Intervention de Jean-Pierre Chevènement

Réunion du 15 juillet 2009 à 14h30
Programmation militaire pour les années 2009 à 2014 — Discussion d'un projet de loi

Photo de Jean-Pierre ChevènementJean-Pierre Chevènement :

Pour ma part, je ne les vois pas évoluer, ou, en tout cas, pas dans le bon sens !

Si nous voulions raisonner dans un monde multipolaire à partir d’un pôle proprement européen et aborder les questions nucléaires, aurions-nous une approche commune ? J’entends les différents propos tenus, y compris dans les assemblées de certains pays voisins et amis. La plupart de nos partenaires soit s’en remettent sur ce sujet aux armes nucléaires tactiques de l’OTAN, soit militent pour une Europe nucléairement désarmée. Vous savez bien, mes chers collègues, que telle est la vérité.

En rejoignant l’organisation militaire intégrée de l’OTAN, vous avez prétendu ne vous mettre en harmonie avec nos partenaires européens que pour construire avec eux une défense européenne autonome. Vous aboutirez, je le crains, au résultat inverse.

La désignation d’une menace prioritaire par le Livre blanc, page 39, « une attaque terroriste majeure sur le territoire européen, […] couplée à une situation de guerre dans l’une des zones d’intérêt stratégique », bref d’un ennemi prioritaire, le terrorisme d’inspiration djihadiste, vous amène à définir un concept de sécurité nationale dans lequel se trouvent confondus le souci de la défense et celui de la sécurité intérieure.

Or la politique de défense ne doit pas se confondre avec la politique de sécurité. Je vous parle d’expérience. L’article 15 de la Constitution précise d’ailleurs formellement que le Président de la République préside les conseils et comités supérieurs de la défense nationale, et non les conseils de défense et de sécurité intérieure. Il y a là une extension de ses pouvoirs que la Constitution n’autorise pas.

Le concept de sécurité nationale aboutit à des dérives potentielles tendant à confondre action militaire et action policière.

Or il y a plus d’inconvénients à confondre ces deux types d’actions qu’à les distinguer : le risque principal est dans le glissement vers une sorte d’ennemi intérieur, qui se substituerait à l’ennemi tout court.

La doctrine de la sécurité nationale est en fait fort peu nationale. Elle nous met à la remorque des concepts stratégiques de l’OTAN, dans le sillage de la politique des États-Unis, qui n’hésitent pas à réviser, le cas échéant, leurs perceptions et à modifier leur politique en fonction de leurs propres considérations, sans prendre le temps de consulter leurs alliés. Ainsi les méandres de leur politique en Irak, en Afghanistan, ou vis-à-vis de l’Iran ou du Pakistan nous échappent-ils largement. Monsieur le ministre, de Bush à Obama, vous retardez d’un président !

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