Intervention de Antoine Lefèvre

Réunion du 12 mai 2011 à 21h30
Protocole sur des dispositions transitoires annexé à trois traités européens – élection des représentants au parlement européen — Adoption définitive de deux projets de loi dans les textes de la commission

Photo de Antoine LefèvreAntoine Lefèvre, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, pour le projet de loi n° 408 :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le second projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui a un double objet : d’une part, il fixe les modalités de désignation des deux représentants supplémentaires au Parlement européen dont la France a été dotée par le traité de Lisbonne ; d’autre part, il facilite la participation de nos compatriotes établis hors de France aux élections européennes. Il s’agit donc de deux réformes très différentes.

Alors que la première mesure aura un impact essentiellement ponctuel – elle ne portera que sur la législature 2009-2014 –, la seconde, de nature structurelle, a vocation à rester durablement inscrite dans notre droit.

Je souhaite apporter quelques précisions concernant la désignation des représentants supplémentaires de la France au Parlement européen.

Le traité de Lisbonne a notamment eu pour effet de créer dix-huit sièges supplémentaires au sein du Parlement européen, parmi lesquels deux ont été attribués à notre pays. La mise en œuvre de cette innovation pose toutefois un problème de taille dans la mesure où, pour les raisons évoquées par notre collègue Robert del Picchia, le traité de Lisbonne est entré en vigueur le 1er décembre 2009, soit près de six mois après les dernières élections européennes : les douze États qui connaissent une augmentation de leur nombre de sièges au Parlement européen ont donc été dans l’incapacité de faire élire leurs nouveaux eurodéputés en même temps que leurs autres représentants.

Pour faire face à cette situation inédite, les vingt-sept États membres de l’Union européenne ont permis aux douze pays concernés de désigner, pour la fin de la législature 2009-2014, leurs représentants supplémentaires selon une procédure exceptionnelle.

Plus précisément, le protocole du 23 juin 2010 ouvre trois possibilités aux États membres concernés. M. le ministre et M. le rapporteur de la commission des affaires étrangères les ayant évoquées, je n’insisterai pas.

Le présent projet de loi prévoit que les deux représentants supplémentaires de la France au Parlement européen seront élus par l’Assemblée nationale, parmi les membres de cette dernière et au scrutin proportionnel de liste. Les députés désignés pour siéger à Strasbourg perdront ipso facto leur mandat à l’Assemblée nationale.

Je souligne que ce choix est très largement un choix par défaut, qui résulte de la complexité de mise en œuvre des deux premières options.

La difficulté est évidente pour la première solution – l’organisation d’une élection européenne « partielle » – qui aurait engendré des coûts élevés pour une participation vraisemblablement très faible. La seconde solution – la désignation par référence aux résultats des élections européennes de juin 2009 – aurait, elle aussi, posé de lourds problèmes, notamment en raison de l’incertitude sur les chiffres de population à prendre en compte pour l’attribution des sièges.

En effet, je vous rappelle que, depuis la loi du 11 avril 2003, notre pays est divisé en huit circonscriptions interrégionales et que les sièges au Parlement européen sont ventilés entre ces circonscriptions, avant chaque élection, en fonction des chiffres les plus récents de population. C’est ici que réside tout le problème puisque la prise en compte des statistiques de population valables lors des élections de 2009 nous conduirait à attribuer un siège à la circonscription Nord-Ouest et un autre à la circonscription Est, c’est-à-dire à la désignation de deux personnes issues des listes Europe Écologie ; en revanche, la prise en compte des statistiques valables au moment où sont définies les modalités de désignation de ces deux nouveaux eurodéputés nous amènerait à donner un siège à la circonscription Nord-Ouest et un siège à la circonscription Ouest : seraient alors désignés un candidat Europe Écologie et un candidat issu de la liste Majorité présidentielle.

Une telle incertitude sur les statistiques de population à prendre en compte, loin d’être un problème purement théorique, soulève donc des difficultés majeures d’un point de vue juridique et institutionnel. Dans le silence du protocole du 23 juin 2010, le Parlement, s’il décidait de désigner les deux nouveaux eurodéputés de la France par référence aux résultats de 2009, serait inévitablement accusé de faire un choix politique, voire politicien.

Au vu de tous ces éléments, le Gouvernement a souhaité prévoir que les représentants supplémentaires de la France au Parlement européen seraient désignés au sein de l’Assemblée nationale et par les membres de cette dernière ; ce choix est conforme au protocole du 23 juin 2010 et présente l’avantage de la simplicité.

Même si cette solution n’est pas parfaite, elle reste la « moins mauvaise » de toutes : forte de cette conviction, la commission des lois a choisi de soutenir le texte adopté par l’Assemblée nationale et de ne pas y apporter de modification.

Par ailleurs, le présent projet de loi vise à rendre les élections européennes plus accessibles pour les Français établis hors de France.

Robert del Picchia l’a rappelé, la création de huit circonscriptions par la loi du 11 avril 2003 a eu pour conséquence de priver nos concitoyens expatriés de la possibilité de voter dans les ambassades et les postes consulaires, alors même qu’ils disposaient de cette possibilité avant 2003. On estime ainsi que, sur les deux millions de Français qui résident hors de France, au moins 400 000 ne disposent d’aucun moyen de s’exprimer aux élections européennes.

C’est pourquoi le projet de loi rétablit la possibilité, pour les Français de l’étranger, de participer aux élections européennes dans les ambassades et les postes consulaires. À cette fin, les Français établis à l’étranger seraient rattachés à la circonscription Île-de-France.

En tout état de cause, le rétablissement d’un plein accès au vote pour les Français résidant à l’étranger sera indéniablement un progrès considérable pour la démocratie et la représentation française au Parlement européen : c’est pourquoi la commission des lois a apporté son total soutien au projet de loi sur ce point, et a adopté le texte sans modification.

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