Séance en hémicycle du 15 juillet 2009 à 21h45

Résumé de la séance

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  • armées
  • militaire

La séance

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La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La conférence des présidents a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :

SESSION EXTRAORDINAIRE 2008-2009

Jeudi 16 juillet 2009

À 9 heures 30 :

1°) Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense (texte de la commission, n° 514, 2008-2009) ;

À 15 heures et le soir :

2°) Questions d’actualité au Gouvernement ;

3°) Discours du président du Sénat ;

4°) Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur l’orientation des finances publiques pour 2010 ;

Le délai limite pour les inscriptions de parole est expiré ;

5°) Éventuellement, suite du projet de loi relatif à la programmation militaire.

Lundi 20 juillet 2009

À 16 heures et le soir :

1°) Projet de loi autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu et sur les gains en capital (texte de la commission, n° 521, 2008-2009) ;

2°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement des États-Unis d’Amérique en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (Procédure accélérée) (texte de la commission, n° 523, 2008-2009) ;

3°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention entre la France et la Belgique tendant à éviter les doubles impositions et à établir des règles d’assistance administrative et juridique réciproque en matière d’impôts sur les revenus (Procédure accélérée) (texte de la commission, n° 525, 2008-2009) ;

4°) Projet de loi autorisant la ratification de l’accord entre l’Irlande, le Royaume des Pays-Bas, le Royaume d’Espagne, la République italienne, la République portugaise, la République française et le Royaume-Uni de Grande Bretagne et d’Irlande du Nord, établissant un centre opérationnel d’analyse du renseignement maritime pour les stupéfiants (texte de la commission, n° 529, 2008-2009) ;

5°) Projet de loi autorisant l’approbation de la convention de partenariat entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire (texte de la commission, n° 539, 2008-2009) ;

6°) Projet de loi autorisant l’approbation du protocole relatif à la gestion intégrée des zones côtières (GIZC) de la Méditerranée (texte de la commission, n° 527, 2008 2009) ;

7°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Conseil des ministres de la République d’Albanie relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure (texte de la commission, n° 495, 2008 2009) ;

8°) Projet de loi autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République italienne visant à compléter l’accord relatif à la coopération transfrontalière en matière policière et douanière (texte de la commission, n° 497, 2008-2009) ;

9°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et l’Organisation internationale de la Francophonie relative à la mise à disposition de locaux pour installer la Maison de la francophonie à Paris (texte de la commission, n° 541, 2008-2009) ;

10°) Projet de loi organique, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, prorogeant le mandat des membres du Conseil économique, social et environnemental (texte de la commission, n° 536, 2008-2009) ;

11°) Proposition de loi relative à la lutte contre la fracture numérique, présentée par M. Xavier Pintat (texte de la commission, n° 560, 2008-2009) ;

Mardi 21 juillet 2009

À 15 heures et le soir :

1°) Sous réserve de la transmission du projet de loi relatif à l’orientation et à la formation professionnelle tout au long de la vie, examen de la proposition du président du Sénat tendant à la création d’une commission spéciale sur ce projet de loi et nomination des membres de cette commission spéciale ;

2°) Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires (557, 2008 2009) ;

La conférence des présidents a fixé :

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Mercredi 22 juillet 2009

À 9 heures 30, à 14 heures 30 et le soir :

- Suite de la proposition de loi réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires.

Jeudi 23 juillet 2009

À 9 heures 30, à 15 heures et le soir :

1°) Suite de la proposition de loi réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires ;

2°) Navettes diverses.

Éventuellement, Vendredi 24 juillet 2009

À 9 heures 30 :

- Navettes diverses.

Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...

Ces propositions sont adoptées.

(Texte de la commission)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. André Dulait.

Debut de section - PermalienPhoto de André Dulait

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, en ce lendemain de fête nationale, qui – chacun s’est plu à le souligner – marque l’intérêt de la nation pour nos forces de défense et de sécurité, nous examinons un projet de loi d’une haute importance, puisqu’il dessinera les armées du futur.

En juin dernier, le Président de la République présentait le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Le projet de loi de programmation militaire pour les années 2009-2014, dont nous allons débattre, en est le fruit et la transposition concrète pour nos armées. C’est dans cet esprit que nous devons l’aborder.

L’une des caractéristiques de ce projet de loi de programmation militaire réside dans le fait qu’il vise non seulement à fixer les moyens humains et financiers attribués à notre politique de défense pour les six années à venir, mais aussi à répondre à la nécessaire adaptation de notre outil de défense aux nouveaux défis géostratégiques.

Aujourd’hui, en 2009, la politique de défense se doit de dépasser les choix et les orientations traditionnels.

Elle doit prendre en compte le besoin impératif de protection de la nation face aux nouvelles menaces.

Dès lors, que ce projet de loi de programmation militaire soit empreint d’un nouveau concept, celui de sécurité nationale, n’est ni surprenant ni choquant : demeurer nostalgiques de l’ordonnance de 1959 ne saurait répondre aux nouveaux défis auxquels notre pays doit faire face. C’est de la sécurité de nos concitoyens et de notre territoire qu’il est question.

La fin du monde bipolaire et la multiplication des menaces et leurs difficiles identifications ont profondément bouleversé le paysage international. Il nous faut adopter une approche différente des questions de défense, qui, désormais, ne peuvent plus être appréhendées sans celles qui sont liées à la sécurité de notre nation. Nous ne devons plus poser de barrières entre sécurité intérieure et sécurité extérieure.

Voilà un peu plus de quinze ans et avant le 11 septembre, le sol français a connu la triste réalité des attentats. Avons-nous déjà oublié l’été 1995 ?

Ajouter au concept de défense nationale celui de sécurité nationale, c’est avant tout faire preuve de réalisme ; reconnaître que, de la situation à Kaboul ou à Islamabad, peut dépendre la sécurité de nos concitoyens, c’est faire preuve de responsabilité, c’est anticiper et garantir au mieux la continuité du fonctionnement de notre État et la protection de nos concitoyens, au-delà de la résilience : tel est le propre du politique, qui n’est pas – comme nous avons pu l’entendre – d’attribuer des fonctions de police à nos soldats et de procéder à un mélange des genres.

Rien, dans ce projet de loi de programmation militaire, ne le prévoit, ni ne le laisse présager.

Debut de section - PermalienPhoto de André Dulait

Par ailleurs, face aux menaces balistiques, aux menaces NRBC – nucléaires, radiologiques, biologiques ou chimiques – et informatiques, nous ne pouvons qu’approuver la priorité attribuée aux fonctions stratégiques telles que la connaissance et l’anticipation.

Il est primordial de renforcer le rôle du renseignement à tous les niveaux, du stratégique au tactique, comme cela est prévu dans ce texte, avec l’instauration du Conseil de défense et de sécurité nationale et la création du Conseil national du renseignement.

Cette synthèse de l’information stratégique et d’arbitrage sur les priorités opérationnelles et budgétaires du renseignement, exercée au plus haut niveau de l’État, permettra la poursuite et l’amélioration de la réforme d’ensemble des services de renseignement.

Aussi, aux services de renseignements fait écho la notion de secret-défense.

En ce domaine, les rédacteurs de ce texte font également preuve d’innovation, dans la mesure où celui-ci tend à palier un vide législatif dommageable à nos magistrats.

Loin des fantasmes que peut évoquer la notion même du secret-défense, je souhaite rappeler devant vous que nos magistrats se trouvaient dans une situation paradoxale quand, au cours d’une enquête, ils étaient confrontés à des documents tenus secret-défense.

Les nouvelles dispositions du texte relatives au secret-défense ont pour premier objectif de protéger l’autorité judiciaire. Il me paraît important de le rappeler. L’extension des prérogatives de la Commission consultative du secret de la défense nationale permettra de concilier deux objectifs constitutionnels : poursuivre les auteurs d’infractions pénales et préserver les intérêts fondamentaux de la nation.

Debut de section - PermalienPhoto de André Dulait

Nous respectons profondément l’institution militaire, ses missions et ses valeurs. Cette institution est consciente des évolutions géostratégiques. Ce sont les soldats sur le terrain qui nous le rapportent. La « guerre classique » est révolue : aujourd’hui, les conflits sont asymétriques et les menaces de plus en plus diffuses, car non étatiques. Ces mêmes soldats, en OPEX, sont les premiers témoins de ces évolutions et s’y adaptent.

À ce titre, je tiens à saluer l’exemplarité des hommes du ministère de la défense pour cette force d’adaptation permanente, tant sur le terrain, à des milliers de kilomètres, qu’au sein même de leur département ministériel.

Quel corps a su ainsi opérer avec succès sa propre réforme ? Il a réussi à le faire tout d’abord au cours de l’exercice 1997-2002 : l’objectif de la loi de programmation militaire, à l’époque, tenait dans la professionnalisation des armées. Cette réorganisation a modifié le profil et l’essence même de nos armées.

Enfin, dans le cadre de la révision générale des politiques publics, le ministère de la défense a su se réformer jusque dans sa géographie territoriale. Cette rationalisation s’est accompagnée d’une nouvelle gestion.

Le ministère de la défense est parvenu à dégager des économies, à les sanctuariser, et souhaite les réinvestir et les consacrer à l’amélioration des conditions et des équipements de nos soldats. C’est bien là l’objet de ce texte. Pour la première fois, les armées bénéficient de leurs propres économies, issues des restructurations et de réorganisations, notamment pour les fonctions de soutien et d’administration. C’est là un cycle vertueux dont nous pouvons nous réjouir.

Je tiens également à souligner la cohérence de notre politique de défense et de ce projet de loi : il s’inscrit dans une dynamique de complémentarité et d’équilibre entre le Livre blanc et la réforme générale des pouvoirs publics.

Si le projet de loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 arrive tardivement, avec quelques mois de retard, force est de reconnaître que ses rédacteurs parviennent à s’affranchir d’un double exercice : augmenter et pérenniser des moyens financiers dans un contexte économique et financier très douloureux.

Il aurait été facile pour nous, dans ces temps de rigueur, de procéder à des coupes budgétaires en promettant de mieux doter la prochaine loi de programmation militaire. Ce n’est ni notre position, ni notre volonté.

Le projet de loi de programmation militaire se caractérise par une sincérité budgétaire et une trajectoire financière crédible qu’il convient de saluer. Les représentants de la commission des finances l’ont d’ailleurs fait tout à l’heure.

Dans ce projet de loi est prévu un engagement financier important et inédit pour les dix ans à venir : 377 milliards d’euros d’ici à 2020, dont 185 milliards d’euros seront affectés pour la période 2009-2014. Au total, ce seront 200 milliards d’euros qui seront consacrés aux crédits d’équipements.

Les réorganisations ont permis de générer les conditions de ressources exceptionnelles, grâce, notamment, aux cessions immobilières et à la vente des fréquences hertziennes.

D’ailleurs, pour ces dernières, même si l’encaissement du produit de la cession, évalué à 600 millions d’euros, est annoncé avec un an de retard – pour des raisons indépendantes du ministère de la défense, il faut le préciser – nous saluons l’annonce de l’avance de trésorerie pour combler ce manque à gagner pour l’exercice 2009.

Une politique de défense, c’est aussi une politique industrielle, comme M. le ministre l’a souligné. Notre défense repose tant sur de grandes industries que sur de petites et moyennes entreprises sous-traitantes qui connaissent de lourdes difficultés dues à la crise.

Ainsi, ce projet de loi bénéficiera du plan de relance de l’économie et verra son enveloppe financière majorée de 1 milliard d’euros : cela démontre la cohérence de la politique menée par le Gouvernement.

Monsieur le ministre, nous formulons bien sûr le vœu que, lorsque notre situation économique redeviendra favorable, la défense n’en pâtira pas et verra ses fonds garantis.

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre de la défense

Moi aussi !

Debut de section - PermalienPhoto de André Dulait

Nous le souhaitons ensemble !

Je terminerai mon propos sur la cohérence de ce texte avec nos engagements internationaux et européens.

La réintégration de la France dans les structures militaires de l’OTAN va nous permettre d’assurer des responsabilités à la mesure de nos engagements en moyens humains et financiers §dans les opérations extérieures à travers le monde, sans pour autant remettre en question la politique européenne de défense de notre pays.

Debut de section - PermalienPhoto de André Dulait

En effet, quoi que vous puissiez en dire, mon cher collègue, relayer une « sempiternelle opposition » entre Europe de la défense et OTAN serait anachronique.

Aujourd’hui, vingt et un pays de l’Union européenne sont membres de l’OTAN. Les deux politiques sont intrinsèquement liées.

La loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 est adaptée aux évolutions, puisqu’elle prévoit une nouvelle augmentation de la part consacrée au financement des OPEX. En 2011, le coût de celles-ci s’élèvera à 630 millions d'euros.

De plus, ce réajustement est pris en compte par la loi de programmation militaire, qui met l’accent sur la coopération européenne en matière de défense et de sécurité, notamment par la réalisation d’objectifs concrets, afin que l’Union européenne devienne un acteur majeur dans la gestion des crises internationales. Le dispositif mis en place avec les Espagnols dans le golfe d’Aden pour lutter contre la piraterie constitue un très bon exemple.

En conclusion, la loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 témoigne de la volonté du Président de la République de tenir ces engagements auprès de nos armées. Directement et logiquement inspirée du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, ladite loi s’inscrit dans un cadre équilibré entre RGPP, besoins de nos armées et protection de nos concitoyens.

Il s’agit de faire preuve de cohérence et d’honnêteté : cette loi de programmation militaire est l’aboutissement de restructurations parfois difficiles, mais génératrices de ressources exceptionnelles garantissant l’amélioration des conditions des armées. Nous devons leur restituer les économies réalisées – c’est l’enjeu de ce texte – et le faire rapidement, car la réalité d’un soldat sur le terrain ne saurait attendre la multiplication des navettes législatives.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera ce projet de loi.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - Permalien
Hubert Falco, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants

Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Badinter

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je partage entièrement, sur un point, l’avis du rapporteur pour avis de la commission des lois : il est regrettable que le secret-défense n’ait pas fait l’objet d’un débat autonome. Il se trouve raccroché à un texte très important, la loi de programmation militaire, dont l’examen a pris du retard, pour des raisons sur lesquelles je ne reviendrai pas. Nous savons qu’il s’agit ici d’expédier la discussion de ce texte, tel qu’il nous parvient de l'Assemblée nationale, car le vote conforme est acquis avant même que les débats aient lieu.

J’ai donc le sentiment de procéder un peu comme dans un cours à Sciences-Po ou de débattre de façon académique des différentes composantes du secret-défense et de la meilleure des solutions. Quant à l’utilité de ce propos, elle est proche de zéro, puisque rien de ce que je dirai ne sera retenu.

La défense n’est pas une mince question. Comme l’a rappelé le rapporteur, elle pose en elle-même un difficile problème constitutionnel, puisqu’elle est à la croisée de deux impératifs qu’il convient de concilier : d’une part, la protection des intérêts fondamentaux de la nation, et au premier chef le secret militaire, que personne ne saurait remettre en question ; d’autre part, la possibilité pour la justice d’exercer sa mission constitutionnelle, notamment la poursuite des auteurs d’une infraction et la recherche des preuves. Si cette démarche judiciaire est entravée, voire paralysée, par l’existence de certains sanctuaires, que reste-t-il de cette mission constitutionnelle ?

L’impératif moral catégorique et international de lutter contre la corruption nous est constamment rappelé, y compris par les plus hautes autorités de l’État. À ce titre, nous ne pouvons admettre que des personnes se trouvent à l’abri de la justice au motif que leurs agissements délictueux seraient couverts par le secret de la défense nationale.

Le secret-défense a été conçu pour protéger les intérêts vitaux de la nation : il ne saurait être une protection que le pouvoir politique étendrait, pour des raisons multiples, à certains, de façon à arrêter net l’action de la justice.

La lutte contre la corruption est un impératif catégorique de notre temps, notamment – je le précise, s’il en était besoin, à l’attention des membres de la commission des affaires étrangères – dans le cadre international. Il s’agit d’un véritable fléau, dont les effets sont dévastateurs, notamment en Afrique.

Notre pays, si prompt aux déclarations fracassantes dans ce domaine, ne fait pas bonne figure dans le classement international établi chaque année par l’organisation Transparency International. Ainsi, en 2007, il se situait à la dix-huitième place, loin derrière les démocraties du nord de l’Europe, entre le Japon et les États-Unis, ce qui constituait une petite consolation… En 2008, nous avons rétrogradé à la vingt-troisième place, tandis que les États-Unis et le Japon nous distançaient.

Point n’est besoin de rappeler que la France est l’un des premiers pays producteurs d’armements et de haute-technologie militaire dans le monde. C’est très bien ainsi ! Toutefois, c’est dans ce domaine, et surtout dans les affaires internationales, que s’exerce traditionnellement la corruption la plus grande. Il peut arriver – pas toujours et pas facilement ! – que la justice soit saisie de pratiques délictueuses. Mais comment poursuivre les auteurs d’infractions – que la corruption soit active ou passive, peu importe –, y compris s’agissant du versement de commissions occultes, si la justice se voit opposer le secret ?

Je serai clair : oui au secret-défense, non au secret des affaires ! On ne peut pas, au nom de la protection de la haute technologie militaire, considérer que telle société, domiciliée dans un paradis fiscal, par exemple du côté des îles Caïman, pourrait bénéficier, de quelque façon que ce soit, pour des commissions qu’elle aurait perçues, du secret-défense.

C’est autour de cet impératif qu’il faut circonscrire le débat. Or j’ai entendu le satisfecit du rapporteur, ce que je conçois : dans le cas contraire, il lui faudrait accepter des amendements ; or l’injonction du vote conforme est telle qu’il ne saurait en être question.

À l’évidence, des progrès ont été accomplis ; je pense, en particulier, à la création de la Commission consultative du secret de la défense nationale en 1998. Grâce à la résistance très ferme du président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, quelques légers aménagements ont été apportés au secret-défense.

Le texte qui nous est soumis aurait pour objet, nous dit-on, de répondre aux préoccupations du Conseil d’État. Certes, le dispositif prévu assure la protection des magistrats lors des opérations de perquisition, afin d’éviter que ceux-ci ne tombent sous le coup des dispositions du code pénal. C’est bien le moins ! Mais j’ai lu attentivement l’avis du Conseil d’État : nulle part il n’est suggéré de créer des lieux protégés. C’est une innovation du projet de loi : sont concernés non plus des documents ou des données, mais des lieux ! Je n’entrerai pas dans le détail, car nous aurons l’occasion d’y revenir. Je laisserai de côté la question des lieux ouverts : si le magistrat trouve un document classifié, il doit le placer sous scellés sans en prendre connaissance et l’adresser au président de la Commission consultative du secret de la défense nationale ; cela va de soi ! La véritable innovation, c’est la création, d’une part, de lieux considérés comme « abritant » des secrets de la défense nationale et, d’autre part, de lieux classifiés en eux-mêmes.

Pourquoi aboutissons-nous à un tel paradoxe ? Parce que, pour surmonter cette opposition entre le magistrat qui souhaite saisir les documents et l’autorité qui lui oppose le secret, il faudrait qu’existe, comme dans tout conflit, une autorité tierce pour trancher. Nous ne sommes pas capables, semble-t-il, d’aller si loin, et cette critique ne vaut pas que pour ce gouvernement. Si nous étions dans un véritable État de droit comme celui auquel nous aspirons, une telle autorité serait mise en place : ce pourrait être, d’ailleurs, la Commission consultative du secret de la défense nationale elle-même, telle qu’elle est composée, à condition que le Parlement intervienne, au cours de l’examen de la loi organique, dans la désignation de ses membres. De deux choses l’une : ou bien nous avons confiance en cette instance ou bien nous n’avons pas confiance ! Pourquoi ne pas lui faire confiance dans certains cas ?

Qui décidera que le secret-défense s’applique ? Ce ne sera pas la commission consultative, qui se contentera d’émettre un avis. On nous dit que celui-ci sera volontiers suivi. Certes, mais la décision reviendra in fine à l’autorité administrative, en particulier au ministre.

Non seulement la liste des lieux abritant des secrets de la défense nationale ne sera pas publiée, mais la commission consultative ne sera pas consultée auparavant. La liste sera établie par arrêté du Premier ministre et c’est seulement après, au coup par coup, dans le cadre du processus de déclassification de tel ou tel document, que l’avis de la commission sera demandé.

Les lieux classifiés seront, quant à eux, « top secret », selon l’anglomanie sévissante. On me rétorquera que leur nombre serait peu important : j’ai entendu là trente, j’ai lu ici dix-sept, peut-être moins. Les magistrats qui seront convaincus que ces lieux renferment des éléments de preuve leur permettant de confondre les bénéficiaires ou les auteurs actifs d’une corruption de grande échelle ne pourront y accéder. Qui décidera de la déclassification de ces lieux ? Une autorité administrative indépendante ?... On aurait pu songer à créer, pour des cas légitimes, une autorité ad hoc, une sorte de voie de recours composée des trois plus hauts magistrats de France. On peut tout imaginer. Mais l’on s’en garde ! En définitive, c’est le pouvoir exécutif qui décidera seul d’ouvrir ou de ne pas ouvrir ces lieux classifiés, qui seront considérés comme sanctuarisés.

La situation est donc la suivante : aucun amendement ne sera adopté et des sanctuaires seront créés, en dépit des propos fermes qu’a tenus le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, dont je comprends l’indignation. Ses observations reflètent tout à fait ma position : « Je souligne évidemment l’immense danger qu’il y aurait à définir sur notre territoire des lieux où les magistrats ne pourraient plus se rendre. » Or, dans la mesure où les magistrats devront recueillir l’autorisation de l’autorité administrative, ils ne pourront se rendre dans ces lieux. C’est faire échec à l’État de droit !

Pour ma part, je considère que nous jouons – j’utilise à dessein le pluriel – depuis trop longtemps à ce petit jeu qui consiste à fabriquer des garanties en trompe-l’œil. À scruter attentivement celles-ci, on constate qu’en définitive, lorsque la raison d’État le commande, l’État de droit cesse.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, sur les travées de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, mes chers collègues, je trouve hautement symbolique que le Sénat se prononce sur le projet de loi de programmation militaire pour les années 2009 à 2014 au lendemain du 14 juillet, qui a permis à la nation de témoigner sa reconnaissance à ses armées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Nous savons la compétence, le professionnalisme, le courage et le dévouement de nos troupes. Nous avons le devoir, au travers de ce texte, de leur apporter les formats opérationnels, les équipements, la maintenance des matériels et les moyens dont elles ont besoin pour assurer leurs missions, et ce dans un contexte économique et financier difficile.

Monsieur le ministre, je veux saluer une loi de programmation militaire ambitieuse, cohérente et réaliste, qui conserve à notre pays l’éventail des capacités d’un acteur militaire majeur et lui permet d’assurer sa sécurité, de respecter ses engagements internationaux, de protéger ses intérêts vitaux et ses voies maritimes, tout en prenant en compte l’évolution des menaces, y compris terroristes, la dangerosité du monde et son instabilité. Pour autant, elle n’omet pas le volet industriel et technologique de notre outil de défense qui, en lien étroit avec nos partenaires européens, nous apporte emplois, performances, recherches et savoir-faire, et incarne ainsi l’avenir.

Cette loi de programmation militaire est novatrice, car elle intègre les conclusions du Livre blanc, issu d’un long travail d’études, d’expertises, de réflexions et de confrontations. Ce document nous éclaire sur la persistance de nombreux foyers de crise régionaux, sur la montée de nouveaux défis, tel le terrorisme, sur la prolifération des armes de destruction massive et, malheureusement, de leurs vecteurs balistiques, sur les tensions concernant les ressources naturelles, sur le rôle croissant des acteurs non étatiques dans un environnement marqué par l’accélération des flux de communication, mais aussi sur l’élargissement des zones critiques pouvant nous concerner directement.

Cette instabilité accrue nous oblige à faire appel à des capacités d’anticipation et de connaissance élargies, ainsi qu’à une approche plus globale, tant intérieure qu’extérieure, s’appuyant sur l’ensemble des acteurs civils, militaires, diplomatiques et économiques, tout en développant la polyvalence de nos forces armées.

Mais le Livre blanc met aussi en cohérence la planification des équipements et des effectifs en fonction des besoins réels et des perspectives financières.

Cette loi de programmation militaire est également novatrice parce qu’elle n’est pas la simple continuation des deux lois de programmation militaires précédentes. Elle ne définit plus « un modèle d’armée », dont le cadre est, par nature, figé, contraignant, et, disons-le, rapidement obsolète.

Cette loi de programmation militaire intègre la durée, les années 2009 à 2014, et se prolonge sur la période 2015 à 2020, mais elle est surtout marquée par une notion nouvelle, « l’évaluation ». En effet, au-delà des lois de finances annuelles et même de la loi de programmation des finances publiques, ce texte fera l’objet d’un bilan d’étape et d’une révision. Nous savons tous que certains programmes seront décidés en 2011-2012 au vu de l’évolution de l’environnement stratégique et économique.

