Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mission « Gestion et contrôle des finances publiques » constitue un terrain d'expérimentation et d'action privilégié pour la réforme de l'État : monsieur le ministre, vous êtes à la fois délégué au budget et à la réforme de l'État.
L'examen des crédits de la principale mission du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie m'a donc conduit à effectuer un « test de cohérence » entre les intentions de modernisation affichées par le ministère et ses réalisations.
Les résultats de ce test sont contrastés. Les progrès restant à accomplir doivent être envisagés à l'aune de ce qui a déjà été accompli.
La gestion du ministère bénéficie d'un certain nombre d'acquis de modernisation. Ainsi, comme je le souligne depuis plusieurs années, les contrats de modernisation constituent une démarche vertueuse qu'il convient de généraliser à toutes les administrations. Les directions du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie ont été pionnières dans la signature de tels contrats. Vous avez poursuivi la démarche en 2006 : des contrats pluriannuels de performance ont été conclus, pour la période 2006-2008, entre la direction du budget et les cinq grandes administrations à réseau de Bercy.
Les objectifs et indicateurs figurant dans ces contrats sont parfaitement articulés avec ceux du projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances pour 2007. Les bons résultats enregistrés par les indicateurs liés au respect de leurs obligations fiscales par les contribuables soulignent que les engagements des administrations fiscales en matière de qualité de service sont désormais payants.
De la même manière, il faut remarquer les investissements considérables réalisés par le ministère en matière informatique, et ce depuis longtemps. L'achèvement de certains chantiers informatiques permettrait désormais, si une volonté politique s'exprimait en ce sens, des réformes fiscales d'envergure comme le rapprochement entre l'impôt sur le revenu et la cotisation sociale généralisée.
En matière de télédéclaration de l'impôt sur le revenu, des enseignements ont été tirés des difficultés de l'année dernière, j'ai pu le constater lors d'un contrôle sur pièces et sur place dans un centre des impôts parisien, le 18 mai 2006. Les engorgements constatés en 2005, lors de la campagne de l'impôt sur le revenu, ne se sont pas reproduits. Le dispositif mis en place par la direction générale des impôts a fonctionné de manière très satisfaisante.
Certaines « contre-performances » doivent toutefois être relevées. Le versement des acomptes mensuels de la prime pour l'emploi n'a pas réservé que de bonnes surprises, tant pour leurs bénéficiaires que pour l'administration.
Plus de 250 000 foyers ont perçu en 2006 des acomptes supérieurs au montant définitif de leur prime pour l'emploi. Ils sont donc appelés à restituer une partie des acomptes reçus. Le Gouvernement a annoncé un examen au cas par cas des foyers en situation de trop-perçu, sachant que la perte d'un emploi est de nature à mettre fin au droit à la prime.
Quel est le montant global du trop-perçu de prime pour l'emploi ? Quels sont ces montants pour les foyers dont le revenu a augmenté et pour les contribuables ayant perdu leur emploi ? À combien peut-on évaluer les sommes dont l'État renoncera à obtenir le remboursement ?
S'agissant des entreprises, le taux actuel d'adhésion à la télédéclaration de la TVA n'est pas encore suffisant. Je constate toutefois que le recours à la téléTVA se développe peu à peu. La gratuité des certificats et le développement de l'assistance aux entreprises pourraient finir par emporter l'adhésion. Les efforts en matière de qualité de service doivent donc se poursuivre.
Naturellement, les gains de productivité doivent être partagés. C'est le sens de la réduction d'impôt accordée aux redevables à l'impôt sur le revenu qui télédéclarent leurs revenus, et permettent ainsi des économies de gestion pour l'administration. De la même façon, les collectivités publiques « clientes » de l'administration fiscale - collectivités territoriales et administrations de sécurité sociale - doivent voir diminuer les frais de gestion qui leur sont facturés, s'agissant des impôts recouvrés par votre ministère.
Par ailleurs, la démarche de modernisation doit être partagée par les agents de Bercy. L'indicateur relatif au taux de connaissance déclaré par les agents des évolutions du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, présenté dans le projet annuel de performance, paraît insuffisant pour mesurer l'adhésion des agents aux réformes entreprises. Je me demande s'il ne faudrait pas plutôt mesurer leur approbation avec un indicateur de climat social. La réussite des réformes en cours tiendra à votre capacité à convaincre les agents !
De nombreux chantiers sont ouverts à Bercy, tous déterminants pour la modernisation de l'État.
Il en est ainsi, tout particulièrement, du bilan d'ouverture, d'autant plus sincère qu'il sera exhaustif du côté tant de l'actif que du passif.
Les audits de modernisation constituent, du point de vue de la commission des finances, un vecteur de réforme majeur. Certains audits concernent votre ministère : ils doivent avoir une traduction réelle sur la performance de l'administration.
Or, malgré un audit relatif au recouvrement des amendes, dont vos services indiquent que des conséquences concrètes ont été tirées, l'objectif, pourtant peu satisfaisant, lié au taux de recouvrement des amendes n'a été relevé ni pour 2007 ni pour 2008. Il est à craindre, comme l'a montré une audition de la commission des finances, que des dysfonctionnements ne perdurent.
Les loyers budgétaires qui concernent un certain nombre d'administrations, notamment Bercy, font l'objet de critiques de la part de la mission d'audit sur la gestion du patrimoine immobilier de l'État. Cette mission observe, entre autres, que les loyers budgétaires représentent « un mécanisme complexe pour des avantages attendus modérés, qui ne peut à lui seul réussir à atteindre l'objectif de rationalisation de l'occupation du patrimoine contrôlé par l'État qui lui est fixé ».
L'écart entre le niveau des loyers de marché et des loyers budgétaires, résultant aussi bien de l'imprécision des évaluations des immeubles inscrites au tableau général des propriétés de l'État que du choix du taux, biaise les arbitrages attendus entre la location et l'occupation domaniale, mais aussi entre deux occupations domaniales. France Domaine devra tenir compte de ces analyses dans le cadre de l'expérimentation en cours.
Je voudrais vous suggérer, enfin, de nouveaux sujets d'audit.
Le développement des moyens de paiement électroniques pour le secteur public local paraît bien lent : le contrat de performance de la direction générale de la comptabilité publique prévoit un taux de progression des paiements automatisés de seulement 5 % par an d'ici à 2008. C'est un vrai motif de préoccupation pour les collectivités territoriales.
De même, les dépenses de fonctionnement du plateau technique par agent ne sont toujours pas stabilisées. Comme le reconnaît le ministère, la rationalisation du patrimoine immobilier de Bercy, les déménagements et réaménagements en cours ont indubitablement un coût, du moins sur le court terme. Peut-on envisager un audit de la gestion du patrimoine immobilier de Bercy ?
En conclusion, sous le bénéfice de ces remarques et d'un amendement que je vous présenterai tout à l'heure, la commission des finances propose au Sénat une adoption des crédits de la mission « Gestion et contrôle des finances publiques », ainsi que des deux comptes spéciaux qui lui sont rattachés.