Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 7 décembre 2009 à 15h00
Loi de finances pour 2010 — Article 45 bis suite, amendement 261

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

Comme nous venons de vous le dire, monsieur le ministre, nous sommes opposés à la fiscalisation des indemnités journalières perçues par les victimes d’accidents du travail ; c’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 45 bis introduit à l’Assemblée nationale.

Pour justifier cette mesure, vous invoquez le « courage politique » qui vous dicterait, contre l’avis de tous, de fiscaliser les indemnités journalières des victimes du travail. C’est particulièrement choquant à l’heure où les inégalités ne cessent de se creuser dans notre pays.

Aujourd’hui, vous inventez une « équité à géométrie variable », en oubliant sciemment de préciser que les victimes du travail ne sont pas intégralement indemnisées de leurs préjudices, qu’elles ne reçoivent aucune indemnisation au titre des préjudices personnels, comme la douleur, le préjudice moral, le préjudice esthétique. De plus, ces périodes d’arrêt de travail, exclues de l’assiette de cotisations et sans report de salaire au compte, pénalisent les salariés en matière de droits à retraite.

En aucun cas il ne s’agit d’équité ou de courage ; il s’agit tout simplement de choix politiques, qui conduisent à fiscaliser les indemnités journalières plutôt que les heures supplémentaires, à taxer les victimes du travail plutôt que les banques, à conserver un bouclier fiscal critiqué, y compris dans la majorité, et à adopter une succession de mesures visant à diminuer la réparation des victimes du travail, telles que celle qui est envisagée à propos du calcul du montant de l’allocation de cessation d’activité anticipée des travailleurs de l’amiante.

Mes chers collègues, vous avez tous entendu parler de l’accident qui est survenu le 23 novembre dernier dans une usine chimique classée « Seveso » située à Andrézieux-Bouthéon, dans le département de la Loire, et qui a fait quatre blessés graves, dont une personne brûlée au visage.

Ces quatre salariés vont bénéficier d’indemnités journalières mais n’auront aucune autre indemnisation de leurs préjudices. En effet, le salarié brûlé au visage ne recevra, par exemple, aucune indemnisation au titre de la douleur qu’il endure ou de son préjudice esthétique, puisque même la rente d’accident du travail ne les indemnise pas. Il lui appartiendra donc d’aller devant les tribunaux pour faire éventuellement reconnaître, et au bout de plusieurs années de procédure, la faute inexcusable de son employeur.

En revanche, mes chers collègues, si dans quelques instants l’article 45 bis est adopté par le Sénat, ces quatre salariés blessés seront bientôt imposés sur leurs indemnités journalières. C’est scandaleux !

Contrairement à ce que vous affirmez, la rédaction actuelle de l’article 45 bis ne limite pas la fiscalisation aux seuls arrêts de moins de vingt-huit jours et donc aux seules victimes d’accidents dits « bénins ». Ce sont bien toutes les victimes, quelle que soit la gravité de leur accident et de leurs séquelles ou la durée de leur arrêt, qui sont visées.

De toute façon, on ne peut se limiter à parler des accidents du travail en les comparant aux entorses que l’on peut se faire en jardinant, ni soutenir qu’il est équitable de traiter de la même manière quelqu’un atteint d’une grippe saisonnière et quelqu’un qui subit des brûlures au visage en travaillant. Alors que les conditions de travail se dégradent – plusieurs enquêtes récentes l’ont montré –, la seule mesure concrète que vous proposez est la fiscalisation des indemnités journalières.

C’est désastreux et c’est d’autant plus choquant qu’aucune mesure concrète n’est, par ailleurs, prise ou proposée par le Gouvernement pour améliorer la réparation des victimes du travail. De plus, cette sanction financière sera sans conséquence sur une évolution quelconque du volume ou de la gravité des accidents de travail dans notre pays. C’est pourquoi nous vous invitons à adopter l’amendement n° II-261.

Mes chers collègues, un accident du travail est toujours un drame pour une famille.

M. Sarkozy avait évoqué, naguère, « la France qui se lève tôt ». Mais un salarié qui, le soir, rentre chez lui blessé, c’est un drame pour toute une famille, notamment sur le plan économique, car cela signifie des ressources en moins et des perspectives de dépenses qui ne pourront être assumées. Et vous voudriez en plus fiscaliser ces indemnités ?

La loi de 1898 a prévu une indemnisation forfaitaire. De grâce, ne revenons pas sur ce point. Nous pouvons discuter de nouveau des modalités de l’indemnisation, mais pas maintenant, pas à la va-vite, pas à la sauvette !

Monsieur le ministre, vous commettez une grave erreur, me semble-t-il. Il faut prendre les sondages pour ce qu’ils sont, certes, mais je lisais ce matin dans Le Parisien que 65 % des Franciliens étaient opposés à cette mesure. Même dans votre camp, une majorité y est hostile !

Vous feriez donc bien, ici, au Sénat, de revenir sur cette disposition, qui, me semble-t-il, a été adoptée trop vite. Il y a eu beaucoup d’emballement autour de cette question, et ce sont malheureusement les victimes des accidents du travail qui en feront les frais.

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