Intervention de Richard Yung

Réunion du 12 mai 2011 à 21h30
Protocole sur des dispositions transitoires annexé à trois traités européens – élection des représentants au parlement européen — Adoption définitive de deux projets de loi dans les textes de la commission

Photo de Richard YungRichard Yung :

Comme vous devez le pressentir, le projet de loi relatif à l’élection des députés européens texte suscite en moi des sentiments mitigés. Si sa première partie, relative au mode de désignation, à titre transitoire, de nos deux députés européens supplémentaires, appelle de ma part de nombreuses critiques, j’en approuve la seconde partie puisqu’elle doit permettre aux Français de l’étranger de retrouver le droit de voter dans les centres consulaires pour les élections européennes. Je regrette donc qu’il ne soit pas possible de voter par division sur l’ensemble du projet de loi.

En ce qui concerne les modalités de désignation des deux députés supplémentaires appelés à siéger au Parlement européen à la suite de l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne, il me semble que le Gouvernement n’a pas choisi la bonne méthode.

Pourquoi ne pas avoir modifié la législation électorale avant le scrutin du 7 juin 2009, afin de prévoir l’augmentation éventuelle du nombre de sièges alloués à la France au Parlement européen ?

Je rappelle que, dès le Conseil européen de décembre 2008, les États membres avaient été alertés sur la forte probabilité d’une entrée en vigueur du traité de Lisbonne après l’élection du Parlement européen en juin 2009. Il y a donc eu, à tout le moins, un manque d’anticipation ! D’ailleurs, l’Espagne, elle, a pris les devants en désignant par avance ses députés supplémentaires lors de l’élection européenne de 2009.

Comme cela a déjà été rappelé, le protocole du 23 juin 2010 offre aux États le choix entre trois procédures. Si personne ne soutient, à ma connaissance, la solution qui consisterait à organiser une élection européenne partielle, la France est en revanche le seul pays à avoir choisi la procédure de désignation par les membres de son Parlement. Cela n’a, du reste, rien d’étonnant dans la mesure où cette option a été incluse dans le protocole à la demande expresse de notre pays.

Ce choix est discutable et, disons-le, M. le rapporteur de la commission des lois ne fait montre à son endroit que d’un enthousiasme modéré puisqu’il s’agit pour lui de « la moins mauvaise solution ». Selon moi, c’est une solution franchement mauvaise, car elle consiste à revenir au mode d’élection qui avait cours avant 1976, à savoir la représentation des Parlements nationaux.

Nous nous sommes tous battus, dans les années soixante-dix, pour que le Parlement européen soit élu au suffrage universel direct, et nous envoyons aujourd’hui un très mauvais signal en faisant machine arrière pour ce cas particulier.

On peut imaginer, de surcroît, que les deux députés ainsi désignés se retrouveront très isolés au sein du Parlement, faute pour eux de bénéficier de la même légitimité que leurs collègues.

Je m’interroge sur les raisons qui ont poussé le Gouvernement à choisir cette voie. D’après l’étude d’impact annexée au projet de loi, il serait « contraire au principe de sincérité du scrutin d’utiliser a posteriori les résultats d’un scrutin pour l’élection d’un nombre de représentants différent du nombre initialement prévu ».

Mais croyez-vous vraiment, monsieur le ministre, que le fait d’utiliser les résultats de l’élection législative française de 2007 puisse conférer une plus grande sincérité à la désignation de ces deux députés européens ? Votre argument ne me semble donc pas très convaincant !

En outre, compte tenu de la composition actuelle de l’Assemblée nationale, il va sans dire que les deux députés européens désignés n’appartiendraient pas au parti politique qui aurait dû logiquement, selon le vote de 2009, être représenté, à savoir Europe Écologie-Les Verts. L’application des dispositions du présent projet de loi aboutira à la désignation d’au moins un député issu des rangs de la majorité, l’autre provenant vraisemblablement des rangs écologistes. En termes de sincérité, on fait mieux !

Pour refuser de procéder à une désignation sur la base des résultats des élections de 2009, vous invoquez également le fait que huit des onze États membres qui ont eu recours à cette référence n’ont pas régionalisé le scrutin, contrairement à la France. La mise en place d’un mécanisme comparable dans notre pays nécessiterait, selon vous, une révision de la loi du 7 juillet 1977. L’obstacle juridique n’est pas insurmontable, comme en témoigne l’exemple de la Pologne, qui, bien que dotée de circonscriptions régionales, a modifié sa législation électorale après les élections de 2009 pour désigner les suivants de liste.

Je doute également de la pertinence du choix de la représentation proportionnelle à deux tours pour deux sièges. Je le dis d’autant plus librement que nous militons généralement en faveur de la proportionnelle. Après l’avoir refusée pour l’élection des députés des Français de l’étranger à l’Assemblée nationale, vous le faites ici revenir par la fenêtre… Curieuse façon de procéder !

Enfin, notre débat risque fort d’être inutile. En effet, comme l’a dit notre excellent collègue Robert del Picchia, un nombre significatif d’États membres n’ont pas encore ratifié le protocole du 23 juin 2010, dont nos amis anglais ; et l’on connaît leur peu d’enthousiasme pour l’Europe, une tendance que le Premier ministre David Cameron ne s’efforce pas vraiment d’inverser.

Dans ces conditions, il est fort probable que ce protocole n’entrera pas en vigueur avant les prochaines élections législatives françaises. Il faudra donc proposer à deux de ceux qui auront été élus pour cinq ans au Palais Bourbon d’aller siéger à Bruxelles et Strasbourg jusqu’en 2014… En échange, que leur offrira-t-on ? Les palmes académiques ?

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