Cette loi de programmation militaire est donc moins intangible et plus adaptable à nos besoins et moyens militaires et industriels. Elle consolide aussi, je le souligne à mon tour, le financement des OPEX, d’abord en prévoyant une augmentation progressive des crédits, pour atteindre 630 millions d’euros en 2011, puis en disposant – et ce point est essentiel – que les surcoûts nets, non couverts par les provisions, seront financés par des prélèvements sur la réserve de précaution interministérielle et non au détriment du fonctionnement et du MCO, ou maintien en condition opérationnelle, du budget de la défense, comme cela a été trop souvent le cas.

Le président Josselin de Rohan et plusieurs de mes collègues ayant abordé de nombreux volets de cette loi de programmation, je limiterai mon propos aux quatre premiers articles et au rapport annexé, en m’intéressant particulièrement aux équipements. Mais comment parler de ces derniers sans évoquer la réduction des effectifs ?

Depuis la professionnalisation de nos armées, nos militaires et les civils de la défense ont vécu une évolution permanente et une diminution régulière des effectifs, tout en faisant preuve, disons-le clairement, d’un sens de l’intérêt de la nation que je tiens à saluer.

Cette loi fait de l’adaptation des ressources humaines l’un des pivots essentiels de la réussite de la programmation, d’une part, en tirant les conséquences des nouveaux formats opérationnels définis par le Livre blanc et correspondant réellement à nos besoins – il ne s’agit plus d’afficher des modèles virtuels et irréalisables –, d’autre part, en intégrant la nécessaire réorganisation de nos soutiens et de l’administration, préconisée par la RGPP et ô combien ! indispensable.

Mais il faut souligner que ces économies brutes dégagées en fonctionnement et en personnels sont totalement sanctuarisées dans le budget de la défense, avec trois finalités bien définies : améliorer les conditions des militaires – c’est le moins que nous puissions faire pour eux ; mettre en œuvre les restructurations et les plans d’accompagnement sociaux, ce qui est naturel ; enfin, dégager des marges de manœuvre nouvelles, indispensables pour les équipements, soit 1, 8 milliard d’euros sur la période de six ans.

Ces sommes sont complétées par les recettes nouvelles dégagées par les cessions de patrimoine et la vente de fréquences hertziennes, ainsi que par le volet « défense » du plan de relance, permettant d’atteindre des niveaux d’investissement jamais réalisés et de financer des programmes trop longtemps décalés ou repoussés, et dont nos forces sur le terrain ont un besoin essentiel.

Au total, sur la durée de cette loi de programmation militaire, ce sont plus de 7 milliards d’euros supplémentaires qui seront consacrés aux programmes majeurs grâce à ces recettes nouvelles.

Certains ont évoqué les incertitudes qui pèsent sur les montants et les échéances auxquelles seront mobilisés ces crédits. Je comprends leurs interrogations, mais je sais, monsieur le ministre, que vous aurez à cœur de les rassurer.

Compte tenu du temps de parole limité qui m’est imparti, je ne peux détailler les deux cents programmes majeurs d’équipements de cette loi de programmation militaire. Je me permettrai donc de vous signaler quelques équipements qui me semblent essentiels, en les déclinant en cinq grands chapitres.

Premièrement, j’aborderai les programmes destinés au renseignement et à la maîtrise de l’information. Compte tenu de l’instabilité de notre environnement, de la montée des risques nouveaux, il est plus que jamais nécessaire d’anticiper ; ces programmes sont donc essentiels.

Je retiendrai le programme européen MUSIS et ses trois satellites, dont le lancement est prévu en 2015, 2017 et 2018 et qui remplaceront les systèmes actuels, Helios II pour la France, SAR-Lupe pour l’Allemagne, avec des capacités d’imageries tout temps, jour et nuit, et des performances inégalées dans l’anticipation, le suivi et la conduite des opérations.

Monsieur le ministre, je tiens à insister sur la nécessité de disposer rapidement de drones sur les segments MALE, ou moyenne altitude longue endurance, et Tactique, tout en préparant les développements futurs, car c’est un secteur dans lequel nous accusons d’importants retards, surtout face aux Américains et aux Israéliens.

Il importe de compléter notre parc actuel de drones MALE – je me félicite de l’achat d’un quatrième Harfang – et certainement d’un deuxième segment sol. Mais il faut surtout trancher définitivement le choix d’un futur système MALE, entre l’UAV d’EADS, avec l’Allemagne et l’Espagne, le SDM de Dassault et Thalès, avec l’Espagne, sur une plate-forme Heron, ou acheter « sur étagère » directement le Héron israélien ou le Predator américain. Ce choix doit prendre en compte des critères de délais, de coûts, de performances et, peut-être, de retours économiques et d’emplois.

Dans le segment tactique, je me félicite que des drones Sperwer, intégrés au sein du système de drones tactiques intérimaires, soient déployés en Afghanistan. Je crois toutefois nécessaire – je me bats depuis plusieurs mois à cette fin – d’accélérer les livraisons des drones de reconnaissance au contact, ou DRAC, d’EADS et de les affecter d’urgence à nos troupes sur le terrain en Afghanistan.

Deuxièmement, en ce qui concerne le volet nucléaire, les programmes prévus dans la loi de programmation correspondent à la modernisation de notre outil de dissuasion s’agissant tant des composantes océanique et aéroportée que des transmissions nucléaires, ou de la mise en service du laser Mégajoule, dont nous avons pu, avec la commission, découvrir les installations, mais aussi le prototype de la ligne d’intégration laser, ou LIL.

J’en viens, troisièmement, aux capacités de projection, de mobilité et de soutien. Nous connaissons tous les problèmes générés par le retard du programme A400M. Je sais que, profitant du moratoire en cours, les discussions sont engagées avec les pays concernés, notamment avec le Royaume-Uni. Nous vous faisons confiance, monsieur le ministre, pour trouver des solutions avec vos collègues des pays partenaires lors de la prochaine réunion du 24 juillet ; ce programme ne peut échouer.

De même, les moyens de compenser le « trou capacitaire » existent, et nous en avons dressé la liste. Il convient maintenant de les mettre en œuvre en officialisant les solutions, les calendriers et les modes de maîtrise retenus pour certains matériels, qu’il s’agisse de, d’achat ou de partenariat d’État.

Quatrièmement, les capacités d’engagement et de combat constituent un volet primordial du texte ; elles représenteront 40 % des investissements. Elles sont essentielles pour l’aptitude de nos armées à remplir leurs missions. Beaucoup de matériels sont anciens et de nombreux programmes arrivent en même temps.

Pour la composante aéroterrestre, le défi est multiple et important. Je veux souligner l’engagement fort du plan de relance et de cette loi de programmation militaire concernant le véhicule blindé de combat d’infanterie, ou VBCI, qui a défilé le 14 juillet, et dont mon collègue Daniel Reiner et moi-même avons pu voir les chaînes de fabrication chez Nexter. Ainsi, 594 VBCI sur 630 devraient être livrés pour 2014 et les vieux AMX 10 P pourraient être enfin remplacés progressivement.

L’arrivée du VBCI implique que les équipements félins pour les fantassins embarqués soient livrés parallèlement. J’ai noté que la totalité de cette commande, dont la cible a été ramenée à 22 500 exemplaires, devrait être effective en 2014.

La définition du successeur du missile filoguidé MILAN semble toujours en cours de réflexion. Compte tenu des équipements existants en stock, d’un retour d’utilisation qui semble donner satisfaction dans les distances d’emploi de deux mille à trois mille mètres, il est peut-être possible – je m’interroge sur ce point – de retarder ce programme de quelques années et d’acheter « sur étagères » quelques missiles nouvelle génération, Javelin américain ou Spike israélien.

Je mentionnerai également l’arrivée du Canon de 155 Caesar, qui apporte mobilité, souplesse d’emploi, allonge et précision. Nos troupes en Afghanistan ont bien besoin de ce soutien.

Dans le domaine des capacités aériennes de combat, on ne peut que se féliciter de la décision d’aller vers un parc homogène d’avions de combat centré sur le Rafale : soixante-huit ont déjà été livrés entre l’armée de l’air et la marine et cinquante sont prévus dans cette loi de programmation, avec le standard F3, puis « post-F3 ».

La piste du réacteur M 88 en version dite Smart, délivrant neuf tonnes de poussée sur des phases spécifiques de vol, mérite certainement d’être approfondie.

La phase intermédiaire reposant sur un parc mixte de Rafale et de Mirage 2000 D modernisés semble cohérente. Cependant, les retraits progressifs des Mirage F1, CT et CR ainsi que des Super-étendard, puis des Mirage 2000 C et N, poseront un problème de « trou capacitaire » : nous ne disposerons pas, dans les années à venir, des trois cents appareils dont nous avons besoin.

Dans le domaine naval, le report en 2011 de la décision sur le deuxième porte-avions ne me préoccupe pas, car un choix trop rapide aurait déstabilisé d’autres programmes essentiels pour la Marine.

En ce qui concerne le programme des sous-marins nucléaires d’attaque Barracuda, je me félicite de cette orientation prioritaire, qui représentera une réelle amélioration capacitaire et opérationnelle par rapport aux SNA de type Rubis.

Il me semble nécessaire que, sur ce programme, comme pour les autres, on réfléchisse en amont avec les utilisateurs. Je rappelle que les SNA actuels ne peuvent pas embarquer les matériels des nageurs de combat et que nos commandos travaillent avec les sous-marins classiques allemands. C’est un bon partenariat, mais il serait souhaitable de l’éviter pour les Barracuda.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Gautier

Je n’aborderai donc pas les capacités de protection et de sauvegarde, avec les solutions pratiques.

En conclusion, monsieur le ministre, je tiens à saluer la volonté politique, la mobilisation financière et le pragmatisme qui ont présidé à l’élaboration de cette loi de programmation militaire.

Je veux souligner les choix raisonnés et l’effort accompli, notamment dans le domaine de l’entretien et de la MCO, sans lequel une partie importante des équipements vieillissants connaîtrait un pourcentage inacceptable d’indisponibilités.

Cette loi de programmation militaire permettra de retrouver un niveau opérationnel très satisfaisant, sans sacrifier la période transitoire, pour laquelle vous avez su apporter des réponses réalistes, efficaces et adaptées.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

MM. Didier Boulaud et Bernard Piras applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vantomme

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je souhaite vous parler des OPEX. Depuis vingt ans, la France projette en permanence 10 000 à 12 000 militaires dans des opérations extérieures. Ces effectifs s’ajoutent à ceux qui sont prépositionnés dans des pays avec lesquels nous avons signé des accords de défense.

Les OPEX coûtent cher et sont en augmentation continue. Les crédits pour 2008 s’élèvent à 852 millions et sont probablement sous-estimés, car tout laisse à penser que le coût de telles opérations ne devrait guère se réduire compte tenu de notre implication croissante en Afghanistan.

Cela a motivé la curiosité légitime de nos collègues de l’Assemblée nationale – rapport d’information n° 1790 de la mission d’évaluation et de contrôle sur le financement des OPEX –, ainsi que des magistrats de la deuxième chambre de la Cour des comptes, qui ont procédé à un contrôle sur ce thème.

Je ne saurais oublier les travaux menés depuis l’année dernière par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, qui ont abouti à la publication d’un rapport intitulé Les opérations extérieures sous le contrôle du Parlement.

Cette curiosité et cet intérêt pour les OPEX paraissent particulièrement opportuns dans le cadre de la discussion de la loi de programmation militaire.

Le sujet est sensible, car, pendant des années, jusqu’en 2001, le financement des OPEX figurait trop souvent au sein des crédits d’équipement, qui servaient de variable ajustement.

Depuis 2005, une dotation est inscrite dans le projet de loi de finances initiale, complétée en loi de finances rectificative, le différentiel ayant contribué à la résorption des reports de crédits d’investissement – on y revient ! – de la loi relative à la programmation militaire pour les années 1997 à 2002.

Monsieur le ministre, votre loi de programmation prévoit une budgétisation plus complète et porte la provision en loi de finances initiale de 510 millions d’euros en 2009 à 570 millions d’euros en 2010 et à 630 millions d’euros en 2011. Elle précise que les crédits mis en réserve au titre des différents ministères pourront être mobilisés pour contribuer à résorber le différentiel.

Qu’en est-il de la sincérité budgétaire dans cette affaire ? La situation est paradoxale : d’un côté, vous demandez aux militaires un engagement fort et total, au péril de leur vie – vingt-sept morts en Afghanistan – et accroissez l’engagement de notre pays, notamment en Afghanistan ; de l’autre, vous ne savez pas inscrire en sincérité et en conformité avec notre droit budgétaire les sommes nécessaires dans le budget de l’État.

Ah ! le bel artifice que la réserve au titre des différents ministères ! Nous ne manquerons pas de nous intéresser à ce dispositif magique pour connaître les généreux contributeurs, qui, une fois le temps de l’annonce passée par leur politique de communication, auront à cœur, contraints et forcés, d’accomplir leur devoir à l’égard du budget de la défense et de renoncer à leur propre politique. S’agira-t-il de l’éducation nationale, de la santé, des affaires étrangères, de la justice ? Tout le monde aura sa « chance » !

Vous me permettrez, monsieur le ministre, puisque l’on traite aujourd’hui des opérations extérieures, de constater que, décidément, à l’étranger, nous avons beaucoup de difficultés avec la sincérité budgétaire. Votre éminent collègue des affaires étrangères continue, année après année, de comptabiliser, de façon extracomptable, les mêmes annulations de dettes vis-à-vis des pays pauvres, pour majorer artificiellement et d’une manière fallacieuse notre contribution à l’aide au développement. Vous-même, bien qu’en progrès, n’arrivez toujours pas à inscrire dans votre budget et dans la loi de programmation militaire la réalité des engagements extérieurs de notre pays.

Cette exigence de sincérité et de respect de notre droit budgétaire est d’autant plus nécessaire que le Parlement, mais aussi nos concitoyens sont informés des soupçons et des initiatives judiciaires à l’égard de ventes d’armement à l’étranger et des conséquences dommageables pour notre pays.

Dans le même temps, le bouclier du secret-défense s’agrandit et renforce le sentiment de soupçon. Attention à la contagion !

Surtout, l’exigence de sincérité budgétaire contribuera, j’en suis sûr, à mieux apprécier les évolutions que se doit de réserver le Parlement à ces très coûteux engagements en période de crise.

Monsieur le ministre, dans les quelques minutes qui me sont imparties, il n’est pas possible d’être trop bavard et d’aborder tous les aspects des OPEX. Je conclurai donc mon propos sur une interrogation : le courage et les sacrifices de nos militaires en Afghanistan, les efforts budgétaires consentis depuis sept ans sont-ils en rapport avec les résultats obtenus sur place quant aux progrès de nos valeurs et au partage de nos idéaux qui ont motivé notre engagement initial ? J’écouterai avec intérêt et attention votre réponse !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Xavier Pintat

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce projet de loi de programmation militaire a été précédé d’un travail extrêmement approfondi dans le cadre de l’élaboration du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, afin de réévaluer tous les paramètres de notre politique de défense et de sécurité au regard du contexte international, des enjeux pour la sécurité de la France, des besoins de nos armées et de leurs implications financières.

Le vote de ce projet de loi doit, en quelque sorte, « mettre sur les rails » la politique définie après le Livre blanc, en garantissant la cohérence dans le temps des différentes mesures qui seront prises en termes d’effectifs, de budget ou d’équipements pour atteindre les objectifs fixés. Ces objectifs répondent bien, à mes yeux, aux nécessités de notre défense et de notre sécurité dans un monde en évolution rapide.

Ils visent, tout d’abord, à mieux prendre en compte toute la gamme des facteurs mettant en jeu nos intérêts de sécurité et ceux de la population, que ce soit à l’extérieur ou sur le territoire national et qu’ils nécessitent le recours à des moyens militaires ou à d’autres types de réponses.

Ces objectifs visent, ensuite, à poursuivre la transformation de notre défense déjà largement engagée depuis la fin de la guerre froide et la mise en place de la professionnalisation. Je pense, notamment, au pas très important qui doit être franchi sur la voie d’une organisation de l’administration et du soutien plus efficace, moins consommatrice en effectifs et en budget. Nous pourrons ainsi concentrer l’effort sur les capacités opérationnelles, sur l’entraînement et l’équipement des personnels, ainsi que sur la mise en service de nouveaux matériels beaucoup plus performants.

Les orientations fixées dans le projet de loi permettront, enfin, à notre pays de jouer encore mieux son rôle dans les différents cadres multinationaux où s’exerce désormais de manière privilégiée notre politique de défense.

L’ambition européenne figure, à juste titre, en tête de nos priorités. La politique européenne de sécurité et de défense a incontestablement pris corps ces dernières années, avec un grand nombre d’opérations de nature très variée. Le renforcement de la coopération européenne inspire très largement notre politique, que ce soit sur les programmes d’équipement, sur la recherche, sur la formation et l’entraînement, ou sur la mutualisation de certaines capacités.

Nous avons également clarifié notre vision de l’articulation entre l’Europe de la défense et l’Alliance atlantique, ce qui ne peut que faciliter, à mon sens, la mise en œuvre de projets communs avec nos partenaires européens.

Je souhaiterais évoquer trois grands domaines que je suis plus particulièrement en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires étrangères pour les crédits liés à la dissuasion, à l’espace et aux systèmes de commandement et d’information.

Le premier est la dissuasion, dont le rôle essentiel dans la stratégie de la France est confirmé. Il me semble important de souligner la cohérence entre les positions de notre pays sur le plan international, sa stratégie de défense et les moyens qu’il consacre à la dissuasion.

Sur le plan international, la France s’engage activement en faveur du renforcement des régimes de désarmement et de non-prolifération. Sur le plan national, elle a déjà effectué des pas très significatifs, comme le démantèlement des sites d’essais et de production de matière fissile ou la réduction du format des forces nucléaires. Pour ma part, je ne vois pas de contradiction entre la perspective d’un monde sans armes nucléaires, qu’a évoquée le président des États-Unis, et notre politique, qui s’est traduite par des gestes concrets dans cette direction, le dernier étant la diminution du volume de la composante aéroportée décidée par le Président de la République.

La poursuite de ce mouvement reste avant tout tributaire de l’évolution des arsenaux, toujours considérables, des deux principales puissances nucléaires, mais aussi de la capacité de la communauté internationale à contenir la prolifération nucléaire. Dans ces conditions, il demeure indispensable de maintenir notre capacité de dissuasion à un niveau de stricte suffisance, mais qui soit néanmoins pleinement crédible.

Le projet de loi de programmation traduit bien cet objectif. Il prévoit les moyens de maintenir la crédibilité de la dissuasion, compte tenu de l’environnement international, avec le renouvellement de nos deux missiles et le programme de simulation, qui représentent un volet tout à fait essentiel de cette crédibilité.

Le deuxième domaine que je souhaiterais aborder est la priorité qui a été donnée au renforcement des moyens participant à la fonction « connaissance et anticipation ».

Le domaine spatial en est l’exemple le plus marquant, avec non seulement des capacités accrues dans le domaine de l’observation, grâce au programme européen MUSIS, mais aussi l’acquisition de capacités nouvelles pour l’écoute ou l’alerte avancée.

Les chiffres cités dans le rapport de la commission montrent que le budget spatial connaîtra une importante progression dans les prochaines années, ce qui permettra d’élargir la gamme de nos moyens spatiaux, mais aussi, il faut l’espérer, d’accroître notre force d’entraînement en Europe pour développer la coopération sur les programmes spatiaux.

Au-delà des satellites, le projet de loi de programmation prévoit également l’acquisition d’un grand nombre d’équipements, qui vont très directement concourir au renforcement des moyens dévolus à la connaissance et à l’anticipation ; je pense aux systèmes de commandement et de communication, ou encore à des équipements essentiels au renseignement, comme les nacelles de reconnaissance Reco NG pour les avions de combat.

Je voudrais toutefois souligner que, dans le schéma qui nous est proposé, une partie du financement de ces équipements repose sur le produit des cessions de fréquences hertziennes.

Monsieur le ministre, vous avez évoqué des mesures compensatoires en 2009, compte tenu de l’impossibilité de réaliser les cessions de fréquences cette année. Il est essentiel que les ressources prévues pour ces programmes soient mises en place.

De même, la période 2009-2014 devra impérativement se traduire par un renforcement de nos capacités en drones. En ce domaine, cela a été excellemment rappelé, nous avons enregistré ces dernières années plusieurs déceptions, du fait de difficultés industrielles.

C’est un sujet sur lequel le comité ministériel d’investissement qui a été mis en place devra se pencher avec une attention particulière, afin de dégager des solutions crédibles pour satisfaire les besoins immédiats et préparer les développements futurs.

Enfin, monsieur le ministre, je voudrais terminer en évoquant un troisième domaine qui n’apparaît qu’en filigrane dans ce projet de loi, à savoir la défense antimissile.

L’acquisition d’une capacité en matière d’alerte balistique reposant sur un satellite et sur un radar très longue portée me paraît une décision très importante, qui participe autant à notre autonomie d’appréciation qu’à la crédibilité de la dissuasion. J’observe toutefois que le lancement des développements n’interviendra pas dans l’immédiat et que les échéances de mises en service sont assez lointaines.

À l’autre bout du processus, nous disposons, avec le missile Aster, d’une première capacité limitée d’interception de missiles balistiques de moyenne portée. Les perspectives d’une version plus évoluée de l’Aster, de même que l’acquisition de radars de trajectographie, restent encore à définir.

Monsieur le ministre, vous avez souligné, à juste titre, la nécessité de bien évaluer, s’agissant de la défense antimissile, l’intérêt d’acquérir ce type de capacité, la fiabilité des techniques et le coût des investissements. Il n’y a donc pas lieu de prendre des décisions précipitées, mais nous savons que ce dossier, qu’on le veuille ou non, continuera d’alimenter le débat international, d’autant que nous ne pouvons que constater les efforts conduits par un certain nombre de puissances régionales, notamment la Corée du Nord et l’Iran, pour développer leurs capacités balistiques.

Il me semble important que la France, pays le plus présent en Europe pour la plupart des technologies concourant à la défense antimissile, ne néglige pas les développements susceptibles d’intervenir dans ce domaine.

Telles sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les principales observations d’ordre général que je souhaitais formuler sur ce projet de loi de programmation tel qu’adopté à l’Assemblée nationale. Il ouvre la voie à une modernisation profonde de notre défense et prévoit à cet effet un effort financier accru.

Je souhaite, comme la majorité des membres de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, en particulier son président, l’entrée en vigueur rapide de ce texte et des engagements qu’il contient. Pour ce faire, je le voterai.

Applaudissements sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, mon intervention concernera essentiellement les objectifs de privatisation inscrits à l’article 11, consacré à l’industrie des poudres et explosifs, avec, pour corollaire, la chimie.

Afin de ne pas faire doublon, je ne reprendrai pas les arguments plus généraux avancés par mes collègues socialistes ; vous comprendrez, monsieur le ministre, que je les fais miens. En effet, dans notre pays, depuis plusieurs siècles, la politique militaire est aussi une politique industrielle et d’aménagement du territoire.

L’État s’est donné des leviers d’action par la création de grands groupes industriels spécialisés, détenteurs de technologies et de savoirs spécifiques, en lien avec notre politique d’armement et les intérêts économiques de la nation. Par ce biais, il a pu assurer notre indépendance stratégique grâce à des implantations éloignées des zones traditionnelles de combat et permettre le développement économique de bassins d’emplois défavorisés, tout spécialement dans l’ouest et le sud-ouest de la France.

La Société nationale des poudres et des explosifs fait partie de cet ensemble constitutif de notre socle industriel militaire et civil. Investie dans les matériaux énergétiques et la chimie, cette entreprise publique de 4 000 emplois comporte plusieurs filiales et plusieurs implantations sur notre territoire.

Aussi, la perspective de sa privatisation, prévue par l’article 11 du texte que vous nous soumettez, soulève inquiétude et incompréhension. Inquiétude, bien entendu, car nous savons ce qu’il adviendra des parties les moins rentables du groupe s’il est vendu. Une privatisation, aujourd’hui, c’est une cession demain et, souvent, une restructuration après-demain.

Monsieur le ministre, je ne vous rappellerai pas l’histoire de Molex, cédée à Safran en 2004, revendue à des investisseurs d’outre-Atlantique en 2006 et délocalisée en Slovaquie en 2009. Il n’aura fallu que trois ans pour supprimer 300 emplois à Villeneuve-sur-Tarn !

Ne doutons pas qu’il en sera de même avec des filiales de la SNPE, comme Bergerac NC, dont le niveau de résultat n’est pas satisfaisant pour le secteur privé et dont le métier et le marché se développent désormais davantage en Asie qu’en Europe.

Á Bergerac, la réforme de la carte militaire va supprimer 120 emplois avec la seule fermeture de l’Établissement spécialisé du commissariat de l’armée de Terre, communément appelé ESCAT. Faut-il en ajouter quelques centaines supplémentaires ? Ce texte ne nous rassure pas sur ce point. Il apaise encore moins les inquiétudes des 400 employés des filiales de la SNPE de Bergerac, à savoir Eurenco, Bergerac NC, Durlin et Manuco. Surtout, il n’apporte aucune garantie aux personnels quant à l’avenir de leur emploi.

