Depuis les années quatre-vingt dix, la population des loups se développe et les attaques contre les troupeaux se multiplient, au point que le phénomène prend des proportions inquiétantes ; le rapporteur vient de nous le signaler.
Personnellement, j'ai pu constater les dégâts qui sont causés chez les éleveurs de mon département, mais je sais qu'il ne s'agit pas d'un cas unique. Il faut côtoyer ces derniers pour savoir qu'ils sont exaspérés. Certes, me direz-vous, ils perçoivent des compensations financières, mais celles-ci ne suffisent à apaiser ni leur colère ni leur découragement.
Imaginez un instant l'angoisse des bergers, aggravée par l'isolement qu'ils connaissent en haute montagne, et leur sentiment d'impuissance face à un phénomène qui se traduit, pour eux, par la perte de bêtes qu'ils élèvent, protègent et soignent.
Qu'ont fait et que font les pouvoirs publics ? Quelle a été l'action des gouvernements successifs, d'hier et d'aujourd'hui, et même des parlementaires que nous sommes ? Des constats ont été tirés lors des commissions d'enquête, mais aucune solution réellement efficace n'a été proposée.
Il suffit de connaître la montagne ou la vie active des loups pour savoir que le parcage est une vue de l'esprit et que cette solution est remarquablement inefficace eu égard à l'objectif recherché.
Quant au prélèvement de quelques unités - quatre puis six dans trois départements -, on ne comprend pas très bien l'utilité d'une telle solution. En effet, à quoi sert d'éliminer quatre ou six loups si les quarante ou les cent loups qui restent continuent à courir ? Et, croyez-moi, ils courent vite !
S'agissant des battues, dans les faits, elles ont peut-être permis d'atteindre mortellement deux unités ! D'ailleurs, je souhaiterais connaître leur coût pour le contribuable. Il doit être très élevé !
Consciente de l'inefficacité de ces solutions, peut-être même de l'étendue des dégâts et de l'exaspération des professionnels, Mme la ministre de l'écologie et du développement durable a trouvé une nouvelle solution : elle a autorisé, voilà quelque temps, les tirs d'effarouchement avec des balles en caoutchouc. Puis, compte tenu de l'inefficacité de la procédure, trop lourde - comment téléphoner au préfet, lorsque l'on est à 2 400 mètres d'altitude, pour savoir si, après trois tirs d'effarouchement, on peut tirer à balles réelles ? -, on a autorisé l'utilisation de la grenaille.
Pour ma part, je propose tout simplement que les propriétaires puissent, comme ils le font pour les bêtes fauves, défendre leur propriété contre les loups. Ne sachant pas vraiment si le loup est ou non une bête fauve, mon amendement a le mérite de clarifier la situation. Mais je suis conscient qu'il risque de devenir sans objet.
On nous objecte la Convention de Berne ; je l'ai lue aussi. (Pardonnez-moi d'être un peu long, mais le dépôt tardif d'un amendement nous oblige à faire en séance un travail de commission !
L'article 2 précise : « Les Parties contractantes prennent les mesures nécessaires pour maintenir ou adapter la population de la flore et de la faune sauvages à un niveau qui correspond notamment aux exigences écologiques, scientifiques et culturelles, tout en tenant compte des exigences économiques et récréationnelles et des besoins des sous-espèces, variétés ou formes menacées sur le plan local. » Nous respectons bien la Convention de Berne en autorisant les éleveurs à se défendre contre le loup, puisqu'il s'agit d'un impératif économique ! L'alibi qui nous est fourni ne résiste donc pas à un examen plus fin du texte.
Protéger le loup, pourquoi pas ? A titre personnel, je suis contre les battues, qui relèvent plus de la préméditation ; je préfère la légitime défense. Protéger les loups ne doit pas nous dispenser de protéger les bergers, leur troupeau et, plus généralement, le pastoralisme.
L'amendement n° 761, déposé par la commission, répond-il à cette demande ? Je n'en sais rien. Ce que je sais, en revanche, c'est que le renvoi à un décret en Conseil d'Etat amoindrit le pas qui semble être fait. En effet, ce décret sera-t-il pris et quand ? On sait comment les choses se passent : plusieurs des conditions édictées freinent souvent la prise de tels décrets !
Si l'amendement de la commission permet de résoudre le problème, je le voterai, mais j'aimerais avoir la certitude que le décret sera pris rapidement pour éviter aux éleveurs de rencontrer, lors de la prochaine saison, les difficultés auxquelles ils se sont heurtés jusqu'à maintenant.
Quoi qu'il en soit, je vous demande de voter l'amendement que j'ai déposé s'il ne devient pas sans objet, car mieux vaut préciser les choses plutôt deux fois qu'une et, surtout, une disposition d'application immédiate est préférable à une disposition dont l'application dépend d'un décret !