Intervention de Philippe Richert

Réunion du 12 mai 2011 à 21h30
Protocole sur des dispositions transitoires annexé à trois traités européens – élection des représentants au parlement européen — Adoption définitive de deux projets de loi dans les textes de la commission

Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la consolidation de l’Europe politique et démocratique constitue une ardente nécessité si l’on en juge par le taux d’abstention aux élections européennes, qui ne cesse d’augmenter depuis 1979 en France et dans les pays d’Europe.

C’est pour répondre à ce défi que les États européens ont voulu donner, à Lisbonne, une nouvelle impulsion politique, fondée sur le renforcement des pouvoirs du Parlement européen, seule institution européenne élue, et sur une répartition plus juste des effectifs des représentants des vingt-sept pays membres de l’Union. La France se voit ainsi dotée de deux représentants supplémentaires.

C’est dans ce cadre que j’ai l’honneur de vous présenter les deux projets de loi, adoptés par l’Assemblée nationale le 5 avril dernier, qui mettent en œuvre cette nouvelle répartition

Le premier projet de loi autorise la ratification du protocole adopté par la conférence intergouvernementale du 23 juin 2010 qui prévoit des mesures transitoires nécessaires pour augmenter, jusqu’au terme de la législature 2009-2014, le nombre des membres du Parlement européen.

Ensuite, le projet de loi relatif à l’élection des représentants au Parlement européen a un double objectif : fixer les modalités de l’élection des deux représentants français supplémentaires au Parlement européen ; redonner aux Français établis à l’étranger la possibilité de voter, depuis les consulats, aux élections européennes.

Premièrement, la ratification du protocole permet à chaque État membre concerné de pourvoir ces sièges supplémentaires en attendant les prochaines élections.

Le traité de Lisbonne a fixé à 750 membres, plus le président, les effectifs du Parlement européen. Il a ainsi attribué dix-huit sièges supplémentaires au Parlement européen à douze États, dont deux à la France.

Mais il n’est entré en vigueur que le 1er décembre 2009, soit six mois après les élections au Parlement européen de juin 2009. Ces élections ont donc désigné 72 députés européens, et non les 74 prévus par le traité de Lisbonne.

Au lendemain des élections européennes, le Conseil européen des 18 et 19 juin 2009 a précisé les mesures transitoires nécessaires pour augmenter, jusqu’au terme de la législature 2009-2014, le nombre des membres du Parlement européen.

Un an après, la conférence intergouvernementale du 23 juin 2010 a formellement approuvé le protocole actant ces dispositions transitoires.

Pour permettre l’entrée en vigueur de ce protocole, la France doit adopter le projet de loi autorisant sa ratification, soumis à l’examen de votre commission des affaires étrangères après avoir été adopté sans modification par les députés.

Comme le rappelle votre rapporteur, le protocole sur les mesures transitoires offre aux douze États membres concernés trois options pour désigner leurs eurodéputés supplémentaires respectifs : l’organisation d’élections spécifiques au suffrage universel direct pour deux députés ; le recours aux résultats des élections européennes de juin 2009 ; la désignation par leur parlement national, en son sein, du nombre de députés requis, « pour autant que les personnes en question aient été élues au suffrage universel direct ». C’est cette dernière solution qu’a choisie le gouvernement français. J’y reviendrai dans un instant.

Quel est, à ce jour, l’état du processus de ratification ?

Sur les vingt-sept États membres de l’Union, dix-sept ont achevé leur procédure, quatre parlements nationaux ont ratifié le protocole, sans que les États aient déposé leurs instruments de ratification ; six États membres, dont la France, n’ont pas encore achevé leur procédure.

Le terme du processus de ratification se rapproche donc, mais il serait aléatoire de fixer une date précise. Certaines incertitudes persistent en effet sur les procédures de ratification dans certains États membres.

En tout état de cause, contrairement à ce qui a pu être dit ici ou là, la France n’est pas en retard. Elle n’est pas non plus cause du retard pris dans l’entrée en vigueur du protocole.

Le vote du Sénat aujourd’hui permettra de mettre la France en accord avec ses engagements internationaux.

Deuxièmement, les modalités de désignation des deux députés européens français supplémentaires choisies par le gouvernement français constituent une réponse pragmatique à une situation transitoire, réponse conforme au droit européen, validée par le Conseil d’État et approuvée par votre commission des lois le 27 avril dernier.

L’Assemblée nationale est appelée à élire en son sein les deux eurodéputés supplémentaires à la représentation proportionnelle sur la base de listes paritaires comprenant quatre candidats.

