Le Gouvernement et les autorités de santé doivent donc planifier cette situation et donner les moyens et les outils pour y faire face.
Ce dont la population a surtout besoin maintenant, c'est d'informations simples, pesées, concrètes, objectives et à la portée de tous. En effet, la transparence n'est ni l'alarmisme ni la dissimulation.
J'ai une autre interrogation. Si le virus devenait transmissible d'homme à homme, quelle serait exactement la stratégie française anti-pandémie ? Le plan national de lutte contre ce fléau, régulièrement mis à jour, serait-il suffisant ?
Actuellement, l'objectif est d'éviter toute épidémie animale en France, ou au pire de la contenir et de l'éradiquer, tout en prévenant toute transmission humaine. Pour ce faire, le plan prévoit de renforcer les mesures de surveillance des volailles françaises, de prévenir les importations des pays infectés et d'informer les professionnels de santé et le grand public, en particulier les voyageurs se rendant en Asie ou en revenant.
A ce stade du plan, j'insiste sur le rôle essentiel que les vétérinaires auront à jouer pour améliorer la détection précoce de la grippe aviaire. L'échange rapide et l'analyse d'échantillons de virus peuvent apporter une réponse immédiate. Accroître la prévention nationale et le soutien aux services vétérinaires, plus particulièrement dans les pays en voie de développement, me paraît donc fondamental.
S'il y a épidémie, différentes mesures devront obligatoirement être prises : contrôle et fermeture d'établissements publics et privés, restriction des déplacements, réquisition de tous les moyens de communication nécessaires, ainsi que de tous les locaux et moyens de transport utiles.
Le plan prévoit également la constitution d'un stock important d'antiviraux, essentiellement de Tamiflu, et de masques, ainsi que des pré-commandes de vaccins.
A la fin de l'année 2005, la France devrait ainsi disposer d'un stock de 140 millions de doses de Tamiflu, permettant de soigner quatorze millions de personnes, à raison de deux doses quotidiennes pendant cinq jours, et de quelques centaines de milliers de boîtes de Relenza. Monsieur le ministre, en cas d'épidémie, la France aura-t-elle d'un stock suffisant de Tamiflu ?
De plus, une souche de virus H5N1 résistante au Tamiflu, mais sensible au Relenza, a été découverte au Vietnam.
Dans le cas où le Tamiflu ne serait pas efficace, le Gouvernement a-t-il prévu un stock important de Relenza ? Certains experts estiment qu'il conviendrait de compléter les stocks nationaux de Tamiflu par des stocks équivalents de Relenza. L'utilisation ciblée de médicaments antiviraux et la mise en place de mesures d'isolement permettraient d'éviter une hécatombe, à condition de réagir suffisamment vite.
En outre, comment faire la différence entre une grippe aviaire et une grippe classique ? Existe-t-il des moyens de diagnostic rapide permettant de distinguer les deux cas ?
Comme le soulignent les chercheurs, « l'efficacité de la politique d'endiguement de la pandémie dépend du recensement des cas cliniques et de la vitesse avec laquelle les médicaments antiviraux sont délivrés ».
En effet, si les médicaments doivent être pris précocement, dans les quarante-huit heures suivant les premiers symptômes, la distribution devra être organisée de façon rigoureuse.
Même s'il est impossible de prévoir le moment exact où surgira la pandémie, il est urgent de s'y préparer. Aujourd'hui, le virus ne peut pas prendre l'homme par surprise, car l'alerte est générale et la surveillance internationale. Chaque pays se doit d'établir un principe de précaution.
En cas de pandémie, ce sont, dans un premier temps, les antiviraux qui joueront un rôle important, puis les vaccins. Les problèmes d'approvisionnement et d'inégalité d'accès devront être résolus avec une urgence particulière.
