Intervention de Jacques Mahéas

Réunion du 12 mai 2011 à 21h30
Limite d'âge de fonctionnaires — Adoption d'un projet de loi en procédure accélérée dans le texte de la commission

Photo de Jacques MahéasJacques Mahéas :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’objet du présent projet de loi, constitué d’un article unique, tient dans son titre : « Maintien en fonctions au-delà de la limite d’âge pour les fonctionnaires nommés dans des emplois à la décision du Gouvernement ».

Les hauts fonctionnaires nommés à la décision du Gouvernement pourront être maintenus dans leur poste – au cas par cas, dans l’intérêt du service et avec leur accord –, de quelques mois à deux années supplémentaires au-delà de la limite d’âge qui leur est applicable. Cette dernière est aujourd'hui de 65 ans. Avec la réforme des retraites de novembre 2010, elle passera progressivement à 67 ans pour les pensions prenant effet à compter du 1er juillet 2011.

Ainsi, à terme, les ambassadeurs, les préfets, les directeurs d’administration centrale, les recteurs, les ingénieurs de l’armement ou les médecins des armées et quelques autres responsables nommés par le Gouvernement, pourront, dans des cas particuliers, grâce à ce projet de loi, rester en poste jusqu’à 69 ans.

En effet, on nous propose non pas de permettre, pendant une courte période, l’anticipation du passage de la limite d’âge de 65 ans à 67 ans, en attendant que se produisent naturellement les effets de la loi du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, qui se feront sentir progressivement au fil des générations successives, mais bien de rendre une mesure immédiatement applicable, à discrétion, pour porter l’âge limite, à terme, à 69 ans.

Les emplois à la décision du Gouvernement visés par ce texte sont donc ceux auxquels peuvent accéder, sans autre condition que l’âge, des fonctionnaires ou des non-fonctionnaires. Ils sont pourvus par décret du Président de la République en conseil des ministres.

Ces nominations sont « essentiellement révocables », et cela à tout moment. Les emplois à la décision du Gouvernement ne constituent pas des corps de fonctionnaires, même s’ils sont pourvus généralement par détachement.

L’objectif de ce projet de loi, tel qu’il est indiqué dans l’exposé des motifs, est « de pouvoir faire face à des situations où l’intéressé dispose de qualités, de compétences et d’une expérience faisant qu’il est difficilement remplaçable… » – on n’est pas allé jusqu’à écrire qu’il est irremplaçable ! – « …, à court terme, dans les fonctions qu’il occupe. Ces situations peuvent notamment être liées à une mission qui a été confiée à l’intéressé ; elles peuvent aussi tenir à un contexte particulier dans la zone géographique où l’intéressé exerce son autorité ou dans la structure qu’il dirige ».

La lecture de cet exposé des motifs laisse sceptique, et plusieurs points méritent des éclaircissements. J’aborderai donc successivement les six éléments qui paraissent préjudiciables à une bonne gestion de l’administration : le texte ne va pas dans le sens d’un rajeunissement des cadres ; les motifs du recours à la procédure accélérée restent mystérieux ; la question de l’inféodation de l’administration se pose à l’évidence ; la notion de « situations imprévisibles » ne paraît pas pertinente ; des adaptations nombreuses de la règle des 65 ans sont déjà possibles ; enfin, le cas des non-fonctionnaires, appelé à la rescousse de ce projet de loi, m’apparaît comme une chimère.

Premièrement, ce texte ne va pas dans le sens d’un rajeunissement des cadres !

En premier lieu, nous nous interrogeons sur le nombre des emplois concernés par ce projet de loi. Dans son rapport, M. Jean-Pierre Vial affirme que « selon les données fournies par l’étude d’impact, on peut estimer entre 500 et 600 le nombre d’emplois supérieurs » – à 20 % près, donc ! Cette imprécision montre bien que le projet de loi et l’étude d’impact qui l’accompagne ont été bouclés dans l’urgence.

Monsieur le secrétaire d'État, je serais donc curieux de connaître le nombre exact des emplois nommés à la décision du Gouvernement.

Parmi ces hauts fonctionnaires, ce sont les générations nées de 1947 à 1949 qui sont les plus représentées ; sur 162 ambassadeurs, la moyenne d’âge est de 58 ans. En outre, pour les ambassadeurs et les préfets nés dans les années cinquante, les âges sont bien répartis.

D’ici à la fin de l’année 2013, quelque 30 ambassadeurs sur 162, une vingtaine de préfets sur 100 environ et une quinzaine de recteurs sur 30 atteindront 65 ans ou plus, comme nous le révèlent les graphiques de l’étude d’impact. Des postes, même si leur nombre est probablement très restreint, seront donc occupés par des personnes si qualifiées qu’elles pourront conserver leur emploi jusqu’à 69 ans.

Au regard des emplois et des situations visés, une prolongation de deux ans de l’activité au-delà de la limite d’âge peut paraître longue. On est en droit de se demander ce qui la justifie, même s’il s’agit d’un délai maximum.

Ce texte ne va donc dans le sens ni d’un rajeunissement, ni d’un renouvellement, ni d’une modernisation des cadres de la haute fonction publique. Il est de nature à retarder le remplacement des effectifs.

Avec humour, le site Lesechos.fr, commentait ainsi ce projet de loi : « On savait que la valeur n’attendait pas le nombre des années. On sait désormais que, pour le Gouvernement, elle n’est pas rattrapée par le poids des ans. »

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