Intervention de Xavier Pintat

Réunion du 15 juillet 2009 à 21h45
Programmation militaire pour les années 2009 à 2014 — Suite de la discussion d'un projet de loi

Photo de Xavier PintatXavier Pintat :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi de programmation militaire a été précédé d’un travail extrêmement approfondi dans le cadre de l’élaboration du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, afin de réévaluer tous les paramètres de notre politique de défense et de sécurité au regard du contexte international, des enjeux pour la sécurité de la France, des besoins de nos armées et de leurs implications financières.

Le vote de ce projet de loi doit, en quelque sorte, « mettre sur les rails » la politique définie après le Livre blanc, en garantissant la cohérence dans le temps des différentes mesures qui seront prises en termes d’effectifs, de budget ou d’équipements pour atteindre les objectifs fixés. Ces objectifs répondent bien, à mes yeux, aux nécessités de notre défense et de notre sécurité dans un monde en évolution rapide.

Ils visent, tout d’abord, à mieux prendre en compte toute la gamme des facteurs mettant en jeu nos intérêts de sécurité et ceux de la population, que ce soit à l’extérieur ou sur le territoire national et qu’ils nécessitent le recours à des moyens militaires ou à d’autres types de réponses.

Ces objectifs visent, ensuite, à poursuivre la transformation de notre défense déjà largement engagée depuis la fin de la guerre froide et la mise en place de la professionnalisation. Je pense, notamment, au pas très important qui doit être franchi sur la voie d’une organisation de l’administration et du soutien plus efficace, moins consommatrice en effectifs et en budget. Nous pourrons ainsi concentrer l’effort sur les capacités opérationnelles, sur l’entraînement et l’équipement des personnels, ainsi que sur la mise en service de nouveaux matériels beaucoup plus performants.

Les orientations fixées dans le projet de loi permettront, enfin, à notre pays de jouer encore mieux son rôle dans les différents cadres multinationaux où s’exerce désormais de manière privilégiée notre politique de défense.

L’ambition européenne figure, à juste titre, en tête de nos priorités. La politique européenne de sécurité et de défense a incontestablement pris corps ces dernières années, avec un grand nombre d’opérations de nature très variée. Le renforcement de la coopération européenne inspire très largement notre politique, que ce soit sur les programmes d’équipement, sur la recherche, sur la formation et l’entraînement, ou sur la mutualisation de certaines capacités.

Nous avons également clarifié notre vision de l’articulation entre l’Europe de la défense et l’Alliance atlantique, ce qui ne peut que faciliter, à mon sens, la mise en œuvre de projets communs avec nos partenaires européens.

Je souhaiterais évoquer trois grands domaines que je suis plus particulièrement en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour les crédits liés à la dissuasion, à l’espace et aux systèmes de commandement et d’information.

Le premier est la dissuasion, dont le rôle essentiel dans la stratégie de la France est confirmé. Il me semble important de souligner la cohérence entre les positions de notre pays sur le plan international, sa stratégie de défense et les moyens qu’il consacre à la dissuasion.

Sur le plan international, la France s’engage activement en faveur du renforcement des régimes de désarmement et de non-prolifération. Sur le plan national, elle a déjà effectué des pas très significatifs, comme le démantèlement des sites d’essais et de production de matière fissile ou la réduction du format des forces nucléaires. Pour ma part, je ne vois pas de contradiction entre la perspective d’un monde sans armes nucléaires, qu’a évoquée le président des États-Unis, et notre politique, qui s’est traduite par des gestes concrets dans cette direction, le dernier étant la diminution du volume de la composante aéroportée décidée par le Président de la République.

La poursuite de ce mouvement reste avant tout tributaire de l’évolution des arsenaux, toujours considérables, des deux principales puissances nucléaires, mais aussi de la capacité de la communauté internationale à contenir la prolifération nucléaire. Dans ces conditions, il demeure indispensable de maintenir notre capacité de dissuasion à un niveau de stricte suffisance, mais qui soit néanmoins pleinement crédible.

