Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’indiquerai en préambule dans quel état d’esprit nous avons abordé l’examen de ce projet de loi : ce qui a prévalu pour nous, au-delà des intérêts de la gendarmerie, de la police, du ministère de l’intérieur ou du ministère chargé des finances, c’est le service des Français.
Nous sommes sensibles au fait que le Sénat soit saisi en premier de ce projet de loi, qui présente un caractère historique. En effet, depuis la loi du 28 germinal an VI, soit depuis 1798, aucune loi sur l’organisation et les missions de la gendarmerie n’avait été adoptée. Les règles régissant le statut et les missions de la gendarmerie nationale reposent sur un simple décret datant de 1903.
Au-delà de son caractère historique, ce projet de loi comporte des innovations majeures.
Ainsi, il organise le transfert de la tutelle organique de la gendarmerie au ministère de l’intérieur, conformément à la volonté exprimée par le Président de la République dans son discours du 29 novembre 2007. Cette mesure constitue une profonde réforme pour une institution placée depuis l’origine sous l’autorité du ministre de la défense.
Avant même l’annonce de cette réforme, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées avait décidé de constituer en son sein un groupe de travail chargé de réfléchir à l’avenir de l’organisation de la gendarmerie.
Ce groupe de travail, que j’ai eu l’honneur de présider, était composé de nos collègues Michèle Demessine, Hubert Haenel, Philippe Madrelle, Charles Pasqua, Yves Pozzo di Borgo et André Rouvière.
De décembre 2007 à mars 2008, notre groupe de travail a procédé à de nombreuses auditions et à plusieurs déplacements sur le terrain.
À l’issue de nos travaux, nous avons présenté dix-sept recommandations, qui ont été adoptées à l’unanimité par la commission et publiées dans un rapport d’information en avril dernier.
Pour l’examen du projet de loi, je me suis fondé sur ces recommandations.
J’ai également entendu une quinzaine de personnalités, dont les représentants des différents ministères, mais aussi des anciens directeurs généraux et des officiers de gendarmerie, des préfets, des magistrats et des représentants d’associations de retraités.
J’ai voulu m’inspirer d’une phrase figurant dans le préambule du décret du 20 mai 1903 : il faut « bien définir la part d’action que chaque département ministériel peut exercer sur la gendarmerie, afin de sauvegarder cette arme contre les exigences qui ne pouvaient trouver leur prétexte que dans l’élasticité ou l’obscurité de quelques articles ».
À l’issue de ces travaux, j’ai proposé dix-huit amendements, qui ont tous été adoptés par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
À cet égard, je voudrais saluer ici le travail mené en commun, marqué par une grande convergence de vues, avec la commission des lois, son président et son rapporteur pour avis, notre collègue Jean-Patrick Courtois. La plupart des amendements adoptés par nos deux commissions sont, en effet, très proches ou complémentaires.
Quelles sont les principales préoccupations qui ressortent de ces amendements ?
Comme vous l’avez rappelé, madame la ministre, lors de votre audition devant nos deux commissions, ce rattachement constitue moins une rupture que l’aboutissement d’une évolution commencée en 2002.
En effet, depuis un décret du 15 mai 2002, la gendarmerie nationale est placée pour emploi auprès du ministre de l’intérieur pour l’exercice de ses missions de sécurité intérieure.
Plus récemment, en 2007, a été établie une responsabilité conjointe du ministre de l’intérieur et du ministre de la défense concernant la définition des moyens budgétaires de la gendarmerie et de son suivi.
On peut donc dire que la gendarmerie dépend déjà largement aujourd’hui du ministre de l’intérieur.
Toutefois, le système actuel est bancal, car le ministère de l’intérieur est responsable de l’emploi de la gendarmerie, mais ne dispose pas des deux leviers importants que sont le budget et la gestion des carrières, qui continuent de relever du ministre de la défense.
Le rattachement de la gendarmerie au ministre de l’intérieur permettra de réaliser l’unicité de commandement et de renforcer la coopération entre la police et la gendarmerie en matière de lutte contre la criminalité, et ainsi d’améliorer la protection des Français. Rappelons que les missions de sécurité intérieure représentent actuellement 95 % de l’activité de la gendarmerie, et ses missions militaires seulement 5 %.
Ce rapprochement permettra aussi de développer les mutualisations et les synergies de moyens entre les deux forces. Ainsi, les hélicoptères de la gendarmerie pourront être engagés au profit des deux forces, ce qui évitera de créer une deuxième flotte très coûteuse.
De même, la mutualisation pourra être développée, notamment pour l’achat des équipements, le soutien logistique ou encore les systèmes d’information et de communication. Ce rapprochement favorisera donc les économies d’échelle et sera source d’économies pour les contribuables.
Le rattachement de la gendarmerie nationale au ministre de l’intérieur ne doit pas entraîner, vous l’avez solennellement rappelé, madame la ministre, la disparition de son statut militaire et sa fusion avec la police.
La dualité des forces de sécurité, l’une, la police nationale, étant à statut civil, l’autre, la gendarmerie nationale, à statut militaire, n’est pas seulement un héritage historique. Ce principe constitue aussi une garantie pour l’État républicain et pour les citoyens.