Cette modalité de désignation présente bon nombre d’avantages : la simplicité, la rapidité, la qualité d’une représentation par des parlementaires déjà élus au suffrage universel direct, sans oublier son faible coût.

Les deux autres options présentaient à nos yeux des inconvénients plus difficiles à surmonter.

La désignation rétroactive sur la base des élections européennes de juin 2009 a été écartée pour deux raisons.

Elle l’a été tout d’abord pour une difficulté d’ordre constitutionnel : la loi serait venue affirmer a posteriori que deux personnes n’ayant pas été déclarées élues au soir des élections devraient désormais être considérées comme l’ayant été. Il y aurait eu là une forte atteinte au principe de sincérité du scrutin.

Elle a été ensuite écartée pour une difficulté d’ordre technique : nos règles électorales nous imposent de toujours répartir les sièges en fonction des derniers chiffres disponibles à la date de l’élection. Il y aurait donc, en fonction du choix de la population de référence – 2006, 2007 ou 2008 – une influence sur le résultat final, les résultats obtenus différant selon les années.

Face à ces risques, le Gouvernement a préféré choisir une solution plus sûre sur le plan juridique.

La troisième option aurait été l’organisation d’une élection partielle. Même organisée au niveau de deux grandes circonscriptions régionales, cette opération aurait eu un coût considérable. C’est la raison pour laquelle cette solution a été écartée.

Au terme de cette situation provisoire, c’est-à-dire en 2014, les deux sièges se fondront dans les 74 qui sont à pourvoir, répartis entre les huit circonscriptions en fonction de leur population authentifiée à la fin de 2013.

Le projet de loi qui vous est soumis répond certes à une situation ponctuelle et transitoire, mais il résout aussi un problème plus structurel lié à la participation des Français établis hors de France aux élections européennes.

Troisièmement, la participation des Français établis hors de France est une réponse structurelle à une problématique récurrente.

L’exercice du droit de vote des Français établis hors de France est une préoccupation permanente et partagée. Nous en avons débattu récemment pour l’élection des députés représentant les Français établis hors de France.

Jusqu’en 2003, les Français établis à l’étranger pouvaient, comme pour l’élection du Président de la République et pour les référendums, voter dans les centres de vote consulaires pour les élections européennes, puisque celles-ci avaient lieu dans le cadre d’une liste nationale.

En rapprochant les électeurs des députés européens grâce à la création des huit circonscriptions interrégionales, la loi du 11 avril 2003 relative à l’élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen leur a supprimé cette possibilité. Seuls les électeurs résidant dans un pays de l’Union ou inscrits sur une liste électorale en France pouvaient voter, les premiers pour des listes présentées dans leur pays de résidence, les autres pour des listes présentées dans leur circonscription régionale de rattachement. Ces deux possibilités étant peu utilisées, la participation des Français établis hors de France a été très limitée aux élections européennes de 2004 et de 2009.

De plus, sur quelque 1, 4 million de Français établis à l’étranger, environ 330 000 électeurs ne pouvaient pas du tout prendre part à l’élection des représentants au Parlement européen, car ils résidaient hors de l’Union européenne et n’étaient pas inscrits sur une liste électorale en France.

L’assemblée des Français de l’étranger a très vivement souhaité revenir au dispositif antérieur. Depuis 2003, plusieurs propositions de loi ont été déposées sur ce sujet, tout particulièrement par vous-même, monsieur le rapporteur, seul ou avec certains de vos collègues.

Pour répondre à cette préoccupation, qu’il fait sienne, le Gouvernement s’est également inspiré de la rédaction d’une proposition de loi des députés Thierry Mariani et Jean-Jacques Urvoas, adoptée de façon consensuelle par la commission des lois de l’Assemblée nationale, le 6 janvier 2009.

Le chapitre II du projet de loi propose en conséquence de rétablir, pour les Français établis hors de France, qu’ils résident dans un des pays de l’Union européenne ou dans un autre pays, la possibilité de voter dans les centres de vote consulaires, et il les rattache à la circonscription d’Île-de-France, laquelle a paru la plus adaptée pour les accueillir.

Mesdames, messieurs les sénateurs, fidèle à ses engagements européens, la France poursuit sa marche en avant vers la construction d’une Europe politique plus forte et plus démocratique. Les deux projets de loi qui vous sont soumis aujourd’hui en sont une nouvelle démonstration. Adoptés par l’Assemblée nationale, ils confirment, confortent et mettent en œuvre nos engagements européens dans le cadre de l’impulsion politique donnée par les chefs d’État et de gouvernement des États membres de l’Union européenne à Lisbonne, en décembre 2007.

Je vous invite donc à vous y rallier sans réserve, comme vous le proposent vos deux commissions.

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