Répondant au voeu clairement exprimé par la majorité des interprofessions des fromages AOC de montagne, l'article 195 de la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux a interdit l'utilisation de la dénomination « montagne » pour les productions bénéficiant d'une AOC.
Cette disposition répond d'ailleurs à une préoccupation ancienne puisque, comme cela a été rappelé dans le rapport de la mission sénatoriale d'information sur la politique de la montagne en octobre 2002, elle avait déjà été soulevée par notre collègue Jean Faure, rapporteur au Sénat de la loi « montagne » du 9 janvier 1985. Lors des débats, il avait souligné la « nécessité de n'utiliser qu'à bon escient la superposition » des signes de qualité pour éviter toute confusion dans l'esprit du public.
L'Assemblée nationale vient cependant de remettre en cause les dispositions issues de la loi du 23 février 2005, et a ouvert la possibilité d'utiliser conjointement, sur l'emballage des produits concernés, le signe de qualité de l'AOC et la dénomination « montagne ».
Or cette possibilité de juxtaposition aurait quatre conséquences. D'abord, elle aboutirait inéluctablement à remettre en cause l'intégrité et l'unité des AOC qui ne sont pas intégralement situées en zone de montagne. Ensuite, elle rendrait le dispositif AOC moins lisible pour le consommateur, en créant pour certaines productions deux catégories d'AOC, les AOC « montagne » et les AOC simples, alors même que la dénomination « montagne » ne correspond à aucune exigence qualitative. En outre, elle aboutirait à la marginalisation de certains producteurs au sein de la zone AOC : les producteurs de l'AOC situés hors de la zone de montagne subiraient de fortes pressions commerciales pour faire baisser leurs prix, ce qui pourrait entraîner à terme leur disparition et, par conséquent, de lourdes conséquences économiques. Enfin, cette juxtaposition conduirait à fragiliser la cohésion interne des interprofessions des AOC dont le territoire est partiellement situé en montagne, puisque l'article 22 bis prévoit qu'il appartiendra aux organismes professionnels de proposer l'éventuel cumul de l'AOC et de la dénomination « montagne ». En pareil cas, de très fortes tensions internes entre producteurs de « plaine » et producteurs de « montagne » seraient inévitables.
Il apparaît donc de toute première nécessité de maintenir les dispositions introduites par la loi du 23 février 2005, pour éviter de fragiliser gravement tout le dispositif de recherche de qualité, acquis le plus souvent après plusieurs décennies d'efforts des interprofessions, et sur lequel repose, en montagne, la seule source de revenus agricoles autonomes et durables et de véritable valorisation de l'agriculture.