Mais ces inquiétudes se doublent d’une incompréhension. En effet, les raisons avancées il y a quelques mois ne tiennent plus. Les motifs financiers autrefois invoqués laissent plus que sceptiques. Dans son rapport d’activité pour 2008, le groupe SNPE écrit en toutes lettres que l’encaissement de l’indemnité versée par la filiale de Total Grande Paroisse à la suite du sinistre d’AZF « a pour effet immédiat de réduire de façon significative l’endettement financier net du Groupe et de le ramener autour de 50 millions d’euros. Il aura également une incidence très favorable sur le résultat net de l’exercice 2009. »

Sachant que l’endettement du groupe est aujourd’hui de l’ordre de 250 millions d’euros, peut-on en déduire que l’indemnité transactionnelle serait de l’ordre de 150 millions d’euros ? Sur un chiffre d’affaires du groupe de 700 millions d’euros, ce n’est pas si mal !

Le groupe lui-même l’écrit dans son rapport annuel 2008 : « Le groupe SNPE anticipe […] une progression de son chiffre d’affaires en 2009 », de nature à compenser les incertitudes concernant ses autres activités.

En résumé : un accord transactionnel satisfaisant après AZF, des contrats à long terme pour 2009, une dette en passe d’être comblée, de l’argent pour investir dans de nouvelles activités, des accords salariaux signés dans tout le groupe. Bref, l’entreprise semble renaître ! Et pendant ce temps-là, le Gouvernement s’enferre aveuglément dans sa logique de privatisation. C’est pour le moins paradoxal !

Comment peut-on raisonnablement concevoir que l’État garde ses entreprises dans les transports, dans l’énergie, dans le courrier, dans les médias, dans les jeux à gratter, dans le commerce de gros, mais qu’il les abandonne dans l’armement, compétence régalienne par excellence, ou dans la chimie, industrie exportatrice s’il en est ? Dans quelle logique économique sommes-nous ?

On pourrait quand même concevoir que des entreprises qui travaillent pour le gaz de nos missiles, la propulsion de nos fusées ou la chimie de spécialité demeurent dans le domaine public. Á moins, monsieur le ministre, que le but de tout cela soit de trouver des recettes, puisque la loi de finances pour 2009 a prévu 5 milliards d’euros provenant de privatisations et de cessions d’actifs. C’est sûrement votre principale motivation. Elle ne nous satisfait pas, car elle traduit une précipitation comptable plus qu’une véritable réflexion industrielle

Nous nous opposerons donc à une privatisation précipitée et sans perspective et nous demanderons, sans grand espoir d’être entendus, la suppression de l’article 11 du projet de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre de la défense

Ma réponse sera brève dans la mesure où j’avais anticipé dans mon propos liminaire les réponses aux observations des uns et des autres.

Je tiens tout d’abord à remercier le président Josselin de Rohan, MM. Turcy, Guéné, Dulait et Pintat, qui ont relevé la sincérité et la cohérence de la loi de programmation militaire.

Nous avons essayé de présenter une loi de programmation militaire réaliste et financièrement réalisable.

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

M. Hervé Morin, ministre. Bien entendu, des aléas existent ; plusieurs d’entre vous les ont évoqués. Mais l’absence d’aléas, c’est la mort : les aléas font partie de la vie !

M. Bernard Piras s’exclame.

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

Les aléas que la commission des finances a relevés et estimés à 7 milliards d’euros sont à relativiser par rapport au volume cumulé des crédits programmés, qui est de 186 milliards d’euros. Sur six ans, cela représente, en pourcentage, …

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Piras

Vous l’avez répété à longueur de temps : 4 % !

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

M. Hervé Morin, ministre. Bravo, monsieur Piras ! Il ne me reste plus qu’à me rasseoir !

Non !sur les travées de l’

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

Au-delà des aléas, se pose, bien entendu, la question de l’indexation. Elle nous expose évidemment à quelques difficultés, notamment par rapport à la masse salariale, car les règles d’indexation risquent de provoquer des tensions dans l’exécution budgétaire. Mais je nous incite à voir les choses positivement : cette règle d’indexation jouera dans les deux sens, c’est-à-dire qu’elle nous protégera aussi dans l’hypothèse où l’inflation dépasserait son niveau actuel.

Dans le cadre d’une loi de programmation militaire glissante, avec un budget triennal, nous aurons à gérer cet aléa qui complique aujourd’hui l’exercice budgétaire, mais qui nous préservera le jour où l’inflation sera un peu plus élevée.

Pour ce qui est du financement de l’OTAN, nous avons à trouver les moyens d’assurer les surcoûts liés à la masse salariale supplémentaire. Il ne s’agit en aucun cas pour nous de procéder à de nouvelles réductions d’effectifs afin de financer ces postes complémentaires.

Sur l’A400M, en effet, un certain nombre d’incertitudes subsistent. Si nous abandonnons ce programme, il est fort probable – je parle sous le contrôle d’un expert qui a élaboré un rapport complet sur le sujet – que l’Europe doive renoncer pour des décennies à se doter d’une flotte militaire de transport tactique.

Les surcoûts éventuels, il faut en accepter l’idée et en discuter avec les industriels. Mais, d’ores et déjà, qui pourrait, dans cet hémicycle, prétendre qu’un seul programme militaire n’a jamais connu de surcoût ? Ce serait ignorer les sauts technologiques et industriels majeurs.

Ce programme a été, il est vrai, bâti sur une curiosité : c’est la première fois que l’on établissait un programme militaire à partir d’un contrat civil. Il n’empêche que, dans le combat que je mène avec nos partenaires européens pour préserver ce programme, j’ai en tête, au-delà des emplois et des bureaux d’études, le fait que son abandon signifierait pour les Européens le renoncement, pour les décennies à venir, à toute capacité de construction d’un avion de transport militaire. L’enjeu mérite d’accepter une part d’aléa.

Selon M. Reiner, nous n’aurions pas effectué des choix capacitaires. Mais si nous avons consenti une sérieuse réduction de nos moyens en artillerie et en blindés, n’est-ce pas la preuve de choix capacitaires ? Les restructurations et l’évolution de la carte militaire signifient que nous tirons définitivement les conséquences de l’absence de risques de conflit en Europe centrale. Nous avons opté pour une augmentation de nos moyens satellitaires et un renforcement de notre dissuasion par un système d’alerte avancée.

Monsieur Pintat, votre discours sur la défense antimissile, je le connais ; je l’ai entendu voilà près de vingt ans, quand je faisais partie du cabinet d’un ministre de la défense : des industriels incitaient déjà à se lancer dans la défense antimissile !

Il faut en avoir conscience : outre le fait qu’un tel choix nous engagerait sur le plan budgétaire, il emporterait quantité de problématiques. Sur quelle sorte de défense antimissile allons-nous jeter notre dévolu ? Sur une défense antimissile de théâtre ou sur une défense antimissile balistique ? Quel type de menace visons-nous ? Celle d’un État terroriste ou celle de pays fortement dotés sur le plan nucléaire ? Devons-nous agir seuls ? À l’évidence, c’est impossible ! Dans le cadre d’une alliance, qui détiendra la clé ? Qui disposera du pouvoir d’appréciation ? Qui aura la souveraineté sur les dispositifs ? Toutes ces questions méritent d’être posées ! Au regard du coût d’une telle opération, je vous entends d’ores et déjà nous rappeler la nécessité de financer tel ou tel programme dont nous aurions besoin au quotidien pour assurer nos capacités militaires.

S’il vient un jour à se poser, le choix de la défense antimissile devra être bien pesé, parce que, dans un budget forcément contraint, il nous imposerait des arbitrages cruciaux quant au financement des autres programmes. Pour ma part, je reste extrêmement réservé, car un tel choix ne peut se faire que dans le cadre d’une alliance. Je comprends cependant la volonté de développer le bloc 2 et l’évolution d’Aster.

Selon M. Reiner et Mme Demessine, il faudrait s’interroger sur le fait que le nombre de départs volontaires de militaires soit supérieur à la « déflation » prévue. Mais, dans le même temps, nous n’avons aucun problème de recrutement ! Nous assistons aujourd’hui à une forte remontée des vocations et l’attractivité du métier militaire reste entière. Donc, cessez de voir dans le fonctionnement de notre dispositif une interrogation majeure sur la vocation militaire !

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

Je ne doute pas un seul instant que les vôtres soient meilleures que les miennes !

Je ne reviens pas sur le concept de sécurité nationale, excellemment évoqué par M. Dulait.

Monsieur Chevènement, nous n’avons pas l’intention de faire pratiquer le métier de policier par des militaires ! Mais dans un monde global, la menace est globale et il faut une double approche, extérieure et intérieure.

Ce débat, nous l’avons déjà eu en commission : il est nécessaire de mutualiser l’ensemble des moyens pouvant concourir à la sécurité du pays ; je pense, par exemple, à la seule question des services de renseignement. L’intérêt de la création d’un Conseil national du renseignement autour du Président de la République ne devrait pas échapper à celui qui fut ministre de la défense, puis ministre de l’intérieur : elle permet de mutualiser l’ensemble des moyens, de faire en sorte que la DGSE et la DCRI travaillent ensemble et échangent leurs informations. Il s’agit de les obliger à œuvrer avec des priorités clairement définies sur le plan politique.

Cela montre, sur l’un des aspects de la sécurité nationale, à quel point la question du terrorisme présente des aspects à la fois extérieurs et intérieurs. Donc, il ne s’agit pas de confier aux militaires les missions qui relèvent de la police nationale.

Je ne reprendrai pas le débat sur l’OTAN ; le sujet a souvent été évoqué. Toutefois, nous sommes membres de l’Alliance atlantique depuis 1949 et, depuis cette date, nous sommes tenus par l’article 5 du traité. Nous participons à toutes les opérations militaires de l’Alliance depuis 1995. Nous avons réintégré, à bas bruit, plus de 150 militaires dans l’ensemble de ses structures et états-majors, sous des gouvernements de gauche comme de droite, sans que cela ait suscité le moindre débat. Nous avons commandé des opérations de l’Alliance et nous affectons en permanence des hommes sur le terrain. Pourquoi, dès lors, renoncerions-nous à participer à la planification, à la préparation et à l’organisation des missions ? Une telle position serait totalement incohérente ! Cela reviendrait à considérer que nos hommes peuvent prendre le risque de laisser leur vie dans des opérations menées sous l’égide de l’Alliance atlantique et, dans le même temps, à refuser de participer à la planification des opérations et à la transformation de l’OTAN.

Comme vous, je considère que l’Alliance atlantique n’a absolument pas vocation à être une ONU bis ou une ONU régionale ; elle n’a pas non plus à remplir une mission globale. Il s’agit d’abord et avant tout d’un système de sécurité collective, et qui doit le rester.

Mais pour influer sur la transformation de l’Alliance, encore faut-il que les Européens, donc les Français, qui ont, me semble-t-il, une parole singulière sur ce sujet, y participent.

Monsieur Vantomme, concernant le surcoût des OPEX, c’est l’hôpital qui se moque de la charité ! Je vous rappelle que, lorsque vous étiez dans la majorité, vous aviez voté, en loi de finances, la somme magistrale de 24 millions d’euros pour financer les OPEX. Or, en 2002, leur coût a atteint 678 millions d’euros. Il n’est pas certain que vous ayez tenu le même discours quand le ministre de la défense s’appelait Alain Richard !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Et comment s’appelait le Président de la République, chef des armées ?

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

M. Hervé Morin, ministre. Nous sommes sous un régime parlementaire !

Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

Nous avons prévu 510 millions d’euros pour 2009; 570 millions d’euros pour 2010 et 630 millions d’euros pour 2011. Nous aurons ainsi couvert, en loi de finances initiale, 70 % à 80 % des besoins, sans compter la réserve de précaution interministérielle, qui n’est pas prélevée sur je ne sais quel budget. Cette somme est gelée en début de budget par chaque ministère, puis mutualisée au niveau de l’État. C’est la même réserve de précaution que vous devez avoir, j’imagine, dans le budget de vos collectivités locales.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Piras

Avec les transferts de l’État, il est difficile de constituer des réserves !

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

Si vous n’en avez pas, je ne vois pas comment vous pouvez gérer vos collectivités !

Monsieur Cazeau, la SNPE perd tout de même la bagatelle de 30 millions d’euros par an ! Certes, on peut continuer indéfiniment dans cette voie. Les excédents que vous avez évoqués résultaient de la cession d’actifs : ils ont effectivement permis d’améliorer les comptes, mais de manière très ponctuelle.

Vous connaissez le sujet aussi bien que moi, la SNPE contribue à la réalisation de la propulsion de nos missiles balistiques, ce qui représente une activité majeure. De nombreuses entreprises privées, dont EADS, participent à notre dissuasion sans que cela pose le moindre problème. Cet aspect ne permet donc pas de justifier le statut d’entreprise publique de la SNPE. Parce que nous souhaitons préserver ce secteur, nous sommes en train de réfléchir à une alliance avec une autre grande entreprise française.

La SNPE possède également un pôle « munitions », qui retient toute notre attention. Nous étudions ainsi la possibilité d’une construction ou d’une consolidation européenne, avant de nous tourner vers une démarche uniquement nationale.

Enfin, la SNPE intervient dans d’autres secteurs, hérités du passé : ils résultent d’achats effectués au moment où il était bon de se diversifier. Nous essayons de trouver des partenaires pour ces activités.

Nous ne faisons que réaliser ce qu’Alain Richard avait présenté en 2001 avec le projet Héraklès !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

Sur le secret-défense, M. Badinter a énoncé tant de contrevérités qu’elles méritent d’être signalées.

Tout d’abord, il dénonce la création d’un certain nombre de « sanctuaires ». La liste de ces dix-neuf lieux, qui ont été recensés par l’État, sera publiée. M. Badinter, qui a un sens majeur de la démocratie, sait que l’exécutif est contrôlé par le Parlement §et par les médias. On imagine mal l’exécutif publier une liste de lieux classifiés secret-défense tellement longue qu’elle viderait de son sens le texte même. En outre, elle pourrait faire l’objet d’un recours devant le juge administratif.

Il existe donc d’abord, et avant tout, un contrôle politique, propre à toute démocratie, de cette liste. Ainsi, si celle-ci venait à s’allonger inutilement, comme l’ont suggéré un certain nombre d’orateurs, le Parlement pourrait tout à fait interpeller le Gouvernement sur cette question.

Ensuite, M. Badinter estime qu’il y aurait un lien entre ces sites et la lutte contre la corruption. Jusqu’alors, je n’avais jamais imaginé que les pièces relatives à une éventuelle corruption pouvaient se situer au sein de l’île Longue ou du Centre de planification et de conduite des opérations militaires ! §Établir un lien entre ces lieux extrêmement secrets, ou le site de Bruyères-le-Châtel, où s’effectue une partie de notre recherche sur la dissuasion, et la corruption me semble tout à fait abusif, pour ne pas dire plus.

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

M. Badinter considère que ces lieux deviendraient inviolables. Or, à l’heure actuelle, en vertu du code pénal, ils ne sont pas accessibles aux magistrats, car le délit de compromission s’appliquerait. Mieux encore, si les militaires responsables de ces sites laissaient y entrer un magistrat, celui-ci tomberait sous le coup de l’article 413-11 du code pénal et pourrait être puni de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. De plus, aux termes de l’article 413-10 du code pénal, ces militaires seraient considérés comme complices d’un tel agissement.

Donc, considérer que la publication de cette seule liste remet en cause la capacité de la justice à rechercher la vérité et à juger les délits et les crimes qui pourraient être commis, c’est faire un contresens majeur. En effet, en l’état actuel du droit, aucune perquisition n’est possible dans ces lieux, sauf à saisir la Commission consultative du secret de la défense nationale.

Par conséquent, la procédure retenue permet, me semble-t-il, d’assurer un équilibre entre la préservation des intérêts majeurs de l’État et la recherche de la vérité, qui est la mission dévolue à nos magistrats.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Personne ne demande plus la parole ?

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je suis saisi, par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery, MM. Desessard, Muller, Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Cazeau, Godefroy et les membres du groupe Socialiste et apparentés, d'une motion n°107.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense (514, 2008-2009).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Dominique Voynet, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, à quoi bon cette séance ? Il nous est demandé d’examiner ce soir un texte important, qui marque, comme toute loi de programmation, nous a dit tout à l’heure le président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, une étape majeure.

Chacun le sait, le Gouvernement veut aller vite : l’objectif est d’obtenir un vote conforme des deux assemblées dans les meilleurs délais, au motif d’un retard, certes considérable, pris dans l’examen de ce texte et de l’urgence qu’il y aurait à l’examiner, alors qu’il a été adopté par le conseil des ministres le 29 octobre 2008 et qu’il concerne, entre autres, les dépenses militaires de la période 2009-2014. Je dis « entre autres » parce que l’on aura bien noté que cette loi de programmation militaire comporte également des dispositions hétérogènes, sinon hétéroclites, concernant notamment le secret-défense et la restructuration de certaines entreprises liées à la défense.

Les députés de la majorité, qui, eux, ont été autorisés à déposer des amendements, et les sénateurs seront d’accord sur un point. Ces arguments, le retard et l’urgence, pourraient être recevables. Mais ils le seraient réellement si l’essentiel du retard pris n’était pas de la seule responsabilité du Gouvernement, qui, ces derniers mois, a choisi de surcharger l’agenda parlementaire de textes de circonstance, aussi souvent inutiles qu’invraisemblablement rédigés. Ils le seraient encore si l’urgence, que l’on invoque en toute occasion depuis le début de cette session parlementaire, n’avait été si souvent déclarée pour limiter le rôle du Parlement, d’autant plus concrètement méprisé que l’on prétend vouloir revaloriser son travail.

Les députés de la majorité ont été autorisés à déposer des amendements, disais-je, sur des points qui – il est permis de le penser – ne sont pas absolument essentiels, comme l’accélération des procédures permettant d’attribuer des décorations à des personnels engagés dans des opérations extérieures. Les sénateurs de la majorité sont au régime sec, à tel point qu’ils n’ont pu déposer aucun amendement en commission sur un texte de dix-sept articles et auquel un rapport de plus de cinquante pages est annexé.

Lors de l’examen en commission des amendements déposés par les seuls sénateurs de l’opposition, on a pu entendre des membres de la majorité dire, avec du regret dans la voix : « ah ! ça, c’est intéressant ; si on ne nous avait pas demandé de voter conforme, on l’aurait pris ! »

Le Sénat n’aura droit, sur ce projet de loi relatif à la programmation militaire pour les cinq prochaines années, qu’à une seule lecture. Mais, si je m’en réfère à nos travaux des derniers mois, il aura débattu à deux reprises des manèges forains et des chiens dangereux ! Deux sujets dont, sans chercher à moquer l’importance, on peut légitimement considérer qu’ils relèvent de questions moins cruciales pour l’avenir de notre pays qu’un projet de loi de programmation militaire censé traduire les ambitions d’un Livre blanc qui a tout de même fait l’objet de dizaines d’auditions et d’un travail important de la commissionet prévoit un effort budgétaire important de la nation.

Ce Livre blanc a suscité des analyses critiques, souvent pertinentes, qui méritaient une réponse sérieuse. Je crois savoir qu’on a déployé beaucoup plus d’énergie à conduire une enquête minutieuse destinée à identifier les membres du groupe Surcouf qu’à apporter des réponses concrètes.

Le Gouvernement maltraite le Parlement, c’est un fait entendu. Faut-il pour autant amplifier ce phénomène, en faisant en sorte que ce dernier renonce à ses droits ? Personne n’oblige les sénateurs à renoncer à leur droit d’amendement !

Certains sur ces travées vont peut-être s’en offusquer, mais le Sénat, qui a su à d’autres moments résister à la volonté du Gouvernement pour améliorer un texte – par exemple le projet de loi portant réforme de l’hôpital – ou pour refuser de remettre en cause un dispositif utile – comme celui qui protège le pourcentage de logements sociaux dans la loi de mobilisation pour le logement, présentée récemment par l’ex-ministre Christine Boutin –, ne devrait pas renoncer à une expression autonome, au motif que le président du groupe aujourd’hui majoritaire est devenu récemment ministre chargé des relations avec le Parlement, ou que le président d’un autre groupe, qui a su faire preuve par le passé d’une remarquable autonomie dans des moments importants de la vie de notre institution, a lui aussi hérité d’un portefeuille.

Debut de section - Permalien
Hubert Falco, secrétaire d'État à la défense et aux anciens combattants

Cela n’a rien à voir avec le projet de loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

Il me revient maintenant de vous convaincre de l’irrecevabilité de ce projet de loi au sens de l’article 44, alinéa 2, du règlement du Sénat.

Outre les dispositions relatives à l’extension du secret-défense, sur lesquelles je reviendrai tout à l’heure, deux motifs au moins m’incitent à demander au Gouvernement de revoir sa copie.

Premièrement, ce projet de loi relatif à la programmation militaire est soumis à notre examen alors même que le Livre blanc, qui est censé l’inspirer, n’a pas été adopté par le Parlement.

Résumons-nous : nous sommes en juillet 2009 et le Sénat examine un texte qui, théoriquement, est en vigueur depuis le 1er janvier dernier. Ce projet de loi met en œuvre les orientations d’un Livre blanc qui n’a pas été soumis à l’approbation du Parlement. Et, pour clore le chapitre, il est instamment demandé au Sénat, afin d’éviter les pénibles atermoiements d’une deuxième lecture, de bien vouloir se conformer au texte qui a été voté par l’Assemblée nationale.

Pourtant, le Livre blanc devait proposer une stratégie globale de défense et de sécurité nationale pour les quinze prochaines années, selon la lettre de mission adressée par le Président de la République à Jean-Claude Mallet, qui a présidé, de janvier 2007 à juin 2008, les travaux d’une commission réunissant experts, civils et militaires, personnalités qualifiées et parlementaires.

Le précédent Livre blanc datait de 1994. Entre-temps, le monde a changé : il s’avérait nécessaire de redéfinir la stratégie de défense et de réorganiser les pouvoirs publics en conséquence, via une révision de l’ordonnance du 7 janvier 1959, rédigée dans un contexte historique et stratégique radicalement différent du nôtre.

On se souvient de la démission des parlementaires Patricia Adam, députée, et Didier Boulaud, sénateur, le 8 avril 2008, préoccupés à l’idée que les décisions importantes se prenaient à l’Élysée, sans égard pour le travail conduit par la commission.

Dès la parution du Livre blanc, présenté à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, nous avons demandé au Gouvernement de préciser ses intentions : un projet de loi pour traduire les orientations du Livre blanc ? Un débat, répondit le ministre à Didier Boulaud le 30 mai 2008 ! Un débat sans vote eut donc lieu le jeudi 26 juin 2008, à quelques jours du début d’une présidence française de l’Union dont il était dit qu’en matière de défense elle ferait date. Le débat fut agréable ; nous espérions qu’il fût utile… Au cours de ce débat, le ministre confirma qu’« au regard des avancées de l’Europe de la défense, la France se montre ouverte, sous certaines conditions, à l’idée de retrouver sa place dans le dispositif militaire de l’Alliance atlantique, sauf pour les questions nucléaires ».

On connaît la suite : la présidence française de l’Union, productive dans d’autres domaines, s’est terminée sans avancée notable s’agissant de la défense. Quelques mois plus tard, le Président de la République décidait le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN, décision avalisée au sommet de Strasbourg-Kehl. Quiconque se soucie du fonctionnement des institutions ne l’aura pas oublié : nombre de députés de la majorité s’y étant montrés franchement hostiles, le Premier ministre a choisi d’engager la responsabilité de son gouvernement sur les questions de politique étrangère le 17 mars 2009. Dans la foulée, le Président de la République faisait connaître sa position par courrier aux dirigeants de l’OTAN, une bonne semaine avant qu’un os soit donné à ronger aux sénateurs… Devinez quoi : un autre débat sans vote !

Le Livre blanc, rédigé avant même que cette orientation ait été arrêtée, n’en tient pas compte, tout comme il ignore l’infléchissement de la position américaine et les ouvertures faites par le nouveau Président de ce grand pays en matière de nucléaire militaire : réduire le rôle des armes nucléaires et mettre un terme à la production de matières fissiles de qualité militaire pour préparer un monde sans armes nucléaires. Dans le monde entier, on a salué les paroles fortes de Barack Obama à Prague. En France, on a évacué la question d’un revers de main, en considérant qu’il ne s’était rien passé, qu’il n’y avait là rien de nouveau dont il eût fallu tenir compte.

Autre sujet de préoccupation : le texte consacre le renforcement des pouvoirs du Président de la République et de son « domaine réservé », et sa mainmise totale sur les questions de défense et de sécurité, au motif d’inscrire l’effort de défense dans le cadre plus large de la sécurité nationale. En présidant le Conseil de défense et de sécurité nationale, aux compétences élargies, le chef de l’État empiète sur les responsabilités hier dévolues au Gouvernement et à son chef, lesquelles sont réduites à une portion de plus en plus congrue. Comment admettre qu’au motif de prendre en compte les aspects non strictement militaires de la sécurité nationale on procède, au lieu de revaloriser le rôle du Premier ministre, chef d’orchestre et arbitre, à une sorte de redistribution des rôles au sein du Gouvernement, au profit du ministre de l’intérieur, et au détriment du ministre de la défense, comme l’indique le transfert de la gendarmerie, désormais placée sous l’autorité du premier ?

