Intervention de Patricia Schillinger

Réunion du 7 octobre 2010 à 21h00
Réforme des retraites — Article 5

Photo de Patricia SchillingerPatricia Schillinger :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes au cœur de la réforme. L’article 5 relève l’âge légal de départ à la retraite et l’âge à partir duquel il est possible de bénéficier d’une retraite à taux plein.

Cet article, cœur même de l’injustice qui caractérise cette réforme, opère une véritable régression sociale.

Cette réforme laisse en suspens la question de la pénibilité, des carrières longues ou encore celle de l’emploi des seniors. Il aurait été beaucoup plus innovant de proposer un système personnalisé, fondé sur le libre choix de la fin d’activité, et de maintenir à 60 ans l’âge légal de départ à la retraite. L’individu doit pouvoir choisir : continuer de travailler ou s’arrêter. La véritable innovation aurait été de permettre à l’individu d’avoir ce choix. Il aurait fallu une implication de l’opinion et une responsabilisation des acteurs économiques et sociaux. Or, aujourd’hui, il ne s’agit que d’une réforme sociale.

L’âge légal de départ à la retraite doit rester fixé à soixante ans, car il s’agit d’une mesure d’équité pour tous ceux qui ont commencé à travailler tôt et qui sont aussi, souvent, les plus modestes. C’est également une garantie pour des salariés usés par le travail, qui souhaitent partir, et une liberté de choix pour tous les Français.

Par ailleurs, il est surprenant que le Président de la République veuille relever l’âge légal de départ à la retraite alors qu’il déclarait, le 23 janvier 2007, dans le journal Le Monde : « Le droit à la retraite à 60 ans doit demeurer, de même que les 35 heures continueront d’être la durée hebdomadaire légale du travail. » Après son élection, il a répété à plusieurs reprises qu’il n’avait aucun mandat pour réformer les retraites. Aujourd’hui, force est de constater qu’il nous a trompés.

Or la parole donnée aux citoyens est sacrée. La réforme des retraites doit faire l’objet d’un véritable débat public, car c’est du bien commun des Français qu’il s’agit. Nul n’a le droit d’y toucher sans demander sans l’avis de nos concitoyens.

Une réforme manquant d’imagination et d’ambition ne peut pas être une bonne réforme. Pour s’adapter à notre société, qui s’est transformée, il faut de l’audace. Une réforme devrait proposer, notamment, de nouveaux moyens de financement. La réduction des solidarités collectives et des acquis sociaux n’a rien d’innovant. Car aujourd’hui, c’est bien cela que vous nous proposez : réduire progressivement les solidarités collectives et favoriser les assurances individuelles.

Dans leurs discours, le Gouvernement et sa majorité ne cessent de prendre pour exemple les modèles étrangers. Or, en France, l’âge moyen d’accès à la retraite est déjà de 61, 5 ans, car, en plus d’avoir atteint 60 ans, il faut avoir cotisé 40, 5 ans pour bénéficier d’une retraite à taux plein. C’est le même âge qu’en Allemagne et qu’en Espagne. Mais on peut partir avec 35 annuités de cotisations en Allemagne, 30 en Grande-Bretagne, contre 41 annuités chez nous.

Comme vous le voyez, les Français ne sont ni des paresseux ni des privilégiés. Il ne faut pas les diviser, les dresser les uns contre les autres. De telles méthodes sont dépassées et archaïques. L’effort doit, au travers d’une retraite choisie, être partagé par tous les salariés, du secteur public comme du secteur privé. L’effort doit aussi être assumé par les détenteurs de capitaux.

Des solutions existent et il est possible de rechercher d’autres financements que les dispositifs actuels. Il faut tout simplement rapprocher la taxation du capital de celle du travail.

N’oublions pas que ces trente dernières années, 10 % de la richesse produite, soit 200 milliards d’euros, ont été transférés de la rémunération du travail vers les profits. Ce transfert a bénéficié aux revenus financiers. Ainsi, en limitant la progression des salaires au profit de la rémunération des actionnaires, on limite aussi les cotisations qui alimentent les caisses de retraites et on crée des déficits. Non, les déficits ne sont pas une fatalité !

Les revenus du capital doivent être mis à contribution parce que les salariés voient de plus en plus la part de leur salaire direct stagner au profit de revenus complémentaires versés sous forme de bonus, de stock-options, mais aussi d’intéressement ou de participation.

Là encore, l’égalité doit être envisagée. Nous vous proposons une mesure d’égalité : le prélèvement de 25 milliards d’euros sur le capital à l’horizon 2025 pour une réforme équilibrée faisant participer tous les revenus au financement des retraites.

La réforme telle qu’elle est présentée est la plus dure d’Europe. Elle est la seule à modifier à la fois la durée de cotisation et l’âge légal de départ à la retraite, avec un financement assuré en majorité par les salariés.

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