Intervention de Yves Pozzo di Borgo

Réunion du 15 juillet 2009 à 14h30
Programmation militaire pour les années 2009 à 2014 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Yves Pozzo di BorgoYves Pozzo di Borgo :

Ce qui est en cause, monsieur le ministre, ce n’est pas ce projet de loi ni le travail colossal qui a été accompli en amont, mais nos conditions de travail, et je tenais à le dire.

En effet, il aurait été souhaitable que les craintes émises au sujet de l’article 5 et, plus largement, à propos du concept de sécurité nationale soient levées ; c’est l’une des innovations majeures introduites par le Livre blanc. Il s’agit là de proposer une stratégie de sécurité nationale qui apporte des réponses à l’ensemble des menaces susceptibles de porter atteinte à la vie de la nation. C’est une bonne chose, mais des réticences se sont exprimées, car associer sécurité intérieure et sécurité extérieure évoque de mauvais souvenirs.

En fait, c’est toute la pensée démocrate-chrétienne et libérale qui va à l’encontre de cette association. Nous ne savons que trop à quelles terribles dérives a mené, durant des décennies, l’ingérence des militaires dans la société, notamment en Amérique latine, et je ne parle pas de l’Algérie ou de la Chine à l’heure actuelle. Sans porter de jugement hâtif sur une situation complexe, les récents événements qui se sont produits au Honduras témoignent du fait que cette menace existe toujours. Il aurait donc été souhaitable qu’un débat moins contraint par le manque de temps permette de rassurer et de lever ces réticences.

De la même façon, il aurait été bon que nous puissions, nous aussi, prendre le temps de débattre des articles 12, 13 et 14 du projet de loi, et ce malgré l’excellente intervention de notre collègue François Pillet.

Les dispositions relatives au secret de la défense nationale adoptées par l’Assemblée nationale ont permis de trouver un juste équilibre entre la sauvegarde du secret-défense et la recherche des auteurs d’infractions. Au nom de mon groupe, je vous assure que cet équilibre nous semble tout à fait satisfaisant, et je me réjouis du fait qu’il redonne à l’exécutif toutes les prérogatives qui doivent lui revenir en matière de secret-défense.

Là encore, ce n’est pas le texte qui est en cause. En fait, dans cette affaire, c’est la forme qui aurait pu être améliorée. Le fond, en revanche, est à la hauteur de l’enjeu.

L’enjeu, c’est la sécurité de demain.

D’abord, il faut la financer. Ce texte le permet, puisqu’il constitue la première étape d’un effort de 377 milliards d’euros pour la défense d’ici à 2020. Sur la période 2009-2014, 186 milliards d’euros seront affectés à la mission « Défense », dont 102 milliards pour l’équipement des forces.

Depuis la fin de la guerre froide, le monde a changé ainsi que les menaces. Mais, n’en doutons pas, la sécurité de demain reste la dissuasion. Elle n’est plus suffisante, c’est indiscutable, mais elle doit rester « l’assurance vie de la nation ». Ce sera possible avec cette future loi de programmation, car elle nous permettra de maintenir notre effort dans ce domaine et de le renforcer par le lancement d’un programme d’alerte avancée.

À ce sujet, monsieur le ministre, il me semble très important de préparer le développement d’un programme d’alerte spatiale, car il doit fournir une composante essentielle du futur système global d’alerte avancée.

Pour l’alerte spatiale, le démonstrateur d’alerte avancée Spirale, système préparatoire infrarouge pour l’alerte, dont les deux satellites ont été lancés mi-février 2009, confirme, à ce stade, la faisabilité d’une première capacité opérationnelle. Pour que ce démonstrateur joue tout son rôle, les compétences requises doivent être maintenues et les investissements planifiés. L’identification d’un budget industriel dès 2010 pour cette activité est importante.

Si mes informations sont correctes, ce sont 700 millions d’euros qui sont nécessaires pour que le projet soit opérationnel en 2016. C’est peu, surtout comparé aux dizaines de milliards d’euros que les États-Unis dépensent depuis 1982 et 1983 pour construire leur bouclier antimissile. C’est peu pour que la France puisse proposer à l’Europe une protection antimissile autonome.

Ce projet me semble extrêmement intéressant. J’espère que les orientations qui seront arrêtées permettront de dégager les moyens nécessaires.

Aujourd’hui, le programme 191 : « Recherche duale (civile et militaire) » nécessite que sa stratégie soit confortée. Depuis cinq ans, il consiste en la reconduction de crédits à deux opérateurs : le Centre national d’études spatiales, CNES, et le Commissariat à l’énergie atomique, CEA. Cette situation n’est pas satisfaisante ; mon collègue Christian Gaudin l’avait signalé lors de l’examen de la dernière loi de finances et avait proposé la création d’un programme dédié, « recherche spatiale », pour financer spécifiquement les travaux de recherche du Centre national d’études spatiales. Cette idée mériterait d’être approfondie.

Pour reprendre l’exemple du démonstrateur Spirale, ce système d’alerte spatial pourra avantageusement contribuer à la surveillance spatiale et aérienne, ainsi qu’à l’observation de phénomènes naturels comme les irruptions volcaniques ou la surveillance d’activité de certaines installations industrielles.