J’en viens au point le plus préoccupant peut-être du projet de loi, qui justifie à lui seul le vote de la motion que je vous soumets. Les articles 12 et suivants de celui-ci étendent ainsi les dispositions visant à protéger les intérêts fondamentaux de la nation au moyen du secret-défense. Il s’agit non plus seulement de couvrir du secret un certain nombre de documents, mais également d’étendre ce secret à des lieux, selon des modalités dont j’ai cru comprendre que quelques-uns mêmes des responsables de la majorité les jugeaient par trop discrétionnaires, et sur lesquelles ils n’ont pas manqué d’exprimer des réserves.

Ces réserves, nous les partageons. Elles doivent fonder le rejet de ce projet de loi. Robert Badinter a évoqué ces questions dans la discussion générale, et nous reprenons son argumentation à notre compte.

Debut de section - Permalien
Hubert Falco, secrétaire d'État

Le ministre a déjà répondu sur ce point !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

Les dispositions de l’article 12 entrent en contradiction avec l’esprit de nos lois fondamentales. Je m’appuie pour le dire sur l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, relatif à la séparation des pouvoirs. Que dit-il ? « Toute société dans laquelle la garantie des droits n’est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n’a point de Constitution ».

Le Conseil constitutionnel a rappelé « l’indépendance de l’autorité judiciaire » dans sa décision du 1er mars 2007 et l’interdiction de porter des « atteintes substantielles au droit des personnes intéressées d’exercer un recours effectif devant une juridiction » dans ses décisions du 23 juillet 1999 et du 19 janvier 2006. Il a aussi jugé qu’au regard du principe de l’indépendance de l’autorité judiciaire, il n’appartient « ni au législateur ni au Gouvernement de censurer les décisions des juridictions, d’adresser à celles-ci des injonctions et de se substituer à elles dans le jugement des litiges relevant de leur compétence ».

Si j’ai bien compris la portée de ces décisions, et considérant la mésaventure advenue au Gouvernement – la censure de son texte par le Conseil constitutionnel – quand il a cherché à substituer le législateur à l’autorité judiciaire via une autorité administrative dans la loi HADOPI, je ne vois pas comment nous pourrions considérer que le texte qui est aujourd’hui soumis à notre examen est conforme à l’esprit du droit. En effet, l’exigence constitutionnelle de séparation des pouvoirs et d’indépendance de l’autorité judiciaire est ici méprisée.

Je pense, bien sûr, à l’établissement de la liste des lieux classés secret-défense, qui relève de la compétence discrétionnaire de l’exécutif, sur simple avis de la Commission consultative du secret de la défense nationale. Dans le scénario que vous nous proposez, monsieur le ministre, je ne vois pas quelle est la place du Conseil d’État.

Je pense encore au régime de perquisition applicable, qui impose qu’une « déclassification » ait été décidée à la demande du magistrat. Elle relève de la compétence discrétionnaire de l’autorité administrative dans votre texte, sur simple avis de la Commission consultative, sans recours possible.

Le délit de dissimulation vise uniquement les lieux abritant des éléments couverts par le secret-défense, et non les lieux classifiés en tant que tels.

Cette loi offre donc au Gouvernement le privilège discrétionnaire, sans recours possible, sans examen contradictoire, sans qu’aucune autorité indépendante du pouvoir lui-même ne puisse être saisie, de créer des zones de non-droit législatif.

L’État est évidemment amené, au moyen du secret-défense, à protéger les intérêts stratégiques fondamentaux du pays. Personne ne le conteste, et cela existe déjà. Je vous demande donc non pas de justifier l’usage du secret-défense, monsieur le ministre, mais de nous expliquer pour quelle raison son usage devrait aujourd’hui être étendu dans les termes proposés par le projet de loi.

La loi est toujours affaire de conciliation et d’arbitrage. En l’espèce, il s’agit de concilier l’impératif de défense des intérêts fondamentaux de notre pays et les exigences, tout aussi cruciales, de séparation des pouvoirs, d’indépendance de l’autorité judiciaire et de protection des libertés fondamentales, en l’occurrence la liberté d’information. Dans votre texte, le déséquilibre est patent.

Je veux ajouter ici que ces dispositions sur le secret-défense auront en outre des effets immédiats sur le travail des magistrats, qui s’ajouteront aux conséquences d’une autre réforme portée par la majorité, la suppression des juges d’instruction.

Le Président de la République a cru bon de qualifier de fable certains propos tenus par des magistrats et par les familles des victimes de l’attentat de Karachi. Je ne partage pas, vous vous en doutez, ces propos, et encore moins la désinvolture avec laquelle ils ont été prononcés, s’agissant d’un sujet particulièrement grave et douloureux. Mais je veux croire que le souci de justice est largement partagé dans cet hémicycle, que nous pourrons avancer en toute indépendance et que les magistrats pourront travailler en toute sérénité, sans être l’objet de pressions d’aucune sorte ou de freins à leur enquête. Je ne vois pas bien comment, en conjuguant la suppression des juges d’instruction et l’extension discrétionnaire du secret-défense, vous pouvez espérer, sur un sujet aussi grave, que l’enquête puisse se dérouler dans de bonnes conditions.

Si les dispositions de l’article 12 devaient aujourd’hui être approuvées par le Sénat, comme nous y enjoignent le Gouvernement et les responsables du groupe UMP, si notre assemblée décidait d’ignorer les réserves formulées sur ce point par quelques-unes des plus éminentes figures de la majorité, que se passerait-il ? Il serait de facto impossible d’aller saisir, dans un ministère ou une entreprise, les contrats litigieux, les documents compromettants et les éléments douteux. Il serait impossible de traquer la corruption, d’arrêter ses responsables et de les sanctionner.

Debut de section - Permalien
Hubert Falco, secrétaire d'État

C’est faux !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

Le secret-défense sera donc utile, en temps de paix, à protéger la délinquance financière, les bénéficiaires de commissions et de rétro-commissions, les bandes organisées en col blanc.

Je ne peux pas croire, monsieur le ministre, que tel soit l’objectif du Président de la République et de sa majorité, et j’espère que vous saurez, sur ce point, me répondre autrement que par la dénégation indignée ou la dénonciation de je ne sais quelle fable.

Debut de section - Permalien
Hubert Falco, secrétaire d'État

Ce sont vos propos qui nous indignent, madame la sénatrice !

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

Mme Dominique Voynet. Le Sénat s’honorerait à déclarer irrecevable ce projet de loi qui, vicié dans son principe même, instrument d’une réduction des libertés publiques par l’extension du domaine du secret, exprime si fort la volonté du pouvoir exécutif d’incarner seul toutes les autorités.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à M. François Pillet, rapporteur pour avis.

Debut de section - PermalienPhoto de François Pillet

Nous ne nous indignerons pas, ma chère collègue. Je vais même vous proposer de chercher ce qui nous rassemble.

Tout à l’heure, Robert Badinter a évoqué la difficulté juridique engendrée par la rencontre de deux objectifs constitutionnels, de deux plaques tectoniques, en quelque sorte. Nous partageons entièrement, et sans doute aussi viscéralement que vous, la même aspiration : ne pas permettre aux corrompus d’échapper à la justice.

Pour reprendre les propos de Robert Badinter : oui au secret-défense, non au secret des sales affaires. Mais, dans un autre registre, doit-on refuser le secret professionnel lorsqu’il peut handicaper la recherche de la vérité des sales affaires ? Il nous faut rechercher un équilibre.

Nous pouvons peut-être trouver au moins un axe de consensus. S’agissant de l’avis du Conseil d’État, est-ce que je me livre à une critiquable exégèse lorsque, contrairement à Robert Badinter, j’estime que celui-ci a très clairement évoqué les lieux classifiés ? Le Conseil d’État estime en effet qu’il incombe au juge, lorsqu’il envisage de pénétrer dans une telle zone, de respecter la « nécessité impérieuse » d’éviter tout risque de compromission du secret de la défense nationale « qui pourrait résulter du seul fait de sa présence dans cette zone, sous peine d’encourir des sanctions pénales qui assurent la protection de ce secret ». Le Conseil d’État me semble exprimer en délié ce qui est inscrit en creux dans l’article 13 du projet de loi. Voilà un exemple sur lequel, je pense, nous pouvons nous accorder.

Par ailleurs, lequel d’entre nous peut nier qu’actuellement, de facto, il existe des lieux sanctuarisés ? Comme M. le ministre nous l’a fort bien expliqué, à l’heure actuelle, c’est l’incertitude juridique qui sanctuarise certains lieux en empêchant un juge d’instruction d’y pénétrer, parce que la personne qui en assure la garde ne s’aventurera pas à commettre un délit, et que le juge, une fois sur place, ne prendra pas le risque d’en commettre un. Ce ne sont pas les lieux classifiés qui créent un recul du droit.

Comme vous, nous voulons que personne ne soit à l’abri de la justice. Ainsi, lorsqu’il existe des abris, il faut qu’ils deviennent perméables, et c’est précisément l’objet de ce texte. D’une part, celui-ci fixe les critères de définition de ces lieux et les assortit d’un certain nombre de garanties. D’autre part, il prévoit, sous certaines conditions, des procédures de déclassification : il n’autorise pas toutes les perquisitions, mais il le fait mieux que maintenant.

Il est juridiquement faux de dire, comme nous l’avons entendu au cours de nos débats, que le secret-défense s’étend. Au contraire, il se restreint, et l’État de droit progresse.

Pour toutes ces raisons, il me semble totalement abusif de parler de zones de non-droit. Aussi, je vous propose de rejeter cette motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

La commission des affaires étrangères est défavorable à cette motion.

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

Le Gouvernement également, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je mets aux voix la motion n° 107, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi dans la rédaction adoptée par la commission.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 196 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je suis saisi, par MM. Boulaud, Reiner, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Voynet, Durrieu et Tasca, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 42.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense (514, 2008-2009).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Didier Boulaud, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, au lendemain de notre fête nationale, je souhaite débuter mon intervention en rendant hommage aux hommes et aux femmes engagés dans la défense de notre pays.

Cette année encore, nos armées et la gendarmerie ont été beaucoup sollicitées sur le territoire national et sur les théâtres extérieurs. N’oublions pas ceux qui sont tombés au service de notre pays ; ils ont notre reconnaissance et cela nous engage à leurs côtés. Notre responsabilité est de voter les moyens nécessaires pour qu’ils puissent remplir, dans les meilleures conditions possibles, les missions qui leur sont assignées.

Notre débat se doit donc d’être digne. Or nous sommes contraints à un débat en trompe-l’œil. La majorité nationale, corsetée par le Gouvernement qu’elle soutient aveuglément, aux ordres impératifs du Président de la République, s’apprête, en votant conforme ce texte, à entraver un débat sérieux et grave en balayant d’un revers de main tous les amendements. Censure inacceptable, indigne, on peut le dire, sur un sujet d’une telle importance.

Ce projet de loi, de votre seul fait, a pris un tel retard, historique, que vous voulez le bâcler pour en être débarrassé au plus vite ; or ce prétexte n’est pas acceptable. Notre motion tendant à opposer la question préalable vise, justement, à vous contraindre au débat, même si nous mesurons l’intérêt que vous portez à la discussion parlementaire. Il ne serait pas scandaleux que, dans une démocratie, le Parlement puisse remplir sa mission.

Ce débat, vous le refusez. Pourtant, que n’a-t-on entendu, il y a une année à peine, sur la nécessaire revalorisation du rôle du Parlement ? Il paraît même qu’une révision constitutionnelle aurait été adoptée afin de donner suite à ce qui aurait pu être une bien belle idée…

C’eût été, pourtant, monsieur le ministre, l’occasion d’améliorer un texte qui portera votre nom et dont on ne peut pas dire aujourd’hui que vous ayez tant de motifs d’en être aussi fier que vous le laissez paraître.

On dira un jour, en parlant de la loi de programmation Morin : « Ah oui ! la fameuse programmation mort-née en dérapage incontrôlé ! » C’est votre choix, mais notre outil de défense en subira durablement les graves conséquences.

Une loi de programmation se doit en effet de donner à nos armées les moyens humains et matériels dont la France a besoin ; elle doit préparer l’avenir pour que notre pays soit en mesure de faire face aux menaces qui pèsent sur sa sécurité et de préserver le rôle qu’il doit jouer en Europe et dans le monde au service de la paix et du droit. On ne saurait s’en tenir, comme c’est le cas ici, à de l’approximatif : on doit aller au fond des choses, avec sérieux. Le débat d’une loi de programmation en est l’occasion. Or un vote conforme interdit au Sénat de faire ce travail en responsabilité.

Premier constat : ce projet est le véhicule – on pourrait dire le faux nez – d’une série d’articles qui n’ont aucun rapport avec l’objectif de programmation. Mes collègues se sont déjà exprimés sur ces articles parasites, qui surchargent une programmation attardée.

Ainsi, le projet de loi introduit une nouvelle catégorie de lieux classifiés, dont le réel enjeu vise à mettre à l’abri de toute perquisition des informations qui seraient susceptibles d’intéresser le juge, en particulier lorsqu’elles touchent à des faits de corruption.

Autre mauvaise surprise : le Livre blanc et ses contestables orientations téléguidées, de manière à peine déguisée, par l’Élysée – j’en porte témoignage pour avoir participé à ses travaux, jusqu’au moment où nous avons considéré que la ficelle était un peu grosse – sont purement et simplement annexés au projet de loi. On ne saurait oublier, en effet, que le Gouvernement a refusé, il y a quelques mois, tout débat suivi d’un vote au Parlement sur le sujet. Le fourre-tout de la loi de programmation militaire y pourvoirait…

Ainsi, retour dans l’OTAN, concentration des pouvoirs à l’Élysée, hégémonie du ministère de l’intérieur, concept vague et dangereux de sécurité nationale : tout y passe !

Il suffit, pour s’en convaincre, de faire un arrêt sur image à l’article 5, qui modifie l’ordonnance de 1959 portant organisation générale de la défense. Il s’agit ni plus ni moins de traduire, sur un plan institutionnel et étatique, le nouveau concept de sécurité nationale et de créer auprès du seul Président de la République de nouvelles structures, notamment le Conseil de défense et de sécurité nationale et le Conseil national du renseignement.

Sur ce dernier point, je souhaite que les choses soient bien claires. Je considère que la coordination en matière de renseignement était devenue nécessaire. Il faut bien qu’il y ait quelque chose de positif dans ce grand chambardement. Mais n’y avait-il pas d’autre solution que de placer ce conseil sous la seule autorité du secrétaire général de l’Élysée ?

Ce que nous contestons par-dessus tout dans cette approche, c’est l’amalgame entre défense et sécurité intérieure. À l’évidence, les émeutes des banlieues de la fin de l’année 2005 ont laissé des traces dans l’esprit de celui qui, à l’époque, était encore un ministre de l’intérieur bien à la peine.

Emboîtant le pas à quelques fumeux théoriciens de la guerre des civilisations, nostalgiques d’un bushisme néoconservateur débridé, dont nous risquons d’être les derniers thuriféraires faute d’avoir compris à temps que les Américains eux-mêmes s’en étaient détournés, il nous faudrait considérer sans barguigner que toutes les banlieues des grandes villes et les quartiers de nos cités seraient devenus le repaire des réseaux dormants de l’islamisme radical, n’attendant qu’un signal venu de l’Orient pour se soulever contre la civilisation occidentale judéo-chrétienne.

Nous ne partageons pas cette vision simpliste et manichéenne du monde et la France serait bien avisée de mieux considérer l’approche si différente qu’en a le Président Barack Obama.

Une fois ce texte adopté, outre le rôle éminent dévolu au seul Président de la République, c’est le ministre de l’intérieur qui sera de facto le vrai détenteur de toutes les décisions.

La boucle est bouclée et nous n’aurions garde de passer sous silence le bradage à l’encan de la gendarmerie, avec la complicité active d’une ancienne ministre de la défense et celle, plus passive, de son successeur.

Alors, on cherche désormais vainement où sont passés et le Premier ministre et le ministre de la défense.

Nous assistons donc à une présidentialisation de tout le vaste champ de la sécurité, et, ce faisant, à une extension du domaine réservé du Président de la République. De tels enjeux méritaient un débat de fond et de telles modifications n’ont rien à faire dans une loi de programmation. Il s’agit purement et simplement d’un vrai détournement législatif.

Autre tour de passe-passe : ce projet de loi porte en son sein la réorientation stratégique décidée sous l’ère Bush par le seul Président de la République, en dehors du Parlement, qui a amené la France à réintégrer le commandement militaire de l’OTAN.

La France avait pourtant joué un rôle spécifique dans l’organisation, faisant œuvre utile pour faire progresser la construction européenne en matière de défense. Cette époque est révolue : la place insignifiante qu’occupe l’Europe de la défense dans ce projet de loi en est la preuve. La présidence française de l’Union européenne au second semestre 2008 en a fait la démonstration, et ce malgré vos tentatives désespérées pour démontrer le contraire. Personne, parmi ceux qui suivent ces questions, n’est désormais dupe de l’abandon en rase campagne de ce beau dessein.

Enfin, ce projet de loi, dépourvu de toute stratégie en matière de politique industrielle, si ce n’est la manie du mécano si chère à la droite, engage les entreprises DCNS et SNPE dans la voie d’une privatisation que nous condamnons.

Il était possible de faire évoluer ces entreprises, à la condition que soit précisé le cadre stratégique dans lequel s’inscrivaient leurs évolutions, notamment à l’échelle de l’Union européenne. Mais, là encore, je ne veux pas revenir sur mon propos précédent, car nous entrons dans le vide intersidéral.

J’en viens maintenant aux aspects financiers.

Le procureur le plus farouche des « aléas financiers » considérables qui attendent votre projet de loi, monsieur le ministre, n’est pas très loin et je vous recommande l’utile lecture du rapport pour avis de la commission des finances du Sénat ; il pourrait sans aucun doute et vous alerter et vous inquiéter. Puisque les rapporteurs ne l’ont pas fait, j’en signale la pertinence et fais remarquer la lumière crue que ce rapport jette sur un projet de loi que vous souhaitez voir approuver sans modifications.

Les « aléas financiers » qui pèsent sur le projet de loi sont considérables. L’héritage de la précédente programmation est loin d’être soldé et les promesses sont difficilement crédibles. Ainsi, si le texte retient une durée de six ans pour la programmation des crédits de paiement, il prévoit également que celle-ci sera révisée au bout de quatre ans, c’est-à-dire, en principe, en 2012. On fait appel, dorénavant, à une programmation glissante. Mais pour une loi adoptée avec grand retard, sa vie active ne sera, dans le meilleur des cas, que d’à peine trois ans. Est-ce vraiment sérieux et peut-on encore parler de programmation ?

D’ailleurs, cette programmation glissante et renouvelable devrait aboutir à une nouvelle loi couvrant la période 2013-2018. Certes, il s’agira de prendre en considération l’évolution du contexte stratégique, mais ne nous cachons pas qu’il s’agira surtout de prendre en compte la situation des finances publiques et de s’interroger alors sur la possibilité de garantir la croissance de 1 % des dépenses en volume prévue à compter de 2012. Au vu de l’état de nos finances, je crains de n’en connaître l’issue !

Jugez vous-même ! L’ancien ministre du budget, également ancien ministre de l’intérieur, Nicolas Sarkozy, devenu Président, déclarait benoîtement ceci, le 21 mars 2008, comme s’il venait d’arriver aux affaires : « La vérité, la voici : j’ai trouvé à mon arrivée une situation financière plus que difficile ; pour atteindre le modèle d’armée 2015, il aurait fallu, selon les perspectives financières de la défense, augmenter de 6 milliards d’euros par an son budget d’équipement, soit une hausse de 40 %. Qui peut me dire que cet objectif est seulement crédible ? ». Curieuse manière de s’exonérer, qui ne trompe personne, mais qui exécute en place publique et l’ancienne ministre de la défense et tout un gouvernement, auquel il a sans doute oublié qu’il appartenait.

Pour notre part, nous n’avons cessé de tirer la sonnette d’alarme. Cette vérité n’était bonne ni à dire ni à entendre pour la majorité d’alors, la même qu’aujourd’hui, celle qui adoptait les budgets les uns après les autres, la tête dans le sable, comme elle s’apprête aujourd’hui à voter ce projet de loi.

Quelle est la réalité, après sept années d’exercice du pouvoir par la droite ? Les armées ne cessent de déplorer le retard de programmes d’armement majeurs, avec leurs corollaires : des matériels vieillissants et des coûts d’entretien qui explosent. Rappelons-nous les polémiques sur l’équipement de nos soldats après la tragique embuscade.

Autour de l’engagement en Afghanistan, d’âpres débats ont lieu dans les parlements britannique et allemand. À la veille de l’élection présidentielle du mois d’août, la violence reprend – nos amis allemands viennent, hélas ! d’en faire la cruelle expérience et les Britanniques s’interrogent sur les moyens qui leur sont alloués – et l’intensité de cette guerre pourrait encore croître.

Notre engagement s’installe dans la durée, et personne ne voit d’issue à une solution militaire ni même politique. Nous sommes engagés dans un conflit dur et long.

En quoi cette programmation militaire, destinée à fournir à nos armées les moyens de fonctionner durant les six prochaines années, prépare-t-elle au mieux nos soldats à affronter la guerre en Afghanistan, ce au moment où le représentant permanent des États-Unis auprès de l’OTAN demande aux Européens d’envoyer plus de troupes et de fonds et où le secrétaire général de l’OTAN a chiffré ces renforts entre 8 000 et 10 000 hommes ? J’espère que nous n’avons pas déjà oublié que nous avions rejoint l’OTAN sans restriction aucune.

Votre opinion nous serait agréable au moment de voter cette loi de programmation militaire, qui durera moins longtemps, hélas ! que la guerre en Afghanistan.

Nous avons à nouveau la conviction que cette loi de programmation, comme celle qui l’a précédée, nous conduira dans une impasse. Les choix de fond en matière d’équipements ne sont pas faits et la croissance de ceux-ci espérée d’ici à 2014 provient en très grande partie des engagements de crédits antérieurs.

Quelles sont, en fait, les nouveautés en matière d’équipement ? Elles sont rares : la programmation de l’acquisition, après 2014, d’un dispositif de détection des tirs de missiles balistiques et la poursuite du développement des capacités de renseignement satellitaire.

En revanche, ce projet de loi révise durement à la baisse certaines « cibles » : drones, équipements Felin, hélicoptères Tigre, frégates européennes multimissions, ou FREMM, et missiles de croisière.

Toutefois, et cela n’étonnera personne, il ne remet pas en cause le nombre de Rafale qu’il est prévu d’acquérir à terme, tout en fixant une cadence de livraison pour le moins baroque, puisque la livraison du dernier appareil est envisagée en 2036. Excusez du peu !

Il y a fort à craindre, hélas ! que les moyens de transport aériens, eux, ne seront pas au rendez-vous à l’horizon 2014.

Autrement dit, plus cela change et plus c’est pareil ! Il n’y a point de rupture en la matière. On étale, on reporte, on éparpille, on pulvérise, on réduit les commandes, mais on maintient tous les programmes. Vous êtes passés maîtres dans l’art de la procrastination !

Quant à l’Europe de la défense, elle piétine ! Je m’étais interrogé, à cette tribune, sur la réintégration de la France dans le commandement de l’OTAN. On m’avait alors répondu : « Il y aura davantage de défense européenne. Nous allons codiriger l’Alliance atlantique. »

Malgré les quelques moissons d’étoiles ici ou là, on a plutôt l’impression du contraire. J’en veux pour preuve le remplacement du général Mac Kiernan à la tête des deux missions en Afghanistan. Même l’OTAN n’a pas eu son mot à dire concernant la force internationale d’assistance à la sécurité, la FIAS. Dans ces conditions, qu’en a t-il été de l’avis de la France ? Est-ce en réduisant nos moyens que l’on pèsera sur les décisions de l’Union européenne et de l’OTAN ?

J’en viens aux effectifs, sur lesquels reposent les sacrifices majeurs. Il s’agit d’un gigantesque plan social. Que penser, en période d’explosion du chômage, d’une décision qui fait reposer l’équilibre d’un modèle financier sur de telles réductions d’effectifs – 54 000 à terme –, sauf à considérer ce pari douteux, voire cynique ?

Globalement, le financement de 2009 à 2014 de l’augmentation des dépenses d’équipement doit être assuré spécialement par les réductions d’effectifs – 3 milliards d’euros sur la période – et par les recettes exceptionnelles : 3, 5 milliards d’euros.

Or notre méfiance est alertée lorsque nous vous entendons dire que les principales sources d’économie sont la création des « bases de défense ». Par ailleurs, le ministère envisage la rationalisation du maintien en condition opérationnelle du matériel aérien et terrestre en centralisant l’entretien « lourd » sur quelques sites.

Outre que ces mesures soulèvent plus de difficultés que prévu, il n’est pas sûr que les économies attendues seront au rendez-vous des budgets de 2010 et 2011, surtout, comme certains le craignent, dans l’hypothèse d’une sous-estimation de la masse salariale sur la période de programmation.

