Intervention de Hervé Morin

Réunion du 15 juillet 2009 à 14h30
Programmation militaire pour les années 2009 à 2014 — Discussion d'un projet de loi

Hervé Morin, ministre :

Depuis deux ans, nous adaptons notre stratégie, notre fonctionnement, notre organisation aux réalités du monde. Le projet de loi de programmation militaire est la clef de voûte de ce changement.

Avant de vous la présenter en détail, je souhaite remercier particulièrement le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, M. Josselin de Rohan, également rapporteur du projet de loi, les membres de la commission, ainsi que les rapporteurs pour avis de la commission des finances et de la commission des lois, de leur implication et de l’esprit constructif avec lequel ils ont préparé les débats.

Ce texte est particulièrement ambitieux. C’est la première étape d’un effort de 377 milliards d’euros pour la défense d’ici à 2020. Sur la période 2009-2014, 186 milliards d’euros seront affectés à la mission « Défense », dont 102 milliards pour l’équipement des forces. En 2009, ce sont 18 milliards d’euros qui seront consacrés à ce secteur, contre 15 milliards d’euros en 2007.

Ce texte est équilibré, notamment pour ce qui concerne la protection du secret de la défense nationale. Sur ce point, le travail et les débats menés avec les parlementaires ont permis d’élaborer un texte qui, tout en renforçant le rôle de la Commission consultative du secret de la défense nationale, la CCSDN, et de son président, respecte les prérogatives de l’autorité judiciaire et la sécurité juridique des investigations menées par les magistrats.

Enfin, ce texte est cohérent en ce qu’il traduit notre nouvelle vision globale de la défense, issue du Libre blanc.

Ce Libre blanc constitue notre feuille de route.

La dissuasion reste « l’assurance vie » de la nation : nous poursuivons sa modernisation et nous la renforçons avec le développement d’un programme d’alerte avancée, qui sera pleinement opérationnel en 2020.

Face aux nouvelles menaces comme le terrorisme, la prolifération ou les cyber-attaques, le renseignement est notre première protection. Nous allons donc développer la nouvelle fonction stratégique « connaissance-anticipation » avec, notamment, la création de 700 postes dans les services de renseignement, la mise en œuvre du programme MUSIS, qui remplacera le programme HELIOS, ou le lancement du satellite d’écoute électromagnétique CERES, ainsi que le développement du drone MALE, moyenne altitude longue endurance.

Le Livre blanc identifie par ailleurs un nouvel arc de crise, allant de l’océan Atlantique à l’océan Indien, pour lequel nous allons renforcer nos capacités d’intervention.

Nous avons commandé 60 exemplaires du Rafale dans sa version F3, et l’admission au service actif de deux frégates Horizon en 2009 et 2010 et des frégates multi-missions, les FREMM, à partir du 2012 nous permettra de disposer, à terme, d’un parc de 18 frégates de premier rang.

Nos capacités de projection seront également renforcées avec l’entrée en service, à partir de 2017, du Barracuda, équipé du missile de croisière naval. Dans le domaine aéroterrestre, 24 Cougar et 23 hélicoptères NH 90 en version terrestre seront livrés entre 2011 et 2014. Enfin, vous avez vu défiler hier les premiers véhicules blindés de combat d’infanterie, les VBCI : nos troupes en recevront plus de 550 au cours de la même période.

Clé de notre efficacité opérationnelle et du moral de nos armées, le maintien en condition opérationnelle, ou MCO, nécessite un effort financier soutenu et régulier.

La loi de finances initiale augmente la ressource consacrée à l’entretien programmé des matériels de 8 % par rapport à 2008, la portant de 2, 7 milliards d’euros à 2, 9 milliards d’euros, hors dissuasion. Pendant la durée de la loi de programmation militaire, la dotation se stabilisera en volume autour de 3 milliards d’euros, alors même que le format de nos armées se réduira : plus d’argent avec un format moins important, cela signifie plus pour chaque unité.

Nos matériels sont très sollicités, certains vieillissent, devenant de plus en plus difficiles à entretenir, tandis que les plus récents sont nettement plus coûteux : par exemple, l’heure de vol du Tigre est dix fois plus chère que celle de la Gazelle.

Mais la problématique du maintien en condition opérationnelle, ce n’est pas seulement une question d’argent. La preuve en est que nous avons ajouté en volume cumulé, dans la précédente loi de programmation militaire, plus de 1, 5 milliard d’euros pour le financement du MCO, mais que la disponibilité n’est pas encore satisfaisante. Il reste que la situation, qui était dramatique en 2002, s’est tout de même arrangée.