Depuis le lancement par les Russes du premier satellite artificiel de la terre, le 4 octobre 1957, le fameux Spoutnik, l’espace a pris une importance considérable dans nos systèmes de défense. C’est sans aucun doute l’un des principaux enjeux stratégiques de demain. La France ne doit pas prendre de retard dans ce domaine. C’est tout notre système d’information, de communication et de repérage qui est en jeu !

Aujourd’hui, ce système est vulnérable. Afin que tous les moyens soient mobilisés pour le protéger, il me semblerait intéressant de donner à l’espace toute la place institutionnelle qu’il mérite. À côté des trois armées – terre, air, mer –, peut-être pourrait-on envisager que l’espace ait, sinon une armée dédiée, du moins un état-major ? Je sais que cela est prévu dans votre texte, monsieur le ministre, et, selon moi, l’armée française devrait en effet compter non pas trois, mais quatre états-majors !

Face aux nouvelles menaces – le terrorisme, la prolifération nucléaire, les menaces chimiques, bactériologiques, ou les cyberattaques –, la sécurité de demain, notre première protection, c’est aussi le renseignement. La future loi de programmation militaire permet d’agir dans ce domaine en érigeant la connaissance et l’anticipation en nouvelle fonction stratégique.

Concrètement, il s’agit de créer sept cents postes dans les services de renseignement, de lancer avec nos partenaires européens le programme MUSIS – multinational space-based imaging system for surveillance, reconnaissance and observation –, ou encore de mettre en orbite le satellite d’écoute électromagnétique CERES – Clouds and Earth’s Radiant Energy System.

L’un des grands enjeux de la défense de demain, nous le savons, c’est l’amélioration de la disponibilité. Là encore, cette future loi de programmation est à la hauteur.

Par exemple, elle va permettre la montée en puissance du service industriel de l’aéronautique, créé début 2008, et le regroupement géographique des parcs selon leur emploi. Globalement, il s’agit d’optimiser le soutien par une gestion dynamique des besoins.

Cette optimisation passe aussi par l’extension des nouveaux modes de contractualisation, plus globaux, plus efficaces, avec les industriels de défense – DCNS, Nexter, Dassault – et par le développement du contrôle de gestion sur toute la filière.

Surtout, la sécurité de demain, c’est la coopération avec nos alliés. L’orientation du Livre Blanc à ce sujet est claire : avec nos partenaires européens et atlantiques, nous avons bien plus que des intérêts communs ; nous avons un destin commun. Cela doit se traduire par une véritable ambition européenne en matière de défense.

Sous la présidence française de l’Union européenne, l’Europe de la défense a été relancée autour de projets concrets. Monsieur le ministre, vous en avez été l’un des acteurs. Je pense à la mise en œuvre d’un ERASMUS militaire pour les officiers, à la constitution d’un groupe aéronaval européen, à la création d’une flotte européenne de transport, ou encore à la constitution d’un réseau de surveillance maritime des côtes européennes.

Ces initiatives concrètes et le fait que la France ait rejoint le commandement militaire intégré de l’OTAN n’échappent pas à nos partenaires. Membre de l’Union de l’Europe occidentale, je me rends compte que cela fait bouger les lignes !

Depuis quelque temps, le Royaume-Uni se rapproche de l’Union européenne en matière de défense et, avec ce mouvement, se rapproche aussi la perspective d’une véritable Europe de la défense forte, portée par les deux grandes puissances militaires que sont la France et la Grande-Bretagne. J’y vois beaucoup d’espoir.

À terme, cette défense européenne doit permettre de mener des opérations militaires autonomes, y compris des opérations d’envergure significative. Il est affirmé sans ambiguïté dans le Livre Blanc que cette autonomie n’est pas concurrente de l’Alliance atlantique ; bien au contraire, elle la renforce. C’est l’une des idées clefs du Livre Blanc dont cette future loi est la déclinaison législative : la complémentarité entre l’Union européenne et l’Alliance atlantique. Cette idée forte rejoint pleinement les fondamentaux de la « doctrine défense » de la famille centriste, inscrite dans le marbre par Jean Lecanuet, l’un de vos prédécesseurs à la commission des finances.

Là encore, en rapprochant nos équipements de ceux de nos partenaires, en facilitant l’interopérabilité, en permettant à notre industrie de la défense de nouer plus facilement des partenariats avec des entreprises européennes, cette future loi de programmation est à la hauteur.

Enfin, la sécurité de demain, ce sont des femmes et des hommes qui se dévouent. Il faut leur offrir les meilleures conditions matérielles, organisationnelles et financières possibles. Il faut que tout soit mis en œuvre non seulement pour que leur protection soit maximale lorsqu’ils interviennent, mais aussi pour qu’ils puissent exercer leur métier dans les meilleures conditions hors des zones d’intervention.

Monsieur le ministre, l’immense mouvement de réforme de notre défense que vous avez engagé représente un effort important pour ces hommes et ces femmes qui la servent. Ce mouvement fait donc l’objet d’un plan massif d’accompagnement pour tous les personnels. Là encore, ce plan est à la hauteur : 140 millions d’euros par an de mesures d’aide au départ, à la mobilité et à la formation pour le personnel du ministère de la défense.

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