J’ai aussi noté votre déclaration annonçant la réduction du nombre de bases envisagées de 90 à 70, voire moins. Je ne doute pas que les collectivités qui pensaient accueillir lesdites bases en seront très rapidement informées.

Si l’on ajoute l’incertitude, très largement partagée, sur l’avenir des recettes exceptionnelles, c’est le fragile équilibre financier qui est compromis.

Mon ultime observation sur les réductions d’effectifs prévues concerne les fonctions de soutien. Êtes-vous en mesure de confirmer qu’une fois la purge achevée les effectifs combattants seront au niveau souhaité par le Livre blanc : 30 000 combattants projetables à 8 000 kilomètres, dans un délai de six mois, pour une durée d’un an, suivie d’une action de stabilisation ?

Des informations laissent apparaître que, malgré le contexte actuel du marché de l’emploi, les personnels, inquiets par les perspectives en matière de défense, se tournent en plus grand nombre que prévu vers de nouveaux horizons professionnels. Cela n’est guère rassurant pour l’avenir de notre outil de défense qui en sortira durablement affaibli, ce qui le conduira, à terme, à occuper un rôle supplétif au sein de l’OTAN.

Le cadre général de ce projet de loi est défini par vos erreurs depuis 2002. Le contexte particulier est le chômage : 2 000 chômeurs de plus par jour. Le commerce extérieur, clé de la compétitivité, accusera un déficit de 20 milliards d’euros en 2006. Quant à la dérive des comptes publics, elle est telle qu’on s’en cache les yeux et on s’en bouche les oreilles !

On voudrait nous faire croire que les difficultés économiques que nous traversons sont dues à la seule crise internationale. Personne ne saurait nier sa responsabilité, mais rappelez-vous les propos tenus par le Premier ministre à Calvi, au mois de septembre 2007, alors que la crise ne se profilait pas encore à l’horizon : « la France est en faillite ! »

Le Premier président de la Cour des comptes ne s’y trompe d’ailleurs pas lorsqu’il indique que la crise n’explique que la moitié du déficit public prévu en 2009. Une autre part résulte de tendances de fond, comme la baisse des impôts et une maîtrise des dépenses très insuffisante. M. Séguin ne fait que confirmer ce que nous vous disons depuis des mois et des années : la politique que vous menez depuis 2002 conduit le pays à la faillite, car elle est mauvaise.

Comment vous croire lorsque l’on sait que le déficit budgétaire de 2009 – 120 milliards d’euros – représentera la moitié des recettes nettes de l’État ? Tôt ou tard, vous finirez par puiser dans les caisses du ministère de la défense et vous passerez outre à vos promesses concernant les crédits aujourd’hui affichés.

En conclusion, ce projet de loi ne saurait constituer un ensemble législatif cohérent et recevable par le Parlement.

Les mesures relatives au secret-défense, à l’organisation des pouvoirs publics et à celle de la défense constituent une grave remise en cause des principes fondamentaux et, en conséquence, elles devraient faire l’objet de textes législatifs spécifiques.

Nous refusons, en particulier, de cautionner le secret- défense, car il s’agit d’un cavalier législatif destiné à remettre en cause des équilibres nécessaires au bon exercice de la justice dans notre démocratie.

La sincérité budgétaire de l’ensemble de la programmation militaire n’est ni manifeste ni prouvée. Son équilibre financier, précaire dès l’origine, est bousculé par la politique gouvernementale qui ne fait qu’aggraver la crise. Ce texte est d’ores et déjà caduc, donc entaché d’insincérité.

L’héritage de la loi de programmation pour les années 2003 à 2008 pèse si lourdement sur le budget de la défense et sur la réalisation des programmes d’équipement que nous sommes non pas devant une nouvelle programmation, mais devant une « lettre d’intentions » que le Gouvernement ne saura tenir.

En conséquence, nous considérons qu’il est possible et nécessaire d’opposer la question préalable sur le présent projet de loi, d’autant que la commission saisie au fond n’a pas souhaité tenir compte des amendements issus de l’analyse approfondie du texte. Son irrépressible volonté de faire plaisir au pouvoir exécutif a été plus forte que son désir intime d’améliorer le texte.

Je vous invite donc, mes chers collègues, même si c’est beaucoup vous demander, à corriger cette anomalie en votant la motion tendant à opposer la question préalable sur le présent projet de loi de programmation militaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Rien n’ayant trouvé grâce aux yeux de M. Boulaud, je ne réfuterai pas tous les arguments qu’il a avancés, car cela prendrait beaucoup trop de temps.

La motion s’appuie sur des arguments de forme et de fond.

Sur la forme, le projet de loi mêlerait des dispositions de natures trop diverses.

Je considère que l’ensemble des dispositions qui concernent notre politique de défense sont incluses dans le présent projet de loi. Elles ont toutes pour point commun de mettre en œuvre les orientations qui ont été définies par le Livre blanc, lequel a d’ailleurs fait l’objet, dans cette assemblée, d’une discussion, qui n’a pu être suivie d’un vote, car il s’agit d’un texte d’ordre réglementaire.

La programmation des crédits, des effectifs et des mesures d’accompagnement qui lui sont liées a été amplement exposée.

Il en est de même des mesures sur l’organisation des pouvoirs publics et sur le secret de la défense nationale. Elles sont la traduction directe des propositions du Livre blanc, mais aussi la sanction d’une réforme constitutionnelle qui réaffirme que le Président de la République est le chef des armées, celui qui définit les grandes orientations de la politique de la défense. À ce titre, il est parfaitement normal qu’il préside le nouveau Conseil de défense et de sécurité. Cela entre dans la plénitude de ses attributions de chef de l’État.

Au demeurant, il ne s’agit que de mettre le droit en accord avec les faits. Qui peut soutenir ici que, dans toutes les grandes crises auxquelles nous avons dû faire face depuis la Constitution de la Ve République, le Président de la République n’a pas exercé la direction des opérations militaires ? Souvenons-nous du général de Gaulle dans les affaires de Berlin ou de Cuba, de Valéry Giscard d’Estaing lors de l’opération de Kolwezi, au Zaïre, actuelle République démocratique du Congo. Souvenons-nous aussi de François Mitterrand lors de la guerre du Golfe.

Debut de section - Permalien
Hubert Falco, secrétaire d'État

Il y avait également M. Chevènement !

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Personne ne peut nier que c’est lui qui a véritablement dirigé l’action de défense et la politique étrangère de la France durant cette période ! Quant au Président Jacques Chirac, il a agi de la même manière lors de la guerre au Kosovo. Nous sommes pleinement dans les attributions du chef de l’État !

Certains affirment que le Premier ministre n’exerce plus aucun rôle en matière de défense nationale. Je les invite à se reporter à la loi de programmation militaire : elle prévoit qu’il supplée le Président de la République dans certains comités lorsqu’on le lui demande – et c’est fréquent – et qu’il a la responsabilité de coordonner l’action du Gouvernement en matière de défense. On ne peut pas dire qu’il s’agisse d’un rôle subalterne ! Ces accusations sont donc dénuées de fondements.

Les articles qui permettent l’évolution des deux groupes industriels de la défense ont parfaitement leur place dans une loi de programmation militaire.

Sur le fond, il ne me semble pas que le texte entraîne une grave remise en cause des principes fondamentaux, comme l’indiquent les auteurs de la motion.

En ce qui concerne les doutes sur la sincérité budgétaire de la programmation, force est de constater que, pour l’instant, il y a adéquation entre les programmes et les crédits votés pour 2009 en loi de finances initiale et en loi de finances rectificative.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

M. Josselin de Rohan, rapporteur. Monsieur Boulaud, je n’aurai pas la cruauté de vous rappeler ce qui s’est passé entre 1998 et 2001 ! Les fameuses « encoches » ont abouti à ce que nos navires ne pouvaient plus naviguer, nos hélicoptères ne pouvaient plus voler, nos chars ne pouvaient plus circuler. Il a fallu une loi de programmation militaire pour essayer de rétablir l’équilibre. Si, aujourd’hui, nous n’y sommes pas totalement parvenus, c’est en raison de l’ampleur du retard que nous devions rattraper. Et ce retard, c’est le Gouvernement que vous souteniez par vos votes qui en est à l’origine !

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Monsieur Piras, je ne me flatterai pas d’essayer pas de vous convaincre. Je pourrais le faire si je vous voyais plus souvent !

Quant à M. Boulaud, permettez-moi, mon cher collègue, de vous rappeler ces propos de Rivarol : « C’est sans doute un terrible avantage que de n’avoir rien fait, mais il ne faut pas en abuser. »

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

Le Gouvernement est défavorable à cette motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La parole est à Mme Michelle Demessine, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

Comme le souligne la motion de nos collègues du groupe socialiste, cette loi de programmation militaire est un curieux mélange des genres : elle contient des mesures à caractère financier, ce qui est normal dans une loi de programmation, mais aussi de véritables cavaliers législatifs qui ont un lien assez ténu avec la programmation militaire. C’est le cas des dispositions concernant le secret-défense ou de celles qui modifient le code de la défense pour l’adapter au nouveau concept de sécurité nationale. De telles mesures mettent en cause l’organisation et l’équilibre de nos pouvoirs publics, à l’instar de la privatisation de deux de nos industries de défense. Elles pourraient faire, à elles seules, l’objet de textes législatifs distincts.

Mais c’est surtout la sincérité budgétaire du projet de loi qui est douteuse. Vous faites ainsi le pari de financer la réforme et les équipements nouveaux par la réduction drastique des dépenses de fonctionnement qui résultera de la suppression de 54 000 postes d’ici à 2015, dont 8 390 pour la seule année 2009. Avec cette saignée, vous escomptez réaliser 2, 7 milliards d’euros d’économies, auxquels s’ajouterait le milliard d’euros provenant de la restructuration de nos implantations.

Voilà comment, dans un premier temps, vous envisagez de faire des économies : des territoires sinistrés par la suppression ou le départ de certaines unités, des emplois supprimés sur ces territoires. Sur le plan industriel, des programmes seront annulés ou étalés : construction du second porte-avions, véhicules blindés de combats d’infanterie, hélicoptères Tigre, ou encore frégates multimissions.

Monsieur le ministre, vous savez parfaitement que la restructuration de la carte de nos implantations induira d’abord des coûts importants en dépenses d’infrastructures et en accompagnement social et territorial. Je crains donc que les économies escomptées ne se traduisent dès l’année prochaine par des surcoûts.

Enfin, vos prévisions de recettes exceptionnelles – cela a été dit très largement sur plusieurs travées – sont très aléatoires.

Pour toutes ces raisons, le groupe CRC-SPG votera la motion tendant à opposer la question préalable présentée par le groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je mets aux voix la motion n° 42, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi dans la rédaction adoptée par la commission.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 197 :

Le Sénat n'a pas adopté.

TITRE IER

CHAPITRE IER

DISPOSITIONS RELATIVES AUX OBJECTIFS DE LA POLITIQUE DE DÉFENSE ET À LA PROGRAMMATION FINANCIÈRE

Les dispositions du présent chapitre fixent les objectifs de la politique de défense et la programmation financière pour la période 2009-2014.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 80, présenté par MM. Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Voynet, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans cet article, remplacer l'année :

par l'année :

La parole est à M. Daniel Reiner.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Il s’agit d’un amendement modeste puisqu’il prévoit de ne changer qu’un chiffre dans les deux lignes de l’article 1er disposant, je le rappelle : « Les dispositions du présent chapitre fixent les objectifs de la politique de défense et la programmation financière pour la période 2009-2014. »

Dans mon propos préliminaire, j’ai toujours évoqué la période 2010-2014. Il s’agit donc de rétablir la vérité en remplaçant 2009 par 2010.

Quelle est la crédibilité financière de ce projet de loi ? Il semblerait surprenant que la programmation militaire débute alors même que la moitié de l’année budgétaire est passée ! Le premier exercice que cette loi encadre est bel et bien révolu et nous avons même entamé le deuxième semestre.

D’ailleurs, les services de Bercy et vraisemblablement les vôtres, monsieur le ministre, au ministère de la défense, s’activent pour préparer l’exercice 2010, c’est-à-dire le deuxième exercice de cette loi de programmation militaire.

Toutes les dépenses afférentes à la mise en œuvre de la loi de programmation sont-elles budgétées ? Si tel n’était pas le cas, cela s’apparenterait à la présentation faussée de données essentielles à la formation de l’équilibre budgétaire. Cela entacherait lourdement le principe de sincérité budgétaire, devenu un principe de plein rang du droit depuis la décision du Conseil constitutionnel rendue en date du 29 décembre 1993 et entérinée par la loi organique relative aux lois de finances du 1er août 2001.

Personne ne l’ignore, l’équilibre de la nouvelle loi de programmation militaire repose sur un pari audacieux : la réduction du format et les réorganisations militaires pour permettre de dégager de nouvelles marges de manœuvre financières.

Par ailleurs, sans les ressources exceptionnelles, votre pari s’écroule. Or ces ressources semblent aussi exceptionnelles qu’introuvables à ce jour !

Enfin, nous nous inquiétons très sincèrement de l’exécution réelle des budgets en cours et à venir. En effet, les propos du Premier ministre de ce gouvernement en témoignent ; lors de son déplacement en Corse, à Calvi plus exactement, il a précisé : « Je suis à la tête d’un État qui est en situation de faillite sur le plan financier, je suis à la tête d’un État qui est depuis quinze ans en déficit chronique, je suis à la tête d’un État qui n’a jamais voté un budget en équilibre depuis vingt-cinq ans. Ça ne peut pas durer ». Si tels étaient ses propos en septembre 2007, quels seront-ils en septembre 2009 ?

Dans le contexte économique actuel, nous craignons fort que ce budget de la défense ne soit la victime toute désignée des arbitrages budgétaires. Je redoute que la défense ne subisse les premières coupes budgétaires, conséquences directes et sombres de votre politique économique et de votre réponse à une crise qui sévit sur le territoire et dont le terme reste, hélas ! pour tout le monde incertain.

En l’état, le Gouvernement veut nous faire voter une loi qui programme le passé.

Pour ce qui est de la sincérité de la progression des crédits d’équipement, le pari fait par le ministère de la défense est de dégager des marges de manœuvre budgétaires au moyen de la réforme du ministère, ce qui explique la nécessité d’engager rapidement la réorganisation des bases logistiques et de soutien avec la création des bases de défense et en procédant à une très forte déflation d’effectifs.

Ce pari est risqué dans l’actuelle situation de nos finances et avec un chômage qui s’accroît.

Au Gouvernement depuis 2002, l’actuelle majorité n’a pas réussi à créer une dynamique économique positive.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Je défends l’amendement, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Vous disposez d’un temps de parole de trois minutes pour le présenter !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Le budget de la défense risque donc d’en pâtir.

Un premier pas vers la sincérité budgétaire, plus conforme avec la réalité, consisterait à faire débuter cette nouvelle programmation en 2010. Nous demandons une reprogrammation de cette loi pour qu’elle prenne en compte le vote à venir de la loi de finances pour 2010.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Je vous rappelle, mes chers collègues, que les amendements doivent être défendus en trois minutes.

La parole est à M. le rapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

La commission est bien entendu défavorable à cet amendement visant à remplacer l’annuité 2009 de la période de programmation par l’année 2010. La programmation 2009-2014 présente une cohérence d’ensemble.

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

Le Gouvernement rejoint l’avis de la commission.

L'amendement n'est pas adopté.

L'article 1 er est adopté.

Est approuvé le rapport annexé à la présente loi, qui fixe les orientations relatives à la politique de défense et aux moyens qui lui sont consacrés au cours de la période 2009-2014 et précise les orientations en matière d'équipement des armées à l'horizon 2020.

RAPPORT ANNEXÉ

La loi de programmation militaire 2009-2014 couvre la première étape de la mise en œuvre de la nouvelle stratégie de sécurité nationale définie par le Livre blanc. Elle :

- amorce une réforme profonde des armées, cohérente avec l'évolution de l'environnement international et qui se traduit en particulier par de nouveaux contrats opérationnels ;

- poursuit et adapte la modernisation des forces, avec une priorité marquée à la fonction connaissance et anticipation, à la dissuasion, à la protection des forces terrestres et à l'amélioration de la disponibilité des matériels les plus utilisés en opérations ;

- vise à disposer des ressources humaines nécessaires, en nombre et en compétences ;

- accorde une attention particulière à l'accompagnement des restructurations qui seront mises en œuvre ;

- s'inscrit dans un contexte de maîtrise des finances publiques.

À périmètre constant 2008, une enveloppe de 377 milliards d'euros 2008 est consacrée à la mission Défense sur douze années. 185, 9 milliards d'euros 2008 sont alloués à la loi de programmation militaire 2009-2014. Cette loi de programmation militaire permet ainsi de maintenir la France parmi les premières nations d'Europe dans le domaine de la défense.

1 La politique de défense dans la stratégie de sécurité nationale de la France

1.1 La mondialisation et la nouvelle stratégie de sécurité nationale

La politique de défense de la France doit s'adapter à l'impact croissant de la mondialisation sur la modification des rapports de force internationaux, la transformation des échanges économiques et les accélérations de la circulation de l'information et de la connaissance. Le monde n'est pas nécessairement devenu plus dangereux qu'autrefois mais il est plus instable, plus imprévisible et les évolutions de notre environnement peuvent être brutales.

Quatre zones géographiques joueront un rôle critique pour la sécurité de la France dans les années à venir : l'arc de crise s'étendant de l'Atlantique à l'ouest de l'Afrique jusqu'à l'océan Indien, le continent européen, l'Afrique sub-saharienne et l'Asie, vers laquelle se déplace progressivement le centre de gravité stratégique et où sont identifiés plusieurs risques de conflits majeurs.

Par rapport à la décennie précédente, notre politique de défense devra prendre en compte plusieurs infléchissements :

- la France, son territoire et sa population sont directement exposés à des menaces à caractère militaire ou quasi-militaire, en particulier le terrorisme d'inspiration djihadiste, le développement de missiles balistiques de longue portée par de nouvelles puissances, les conséquences des crises dans les zones d'intérêt stratégique ;

- les moyens de l'information, de l'anticipation et de la prévention des crises n'ont probablement jamais été aussi développés ;

- le risque d'implication de notre pays et des pays européens ou alliés dans une guerre interétatique ne peut cependant être exclu à l'horizon de quinze ans ;

- les sollicitations des armées françaises sur les théâtres extérieurs dans des opérations de stabilisation resteront nombreuses ; elles conduiront à des déploiements dans des environnements exigeants ; ces engagements devront respecter les principes directeurs d'intervention extérieure énoncés dans le Livre blanc et recevoir le soutien de la Nation.

Dans ce contexte, la défense devra assurer la sécurité de la Nation face aux risques d'agression armée, le respect de nos engagements internationaux en matière de défense, la contribution de la France au maintien de la paix et de la sécurité internationales, la participation à la protection de la population sur le territoire, en appui des dispositifs de sécurité intérieure et de sécurité civile, et à l'étranger.

1.2 L'ambition européenne et internationale de la France

L'ambition européenne et internationale est au cœur de la vocation de la France dans le monde. Elle contribue à rendre le système international plus équilibré et plus légitime, et à en renforcer la crédibilité, notamment celle des instruments de la sécurité collective, au premier chef, l'Union européenne, les Nations Unies et l'Alliance atlantique.

1.2.1 L'ambition européenne

La France prend part à la politique européenne de sécurité et de défense commune, conduisant à la définition d'une politique de défense commune de l'Union européenne.

L'Union européenne doit s'affirmer comme un acteur majeur de la gestion des crises et de la sécurité internationale. Elle s'est en ce sens fixé des objectifs concrets pour les prochaines années.

Une capacité d'intervention globale de 60 000 hommes, déployables pendant un an sur un théâtre éloigné, avec les composantes aériennes et maritimes nécessaires, doit être ainsi effectivement développée. L'Union européenne devra être en mesure de conduire simultanément deux à trois opérations de maintien ou de rétablissement de la paix, et plusieurs opérations civiles moins importantes, sur des théâtres différents. Elle devra rechercher la mutualisation de certains moyens européens. Les capacités européennes de planification et de conduite d'opérations, militaires et civiles, monteront en puissance.

L'accent sera mis sur le renforcement de l'industrie de défense européenne. Les objectifs de la programmation contribueront au plan de développement des capacités élaboré par l'Agence européenne de défense (AED) en liaison avec l'état-major de l'Union européenne. Les coopérations recherchées ne seront pas seulement industrielles, mais aussi structurelles et opérationnelles. Des règles communes pour le marché des équipements de défense seront mises en place.

L'Union européenne doit devenir également un acteur efficace de protection contre les risques affectant le territoire de ses États membres et leur population.

La France fera des propositions à ses partenaires afin de développer un esprit de défense européen.

1.2.2 La rénovation de la relation transatlantique

La France s'engage en faveur de la rénovation de l'OTAN, qui ira de pair avec le renforcement de l'Union européenne dans le domaine de la gestion des crises et la recherche d'un meilleur partage des responsabilités entre Américains et Européens au sein de l'Organisation atlantique. L'OTAN et l'Union européenne sont toutes deux nécessaires face aux menaces et aux crises ; elles sont complémentaires. Le renforcement de la politique de sécurité et de défense commune et la rénovation de l'OTAN constituent donc les deux volets d'une même démarche.

Le rapprochement avec la structure de commandement de l'OTAN s'effectue dans le respect des principes suivants : indépendance complète de nos forces nucléaires ; liberté d'appréciation des autorités françaises, impliquant absence d'automaticité dans nos engagements militaires et maintien des moyens de l'autonomie stratégique, notamment par l'accroissement de nos capacités de renseignement ; enfin, liberté permanente de décision, qui suppose qu'aucune force française ne soit placée en permanence, en temps de paix, sous le commandement de l'OTAN.

1.2.3 Le multilatéralisme demeure un principe fondateur

Le multilatéralisme est au cœur de la politique de la France. La France soutient l'action des Nations unies. Membre permanent du Conseil de sécurité, elle estime essentiel de rénover et de renforcer les institutions internationales. Elle s'engage à ce titre en faveur d'une réforme du Conseil de sécurité permettant d'élargir celui-ci aux puissances qui ont la capacité et la volonté de contribuer à la paix et à la sécurité internationales. Elle apporte son soutien aux organisations régionales de sécurité.

1.3 Les cinq grandes fonctions stratégiques

La stratégie de sécurité nationale s'articule autour de cinq fonctions stratégiques : connaissance et anticipation, prévention, dissuasion, protection et intervention. La combinaison de ces différentes fonctions doit pouvoir évoluer en s'adaptant aux modifications de l'environnement stratégique.

La connaissance et l'anticipation sont une priorité. Elles garantissent notre autonomie de décision et permettent à la France de conserver l'initiative stratégique.

La dissuasion nucléaire demeure un fondement essentiel de la stratégie nationale. Elle est la garantie ultime de la sécurité et de l'indépendance de la France. Elle a pour fonction d'empêcher une agression d'origine étatique contre les intérêts vitaux du pays, d'où qu'elle vienne et quelle qu'en soit la forme.

La protection de la population et du territoire est au cœur de notre stratégie en raison du développement de nouvelles vulnérabilités. Elle doit prendre en compte l'évolution des menaces, notamment terroristes.

Nos capacités de prévention des conflits et d'intervention seront concentrées sur les zones où les risques impliquant les intérêts stratégiques de la France et de l'Europe sont les plus élevés. L'axe géographique prioritaire va de l'Atlantique au Golfe arabo-persique et à l'océan Indien.

1.4 Objectifs et contrats opérationnels

La politique de défense et de sécurité se décline pour chaque fonction stratégique en objectifs et en contrats opérationnels. Ceux-ci orientent l'organisation et dimensionnent les capacités que les armées doivent pouvoir mettre en œuvre.

Il s'agit :

- pour la fonction connaissance et anticipation, d'assurer la connaissance des risques, des menaces et des ruptures potentielles de tous types et d'anticiper les crises en renforçant en particulier les capteurs spatiaux et en développant une capacité de détection des tirs de missiles balistiques et d'alerte ;

- pour la fonction dissuasion, d'assurer la posture fixée par le Président de la République avec au moins un sous-marin nucléaire lanceur d'engins (SNLE) à la mer en permanence, des moyens de sûreté assurant la liberté d'action des SNLE, une capacité de frappe aérienne nucléaire disponible en permanence et des moyens d'accompagnement et de soutien de la composante aéroportée ;

- pour la fonction prévention, de disposer de forces prépositionnées articulées à terme en deux points d'appui sur les façades occidentale et orientale de l'Afrique et pouvant intervenir dans la bande sahélienne, d'une présence renforcée (avec au moins une base) dans le Golfe arabo-persique et d'une capacité de projection régionale dans certains DOM-COM (Antilles-Guyane, La Réunion, Nouvelle-Calédonie) ;

- pour la fonction protection, de contribuer à la protection de la population sur le territoire national et à la résilience de la Nation, face aux risques et aux menaces de toute nature, en particulier terroristes, en :

- renforçant la sécurité des installations d'importance vitale, des mouvements sur le territoire et de l'accès à celui-ci (jusqu'à 10 000 hommes des forces terrestres) ;

- renforçant en métropole le dispositif de défense aérienne et de sauvegarde maritime ;

- soutenant le dispositif de sécurité intérieure et de sécurité civile, notamment avec des capacités spécifiques (transports, santé, aide au déploiement, NRBC...) ;

- pour la fonction intervention, de contribuer à la sécurité internationale en participant à des opérations de stabilisation et de maintien de la paix et d'être en mesure de faire face à un conflit majeur à l'extérieur du territoire dans un cadre multinational. Les armées doivent ainsi être capables de projeter (jusqu'à 7 000 à 8 000 kilomètres) :

- en six mois, une force terrestre pouvant aller jusqu'à 30 000 hommes pour une durée d'un an, suivie d'une action de stabilisation ;

- une force aérienne de combat de 70 avions ;

- une force navale ou aéronavale de combat de 2 à 3 groupes d'intervention.