Si l'on ne peut prévoir ni la date de la prochaine pandémie ni sa gravité, les précédents historiques montrent que de tels événements provoquent toujours une explosion du nombre de cas et de décès, entraînant une paralysie temporaire des services publics et de la productivité économique. Le Gouvernement doit donc se préparer à transformer les services de santé, y compris les unités d'urgence et de soins intensifs, et à augmenter le nombre de places dans les morgues, afin de faire face à un accroissement soudain et considérable des besoins.
Une autre conséquence sera l'absentéisme accru, qui touchera tous les secteurs de l'activité économique, et une réduction temporaire des capacités des services publics essentiels, concernant les soins de santé, la police, les transports, l'eau, le gaz, l'électricité, les télécommunications, la défense, les prisons. Seront concernés aussi les parlementaires.
Pour éradiquer une pandémie, outre la constitution de stocks de médicaments, il faut prévoir d'autres mesures, telles que des exercices de simulation, la mise en quarantaine d'une zone ou un isolement. Monsieur le ministre, sommes-nous prêts à prendre de telles mesures ?
Il ne faut pas oublier que, dans la plupart des hôpitaux, les services restent centrés sur la gériatrie, la pédiatrie, les maladies cardio-vasculaires et la chirurgie. De nombreux services infectieux ayant été fermés, le niveau de préparation a baissé. Ainsi, les infirmières en milieu hospitalier ont-elles reçu les consignes vestimentaires d'usage pour prendre en charge un malade contagieux. Des chambres d'isolement existent bien, mais leur nombre est insuffisant, tout comme les capacités d'accueil, qui seront très limitées.
Par ailleurs, nos hôpitaux ultramodernes doivent évoluer : souvent constitués de grands bâtiments monoblocs, ils sont moins bien conçus que les structures pavillonnaires d'autrefois, qui permettaient de limiter les risques de transmission de l'infection. Avons-nous les moyens suffisants pour réagir rapidement ?
La lutte contre une pandémie ne se fait pas qu'au niveau national, il faut également aider les pays en voie de développement. En effet, prévenir une pandémie, c'est également aider les pays confrontés à des épizooties de grippe aviaire à s'en débarrasser et à stopper celles-ci avant qu'elles ne s'étendent ou, pis, qu'elles ne se transforment, d'où l'importance d'une action et d'une mobilisation internationales.
Monsieur le ministre, quel est votre plan pour les Français établis à l'étranger ?
Même si des déclarations de bonnes intentions marquent une avancée en termes de coopération avec les pays en voie de développement, elles demeurent cependant limitées. Il faut aider ces pays à planifier leur propre production de vaccins, évaluer les possibilités de leur transférer les techniques de fabrication et mettre au point des projets pilotes.
Si l'épidémie surgissait aujourd'hui, la production actuelle d'antiviraux permettrait de couvrir les besoins de 2 % de la population. Même si les laboratoires Roche entendent augmenter leur production, nous sommes loin de pouvoir offrir un traitement au monde entier !
Concernant la production de vaccins, les mêmes problèmes se posent, d'autant plus que, à la différence des antiviraux, ces produits ont une durée de vie très limitée.
Monsieur le ministre, avez-vous débloqué des fonds pour les pays en voie de développement ?
Pour conclure, j'insiste sur le fait qu'il faut engager une action déterminée en matière de protection et de prévention contre une éventuelle et future pandémie de grippe humaine. Cela relève de la responsabilité du Gouvernement de dégager des moyens importants et de s'appuyer sur le système français de santé publique, sur la sécurité sociale, les hôpitaux publics et militaires, qu'il faut maintenant coordonner de manière active.
Le Gouvernement doit assurer une information transparente et régulière de tous les acteurs politiques, de santé, mais également de l'opinion publique. Seule une transparence totale permettra de lutter contre une quelconque psychose et de préparer la façon dont nos concitoyens devront se conduire. Il faut conjuguer prévention, veille sanitaire, politiques publiques et solidarité internationale.