Intervention de Georges Tron

Réunion du 12 mai 2011 à 21h30
Limite d'âge de fonctionnaires — Adoption d'un projet de loi en procédure accélérée dans le texte de la commission

Georges Tron, secrétaire d'État auprès du ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'État, chargé de la fonction publique :

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis à cette heure extrêmement matinale, pour examiner le projet de loi relatif au maintien en fonctions au-delà de la limite d’âge de fonctionnaires nommés dans des emplois à la décision du Gouvernement.

L’objectif du Gouvernement est de faire en sorte que les ressources humaines de l’État puissent servir au mieux l’intérêt général, autrement dit, que l’État puisse s’appuyer au bon moment, au bon endroit, sur les agents publics les plus adaptés à l’exercice d’une mission et disposant des meilleures compétences. Le présent texte vise à répondre à ces préoccupations, légitimes, de bonne gestion des ressources humaines.

La finalité du projet de loi est simple : permettre au Gouvernement de maintenir en poste certains hauts fonctionnaires qui ont atteint la limite d’âge, afin qu’ils soient en mesure d’assurer la continuité de leur action quand les circonstances l’exigent.

Jadis, un président du Conseil avait déjà souligné la nécessité de maintenir en poste un certain nombre de fonctionnaires : c’était en 1936, lors d’un débat au Parlement, et il s’agissait de Léon Blum. Comme d’autres, il avait bien vu que la limite d’âge imposée aux agents publics conduit à un effet couperet, qui a pour conséquence de radier d’office et sans délai les fonctionnaires l’ayant atteinte.

Si cette règle a une portée générale qu’il ne faut pas remettre en cause, elle doit pouvoir être adaptée de façon limitée dans le cas des emplois à la décision du Gouvernement.

Vous savez, mesdames, messieurs les sénateurs, combien l’expérience est une richesse. Elle est un atout que la puissance publique doit pouvoir mettre à profit, a fortiori dans certaines situations particulières, que ce soit dans une structure ou dans une zone géographique.

Permettez-moi brièvement de prendre un exemple concret, car il s’agit bien de répondre à des situations réelles.

Imaginons un ambassadeur qui atteint la limite d’âge alors même que le pays où il représente notre pays connaît une crise mettant en jeu les intérêts de celui-ci. Faut-il qu’il soit radié d’office, nonobstant la situation ? N’est-il pas raisonnable qu’il puisse mettre à profit sa connaissance du terrain, des acteurs, des problématiques de la crise ?

Nous pensons que, sous certaines conditions bien définies, il peut être opportun que cet ambassadeur soit maintenu à son poste, pour une durée limitée, afin d’assurer la gestion de la crise.

Pour ce faire, un nouveau texte législatif est indispensable.

En effet, le maintien en fonctions au-delà de la limite d’âge d’un fonctionnaire occupant un emploi à la décision du Gouvernement n’est actuellement possible que dans des cas très particuliers.

Tout d’abord, depuis la loi du 31 décembre 1987, il est possible de maintenir en activité les titulaires d’un emploi à la décision du Gouvernement à partir de trois mois précédant l’achèvement d’un mandat présidentiel et jusqu’à trois mois après le jour de début du mandat du président élu.

Ensuite, un fonctionnaire qui n’a pas atteint la durée des services liquidables définie à l’article L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite peut être maintenu en fonctions, de manière à lui permettre d’atteindre cette durée.

Cet état du droit ne nous satisfait pas. Il souffre d’un manque de lisibilité et de cohérence. Il en résulte, en outre, des situations que nous ne pouvons accepter. Ainsi, il conduit à un traitement différentiel des titulaires des emplois à la décision du Gouvernement selon qu’ils sont ou non fonctionnaires. À l’heure actuelle, le Gouvernement peut maintenir en poste un non-fonctionnaire, car il n’est soumis à aucune limite d’âge.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la loi ne peut se satisfaire de telles différences. Il est nécessaire de bâtir une règle commune pour les emplois à la décision du Gouvernement.

Mais je veux être parfaitement clair : en aucun cas un texte législatif ne saurait légitimer le recours systématique à des dérogations au dispositif relatif à la limite d’âge instauré dans la fonction publique.

Plusieurs options étaient envisageables pour maintenir certains hauts fonctionnaires à leur poste.

Fallait-il revenir sur le cadre général de limite d’âge pour les emplois à la décision du Gouvernement ? Nous ne le pensons pas. Nous proposons que le maintien en fonctions de certains hauts fonctionnaires corresponde à une décision exceptionnelle, prise au cas par cas et strictement encadrée.

Quatre conditions sont fixées pour le maintien en poste d’un haut fonctionnaire placé dans cette situation.

La première d’entre elles est absolument fondamentale : la décision doit être prise « à titre exceptionnel » et justifiée par « l’intérêt du service ».

Par ailleurs, une telle décision nécessite l’accord du haut fonctionnaire concerné et repose sur un acte de nomination de même forme que celui par lequel il a été originellement nommé à ce poste.

Est également prévue une limite temporelle. Le maintien en activité d’un haut fonctionnaire ne doit pas pouvoir excéder une durée maximale de deux ans à compter du jour où il doit, compte tenu des droits qui lui sont applicables, quitter ses fonctions. Il s’agit d’éviter le risque d’un vieillissement structurel des détenteurs des emplois les plus élevés dans la fonction publique.

Enfin, le Gouvernement conserve naturellement le pouvoir discrétionnaire de révoquer l’agent à tout moment.

Ces quatre conditions permettent d’encadrer la décision de maintien en fonctions du haut fonctionnaire et apportent les garanties nécessaires à la dérogation que nous vous demandons d’accepter. Elles réduisent de facto le champ d’application du texte qui vous est soumis.

Rappelons que celui-ci ne concerne que les agents publics occupant l’un des emplois supérieurs mentionnés à l’article 25 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l’État.

La liste de ces emplois a été fixée par un décret du 24 juillet 1985. Il s’agit, notamment, des secrétaires généraux, des directeurs d’administration centrale, des délégués interministériels, des recteurs d’académie, des préfets, des ambassadeurs, des recteurs et des chefs de certains corps d’inspection. On sait que le Conseil d’État ne s’y limite pas mais, en tout état de cause, on peut estimer le nombre d’emplois concernés à 600.

Compte tenu des encadrements fixés par le projet de loi, une telle décision ne pourrait s’appliquer qu’à un nombre très limité d’agents publics, quelques unités tout au plus chaque année.

Il s’agit donc bien d’une décision exceptionnelle, répondant à des circonstances exceptionnelles, et cela dans l’intérêt du service.

Monsieur le rapporteur, permettez-moi de vous dire à quel point je suis sensible à votre travail, comme d’habitude de qualité, et de vous remercier, vous qui êtes un fin connaisseur des questions de la fonction publique, de votre rapport éclairé.

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