Intervention de Alima Boumediene-Thiery

Réunion du 12 mai 2011 à 21h30
Protocole sur des dispositions transitoires annexé à trois traités européens – élection des représentants au parlement européen — Adoption définitive de deux projets de loi dans les textes de la commission

Photo de Alima Boumediene-ThieryAlima Boumediene-Thiery :

Je tiens à vous faire part aujourd’hui, monsieur le ministre, de toute mon indignation face à la procédure choisie par le Gouvernement pour désigner ces deux nouveaux députés européens. Cette opportunité que nous offre le traité de Lisbonne, vous l’avez transformée en un déni de démocratie !

Permettez-moi donc de vous rappeler que les principes de transparence démocratique et du droit à des élections libres impliquent que les règles électorales soient définies et déterminées de manière objective avant chaque scrutin. Or le projet relatif à l’élection des députés européens que vous nous proposez aujourd'hui est particulièrement attentatoire à ces principes fondamentaux et engendre évidemment de nombreuses difficultés.

En effet, l’article 1er de ce projet de loi dispose que « les membres de l’Assemblée nationale élisent, en leur sein, les deux représentants supplémentaires au Parlement européen ».

Sur douze États européens ayant obtenu un nombre plus important d’eurodéputés, onze ont fait le choix de désigner ces « députés Lisbonne » en se fondant sur les résultats des dernières élections européennes. Le douzième, la France, se démarque de cette logique, au profit de la solution antidémocratique que vous nous soumettez aujourd’hui.

Pourquoi ne pas avoir adopté un dispositif similaire ? Tout simplement pour avantager de façon honteuse votre majorité !

La France aurait logiquement dû, en effet, appliquer la même règle dans les régions désavantagées du point de vue du nombre d’élus rapporté à la population, ce qui aurait conduit à déclarer élus députés européens un député Europe Écologie, dans la circonscription Nord, et un élu UMP, dans la circonscription Ouest.

Vous bafouez sans vergogne la démocratie et l’éthique politique puisque cette décision d’élire deux eurodéputés au sein de l’Assemblée nationale organise un cumul des mandats déguisé. En effet, si l’article 3 du projet de loi pose le principe du non-cumul des mandats de député et d’eurodéputé, rien n’impose à ces nouveaux « députés Lisbonne » de cesser leurs mandats locaux. Encore un cumul annoncé, un de ces cumuls que dénoncent régulièrement les écologistes !

De surcroît, cette décision ne correspond pas au choix des électeurs. En effet, s’ils élisent, lors des élections législatives le candidat qui leur semble être le meilleur pour les représenter à l’Assemblée nationale, ils ne souhaitent pas forcément pour autant que cette même personne les représente au Parlement européen.

De même, les citoyens se sont prononcés, lors des élections européennes, pour des candidats précis figurant sur une liste. Par la mise en œuvre de la méthode choisie par le Gouvernement, le résultat ne correspond pas au choix de nos concitoyens, et ne respecte donc pas l’expression du suffrage universel.

Vous avez l’occasion de prouver à la France que la démocratie a un sens, tout comme le vote des Français. Ne cédez pas à l’opportunisme !

Je veux enfin vous rappeler le contenu de l’article 1er de l’Acte du 20 septembre 1976 portant élection des représentants au Parlement européen au suffrage universel direct, pris par le Conseil européen, tel que modifié par la décision du Conseil du 25 juin 2002. Cet article 1er dispose : « Les représentants, au Parlement européen, des peuples des États réunis dans la Communauté sont élus au suffrage universel direct. » Le présent projet de loi n’est donc pas en conformité avec nos engagements communautaires !

Je me permets également de vous rappeler, monsieur le ministre, la position de notre commission des lois, qui estime que « la solution retenue par le Gouvernement était peu satisfaisante ». Cela figure à la page 14 du rapport de M. Lefèvre. Votre texte est donc loin de faire l’unanimité !

C’est aux citoyens qu’il revient de décider qui ils entendent voir siéger au Parlement européen. Par ce projet de loi, le Gouvernement « court-circuite » le processus démocratique et ternit, aux yeux de tous nos partenaires européens, l’image de la France.

Enfin et surtout, j’espère que nul n’aura oublié que les écologistes, clairement désavantagés par votre texte, n’ont eu de cesse d’alerter sur la nécessité de prendre position de façon anticipée quant à la détermination de ces représentants au Parlement européen.

Pour ce qui est du Sénat, je rappellerai la question écrite posée dès le 21 mai 2009 par ma collègue Marie-Christine Blandin, qui vous sollicitait déjà en précisant : « Une méthode démocratique et concertée respectant le pluralisme et la géographie électorale est indispensable pour définir comment seront désignés ceux qui compléteront notre représentation. Cette méthode mérite d’être collectivement définie avant le scrutin européen, et connue de tous. »

Malheureusement, nos espoirs seront restés vains et aucune réponse n’a été apportée à cette question.

Les sénatrices et sénateurs écologistes sont donc, pour toutes ces raisons, fermement opposés au vote de ce texte.

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