Les armées doivent en outre tenir prête en permanence et sous bref préavis une capacité de réaction pouvant être engagée dans un cadre national ou multinational et constituée d'unités d'intervention terrestre (5 000 hommes), aérienne et maritime et des forces de présence et de souveraineté.

2 La programmation militaire 2009-2014

La présente loi de programmation militaire décline en objectifs de programmation et pour la période 2009-2014 les priorités définies par le Livre blanc. Elle donne un éclairage pour les années suivantes.

2.1 La priorité donnée à la nouvelle fonction connaissance et anticipation

La fonction connaissance et anticipation donne aussi bien aux responsables politiques qu'aux chefs militaires et aux responsables de la sécurité intérieure et de la sécurité civile les éléments de prévision, d'appréciation de situation et d'éclairage de l'action, les outils d'aide à la décision et de commandement et les moyens de contrôle de l'action ; elle contribue à l'autonomie nationale stratégique.

La fonction couvre cinq domaines : le renseignement, la connaissance des zones d'opérations potentielles, l'action diplomatique, l'analyse prospective, la maîtrise de l'information.

L'espace fera l'objet d'un effort spécifique. Les ressources allouées à ce domaine seront progressivement doublées en moyenne annuelle d'ici 2020. Il sera par ailleurs créé un commandement interarmées de l'espace sous l'autorité du chef d'état-major des armées.

Le réseau internet étant devenu crucial pour la sécurité de la France, les moyens techniques de l'État dans ce domaine seront renforcés et, corrélativement, le nombre de spécialistes sera accru.

2.1.1 Le renseignement

2.1.1.1 Ressources humaines

La priorité accordée aux ressources humaines se traduira par un renforcement des effectifs, de l'ordre de 700 personnes. L'effort de recrutement concernera les domaines de la lutte anti-terroriste, de la contre-prolifération, de la lutte contre la criminalité organisée, du contre-espionnage et de la lutte contre l'ingérence économique.

La gestion sera harmonisée et davantage croisée entre services et entre ministères, notamment dans les domaines du recrutement et de la formation. Les parcours de carrière offriront plus de possibilités de mobilité entre les services.

Des filières de formation commune seront créées ; la future académie du renseignement y contribuera.

2.1.1.2 Équipements

Le renseignement s'appuie sur un ensemble cohérent d'équipements depuis le niveau stratégique (satellite d'observation MUSIS et d'écoute CERES...), jusqu'au niveau des théâtres d'opération (nacelles ROEM aéroportées, drone longue endurance SDM) et au niveau tactique (drones tactiques SDT/SDAM, nacelles RECO NG, systèmes de guerre électronique...).

L'exploitation des grands équipements fera l'objet d'une mise en commun systématique entre les services de renseignement.

Observation spatiale

Les satellites d'observation sont les seuls systèmes à offrir une capacité non intrusive d'observation régulière en tout point du globe.

La France dispose actuellement des satellites Hélios 2 (imagerie optique et infrarouge) et d'un accord d'échange d'images avec l'Allemagne (système d'imagerie radar SAR Lupe) depuis début 2008. Ces moyens seront complétés et améliorés dans le domaine de l'optique visible par le système Pléiades (satellites optiques à usage dual) à partir de 2010 et par un accord d'échange d'images avec l'Italie (système d'imagerie radar Cosmo Skye) à partir de 2009.

Le projet européen MUSIS renouvellera ces capacités, en coopération avec l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, la Belgique et la Grèce. Il fédérera les futurs projets nationaux en un programme international commun. Cette organisation autorise une coopération opérationnelle et stratégique plus intégrée. Trois satellites optiques permettant d'atteindre les plus hautes résolutions seront lancés par la France entre 2015 et 2018. Des satellites radars devraient être lancés par nos partenaires.

Écoute

Les systèmes spatiaux d'écoute électromagnétique contribuent à la détection, l'évaluation et le suivi des menaces et à la connaissance des théâtres d'intérêt stratégique ou opérationnel. Ils permettent d'orienter d'autres capteurs et d'élaborer des contre-mesures électroniques.

Le démonstrateur Essaim, mis en orbite en décembre 2004, fonctionnera jusqu'en 2009. Les résultats technologiques et opérationnels obtenus ont confirmé l'intérêt d'un deuxième démonstrateur, Elisa, qui offrira aussi une capacité préopérationnelle (mise en orbite début 2010 pour une expérimentation d'au moins trois ans).

Le système opérationnel Ceres (segment satellitaire et segment sol) bénéficiera de l'ensemble de ces avancées technologiques. En préparation depuis 2007 et ouvert à la coopération européenne, il sera mis en service opérationnel en 2016.

Observation et écoute embarquées, drones

Les capteurs aéroportés embarqués sur drones et aéronefs, les capteurs navals et les moyens au sol destinés en particulier à la surveillance et à l'analyse des zones d'engagement des forces terrestres seront modernisés.

Les systèmes drones feront l'objet d'un effort qui portera à la fois sur le segment « moyenne altitude longue endurance » et sur le segment tactique, pour des missions d'observation, de reconnaissance et de surveillance électronique, voire d'appui au sol.

Le système intérimaire de drone moyenne altitude longue endurance (SIDM) est entré en service en 2008. La composante de minidrone (DRAC) pour l'appui des unités de combat, qui doit comprendre une centaine de systèmes d'ici 2010, est en cours de livraison.

L'expérience acquise permettra de mieux cerner les options qui se présentent, tant pour les performances (capteurs, endurance, armement éventuel) que pour les coopérations (industrielles et opérationnelles). La stratégie d'acquisition à venir combinera les acquisitions de matériels existants adaptés aux opérations en cours, les locations de services et le développement de moyens tactiques et de théâtre, le cas échéant en coopération européenne.

Des ressources sont prévues pour les locations de services et les achats de matériels existants dans un premier temps, les développements dans un second temps. Elles seront réparties au plus tard en 2010, en fonction de l'affinement des analyses opérationnelles et techniques.

Les moyens aéroportés s'articuleront également autour des nacelles de reconnaissance et de guerre électronique sur avions de combat et sur avions gros porteurs A400M et Atlantique 2.

Les pods de guidage laser et autres capteurs optroniques aéroportés sont aussi utilisables pour des missions de reconnaissance en temps réel.

2.1.2 La connaissance des zones d'opérations potentielles

La connaissance des zones d'opérations potentielles sera renforcée par l'emploi des moyens de renseignement et par la présence de nos forces navales, aériennes et terrestres dans les zones jugées prioritaires.

Données géophysiques

Les données géophysiques nécessaires aux systèmes d'armes comme aux forces seront fournies par une organisation interarmées (centre de géographie interarmées, centre interarmées de soutien météo-océanographique des forces) et le programme GEODE 4D à l'ensemble des acteurs civils et militaires de la défense et de la sécurité.

Le système européen Galileo apportera une source indépendante de positionnement et de datation. Le programme Omega permettra le double emploi des signaux de Galileo et du système américain GPS. Ils renforceront notre autonomie et notre interopérabilité.

2.1.3 La prospective

Pour évaluer, anticiper et orienter, le champ d'application de la prospective sera élargi (géostratégie, géopolitique, sciences sociales et économiques, recherche scientifique...). La cohérence sera renforcée au sein du ministère de la défense et dans un cadre interministériel.

2.1.4 La maîtrise de l'information

La maîtrise de l'information conditionne notre autonomie stratégique. Elle repose sur des capacités de transmission, sur l'interopérabilité de nos capacités, sur la protection, sur la valorisation et la vérification des informations. Les transmissions opérationnelles satellitaires en sont la capacité la plus structurante.

2.2 La dissuasion, garantie ultime de la sécurité et de l'indépendance de la France

La dissuasion nucléaire a pour objectif d'empêcher tout État de croire qu'il pourrait porter atteinte aux intérêts vitaux de la Nation sans s'exposer à des risques pour lui inacceptables.

La crédibilité de la dissuasion nucléaire repose sur la possibilité pour le chef de l'État de disposer, de façon indépendante, d'une gamme d'options suffisamment large et de moyens adaptés à une grande diversité de situations. Ces moyens disposent de l'environnement nécessaire à leur mise en œuvre autonome et en sûreté.

La modernisation des deux composantes, engagée depuis dix ans, sera poursuivie.

2.2.1 L'adaptation continue au contexte géopolitique et aux menaces potentielles

Les moyens de la dissuasion nucléaire seront régulièrement adaptés à l'évolution des menaces potentielles. Deux composantes différenciées et complémentaires seront maintenues. Ces adaptations se poursuivront dans le respect du principe de stricte suffisance. Le nombre d'armes nucléaires, de missiles et d'avions de la composante aéroportée sera réduit d'un tiers. Après cette réduction, l'arsenal de la France comprendra moins de 300 têtes nucléaires.

2.2.2 Les capacités

2.2.2.1 Composante océanique

La permanence de la composante océanique sera assurée par quatre sous-marins nucléaires lanceurs d'engins (SNLE). Leur invulnérabilité devra être préservée. Ils seront progressivement armés, à partir de 2010, de missiles intercontinentaux M51 équipés de têtes nucléaires TN75. Ces têtes seront remplacées à partir de 2015 par les têtes nucléaires océaniques (TNO) adaptées à de plus longues portées.

Le renouvellement de la flotte des sous-marins de la composante océanique s'achèvera en 2010 avec la livraison du quatrième SNLE NG, « Le Terrible », en version M51. À partir de 2010, les trois premiers SNLE NG seront à leur tour adaptés au M51. Des efforts de modernisation seront entrepris pour assurer la sûreté de la composante océanique. Le renouvellement des SNA et des frégates anti-sous-marines et le maintien des capacités des avions de patrouille maritime constitueront à cet égard une priorité.

2.2.2.2 Composante aéroportée

La composante aéroportée bénéficiera de la mise en service du Rafale et de missiles air-sol moyenne portée améliorés (ASMPA) équipés d'une nouvelle tête nucléaire aéroportée (TNA).

Les Mirage 2000 N K3 et les Rafale porteurs de l'ASMPA rentreront progressivement en service à partir de 2009. Le premier escadron Rafale à capacité nucléaire sera opérationnel en 2010. Le Charles de Gaulle pourra mettre en œuvre l'ASMPA en 2009.

Afin d'assurer l'accompagnement et le soutien de la composante aéroportée, les ravitailleurs en vol en service seront rénovés dans l'attente de l'entrée en service du Multi Role Tanker and Transport (MRTT).

2.2.2.3 Maintien de la crédibilité technique

L'efficacité de la dissuasion repose en particulier sur la crédibilité des armes et le maintien de filières technologiques de haut niveau.

Le maintien de la capacité à fabriquer des armes fiables et sûres reposera sur la poursuite du programme de simulation s'appuyant sur le laser mégajoule (LMJ), les moyens de radiographie des armes et les moyens de calcul intensif numérique.

Les compétences nationales développées dans le domaine des missiles, notamment balistiques, et des sous-marins nucléaires seront préservées.

2.2.2.4 Capacités de transmissions

Les transmissions nucléaires permanentes, sûres et résistantes seront adaptées pour apporter la souplesse nécessaire à la stratégie de dissuasion.

2.3 Le recentrage de la prévention

La fonction prévention a pour objet, en agissant en amont, d'éviter l'apparition ou l'aggravation des crises. Elle fait appel à un ensemble de capacités diplomatiques, économiques, militaires et juridiques.

2.3.1 Vers un recentrage du dispositif prépositionné

Nos capacités de prévention des conflits et d'intervention reposent en particulier sur un dispositif de forces prépositionnées ou prédéployées dans les espaces internationaux. Ce dispositif sera concentré sur les zones d'intérêt prioritaire.

En Afrique, il sera réorganisé autour de deux pôles, un sur chaque façade, atlantique et orientale, tout en préservant une capacité de prévention dans la zone sahélienne. L'objectif est de privilégier une relation de partenariat visant à renforcer la sécurité et à développer les capacités africaines de maintien de la paix dans une perspective régionale et européenne.

Dans le Golfe arabo-persique, les points d'appui français seront renforcés, en particulier aux Émirats arabes unis.

Des moyens importants seront affectés en Guyane, en particulier au bénéfice du centre spatial guyanais et de la lutte contre les activités illicites.

2.3.2 Les accords de défense

La liste des accords de défense a été rendue publique. Le Parlement sera désormais informé de la conclusion et des orientations de ces accords.

Les conventions ou les clauses relatives aux possibilités d'intervention de la France dans des missions de maintien de l'ordre, figurant dans certains accords bilatéraux, seront abrogées.

2.3.3 La lutte contre les trafics

La lutte contre les trafics doit permettre de neutraliser les réseaux avant qu'ils n'opèrent dans l'espace européen.

L'action de l'État dans la zone caraïbe, à l'ouest de l'Afrique, en Méditerranée et dans l'océan Indien, s'appuiera sur des capacités de surveillance et d'intervention dans les espaces terrestre, aérien et maritime, en particulier en haute mer. La coordination européenne sera renforcée.

2.3.4 La lutte contre la prolifération et la maîtrise des armements

En matière de lutte contre la prolifération, la prévention repose sur le renforcement du régime international de maîtrise des armements, le contrôle des exportations, l'entrave et le renseignement. Sur le plan militaire, elle se traduit par des mesures de surveillance et de protection et par le renforcement du contrôle des accords de désarmement.

L'acquisition d'une capacité de détection et d'alerte avancée contribuera à la lutte contre la menace balistique.

De plus, l'accent sera mis sur la capacité à détruire, en sécurité, des installations biologiques, chimiques et nucléaires illicites, ainsi que sur les moyens de défense et de protection, notamment biologiques.

2.4 La protection au cœur de la stratégie de la France

L'objectif de la fonction protection dans les années à venir est d'assurer une mission permanente de protection de la population et du territoire, de renforcer la résilience de la société et des institutions et d'améliorer les moyens de gestion de crise et de réaction rapide des pouvoirs publics. À cette fin, sont fixés des contrats opérationnels et des objectifs pour les armées et pour le dispositif de sécurité intérieure et de sécurité civile. La coopération européenne dans ce domaine sera renforcée.

2.4.1 Capacités de protection et d'intervention sur le territoire national

Les capacités de réaction rapide des pouvoirs publics en cas de crise majeure sur le territoire national seront développées. Les efforts porteront sur le renforcement des moyens de gestion interministérielle des crises, sur le rapprochement des structures de planification et de conduite des opérations de sécurité intérieure et de sécurité civile et sur l'accroissement de la coopération civilo-militaire dans les zones de défense et de sécurité.

2.4.1.1 Le contrat opérationnel de protection

Pour contribuer à la réponse à des crises majeures, les armées mettront en œuvre une force terrestre pouvant, si nécessaire, monter jusqu'à 10 000 hommes en quelques jours.

Ces moyens permettront de contribuer en priorité à la sécurité des points d'importance vitale, à la liberté des voies de communication ainsi qu'au contrôle de l'accès du territoire.

De plus, il pourra être fait appel à des capacités militaires spécifiques dans les domaines de l'aéromobilité, de l'aérotransport, du génie, de la santé, du NRBC, des liaisons et du soutien logistique.

Parallèlement, les armées devront pouvoir assurer un renforcement de la posture permanente de sûreté aérienne (jusqu'à 6 patrouilles opérationnelles, et 4 patrouilles opérationnelles spécialisées dans la lutte contre les aéronefs lents) et renforcer la posture permanente de sûreté maritime en déployant 1 frégate, 2 chasseurs de mines et 1 avion de patrouille maritime sur chacune des trois façades maritimes.

2.4.1.2 Réseaux de transmission d'infrastructure

Les réseaux de transmission d'infrastructure sur le territoire national seront adaptés pour renforcer leur capacité de résistance, en cas de crises, et pour améliorer l'interopérabilité des moyens civils et militaires. L'opération SOCRATE NG rationalisera et fédérera à partir de 2012 l'ensemble des réseaux. Un mode d'acquisition et de gestion des réseaux en partenariat public-privé sera recherché.

2.4.2 Capacités de contrôle et de surveillance des espaces nationaux et de leurs approches

2.4.2.1 Sauvegarde maritime

La sauvegarde maritime participe à la fonction protection et aux missions d'action de l'État en mer. Elle s'appuie sur un ensemble de moyens armés par la marine et par la gendarmerie maritime.

Huit bâtiments de soutien et d'assistance hauturiers (BSAH) remplaceront à partir de 2014 la flotte actuelle, leur caractère dual permettant d'envisager un contrat de partenariat avec l'État.

SPATIONAV, qui fédère et redistribue les informations des senseurs, est en cours de déploiement sur l'ensemble des façades maritimes métropolitaines ainsi qu'aux Antilles-Guyane. La version suivante, mise en service à partir de 2011, intégrera de nouveaux capteurs et sera interconnectable avec les systèmes équivalents européens.

La plupart des moyens de surveillance et d'intervention maritime devant être retirés du service dans les années à venir, la capacité sera maintenue grâce à la conversion en patrouilleurs hauturiers des 9 avisos A69 à partir de 2009 et à la conversion en avions de surveillance maritime de 4 Atlantique 2 et des 4 Falcon 50 retirés de la flotte à usage gouvernemental.

À plus longue échéance, de nouveaux patrouilleurs hauturiers seront livrés à partir de 2017. Le renouvellement des capacités aériennes de surveillance et d'intervention maritime est prévu à partir de 2018.

2.4.2.2 Sûreté aérienne

L'effort portera dans les années à venir sur l'amélioration des capacités de surveillance. La surveillance du ciel et des approches du territoire repose sur un ensemble de radars, de centres de conduite et un centre de commandement développé et entretenu par le programme SCCOA (système de commandement et de conduite des opérations aériennes). Ce système concourt aussi à l'entraînement et à l'engagement des forces aériennes, à la sécurité des usagers civils et militaires de l'espace aérien et au service public. Le programme SCCOA amènera les centres français de détection et de contrôle au standard OTAN d'ici 2014 et engagera le renouvellement des radars, prioritairement les radars haute et moyenne altitude.

Le dispositif permanent de sûreté permet la détection, l'identification et l'interception par des avions de combat ou des hélicoptères de tout aéronef. Des accords établis avec nos voisins européens prévoient la continuité de ces actions en dehors de l'espace aérien français.

Les avions de détection et de commandement aéroportés de l'armée de l'air et de la marine seront modernisés.

2.4.2.3 Surveillance de l'espace extra-atmosphérique

La France, et plus généralement l'Europe, ont besoin d'une meilleure sécurité en orbite pour leurs satellites civils et militaires et d'une surveillance de la militarisation de l'espace.

La France constituera à cette fin, d'ici 2014, une capacité opérationnelle nationale à partir du radar GRAVES. Celle-ci sera améliorée dans un cadre européen par :

- la recherche d'un couplage avec le système allemand de trajectographie TIRA sur la base de la coopération lancée en 2007 ;

- le programme SSA (space situational awareness : surveillance et trajectographie des objets et débris en orbite ; météorologie spatiale ; identification des satellites) proposé par l'Agence spatiale européenne.

2.4.3 Capacités permettant de répondre à l'évolution des risques

2.4.3.1 Détection et alerte avancée

Face aux menaces balistiques potentielles, la capacité de détection et d'alerte avancée permettra de surveiller les essais conduits par les États, de renforcer la dissuasion par une meilleure connaissance des agresseurs potentiels et d'alerter les populations.

Ces systèmes font appel, d'une part à des moyens de surveillance spatiaux géostationnaires infrarouge, d'autre part à des radars terrestres à très longue portée pouvant détecter et trajectographier les missiles.

Les études amont et l'exploitation des informations collectées par les deux microsatellites SPIRALE (système préparatoire infrarouge pour l'alerte) lancés en 2009 seront accélérées pour permettre le lancement au plus tard en 2012 de la conception et de la réalisation des radars et satellites. L'entrée en service opérationnel de radars de très longue portée interviendra autour de 2015, celle du premier satellite opérationnel d'ici 2019.

Compte tenu de son intérêt stratégique pour l'Europe, une coopération européenne est recherchée sur le programme de détection et d'alerte avancée.

2.4.3.2 Sécurité de l'information

La menace informatique est désormais une préoccupation majeure. La défense informatique combinera protection des systèmes, surveillance, réaction rapide et action offensive de rétorsion. La protection des réseaux sera coordonnée par une agence de la sécurité des systèmes d'information placée sous la tutelle du futur secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN).

Le ministère de la défense renforcera ses moyens et son organisation et développera des outils de veille, d'alerte et de réponse aux agressions informatiques.

2.4.3.3 Protection NRBC

Les capacités de protection NRBC des armées et du service de santé (SSA) sont également conçues pour contribuer à la protection des populations. Dans ce domaine, la recherche d'une meilleure interopérabilité entre les moyens des ministères de l'intérieur et de la défense est une priorité.

La modernisation des unités NRBC sera achevée en 2010. Ainsi, le régiment NRBC de Fontevraud disposera de 1 000 spécialistes, capables notamment d'armer 12 équipes de reconnaissance et d'évaluation et 6 détachements de liaison au profit des états-majors de zone de défense.

Les capacités de détection et d'analyse des menaces biologiques seront renforcées avec le programme DETECBIO (détection et identification des agents biologiques) : 3 équipements seront livrés en 2012 et 2013 et 6 ultérieurement, permettant de détecter plus d'agents avec des techniques encore plus fiables.

Un système intégré NRBC coordonnera l'ensemble des moyens NRBC du ministère de la défense à partir de 2015.

La coordination civilo-militaire sera renforcée par :

- la création d'un comité stratégique interministériel de défense NRBC, qui veillera à coordonner les efforts de recherche, à garantir une identification partagée des menaces et des risques, et à développer les entraînements et les exercices en commun ;

- la création d'un centre national de formation et d'entraînement NRBC civil et militaire commun aux ministères de l'intérieur et de la défense ;

- le renforcement de l'interopérabilité entre unités de protection NRBC civiles et militaires.

2.4.4 Réorganisation du dispositif de souveraineté dans les DOM-COM

Les moyens militaires dans les DOM-COM seront redéployés et leur niveau redéfini en fonction de leurs missions de souveraineté et de leur contribution à la lutte contre cinq risques majeurs : les catastrophes naturelles, les atteintes à la sécurité du centre spatial guyanais, le narcotrafic, les flux migratoires illégaux, le pillage des ressources naturelles. Certaines des missions de service public que remplissaient les armées seront donc progressivement confiées à la gendarmerie nationale et à la sécurité civile qui se doteront des équipements correspondants.

Ce dispositif sera organisé par théâtres : Antilles-Guyane, zone sud de l'océan Indien, Pacifique. Au total, les effectifs militaires diminueront en moyenne de 40 % d'ici 2011.

2.5 L'intervention sur un spectre large d'opérations

L'engagement de moyens militaires et civils pour faire cesser une atteinte majeure à la sécurité nationale, ou pour remplir nos engagements internationaux en cas de guerre ou de crise internationale revêtira des formes très diverses depuis les opérations spéciales jusqu'à des opérations majeures. L'intervention des armées aura donc souvent comme corollaire un renforcement de la protection sur le territoire national. En toutes circonstances, une capacité d'action d'urgence devra être préservée. L'implication de la France dans une guerre entre États ne peut être exclue compte tenu des caractéristiques de l'environnement international.

Le plus souvent, les opérations auront également une dimension civile. Le Gouvernement présentera, dans les six mois suivant l'adoption de la présente loi, un rapport sur les voies à suivre pour moderniser la coopération civilo-militaire (CIMIC) afin de permettre aux forces armées de mieux s'intégrer dans leur environnement. La plupart de ces opérations auront lieu dans un cadre multinational.

Les interventions des forces armées à l'étranger feront l'objet d'un examen régulier en conseil de défense et de sécurité nationale pour examiner, en fonction de l'évolution de la situation internationale, leurs perspectives politique et diplomatique, leur efficacité militaire et leurs coûts.

L'effort d'équipement des armées s'articulera en deux phases : 2009-2014, correspondant à la présente loi, puis 2015-2020.

2.5.1 Première phase (2009-2014)

Durant la première phase (2009-2014), l'accent sera mis sur la remise à niveau des moyens de combat, en particulier des moyens terrestres.