Améliorer la disponibilité des matériels, cela passe aussi par une réforme d’organisation et de structure du maintien en condition opérationnelle, qui implique : la montée en puissance du service industriel de l’aéronautique, créé au début de 2008 ; une nouvelle politique d’emploi et de gestion des parcs au sein de l’armée de terre ; la création, au début de 2010, d’un service de soutien responsable de la coordination du MCO pour l’ensemble du matériel terrestre des armées et services ; l’extension des nouveaux modes de contractualisation avec les industriels de défense ; enfin, le développement du contrôle de gestion sur toute la filière.

Cette question du maintien en condition opérationnelle est d’une importance capitale pour l’avenir de nos forces armées.

Enfin, le Livre blanc rappelle que, pour répondre aux nouveaux défis, nos armées sont amenées à intervenir le plus souvent en coalition, ce qui impose de renforcer notre interopérabilité avec nos alliés au sein de l’Alliance atlantique ou avec nos partenaires européens ; nous avons déjà eu ce débat. De manière complémentaire à notre engagement au sein de l’OTAN, la construction de l’Europe de la défense doit nous permettre de mener, dans les mois et les années qui viennent, des opérations militaires autonomes, d’envergure significative.

Mesdames, messieurs les sénateurs, de ces nouvelles priorités découle une nouvelle organisation du ministère.

La gouvernance du ministère a été profondément renouvelée. Un nouveau décret d’organisation, se substituant aux décrets de 2005, a été adopté lundi dernier en conseil des ministres. Il permettra un fonctionnement plus intégré en consolidant, sous l’autorité du ministre, les responsabilités du chef d’état-major des armées vis-à-vis des trois armées. Désormais, le chef d’état-major des armées aura l’entière responsabilité de la planification, de la programmation et de la budgétisation.

Le Sénat voudra bien me pardonner ce recours à la langue anglaise : la présente loi de programmation militaire est la première à ne pas être bottom up, c'est-à-dire résultant de l’addition de toutes les demandes exprimées par les états-majors, mais au contraire top down, c'est-à-dire définie en fonction de nos besoins en termes de capacités militaires, avec une déclinaison armée par armée.

Symbole de cette nouvelle gouvernance, les états-majors et les directions d’administration centrale seront regroupés en 2014 sur un site unique, à Balard.

De plus, les soutiens et l’administration générale sont en cours de rationalisation. Dans ce but, nous avons lancé trente-huit chantiers, comme la réforme des achats – bien que nous ayons plusieurs centaines d’acheteurs, elle devrait nous permettre d’économiser de 50 millions à 100 millions d’euros par an –, la modernisation des structures de paye des personnels, l’externalisation mesurée d’un certain nombre de fonctions de soutien, la simplification et la réduction des échelons intermédiaires, la création d’une agence interarmées de reconversion du personnel ou encore la réunification des centres de recrutement, qui est déjà effectuée.

Parallèlement, nous avons lancé un nouveau chantier majeur avec la réforme des systèmes d’information et le regroupement, sous une autorité unique, de l’ensemble du budget de la fonction informatique. Voilà quelque chose dont on ne se préoccupe jamais ; pourtant, le ministère de la défense consacre 1, 3 milliard d’euros à l’ensemble des systèmes d’information et de communication ! Nous avons donc décidé de regrouper les systèmes sous une seule direction, avec un seul ordonnateur, et nous espérons, à terme, être en mesure de réaliser jusqu’à 300 millions d’euros d’économies.

La nouvelle carte militaire qui a été présentée l’été dernier, fruit d’une formidable concertation à laquelle je tiens à rendre hommage, est la conséquence de cette nouvelle organisation, de cette mise en commun de l’ensemble des fonctions d’administration et de soutien.

Les 11 bases de défense expérimentales créées au début de 2009 regroupent au total 50 000 personnes, dont le soutien est assuré aujourd’hui par 6 000 civils et militaires. Quelques mois d’expérimentation et de tâtonnement confirment que les gains issus de la mutualisation du soutien sont potentiellement très importants. Nous pensons que, pour être le plus efficaces possible, nous devrons faire passer le nombre des bases de défense de 90 à 60 ou 70.

Depuis un an, les mentalités ont profondément évolué, ce qui nous permet d’accélérer le calendrier de mise en œuvre d’un certain nombre de chantiers : la fusion des commissariats d’armées sera finalement réalisée au début de 2010, et la généralisation des bases de défense aura lieu en 2011.

Cet immense mouvement, j’en suis conscient, représente un effort extrêmement important pour la défense et pour les hommes et les femmes qui la servent. Il est donc assorti d’un plan massif d’accompagnement de 140 millions d’euros par an. Je vous rappelle que nous avons quatre fois plus de demandes de pécule de départ que nous ne pouvons en satisfaire. C’est bien la preuve que ce plan fonctionne.

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