Le projet de loi de programmation traduit bien cet objectif. Il prévoit les moyens de maintenir la crédibilité de la dissuasion, compte tenu de l’environnement international, avec le renouvellement de nos deux missiles et le programme de simulation, qui représentent un volet tout à fait essentiel de cette crédibilité.

Le deuxième domaine que je souhaiterais aborder est la priorité qui a été donnée au renforcement des moyens participant à la fonction « connaissance et anticipation ».

Le domaine spatial en est l’exemple le plus marquant, avec non seulement des capacités accrues dans le domaine de l’observation, grâce au programme européen MUSIS, mais aussi l’acquisition de capacités nouvelles pour l’écoute ou l’alerte avancée.

Les chiffres cités dans le rapport de la commission montrent que le budget spatial connaîtra une importante progression dans les prochaines années, ce qui permettra d’élargir la gamme de nos moyens spatiaux, mais aussi, il faut l’espérer, d’accroître notre force d’entraînement en Europe pour développer la coopération sur les programmes spatiaux.

Au-delà des satellites, le projet de loi de programmation prévoit également l’acquisition d’un grand nombre d’équipements, qui vont très directement concourir au renforcement des moyens dévolus à la connaissance et à l’anticipation ; je pense aux systèmes de commandement et de communication, ou encore à des équipements essentiels au renseignement, comme les nacelles de reconnaissance Reco NG pour les avions de combat.

Je voudrais toutefois souligner que, dans le schéma qui nous est proposé, une partie du financement de ces équipements repose sur le produit des cessions de fréquences hertziennes.

Monsieur le ministre, vous avez évoqué des mesures compensatoires en 2009, compte tenu de l’impossibilité de réaliser les cessions de fréquences cette année. Il est essentiel que les ressources prévues pour ces programmes soient mises en place.

De même, la période 2009-2014 devra impérativement se traduire par un renforcement de nos capacités en drones. En ce domaine, cela a été excellemment rappelé, nous avons enregistré ces dernières années plusieurs déceptions, du fait de difficultés industrielles.

C’est un sujet sur lequel le comité ministériel d’investissement qui a été mis en place devra se pencher avec une attention particulière, afin de dégager des solutions crédibles pour satisfaire les besoins immédiats et préparer les développements futurs.

Enfin, monsieur le ministre, je voudrais terminer en évoquant un troisième domaine qui n’apparaît qu’en filigrane dans ce projet de loi, à savoir la défense antimissile.

L’acquisition d’une capacité en matière d’alerte balistique reposant sur un satellite et sur un radar très longue portée me paraît une décision très importante, qui participe autant à notre autonomie d’appréciation qu’à la crédibilité de la dissuasion. J’observe toutefois que le lancement des développements n’interviendra pas dans l’immédiat et que les échéances de mises en service sont assez lointaines.

À l’autre bout du processus, nous disposons, avec le missile Aster, d’une première capacité limitée d’interception de missiles balistiques de moyenne portée. Les perspectives d’une version plus évoluée de l’Aster, de même que l’acquisition de radars de trajectographie, restent encore à définir.

Monsieur le ministre, vous avez souligné, à juste titre, la nécessité de bien évaluer, s’agissant de la défense antimissile, l’intérêt d’acquérir ce type de capacité, la fiabilité des techniques et le coût des investissements. Il n’y a donc pas lieu de prendre des décisions précipitées, mais nous savons que ce dossier, qu’on le veuille ou non, continuera d’alimenter le débat international, d’autant que nous ne pouvons que constater les efforts conduits par un certain nombre de puissances régionales, notamment la Corée du Nord et l’Iran, pour développer leurs capacités balistiques.

Il me semble important que la France, pays le plus présent en Europe pour la plupart des technologies concourant à la défense antimissile, ne néglige pas les développements susceptibles d’intervenir dans ce domaine.

Telles sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les principales observations d’ordre général que je souhaitais formuler sur ce projet de loi de programmation tel qu’adopté à l’Assemblée nationale. Il ouvre la voie à une modernisation profonde de notre défense et prévoit à cet effet un effort financier accru.

Je souhaite, comme la majorité des membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en particulier son président, l’entrée en vigueur rapide de ce texte et des engagements qu’il contient. Pour ce faire, je le voterai.

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