2.5.1.1 La modernisation de l'outil de combat aéroterrestre et la protection des forces terrestres

Les efforts porteront en priorité sur la protection des forces, la numérisation de l'espace opérationnel, le rétablissement de la capacité aéromobile et l'acquisition de capacités de frappe de précision dans la profondeur.

L'opération d'ensemble Scorpion vise à renouveler l'ensemble des moyens du combat de contact terrestre comme un tout cohérent et évolutif, capable de s'adapter aux changements du contexte stratégique. L'objectif est d'équiper environ 3 brigades pour 2014 et d'engager la modernisation de 5 autres brigades.

Une attention particulière sera apportée aux programmes de cohérence opérationnelle attachés à cette capacité. Ils comprennent notamment les moyens de simulation pour la formation ou l'entraînement opérationnel, les capteurs optroniques terrestres, les munitions de tous types et les maîtrises techniques des équipements.

Protection des forces terrestres

Elle fait l'objet d'une importante priorité, à la fois par l'acquisition de capacités nouvelles (VBCI, Félin, PPT) et par le renforcement du matériel en service (acquisitions de brouilleurs et de surprotections des véhicules déployés). Pour l'accompagnement de convois, une quinzaine de véhicules très fortement protégés sera acquise en 2009 et 2010.

Des systèmes intégrés de protection et d'alerte des unités terrestres en stationnement (Spectre) seront livrés durant la période couverte par la loi de programmation militaire.

Par ailleurs, pour répondre à la menace des engins explosifs improvisés, une opération d'armement Carape a été lancée pour coordonner les achats d'urgence ou le développement de brouilleurs, de surprotection des véhicules, de leurres, d'engins d'ouverture d'itinéraire et de moyens de renforcement de la protection des camps.

Le soutien Santé du combattant sera maintenu à haut niveau. L'ensemble des processus de soutien santé sera numérisé et intégré dans les systèmes d'information et de commandement, dans le cadre du programme ISSAN (info structure santé).

Poursuite de la numérisation de l'espace de bataille (NEB)

La mise en réseau des systèmes d'armes et des combattants est un facteur de supériorité opérationnelle. Elle permet l'accélération du rythme des opérations. 5 brigades seront numérisées en 2014. La numérisation complète des forces terrestres sera achevée en 2020. Elle intégrera des capacités de guerre électronique au contact (détection, localisation, éventuellement brouillage), de surveillance et d'acquisition du champ de bataille dans la zone d'engagement des troupes au sol.

Infanterie et composante blindée

L'infanterie est la fonction opérationnelle la plus sollicitée par les opérations actuelles. Elle permet un contrôle direct et durable du milieu terrestre au sein des populations et dans les zones urbaines. Les équipements individuels du combattant (Félin), des véhicules protégés (véhicule blindé de combat d'infanterie - VBCI), permettant l'accès aux terrains difficiles (véhicule haute mobilité - VHM) et de transport protégé (véhicule blindé multirôle - VBMR) apporteront un niveau de protection et de fiabilité amélioré. 90 % des VBCI et 90 % des Félin seront livrés d'ici la fin de la programmation. Le remplacement des VAB (Véhicule de l'avant blindé) par 2 300 VBMR interviendra à partir de 2015.

La composante blindée permet d'emporter la décision dans les opérations d'entrée en premier. Elle constitue également un élément dissuasif et d'appui dans les crises. La rénovation progressive du char Leclerc interviendra à compter de 2015. L'engin blindé de reconnaissance de combat (EBRC), successeur de l'AMX 10 RCR, sera livré (292 chars) à partir de 2018.

Combat aéromobile

L'engagement des forces au contact nécessite le maintien d'une mobilité tactique assurée conjointement par les hélicoptères de manœuvre et les hélicoptères d'attaque (Gazelle Viviane, Tigre).

Les Gazelle, qui assurent actuellement l'ensemble des missions de combat aéromobile, seront progressivement remplacés par 80 Tigre à partir de 2008.

Appui (artillerie et génie)

L'artillerie sera en mesure de frapper dans la profondeur avec une portée et une précision améliorées, tout en limitant le risque de dommage collatéral.

Le canon CAESAR apportera une souplesse d'emploi et une portée accrues (40 kilomètres). 69 systèmes seront livrés d'ici 2011.

La transformation du lance-roquettes multiple (LRM) en lance-roquettes unitaire (LRU) fournira une capacité d'appui adaptée aux engagements actuels (capacité tout temps, précise et réactive jusqu'à 70 kilomètres). 26 lanceurs seront rénovés de 2010 à 2014.

La capacité d'appui à l'engagement des forces et d'aide au déploiement sera maintenue avec la revalorisation de l'Engin blindé du génie (EBG).

Surveillance et protection antiaérienne

La protection des forces engagées sera assurée par des missiles à très courte portée Mistral, dont la rénovation à mi-vie sera engagée, et par des missiles sol air moyenne portée (SAMP/T) dont la livraison sera accélérée.

Transport terrestre et transport logistique terrestre

Le porteur polyvalent terrestre (PPT) permet le ravitaillement des forces et l'évacuation des véhicules endommagés avec un meilleur niveau de protection des équipages. Environ 500 PPT seront livrés d'ici 2014.

Le petit véhicule protégé (PVP) permettra des déplacements en tout terrain protégés des tirs aux armes légères et des IED. La cible de PVP est de 1 500 dont près de 1 000 livrés d'ici 2011. Les livraisons seront achevées en 2014.

2.5.1.2 La résorption du déficit capacitaire en transport aérien stratégique et tactique

Le déficit capacitaire actuel sera progressivement comblé grâce au remplacement des aéronefs de transport tactiques C 160 Transall par des A 400M, et des avions ravitailleurs C 135 par des avions multi-rôle de ravitaillement en vol et de transport (MRTT).

Les cadences d'acquisition seront fixées d'ici 2010 et présentées au Parlement. Un partenariat public-privé est envisagé pour les MRTT.

Le recours à des procédures d'affrètement (accord cadre SALIS) contribuera à combler d'ici là une partie de cette lacune.

2.5.1.3 La résorption du déficit capacitaire en aéromobilité intrathéâtre

Le NH90 en version terrestre (tactical transport helicopter) constitue l'élément essentiel du renouvellement de la composante de transport aéromobile. 23 NH90-TTH seront livrés entre 2011 et 2014, la cible de 133 demeurant inchangée. En parallèle, 24 Cougar seront rénovés pour prolonger leur durée de vie. Dans le cadre du plan de relance, l'acquisition de 5 hélicoptères de manœuvre EC 725 permettra de compléter la flotte des 14 hélicoptères CARACAL en service.

2.5.1.4 La modernisation progressive de l'aviation de combat

Constituée aujourd'hui encore d'avions de différents types, pour les plus anciens spécialisés dans des missions particulières, l'aviation de combat évoluera vers un parc unique plus homogène d'avions modernes et polyvalents (Rafale et Mirage 2000). Les capacités de pénétration et de frappe en soutien des forces terrestres seront privilégiées.

De l'ordre de 50 Rafale seront livrés. Les cibles et cadences d'acquisition révisées seront fixées en 2010. Des Mirage 2000D multirôles remplaceront les avions spécialisés à partir de 2014. Enfin, les nouveaux pods d'acquisition et de désignation laser seront livrés en 2014.

2.5.1.5 La modernisation de la capacité de maîtrise du milieu sous-marin

Sous-marins nucléaires d'attaque

Les sous-marins nucléaires d'attaque (SNA) apportent une contribution essentielle à la sûreté de la force océanique stratégique (FOST) et à la protection du groupe aéronaval. Ils participent également aux opérations spéciales, aux frappes dans la profondeur et à la maîtrise de l'espace aéro-maritime.

Le programme des 6 SNA Barracuda fait l'objet d'une priorité dans la période de programmation pour une première livraison en 2017. Ce programme permettra le remplacement des Rubis. Les Barracuda mettront en œuvre la torpille lourde, le missile de croisière naval et un moyen de mise en œuvre de nageurs de combat.

Frégates européennes multimissions

Les frégates européennes multimissions (FREMM) remplaceront les frégates de premier rang actuellement en service. Deux exemplaires seront livrés en 2012 et 2014.

Le programme de 11 FREMM permettra d'atteindre le format de 18 frégates de premier rang en 2023 (2Horizon, 11 FREMM, 5 La Fayette). Les FREMM embarqueront le missile de croisière naval (MdCN) à partir de 2013, le missile antinavires Exocet MM 40 B3, la torpille anti-sous-marine MU90, l'hélicoptère de combat anti-sous-marin NFH 90 et le missile de défense aérienne et anti-missiles Aster.

Hélicoptères de lutte anti-sous-marine

Le NFH90 (NATO Frigate Helicopter) version combat remplacera le Lynx sur les frégates de nouvelle génération Horizon et FREMM à raison d'un hélicoptère par frégate. Le NFH90 participera aussi aux missions de sauvetage en mer dans sa version soutien.

2.5.1.6 Adaptation de la capacité amphibie

La protection des bâtiments amphibies sera améliorée. La flotte de bâtiments de projection et de commandement (BPC) et des transports de chalands de débarquement (TCD) sera modernisée par la livraison d'engins de débarquement amphibies (EDA) destinés à renouveler la batellerie. Dans le cadre du plan de relance, un troisième BPC sera commandé dès 2009 et la livraison des EDA sera accélérée. En outre, des véhicules amphibies seront livrés dans le cadre du programme de véhicules de haute mobilité (VHM) dont les premières livraisons interviendront en 2011.

Un contrat de partenariat avec l'État portera sur la mise à disposition d'une capacité de transport maritime composée de 3 navires rouliers (Ro-Ro) à partir de 2008 puis de 5 navires à partir de 2013.

2.5.1.7 Mise à niveau des stocks de munitions et sûreté d'approvisionnement

L'approvisionnement en munitions sera adapté aux besoins des opérations et, le cas échéant, à ceux de montée en puissance face à un conflit majeur. Ceci concerne l'ensemble des munitions, y compris celles de petit calibre.

Munitions de frappe de précision

Les capacités de frappe de précision seront privilégiées, soit pour des actions dans la profondeur, soit pour l'appui des forces au contact.

Le missile de croisière naval (MdCN) sera livré à partir de 2013 avec un objectif de 60 unités sur la durée de la programmation, et une cible totale de 200 missiles.

La version métrique de l'armement air-sol modulaire (AASM), capable de traiter avec une grande précision des objectifs, de jour comme de nuit et à distance de sécurité, sera opérationnelle en 2009. 1 540 kits décamétriques et métriques seront livrés d'ici 2014 et 2350 d'ici 2017.

La capacité de frappe par tout temps sera également améliorée à très court terme par la mise en service de munitions de précision à guidage dual (laser et GPS).

Les munitions sol-sol comprendront des roquettes à guidage terminal (500 livrées d'ici 2012 pour les lance-roquettes unitaires) et des obus d'artillerie de précision.

Missiles terrestres

La capacité en missiles à moyenne portée MILAN sera maintenue au-delà de 2011 par un appoint en postes de tir et, en tant que de besoin, en missiles. Le renouvellement sera achevé en 2018.

Armement antinavires

La famille Exocet restera à moyen terme l'armement missile antinavires, les missiles bénéficiant d'une rénovation.

Armement anti-sous-marins

Les torpilles sont l'unique armement contre les sous-marins. 300 torpilles légères MU 90 auront été livrées d'ici 2011 sur frégates, hélicoptères de combat et avions de patrouille maritime.

Armement de défense sol-air des forces

La composante défense anti-aérienne très basse altitude, indispensable pour assurer la protection d'une force ou pour renforcer la défense de points particuliers, continuera d'être assurée par le système d'armes Mistral ; 1 500 missiles rénovés seront livrés entre 2012 et 2016. En parallèle, le programme relatif à la famille de missiles sol-air futurs (FSAF) sera poursuivi. Près de 200 missiles seront livrés d'ici 2014.

2.5.1.8 Moyens de commandement

La France continuera de développer sa capacité à tenir le rôle de « nation cadre » dans une coalition. À cette fin, plusieurs programmes concernant les systèmes d'information et de commandement seront poursuivis.

En 2015, le système d'information des armées (SIA) sera opérationnel à tous les niveaux de la chaîne de commandement interarmées. La capacité de commandement et de conduite des opérations aéronavales sera améliorée par le programme SIC 21 déployé en 2010. Le programme SICF (système d'information de commandement des forces) renforcera l'interopérabilité avec les forces de l'OTAN.

Les transmissions par satellites couvriront principalement les zones d'intérêt stratégique définies par le Livre blanc. Elles reposeront sur deux segments : le système durci Syracuse pour les transmissions essentielles, dont le renouvellement aura lieu vers 2018 ; un segment dual à très haut débit à partir de 2013, notamment pour les drones et les zones non couvertes par Syracuse.

Le mode d'acquisition et de gestion des transmissions par satellite fera l'objet d'un appel d'offre en vue d'un partenariat public-privé.

2.5.1.9 Lutte informatique offensive

L'adaptation de notre défense à la lutte dans le cyberespace nécessite en premier lieu de fixer une doctrine et une organisation, d'identifier et de former les personnels dédiés à cette capacité, de les organiser, de mener des expérimentations techniques et de développer des outils spécifiques, dans le respect du droit. Cette capacité dont les premières bases seront posées dès l'été 2009, constituera l'une des clés de la supériorité opérationnelle.

2.5.2 Seconde phase (2015-2020)

Durant la seconde phase (2015-2020), l'accent sera porté principalement sur les opérations aéromaritimes et aériennes.

2.5.2.1 Accélération du renouvellement de la flotte de surface

Permanence du groupe aéronaval (GAN)

La décision concernant le deuxième porte-avions sera prise en 2011/2012. Des études d'architecture, en particulier sur la propulsion, se poursuivront d'ici là.

En parallèle, l'initiative d'interopérabilité aéronavale européenne (IIAE) vise à accroître la capacité d'action de l'Europe dans ce domaine.

Frégates

Le programme frégates européennes multi-missions (FREMM) sera poursuivi, les livraisons s'échelonnant jusqu'en 2022. Les deux frégates antiaériennes de type Cassard seront remplacées vers 2020 par 2 des 11 FREMM dont le système d'armes sera adapté à la mission de défense aérienne et anti-missiles de zone au profit d'un groupe naval.

Guerre des mines

Le système de lutte anti-mines futur (SLAMF) reposera sur des drones de surface et sous-marins, et sur des bâtiments bases. Ce projet fait l'objet d'une recherche de coopération au sein de l'Agence européenne de défense (AED). La livraison d'une première capacité est prévue vers 2018.

Capacité amphibie et de projection maritime interthéâtres

À l'horizon 2020, le quatrième bâtiment de projection et de commandement (BPC) sera livré en remplacement du dernier transport de chalands de débarquement (TCD) entré en service dans les années 1990.

Flotte logistique

La flotte logistique doit pouvoir soutenir simultanément un groupe aéronaval et un groupe amphibie ou une force d'action navale sur deux théâtres d'opérations distincts. Un parc de quatre pétroliers ravitailleurs demeure nécessaire pour le soutien en carburants, vivres, munitions de ces groupes et pour le ravitaillement d'une opération aéroterrestre. Quatre navires seront livrés entre 2017 et 2020.

Missiles antinavires

Un missile antinavires léger pour hélicoptère destiné au combat en zone littorale et au combat asymétrique sera acquis à l'horizon 2018.

Armement des sous-marins

Les SNA et les SNLE seront équipés de la nouvelle torpille lourde à partir de 2015.

2.5.2.2 Accélération de la modernisation de l'aviation

L'accélération de la modernisation de l'outil aérien portera prioritairement sur les capacités des avions de combat.

Aviation et drones de combat

La transition vers une flotte plus homogène d'avions polyvalents se poursuivra jusqu'en 2020 avec la poursuite des livraisons de Rafale et de Mirage 2000D multirôles. Le missile Meteor entrera en service sur Rafale et l'amélioration des capacités de frappe en soutien des forces terrestres se poursuivra.

L'insertion de drones de combat dans les forces est envisagée au-delà de 2020.

Aviation de patrouille maritime

22 avions de patrouille maritime Atlantique 2 seront rénovés. 4 avions verront leur utilisation limitée aux missions de surveillance.

2.5.2.3 La poursuite de la modernisation des forces terrestres

5 brigades bénéficieront du renouvellement de leurs moyens de combat à partir de 2015.

Numérisation de l'espace de bataille

L'effort portera sur la mise en réseau des unités de contact et de leurs appuis. La numérisation complète des forces terrestres sera achevée en 2020 et s'intégrera dans un système interarmées.

Combat de contact

Le véhicule blindé multirôle (VBMR) et l'engin blindé de reconnaissance de combat (EBRC) seront livrés. Le programme de rénovation du char Leclerc sera achevé.

Un missile de combat de moyenne/longue portée apportera une capacité accrue contre les engins blindés et les chars, permettant le tir au-delà de la vue directe. Il équipera en particulier l'EBRC et le Tigre.

Appuis

Les 64 derniers CAESAR seront livrés.

À partir de 2017, les capacités du génie seront modernisées avec le lancement d'un engin d'appui au combat dont les premières livraisons auront lieu en 2020.

Logistique

La modernisation du soutien logistique des forces projetées se poursuivra. La cible totale de 1 800 porteurs polyvalents terrestres (PPT) sera atteinte en 2019.

3 850 véhicules légers tactiques polyvalents protégés (VLTP) seront livrés entre 2015 et 2018, la cible totale étant de 5 500.

Combat aéromobile

À l'horizon 2020, l'ensemble des Tigre HAP et HAD aura été livré, tandis que la composante aérotransport aura été rénovée (Cougar) ou partiellement remplacée (70 % des NH90 livrés).

L'ensemble de la flotte d'hélicoptères légers ou moyens sera progressivement remplacé à partir de 2015. Un programme global centré sur un hélicoptère (ou une famille d'hélicoptères) de la classe de 4 tonnes portera sur la livraison de 188 unités à partir de 2018.

La rénovation des appareils les plus anciens permettra d'assurer la continuité du service jusqu'à cette échéance.

2.5.2.4 Renforcement des capacités de frappe de précision dans la profondeur

Missiles de croisière

Les missiles de croisière SCALP déjà livrés aux forces seront maintenus en service sur Mirage 2000 multirôle et Rafale. 400 d'entre eux seront rénovés à partir de 2015 et livrés entre 2018 et 2021.

200 missiles de croisière navals (MdCN) seront disponibles en 2017. Une première capacité de MdCN sera opérationnelle sur les sous-marins Barracuda dès l'entrée en service de ceux-ci.

2.6 Tableau de synthèse

Le tableau qui suit présente les livraisons prévues durant la période couverte par LPM et la cible finale des principaux équipements.

Pour certains programmes majeurs, les cibles et les cadences de livraisons seront précisées ou réexaminées d'ici 2010. Elles feront alors l'objet d'une présentation spécifique devant le Parlement.

ND : non déterminé dans le Livre blanc

(1) Cibles et cadences de livraisons à préciser d'ici 2010.

(2) Équipements livrés sur la période 2015/2020 faisant l'objet de commandes durant la période couverte par la LPM 2009-2014.

3 La transformation de la défense

La transformation de la défense engagée dans la présente programmation permettra d'adapter les formats aux nouveaux contrats opérationnels, d'ajuster la préparation des forces à ces nouveaux contrats, de valoriser les hommes et les femmes qui servent dans la défense et de restructurer l'organisation, en particulier en rationalisant l'administration et les soutiens, et en concentrant son implantation territoriale.

Les marges de manœuvre budgétaires qui seront dégagées par ces restructurations seront intégralement réinvesties au profit de la condition du personnel, des équipements et de la préparation des forces.

3.1 La mise en place des nouveaux contrats et des nouveaux formats

3.1.1 La réduction des effectifs

L'effectif global des armées passera de 271 000 civils et militaires en 2008 à 225 000 en 2014-2015 (131 000 personnes pour l'armée de terre, 44 000 pour la marine, 50 000 pour l'armée de l'air). Le plafond d'emploi de la mission Défense atteindra sa nouvelle cible de 269 000 en 2016.

La réduction des effectifs de 54 000 postes sur la mission défense, hors externalisations, portera principalement sur l'administration et le soutien des forces (à hauteur de 75 %).

3.1.2 Les nouveaux formats des armées

La composante terrestre constituera une force opérationnelle de 88 000 personnes organisée en :

- 8 brigades interarmes disposant de l'ordre de 250 chars lourds de bataille de type Leclerc, d'environ 650 véhicules blindés de combat de type VBCI, 80 hélicoptères de combat, 130 hélicoptères de manœuvre et de l'ordre de 25 000 équipements individuels du combattant de type Félin,

- 3 brigades spécialisées et la brigade des forces spéciales,

- moyens d'appui correspondants.

La composante maritime mettra en œuvre notamment :

- 4 sous-marins nucléaires lanceurs d'engins,

- 6 sous-marins nucléaires d'attaque,

- 1 porte-avions et son groupe aérien,

- 18 frégates de premier rang,

- 4 bâtiments de projection et de commandement.

La composante aérienne mettra en œuvre :

- 300 avions de combat modernes, Rafale et Mirage 2000 polyvalents, incluant ceux de l'aéronautique navale,

- les systèmes de détection et de contrôle avancé de type Awacs,

- une flotte d'avions de ravitaillement et de transport comprenant de l'ordre de 14 appareils de type MRTT et environ 70 avions de transport.

3.2 L'activité et la préparation opérationnelle

L'activité et l'entraînement des forces revêtiront un caractère prioritaire. Facteurs de motivation pour les hommes et de cohésion pour les unités, ils seront maintenus à un haut niveau.

La préparation opérationnelle sera différenciée. Elle garantira pour l'ensemble des composantes le socle adéquat d'entraînement. Ce socle sera complété par unité d'une préparation spécifique en fonction de la prochaine mission.

Les objectifs annuels d'activité sont bâtis pour répondre aux contrats opérationnels et comprennent des normes de qualification nationales et de certification de l'OTAN.

Les objectifs d'activité

Terre

Nombre annuel de jours de préparation et d'activité opérationnelles par homme pour les unités opérationnelles

Nombre annuel d'heures de vol (HdV) par pilo

En Md€ 2008

L F I

Total

Équipements

Représentant 15, 4 Md€ en 2008, les crédits d'équipements s'élèveront en moyenne à 17 Md€2008 sur la période 2009-2014.

Les crédits d'équipement couvrent les crédits consacrés aux opérations d'armement, à la dissuasion, à l'entretien programmé des matériels et du personnel, à l'infrastructure et aux études de défense.

51, 15 Md€2008 sont consacrés aux opérations d'armement qui regroupent les programmes, opérations d'armement et acquisitions classiques organisés comme suit :

- les programmes à effets majeurs (PEM), au nombre d'environ 200, structurent les capacités ;

- directement liés aux précédents, les programmes d'environnement et les équipements d'accompagnement complètent la cohérence capacitaire et organique des forces.

La dissuasion comprend l'ensemble des crédits d'investissement, d'étude, d'infrastructure et de MCO. Ses besoins sont couverts à hauteur de 20, 2 Md€2008 cumulés de 2009 à 2014.

Les crédits consacrés à l'entretien programmé des équipements et du personnel sont portés à un niveau moyen annuel de 2, 9 Md€2008 sur les six années de la LPM, soit un total de 17, 2 Md€2008, pour poursuivre le rétablissement de la disponibilité technique dans un contexte de maintien en service des matériels anciens.

L'infrastructure regroupe l'ensemble de l'activité liée à la politique immobilière dans le domaine du fonctionnement et de l'investissement, y compris les crédits nécessaires à la mise en œuvre des restructurations. 8 Md€2008 y seront consacrés de 2009 à 2014.

Les crédits des études de défense hors dissuasion regroupent les études amont contractualisées avec l'industrie, les études prospectives, stratégiques et technico-opérationnelles, ainsi que les subventions aux écoles et organismes sous tutelle. Ces crédits sont portés à 5, 4 Md€ au total sur la période 2009-2014.

6.2 La sécurisation des crédits d'activité et d'entraînement des forces

Les crédits de fonctionnement et d'activité des armées financent le niveau global d'activité et d'entraînement correspondant aux contrats opérationnels du Livre blanc.

Ces crédits s'élèvent en moyenne annuelle à 1, 87 Md€2008 sur la période 2009-2014.

Le montant des crédits programmés pour les carburants opérationnels s'élève à 385 M€2008 en 2009.

En cas de hausse du coût constaté des carburants opérationnels, le budget du ministère de la défense fera l'objet de mesures de gestion et, si la hausse est durable, des crédits supplémentaires seront ouverts en construction budgétaire, pour couvrir les volumes nécessaires à la préparation opérationnelle des forces.

6.3 Le financement des opérations extérieures

Un double objectif sera poursuivi afin d'éviter que le financement des opérations extérieures ne pèse sur la réalisation de la programmation des investissements :

- une maîtrise du coût des opérations extérieures, qui sera mis en regard de leur intérêt politique ;

- un niveau de budgétisation suffisant, assorti d'une meilleure identification des surcoûts.

À cet effet, le montant de la provision au titre des surcoûts des opérations extérieures, porté à 510 M€ en 2009, sera augmenté de 60 M€ en 2010 puis de 60 M€ en 2011.

