Intervention de Christian Gaudin

Réunion du 15 juillet 2009 à 14h30
Règlement des comptes et rapport de gestion pour l'année 2008 — Adoption d'un projet de loi en procédure accélérée

Photo de Christian GaudinChristian Gaudin :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de règlement des comptes, constituant désormais le moment de vérité budgétaire pour nos finances publiques, est censé représenter le maillon clef du chaînage vertueux introduit par la LOLF. Grâce à lui et au vu des documents budgétaires qui lui sont joints, le Gouvernement et le Parlement doivent être capables d’évaluer l’efficacité des politiques publiques, d’en tirer les conséquences et d’améliorer la gestion publique pour les budgets à venir.

Il est donc nécessaire que les conditions d’un examen complet soient réunies. C’est pourquoi je regrette la durée limitée du débat d’aujourd’hui. Il importe en effet que notre pouvoir de contrôle de l’utilisation des fonds publics et de leur performance puisse s’exercer réellement, ce qui suppose qu’on nous donne le temps suffisant pour juger sur place et sur pièces dans les administrations. Cela suppose aussi qu’on fasse droit à ce souhait ancien d’un véritable rapprochement entre la Cour des comptes et les commissions des finances des deux chambres.

Pour que nous tirions les conséquences de l’exécution du budget de l’année n-1 avant d’établir les prévisions pour l’année n+1, il serait également souhaitable que nous ayons réellement le temps d’étudier le projet de loi de règlement et ses annexes.

À l’avenir, peut-être serait-il utile de revoir le calendrier budgétaire, afin que le fameux chaînage vertueux puisse produire tous ses effets, et, comme le proposait tout à l’heure le président de la commission des finances, d’inscrire la discussion dudit projet de loi à l’ordre du jour de la session ordinaire.

Sur le fond, à la lumière des résultats qui nous sont présentés et des analyses qui ont pu en être faites, notamment par la Cour des comptes, le premier constat qu’appelle l’examen de ce projet de loi de règlement avait déjà été dressé l’année dernière : après trois années de pleine application, la révolution, le « big bang » budgétaire et comptable que l’on attendait de la LOLF n’a toujours pas eu lieu.

La nouvelle comptabilité est un vecteur d’informations essentiel pour nous permettre de débattre des projets de loi de règlement et des orientations budgétaires, en même temps qu’un tableau de bord pour l’ensemble des acteurs de la gestion publique. La vraie difficulté vient du fait que beaucoup d’entre eux ne se sont pas approprié ces nouvelles informations. Plus grave, il semble que le lien entre la réforme comptable et la révision générale des politiques publiques n’ait pas encore été réellement instauré.

En matière de réforme budgétaire, un effort très important a permis de répartir l’ensemble du budget de l’État au sein de missions et de programmes dotés d’objectifs et d’indicateurs. Des responsables de programmes ont été désignés et disposent, en principe, d’une plus grande liberté dans l’utilisation des crédits. Malgré les efforts entrepris, ces outils demeurent trop peu utilisés.

Alors qu’ils doivent logiquement être au cœur du nouveau système, les responsables de programmes éprouvent pourtant, parfois entravés pas l’ordonnateur, les plus grandes difficultés à trouver leur place.

La programmation, la gestion et le suivi des crédits sont encore partiellement effectués selon les anciennes modalités. La fongibilité des crédits, notamment, est encore trop peu utilisée. Un certain nombre de mesures récentes, comme la construction de perspectives budgétaires pluriannuelles, ont permis des progrès qu’il faut saluer, mais les remontées d’informations, l’utilisation des indicateurs, l’adaptation des moyens aux résultats demeurent encore insuffisantes.

La mise en œuvre de la LOLF mobilise une immense énergie sans que l’on puisse, pour l’instant, en recueillir les fruits attendus. Non seulement la LOLF ne produit pas tous ses effets, mais elle n’est pas pleinement respectée : des financements hors budget, des sous-budgétisations récurrentes, des reports de charges exigibles ou l’utilisation inappropriée de comptes spéciaux contreviennent encore à sa lettre et à son esprit.

L’application réelle, effective, de la LOLF tout au long de l’exercice budgétaire, depuis la préparation du budget jusqu’au bilan que nous dressons aujourd’hui, doit être une priorité. C’est uniquement à ces conditions que la LOLF deviendra vraiment la clef de voûte de la réforme de l’État.

