Certes, monsieur le ministre, certaines de ces personnes ne sont pas imposables, mais, pour autant, elles ne peuvent considérer avec plaisir la diminution de leurs revenus, de 40 % pendant les vingt-huit premiers jours de leur arrêt de travail, puis de 20 %. Chacun peut le comprendre.
Un accord était intervenu en 1898 prévoyant, en contrepartie de l’absence d’indemnisation intégrale, un dispositif de non-fiscalisation. Si vous voulez le remettre en cause, il faudrait mener une étude approfondie.
Mais, aujourd'hui, à l’inverse, vous voulez fiscaliser pour faire entrer de l’argent dans le budget, sans engager aucune négociation entre les salariés et le patronat, sans instaurer aucune discussion, sans prendre aucune mesure pour lutter contre les accidents du travail. Autrement dit, vous décidez de fiscaliser sans aucune concertation. Cela, c’est totalement injuste !
L’exemple que vous avez cité du qui se fracture un doigt de pied pourrait prêter à rire si l’on ne savait ce que représente un accident du travail. J’ai tenté de vous le faire comprendre tout à l'heure : quand une personne rentre chez elle accidentée du travail, c’est bien souvent une catastrophe pour sa famille ! Malgré cela, vous allez fiscaliser ! Et il n’est même pas sûr que cela rapportera 150 millions d’euros. Si l’amendement de M. le rapporteur général devait être adopté, ce serait vraisemblablement beaucoup moins.
Y a-t-il une estimation du nombre de personnes qui ne seraient pas fiscalement touchées par cette mesure ? Disposez-vous de chiffres que vous pourriez nous communiquer ? Non ! Vous avez simplement décidé de fiscaliser ! Pourquoi ? On ne sait pas trop !
Comme l’ont précédemment précisé certains de nos collègues, une décision politique a été prise au sein du groupe UMP à l’Assemblée nationale. Mais c’est votre problème, mes chers collègues de la majorité ! Je rappelle que les membres de la commission des affaires sociales du Sénat – ma collègue Catherine Procaccia l’a rappelé – se sont toujours opposés à cette disposition. Chaque fois que M. Jean-Jacques Jégou a déposé un amendement, nous avons eu un débat.
Ce qui est tout à fait dommage d’ailleurs, c’est que parmi les amendements qui ont été déposés, et qui ne me satisfont pas, beaucoup ne seront sans doute pas défendus.
Or le rapporteur de la mission commune d’information « amiante » par ailleurs rapporteur de la branche AT-MP dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, notre collègue Gérard Dériot, n’a pas déposé sans raison un amendement tendant à ne soumettre à fiscalisation que les indemnités journalières qui excèdent 86 % du revenu journalier antérieur. L’ancien président de la commission des affaires sociales, notre collègue Nicolas About, n’a pas lui non plus proposé sans raison d’ajouter le seuil de 1, 6 SMIC.
Cela répond à un souci de justice sociale, qui n’est pas pris en compte dans la position que l’on veut nous faire adopter, car je ne crois pas que l’amendement de M. Marini, que nous examinerons ultérieurement, réglera ce problème.
Si MM. Dériot et About ont pris la décision de déposer de tels amendements, c’est qu’ils savent bien que des gens modestes vont être pénalisés. Évidemment, tout dépend de la définition que l’on donne au terme « modeste »… Quoi qu’il en soit, des gens seront pénalisés ! Je voudrais insister sur le fait que ces personnes dont vous voulez fiscaliser les indemnités journalières verront d’un coup leur revenu chuter.
Par ailleurs, notre collègue Denis Badré a évoqué la voie pénale. Certes, elle est tout à fait envisageable. Toutefois, permettez-moi de vous le dire, mes chers collègues, faire reconnaître la faute inexcusable de l’employeur dans le cas de l’amiante nous a demandé plus d’une dizaine d’années. La démarche sera encore plus complexe pour un salarié isolé dans une entreprise. C’est d’ailleurs pour cette raison, nous le savons très bien, qu’un nombre considérable d’accidents du travail ne sont pas déclarés.
Je voudrais donc vous convaincre de ne pas toucher à ce qui constituait un équilibre entre les partenaires sociaux. Si vous souhaitez vraiment une évolution, dans ce cas, demandez-leur de se réunir et de mettre sur la table le montant de l’indemnité. Demandez aux représentants du MEDEF s’ils sont d’accord pour le faire !