Intervention de François Pillet

Réunion du 15 juillet 2009 à 21h45
Programmation militaire pour les années 2009 à 2014 — Exception d'irrecevabilité

Photo de François PilletFrançois Pillet, rapporteur pour avis :

Nous ne nous indignerons pas, ma chère collègue. Je vais même vous proposer de chercher ce qui nous rassemble.

Tout à l’heure, Robert Badinter a évoqué la difficulté juridique engendrée par la rencontre de deux objectifs constitutionnels, de deux plaques tectoniques, en quelque sorte. Nous partageons entièrement, et sans doute aussi viscéralement que vous, la même aspiration : ne pas permettre aux corrompus d’échapper à la justice.

Pour reprendre les propos de Robert Badinter : oui au secret-défense, non au secret des sales affaires. Mais, dans un autre registre, doit-on refuser le secret professionnel lorsqu’il peut handicaper la recherche de la vérité des sales affaires ? Il nous faut rechercher un équilibre.

Nous pouvons peut-être trouver au moins un axe de consensus. S’agissant de l’avis du Conseil d’État, est-ce que je me livre à une critiquable exégèse lorsque, contrairement à Robert Badinter, j’estime que celui-ci a très clairement évoqué les lieux classifiés ? Le Conseil d’État estime en effet qu’il incombe au juge, lorsqu’il envisage de pénétrer dans une telle zone, de respecter la « nécessité impérieuse » d’éviter tout risque de compromission du secret de la défense nationale « qui pourrait résulter du seul fait de sa présence dans cette zone, sous peine d’encourir des sanctions pénales qui assurent la protection de ce secret ». Le Conseil d’État me semble exprimer en délié ce qui est inscrit en creux dans l’article 13 du projet de loi. Voilà un exemple sur lequel, je pense, nous pouvons nous accorder.

Par ailleurs, lequel d’entre nous peut nier qu’actuellement, de facto, il existe des lieux sanctuarisés ? Comme M. le ministre nous l’a fort bien expliqué, à l’heure actuelle, c’est l’incertitude juridique qui sanctuarise certains lieux en empêchant un juge d’instruction d’y pénétrer, parce que la personne qui en assure la garde ne s’aventurera pas à commettre un délit, et que le juge, une fois sur place, ne prendra pas le risque d’en commettre un. Ce ne sont pas les lieux classifiés qui créent un recul du droit.

Comme vous, nous voulons que personne ne soit à l’abri de la justice. Ainsi, lorsqu’il existe des abris, il faut qu’ils deviennent perméables, et c’est précisément l’objet de ce texte. D’une part, celui-ci fixe les critères de définition de ces lieux et les assortit d’un certain nombre de garanties. D’autre part, il prévoit, sous certaines conditions, des procédures de déclassification : il n’autorise pas toutes les perquisitions, mais il le fait mieux que maintenant.

Il est juridiquement faux de dire, comme nous l’avons entendu au cours de nos débats, que le secret-défense s’étend. Au contraire, il se restreint, et l’État de droit progresse.

Pour toutes ces raisons, il me semble totalement abusif de parler de zones de non-droit. Aussi, je vous propose de rejeter cette motion tendant à opposer la question préalable.

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