, car il n’existe pas, en la matière, de vérité révélée. Je serais tenté de dire que les positions divergentes qui ont été émises sont toutes respectables ; simplement, elles correspondent à des approches et à des réflexions différentes. Mais vient un moment où il faut trancher, et qui le peut, sinon la représentation nationale, dont c’est la fonction ?
Les Martiniquais et les Guyanais se sont exprimés par le vote ; ils s’expriment par les voix, quelquefois identiques, quelquefois différentes, de leurs élus, mais il nous revient de trancher.
Je tiens à saluer le travail du rapporteur de la commission des lois. Ayant eu l’occasion de me déplacer, avec lui, en Guyane, en Martinique et en Guadeloupe, je profite de l’occasion qui m’est donnée pour remercier l’ensemble des collègues qui nous ont reçus. Je veux dire à quel point ils nous ont aidés à mieux comprendre leur situation, en nous faisant part de leurs sentiments, de leurs ressentis.
Une approche uniquement intellectuelle est forcément différente d’une connaissance pratique de la réalité du terrain. Nous avons notamment ressenti un choc en prenant conscience des dimensions géographiques respectives de la Martinique et de la Guyane.
La commission des lois a bien fait son travail, en rendant lisible un texte qui ne l’était pas. Elle a mené une analyse minutieuse visant à corriger les erreurs et les à-peu-près d’un texte qui lui arrivait dans un état d’inachèvement assez remarquable, comme nous aurons l’occasion de le constater cet après-midi au cours de nos débats.
Je salue également la position de la commission des lois, qui s’est efforcée – c’est bien le moins ! – de faire respecter les pouvoirs du Parlement et, donc, de rendre à la loi ce qui est à la loi. C’est tout le débat sur l’article 6 du projet de loi. Que de chemin parcouru, madame la ministre, entre la version initiale – « Laissez-nous faire », nous disait-on en substance -, et le présent texte ! Si vous n’êtes pas encore arrivée au terme de votre cheminement, vous en êtes proche, car le but est de rendre ses prérogatives au Parlement, grâce au simple rétablissement d’une certaine transparence.
Il n’y a pas d’institution parfaite ; il n’y a pas plus de découpage parfait. Mais certaines démarches, publiques et transparentes, permettent le débat ; d’autres, plus discrètes, sont la porte ouverte à toutes les suspicions.
Je le sais bien, ceux qui possèdent « les ciseaux du découpage » restent attachés à leur pouvoir ! Toutefois, à partir du moment où les circonscriptions uniques sont mises en place, ce qui déclenche l’attribution d’une prime majoritaire, permettant ainsi de respecter l’unité respective des territoires martiniquais et guyanais, les différentes modalités du découpage n’occupent plus qu’une place secondaire, sur laquelle il convient d’apporter toute la clarté, certes, mais nous devrions y arriver facilement cet après-midi.
Je partage l’analyse constitutionnelle de Christian Cointat. Si elle n’était pas en définitive retenue, il conviendrait d’en rendre juge le Conseil constitutionnel.
Nous avons pu le constater, et Christian Cointat l’a rappelé, la version initiale de l’article 9 a été perçue par l’ensemble des interlocuteurs que nous avons rencontrés comme une gifle, comme une humiliation. Je sais que ces termes sont durs, mais ce sont ceux que nous avons entendus. On nous a même dit, avec tout ce que cela implique, que c’était le retour du gouverneur.