Les obstacles qu’il faudra encore surmonter en vue de permettre à cette Constitution financière de faire sentir tous ses effets, pour passer réellement d’une logique de moyens à une logique de performance, sont considérables. Nous en sommes convaincus, le seul moyen pour y parvenir consiste en une impulsion politique forte de la part du Gouvernement et du Parlement, ce qui exige que nous adoptions une démarche constructive lorsque nous examinons les résultats budgétaires qui nous sont soumis.

À cet égard, l’examen de ce projet de loi de règlement des comptes et rapport de gestion pour l’année 2008 nous apporte trois grands enseignements.

Premièrement, le déficit s’établit à 56, 3 milliards d’euros, en augmentation de près de 18 milliards d’euros par rapport à l’exercice précédent. Pour la première fois depuis 2003, il est plus défavorable que celui qui était prévu dans la loi de finances initiale. Il a représenté, en 2008, plus du quart des recettes nettes.

Le groupe de l’Union centriste défend de longue date l’idée d’appliquer à l’État cette règle d’or à laquelle les collectivités territoriales sont soumises depuis des années : l’interdiction des déficits de fonctionnement. Or, d’après l’article 3 du projet de loi de règlement, les charges de fonctionnement s’élèvent à 348 milliards d’euros et les recettes de fonctionnement à 275 milliards d’euros, soit un déficit en la matière de 73 milliards d’euros, un montant plus important encore qu’en 2007. Ainsi, non seulement nous ne respectons pas la règle d’or, mais il semble bien que nous nous en éloignions !

Deuxièmement, l’État n’investit pratiquement plus.

L’actif immobilisé a, certes, progressé de 58, 5 milliards d’euros l’année dernière mais, si l’on retire de cette augmentation le montant de l’intégration du spectre hertzien, des quotas d’émission de CO2, de la réévaluation du réseau routier national, de l’élargissement du périmètre des matériels militaires et d’autres mesures de périmètre et de réévaluation, les investissements directs de l’État s’élèvent, en fait, à 13, 8 milliards d’euros. C’est peu, et c’est 3 milliards d’euros de moins qu’en 2007. La valeur comptable des éléments actifs cédés, 1, 7 milliard d’euros en 2008, témoigne de la faiblesse des investissements nets : 12 milliards d’euros à peine.

Troisièmement, l’actif net de l’État continue à se détériorer.

À la fin de 2008, avec une dette de plus de 1 320 milliards d’euros et 639 milliards d’euros d’actifs, l’actif net négatif s’élevait à 686 milliards d’euros, soit une dégradation de 30 milliards d’euros par rapport à 2007. Les dettes financières se sont ainsi accrues d’environ 100 milliards d’euros, passant de 946 milliards d’euros à 1 044 milliards d’euros.

En matière de dépenses, selon une norme élargie, on constate que la croissance est trop rapide, et cela n’est pas lié aux mesures de relance.

Dans la loi de finances initiale, le Gouvernement s’était fixé pour règle de ne pas dépasser l’inflation : estimée à 1, 6 %, elle s’est établie à 2, 8 %. Certes, celle-ci a participé au gonflement des dépenses, mais force est de reconnaître que le respect de la règle du « zéro volume » a en fait été largement permis par le surcroît d’inflation observé l’année dernière.

Quant à la norme de dépenses, monsieur le ministre, il conviendrait probablement de l’élargir de nouveau. Si nous retenions une norme élargie totale, c’est-à-dire la norme retenue par le Gouvernement, majorée des remboursements et dégrèvements d’impôts de l’État et des collectivités locales, des dépenses fiscales et des taxes affectées à des organismes tiers, nous constaterions que nous sommes passés de 479 milliards d’euros en 2007 à 501 milliards d’euros en 2008, soit plus de 22 milliards d’euros de hausse.

Mes chers collègues, il n’est plus possible de continuer ainsi. En 2010, c’est à cette norme globale – l’ensemble de ce périmètre de dépenses – qu’il faudrait se tenir, en sachant que l’inflation se situera sans doute autour de 1 %. J’encourage donc vivement le Gouvernement à poursuivre la démarche d’élargissement de la norme qu’il a opportunément engagée.

En matière de recettes, l’incidence de la crise a fait débat. Qu’elle se chiffre à 4, 6 milliards d’euros ou qu’elle se situe entre 8 milliards et 9 milliards d’euros, cette incidence a été réelle. Pour autant, le problème de fond demeure : nous ne pouvons pas continuer à pratiquer des allégements fiscaux et des réductions d’impôt sans réduire les dépenses à due concurrence.

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