En gestion, les surcoûts nets non couverts par la provision (surcoûts hors titre 5 nets des remboursements des organisations internationales) seront financés par prélèvement sur la réserve de précaution interministérielle.

7 Les suites du Livre blanc et le suivi de la loi

7.1 Le conseil de défense et de sécurité nationale et la réforme de l'ordonnance de 1959

La présente loi tire les conséquences de l'adoption d'une stratégie de sécurité nationale.

Elle institue notamment, sous l'égide du chef de l'État, un conseil de défense et de sécurité nationale qui comprend le Premier ministre et les principaux ministres intéressés aux questions de défense et de sécurité nationale. Dans ce conseil seront prises les principales décisions dans ces domaines, conformément aux attributions constitutionnelles du Président de la République. Le Premier ministre qui dirige l'action du Gouvernement dans le domaine de la sécurité nationale sera étroitement associé à la préparation des travaux du conseil et au suivi des décisions prises. Il suppléera le cas échéant le Président de la République conformément à l'article 21 de la Constitution.

Le dispositif retenu prévoit en outre des formations restreintes et spécialisées du conseil. Il instaure en particulier le conseil national du renseignement. Celui-ci sera assisté d'un coordonnateur national placé à la présidence de la République.

Le secrétariat du conseil de défense et de sécurité nationale, dans ses différentes formations, sera assuré par le futur secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN).

La loi procède également à une première refonte des dispositions du code de la défense issues de l'ordonnance du 7 janvier 1959, en particulier en ce qui concerne les compétences des principaux ministres responsables des politiques concourant à la sécurité nationale présentées en fonction de leurs contributions respectives à la stratégie globale.

La réforme de l'ordonnance du 7 janvier 1959 sera ensuite poursuivie. La modernisation du cadre juridique des activités de renseignement sera également entreprise par des dispositions relatives à la protection des personnels des services et à celle de leurs sources.

7.2 Un meilleur suivi de l'exécution du Livre blanc et de la loi

Sera institué un processus de suivi des orientations du Livre blanc incluant notamment chaque année un point au conseil de défense et de sécurité nationale, une évaluation présentée aux commissions compétentes du Parlement et un séminaire de stratégie générale.

Le Gouvernement présentera chaque année au Parlement un rapport sur l'exécution de la présente loi, exposant notamment les efforts accomplis en matière de recherche amont.

Il joindra à ce rapport une présentation des grandes orientations de la politique industrielle de défense en insistant sur l'état de la coopération européenne en la matière.

7.3 Une révision tous les quatre ans

La présente loi sera révisée au bout de quatre ans, pour tenir compte en particulier de l'évolution du contexte stratégique, de la réalisation effective du plan d'équipement, de la mise en œuvre des réductions d'emplois et des mesures de restructuration. Cette révision conduira à une nouvelle loi de programmation qui couvrira la période 2013-2018.

Un point d'étape d'ensemble de la programmation sera réalisé en 2010 à l'occasion de l'élaboration du prochain budget triennal.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Voici un texte censé fixer les orientations relatives à la politique de défense et aux moyens qui lui sont consacrés au cours de la période 2010-2014 – même si l’année 2009 est celle qui est prévue – dans le respect de la transparence et de la sincérité. On est bien loin de la réalité, comme mon collègue vient de le faire remarquer.

De plus, ce texte est, comme on en a malheureusement pris l’habitude depuis quelque temps, un fourre-tout mélangeant allègrement des dispositions législatives de nature différente et qui ne relèvent pas toutes, d’ailleurs, d’une loi de programmation militaire. Finalement, il ne traduit que les seules volontés capricieuses du Président de la République, sous couvert de concertations et de débats mal ou pas du tout menés, malgré les affirmations assénées à longueur de pages.

L’article 2 ne prévoit ni plus ni moins que l’approbation indirecte par le Parlement du Livre blanc, dont le rapport annexé n’est rien d’autre qu’une synthèse, un texte doctrinaire issu de la seule volonté présidentielle, n’ayant fait l’objet d’aucun débat et rédigé par des civils, dans le mépris et l’ignorance affichés des avis militaires recueillis ; sans doute pour le fun, diraient nos enfants !

Ainsi, au point 2.3.1 du rapport annexé, la nouvelle base militaire d’Abu Dhabi – c’est bien d’elle qu’il s’agit – amène les militaires comme les élus à se poser quelques questions.

D’abord, on peut s’interroger sur les procédures décisionnelles et le contrôle des structures ad hoc utilisées pour la construction d’un équipement si lourd.

La fameuse transparence voulue par le chef de l’État est déjà mise à mal puisque ces infrastructures militaires apparaissent réellement comme « la base du Président », leur création ayant été gérée de A à Z par l’Élysée, souvent dans le plus grand secret.

En outre, même si vous affirmez que l’ouverture d’une nouvelle base à Abu Dhabi « ne se fera pas au détriment de la présence française en Afrique », vous déclarez parallèlement que l’armée paiera aussi son tribut à la réduction des moyens budgétaires, humains et matériels affirmés par la RGPP.

Les militaires le soulignent pourtant, les forces françaises sont déjà présentes durablement en Afghanistan, elles y sont même renforcées ; une nouvelle « élongation » stratégique permanente dans le Golfe arabo-persique serait coûteuse, surtout pour conduire des missions qui se déroulent actuellement sans anicroche. Force est de constater, une fois encore, que le Président de la République est sourd à leurs arguments éclairés.

Au détriment de quoi, de qui, de quelle priorité affichée ce « redéploiement », terme pudiquement utilisé, sera-t-il réalisé ? Les militaires et nous-mêmes craignons de le savoir : la base de Djibouti ne sera-t-elle pas touchée, alors que les qualités stratégiques de cette grosse installation française ont été confirmées par l’augmentation de la piraterie et que le point 2.3.3 du rapport annexé prévoit spécifiquement la lutte contre les trafics ?

Ou bien sera-ce la participation des forces armées à l’aménagement du territoire ou à la sécurité civile intérieure, notamment lors de catastrophes naturelles ou technologiques, qui sera sacrifiée ?

La politique affichée va bien au-delà des moyens accordés : 25 % d’effectifs en moins, hors baisse d’effectifs « soutien », dans le cadre de la RGPP ; une base en plus. Faites le compte…

Enfin, cette installation militaire dans le Golfe persique illustre un changement de position stratégique. En effet, le nouvel accord de défense signé par le Président de la République avec les Émirats arabes unis place désormais Paris au premier rang en cas de conflit avec l’Iran. La France les défendra « avec tous les moyens militaires », c’est-à-dire également avec le recours à l’arme nucléaire.

Comment se fait-il que ce nouvel accord ait été conclu à un niveau bilatéral ? La France, sur la seule décision du chef de l’État, contrairement à l’avis du plus grand nombre et, une fois encore, dans l’ignorance méprisante de l’avis militaire, vient pourtant de réintégrer le commandement de l’OTAN.

Par ailleurs, cet accord renferme des clauses secrètes, alors que le Président de la République avait annoncé une complète transparence vis-à-vis des parlementaires, rappelée d’ailleurs dans le point 5.1 du rapport annexé. Il est vrai que les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent...

Par conséquent, la France offrira désormais une protection nucléaire à un pays sans coordonner ses actions avec l’OTAN ou les États-Unis.

L’émergence de la France comme puissance nucléaire dans la région du Golfe risque donc d’exacerber les tensions dans cette partie du monde, soyons-en conscients, mais le chef de l’État en porte seul la responsabilité aujourd’hui.

Marques d’impatience sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Parlons aussi de cette grande première dans l’histoire militaire, le point 2.5.1.8 : la vente par l’armée française du système des communications sécurisées entre la France et les différentes unités déployées sur un théâtre d’opération extérieure et les bâtiments de la marine nationale assuré par le satellite Syracuse.

Voilà encore une opération clandestine et honteuse.

Clandestine, d’abord, car c’est le 29 mai dernier, lors de la réunion de la Commission exécutive permanente, que les représentants des états-majors ont été fermement invités à valider, dans le plus grand secret, une décision prise par le seul chef de l’État, quinze jours plus tôt. Pris par surprise, convoqués à l’Élysée, en l’absence de leur ministre, ils n’ont pas eu d’autre choix que de s’exécuter. Après tout, les militaires sont là pour obéir… Rompez !

Honteuse, ensuite, car la véritable raison de cette vente de satellites, qui assurent tout de même l’ensemble des communications militaires cryptées entre le commandement et les unités déployées sur les théâtres d’opérations, vente qui ne rapportera pas plus de 400 millions d’euros – et ce pas avant 2010 – alors que l’investissement total s’élève à 3 milliards d’euros depuis 1980, c’est tout simplement que le Gouvernement prétend avoir trouvé une solution pour assurer une partie du financement de la loi de programmation militaire 2010-2014. Il n’y a pas de petits profits !

En 2011, les satellites seront donc la propriété d’une société privée. Et, comble de l’absurdité, l’État louera désormais ses canaux de communication comme d’autres clients, puisque l’acheteur sera autorisé à sous-louer les infrastructures.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Mme Virginie Klès. J’ai presque terminé, monsieur le président.

Protestations sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Cette affaire soulève, outre les fortes réticences et les inquiétudes des militaires étoilés, un certain nombre de questions auxquelles je crains n’avoir jamais aucune réponse satisfaisante.

Est-il normal qu’une décision sans précédent comme la privatisation des communications tactiques opérationnelles n’ait fait l’objet d’aucun débat, ni au Parlement ni ailleurs ? Qui sera responsable en cas de bug ou de liaisons défectueuses, à l’instar de ce qui s’est déjà produit ?

Enfin, comment garantir la confidentialité des codes, le secret-défense, qui semble par ailleurs vous être si cher ?

En résumé

Ah ! sur les travées de l ’ UMP

Debut de section - PermalienPhoto de Virginie Klès

Vous comprendrez, monsieur le ministre, mes chers collègues, que nous ne pourrons que nous opposer à cet article 2.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 81, présenté par MM. Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Voynet, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Le Gouvernement déposera, à l'ouverture de la prochaine session ordinaire 2009-2010, un projet de loi qui proposera les orientations relatives à la politique de défense et aux moyens qui lui sont consacrés au cours de la période 2010-2014.

Tous les ans, un débat sera organisé au Parlement sur les orientations relatives à la politique de défense, sur leur mise en œuvre et sur les orientations en matière d'équipement des armées.

La parole est à M. André Vantomme.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vantomme

Le rapport annexé au projet de loi de programmation militaire fixe les orientations relatives à la politique de défense et aux moyens qui lui sont consacrés. Comment la politique de défense et la stratégie de sécurité pour la France pour les six années à venir peuvent-elles être reléguées dans l’annexe d’un tel projet de loi ? En mesurez-vous les conséquences, monsieur le ministre ?

Il est proposé, dans le rapport annexé à l’article 2, une nouvelle stratégie de défense pour la France qui modifie en profondeur les fondements de notre position. J’ai envie de dire : « mine de rien » ! Il est question de l’OTAN, de la réduction du format des armées, du redéploiement des bases extérieures, etc. Vous pensiez peut-être, monsieur le ministre, que l’opposition ne serait pas choquée par cette méthode.

Quel est l’objectif du Gouvernement ? Transformer la défense en un sous-ensemble de la sécurité nationale. Cette vision totalement sécuritaire de l’ensemble de l’organisation de l’État et la réponse apportée à cette question de la sécurité engendrent une confusion.

Dans ces conditions, il est surprenant que le Gouvernement, qui se targue d’avoir modifié la procédure parlementaire pour conforter le rôle du Parlement, fasse fi d’un vrai débat approfondi de la représentation nationale sur un tel sujet, alors même que le contexte international, marqué par de nombreuses incertitudes, évolue rapidement. Ce débat serait pourtant l’occasion de recréer un consensus national sur les questions de défense, consensus mis à mal par les mesures prises depuis 2007.

Enfin, permettez-moi d’insister sur le fait qu’un débat sur les orientations relatives à la politique de défense et à l’équipement des armées devrait être organisé chaque année. L’article 8 de la loi de programmation militaire 2003-2008 avait d’ailleurs prévu un débat tous les deux ans, mais il est resté lettre morte.

En réalité, le Gouvernement veut nous faire adopter un projet de loi de programmation auquel est annexé un chèque en blanc sur la stratégie de défense française. Or l’importance de la définition d’une nouvelle stratégie de sécurité pour la France exige un large débat public devant la nation.

Telle est la raison pour laquelle le groupe socialiste demande au Gouvernement qu’un véritable débat ait lieu désormais tous les ans. Ce sera l’occasion pour celui-ci de mettre les actes en rapport avec les paroles et de respecter une promesse : redonner du pouvoir au Parlement.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Sur la forme, cet amendement est irrecevable en vertu de l’article 41 de la Constitution, puisqu’il enjoint au Gouvernement de déposer un projet de loi.

Sur le fond, pour les raisons évoquées à l’article 1er, la commission est défavorable à l’amendement et souhaite le maintien d’une programmation qui couvre la période 2009 à 2014.

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 94, présenté par MM. Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Voynet, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Au début du rapport annexe, ajouter un alinéa ainsi rédigé :

La défense a pour objet d'assurer en tout temps, en toutes circonstances et contre toutes les formes d'agression, la sécurité et l'intégrité du territoire, ainsi que la vie de la population.

La parole est à M. Didier Boulaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Il s’agit, dès le début du rapport annexé, de confirmer le point principal de l’ordonnance de 1959, c’est-à-dire de bien définir l’objet de la défense avant de décliner ses différents aspects et de décrire ses missions.

Nous ne souhaitons pas que la défense devienne un sous-ensemble de la sécurité nationale. En conséquence, nous préférons cette définition, qui a fait ses preuves et qui comprend la notion de défense globale.

On peut considérer cette ordonnance comme étant historiquement le pilier central de la doctrine française, source d’un vrai consensus national.

La formulation choisie en 1959 nous semble donc d’une grande actualité. Jugez-en vous-mêmes : « La défense a pour objet d’assurer en tout temps, en toutes circonstances et contre toutes les formes d’agression, la sécurité et l’intégrité du territoire, ainsi que la vie de la population. »

Cette définition pourrait aussi se décliner sur une version plus européenne. En revanche, nous ne pensons pas qu’un vague concept importé, celui de « sécurité nationale », ait la même force de frappe intellectuelle.

Malgré des incertitudes quant à la définition de la défense, nos concitoyens sont instinctivement attachés à elle. Ils mesurent que le monde actuel nécessite une politique publique de défense, mais encore faut-il, avant de décliner ses différents aspects et décrire ses missions, que la définition même de la défense soit rappelée devant la représentation nationale.

C’est tout le sens de l’amendement n° 94 déposé par le groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

La commission est défavorable à cet amendement, parce que la définition de la défense proposée diffère de celle de l’article 5, qui nous paraît plus complète et plus actuelle.

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

Nous avons déjà eu ce débat à maintes reprises en commission et dans cet hémicycle. Donc, le Gouvernement émet un avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 92, présenté par MM. Boulaud, Carrère, Vantomme, Badinter, Berthou, Besson, Boutant, Reiner et Guérini, Mmes Cerisier-ben Guiga, Voynet, Durrieu, Tasca et Klès, MM. Madrelle, Mauroy, Mazuir, Mermaz, Piras, Auban, Godefroy, Cazeau et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

À la fin du premier alinéa du rapport annexé, remplacer le mot :

Elle

par la phrase et les mots :

Le Livre blanc sera discuté et adopté par le Parlement. La loi de programmation militaire 2009-2014

La parole est à M. Didier Boulaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Un Livre blanc est un document officiel publié par un gouvernement ou une organisation internationale afin de rendre officiel un rapport. Il a souvent pour objet de formuler des propositions politiques de long terme et concertées.

La commission du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de l’année 2007-2008, installée par Nicolas Sarkozy peu après son investiture à la fonction de Président de la République française, fut chargée, jusqu’à la publication du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, le 17 juin 2008, de définir pour les quinze prochaines années une stratégie globale de défense et de sécurité pour la République française.

Les parlementaires socialistes membres de la commission du Livre blanc, dont j’étais avec ma collègue Patricia Adam, ont démissionné pour protester contre l’ingérence du Président de la République dans les travaux de la commission et contre les orientations imposées depuis l’Élysée.

Il faut aujourd’hui ouvrir le débat devant la représentation nationale sur les nouvelles orientations du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

S’agissant de l’organisation des pouvoirs publics en matière de défense et de sécurité, vous nous imposez, en catimini, un changement total de l’équilibre des pouvoirs. A-t-on bien mesuré les conséquences des modifications qui seront apportées à cet équilibre ?

Vous bousculez ainsi le consensus national existant autour de l’ordonnance n° 59-147 du 7 janvier 1959 portant organisation générale de la défense.

Ce rapport annexé est en réalité hors programmation et mériterait un traitement ad hoc et un débat particulier.

Le groupe socialiste défend donc un amendement tendant à organiser un débat et un vote sur le Livre blanc devant la représentation nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Je voudrais tout d’abord souligner que, comme le souhaitent les auteurs de cet amendement, le Livre blanc a bel et bien été discuté au Parlement. Les conditions d’élaboration de ce Livre blanc ont d’ailleurs constitué une première.

Jamais, auparavant, un Livre blanc n’avait été préparé par une commission comprenant des personnalités extérieures à l’administration, notamment quatre parlementaires issus de la majorité et de l’opposition, dont M. Boulaud.

Jamais la préparation d’un Livre blanc n’avait donné lieu à des auditions publiques.

Jamais le responsable du Livre blanc n’était venu rendre compte, à plusieurs reprises, de l’avancement des travaux devant les commissions du Parlement et ne les avait consultées sur le projet de rapport avant sa transmission au Président de la République.

Jamais un Livre blanc n’avait donné lieu à un débat en séance publique, comme ce fut le cas à l’Assemblée nationale et au Sénat, le 26 juin 2008.

Il était nécessaire de rappeler ces avancées. En revanche, il n’est pas indispensable de succomber à la tentation de la surenchère.

S’agissant de l’adoption d’un document comme le Livre blanc par le Parlement, nous sortons clairement, je l’ai dit tout à l’heure, du domaine de la loi. Il reste possible au Gouvernement de faire approuver une déclaration, mais il est seul juge d’une telle opportunité.

Pour cette raison, nous sommes défavorables à cet amendement.

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

Le Gouvernement émet également un avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

L'amendement n° 47, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa du rapport annexé, supprimer les mots :

et qui se traduit en particulier par de nouveaux contrats opérationnels ;

La parole est à Mme Dominique Voynet.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

Le deuxième alinéa du rapport annexé à l’article 2 précise que la loi de programmation militaire « amorce une réforme profonde des armées, cohérente avec l’évolution de l’environnement international et qui se traduit en particulier par de nouveaux contrats opérationnels ». L’expression « contrats opérationnels » me semble inappropriée. En effet, un contrat est un accord qui lie plusieurs parties par des obligations réciproques. Or, ici, il s’agit de désigner des objectifs à atteindre en matière tant de ressources humaines que d’équipement, plutôt que de définir des obligations. D’ailleurs, l’alinéa 36 détaille bien les objectifs et les contrats opérationnels, et l’on ne passe pas directement d’une considération générale à ces contrats eux-mêmes.

Il existe, à mes yeux, deux solutions. On peut soit supprimer cette expression en ne gardant que les termes « amorce une réforme profonde des armées, cohérente avec l’évolution de l’environnement international », soit retenir la formulation suivante : la loi de programmation militaire « amorce une réforme profonde des armées, cohérente avec l’évolution de l’environnement international et qui se traduit en particulier par une réorganisation et un ajustement des moyens humains et matériels ».

Par ailleurs, la rédaction de cet alinéa est ambiguë, dans la mesure où elle ne précise pas s’il s’agit d’appliquer un autre alinéa du rapport, qui prévoit d’élargir les prérogatives du Président de la République et du ministre de l’intérieur, aux dépens du ministre de la défense, à des contrats opérationnels dont le champ comprendrait les dispositifs de sécurité intérieure et de sécurité civile.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

La commission est défavorable à l’amendement, parce que la notion de contrat opérationnel, qui est en usage dans les armées depuis très longtemps, revêt une signification très claire et très concrète.

Debut de section - Permalien
Hervé Morin, ministre

Même avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

M. le président du Sénat a reçu :

Le lundi 13 juillet 2009 :

- n° 555, 2008-2009 – Projet de loi autorisant la ratification de la convention des Nations unies sur les immunités juridictionnelles des États et de leurs biens, envoyé à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement.

Le mercredi 15 juillet 2009 :

- n° 557, 2008-2009 – Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires, envoyée à la commission des affaires sociales, sous réserve de la constitution éventuelle d’une commission spéciale dans les conditions prévues par le Règlement ;

- n° 559, 2008-2009 – Rapport de M. Bruno Retailleau, fait au nom de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, sur la proposition de loi, présentée par M. Xavier Pintat, relative à la lutte contre la fracture numérique (394, 2008-2009) ;

- n° 560, 2008-2009 – Texte de la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire sur la proposition de loi, présentée par M. Xavier Pintat, relative à la lutte contre la fracture numérique (394, 2008-2009) ;

- n° 556, 2008-2009 – Rapport d’information de M. Pierre Jarlier, fait au nom de la commission des finances, sur le bilan de la péréquation régionale ;

- n° 558, 2008-2009 – Rapport d’information de MM. Alain Anziani et Laurent Béteille, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale, par le groupe de travail, relatif à la responsabilité civile.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre les textes suivants, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l’article 88-4 de la Constitution :

Le 10 juillet 2009 :

- E 4566 : Décision du Conseil instituant un Réseau européen de prévention de la criminalité (REPC) et abrogeant la décision 2001/427/JAI.

- E 4567 : Proposition de règlement du Conseil clôturant le réexamen intermédiaire partiel des mesures antidumping applicables aux importations de certains sacs et sachets en matières plastiques originaires de la République populaire de Chine.

- E 4568 : Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision n° 1672/2006/CE du Parlement européen et du Conseil établissant un programme communautaire pour l’emploi et la solidarité sociale - Progress.

Aujourd’hui :

- E 4243-8 : Avant-projet de budget rectificatif n° 8 au budget général 2009- État des dépenses par section - Section III - Commission

- E 4569 : Décision du Conseil portant nomination d’un membre du conseil d’administration de l’Agence européenne des produits chimiques

- E 4570 : Projet de règlement de la Commission modifiant l’annexe I du règlement (CE) n° 689/2008 du Parlement européen et du Conseil concernant les exportations et importations de produits chimiques dangereux

- E 4571 : Proposition de virement de crédits n° DEC 20/2009 à l’intérieur de la section III - Commission - du budget général pour l’exercice 2009 (DNO)

- E 4572 : Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil instituant un instrument européen de microfinancement en faveur de l’emploi et de l’inclusion (instrument de microfinancement Progress)

- E 4573 : Proposition de règlement du Conseil instituant un droit antidumping définitif et portant perception définitive du droit provisoire institué sur les importations de fil machine originaire de la République populaire de Chine et clôturant la procédure en ce qui concerne les importations de fil machine originaire de la République de Moldavie et de Turquie

- E 4574 : Proposition de règlement du Conseil portant modification du règlement (CE) n° 43/2009 en ce qui concerne les possibilités de pêche et les conditions associées applicables à certains stocks halieutiques

- E 4575 : Projet d’action commune du Conseil modifiant et prorogeant l’action commune 2008/736/PESC concernant la mission d’observation de l’Union européenne en Géorgie, EUMM Georgia

- E 4576 : Projet de position commune du Conseil modifiant la position commune 2006/795/PESC concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de la République populaire démocratique de Corée

- E 4577 : Projet de décision du Conseil modifiant et prorogeant la décision 2008/901/PESC du Conseil relative à une mission d’enquête internationale indépendante sur le conflit en Géorgie

- E 4578 : Projet d’action commune prorogeant le mandat du représentant spécial de l’Union européenne pour la crise en Géorgie

- E 4579 : Projet de décision du Conseil relative à la signature et à l’application provisoire de l’accord entre l’Union européenne et la République de Croatie sur la participation de la République de Croatie à l’opération militaire de l’Union européenne en vue d’une contribution à la dissuasion, à la prévention et à la répression des actes de piraterie et de vols à main armée au large des côtes de la Somalie (opération Atalanta)

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Léonce Dupont

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 16 juillet 2009 :

À neuf heures trente :

1. Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, relatif à la programmation militaire pour les années 2009 à 2014 et portant diverses dispositions concernant la défense (462, 2008-2009).

Rapport de M. Josselin de Rohan, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées (513, 2008-2009).

Texte de la commission (n° 514, 2008-2009).

Avis de M. François Pillet, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale (493, 2008-2009).

Avis de M. François Trucy, M. Jean-Pierre Masseret et M. Charles Guené, fait au nom de la commission des finances (548, 2008-2009).

À quinze heures et, éventuellement, le soir :

2. Questions d’actualité au Gouvernement.

Délai limite d’inscription des auteurs de questions : jeudi 16 juillet 2009, à onze heures.

3. Déclaration du Gouvernement, suivie d’un débat, sur l’orientation des finances publiques pour 2010.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée le jeudi 16 juillet 2009, à zéro heure trente.