Séance en hémicycle du 16 décembre 2008 à 16h00

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

  • gendarme
  • gendarmerie
  • l’autorité
  • l’immigration
  • l’intérieur
  • militaire

La séance

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La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à seize heures cinq, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le Premier ministre a transmis au Sénat :

- en application de l’article 4 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie, le rapport sur la création d’une réserve spéciale d’autofinancement ;

- en application de l’article 11 de la loi n° 2007-1224 du 21 août 2007 sur le dialogue social et la continuité du service public dans les transports terrestres réguliers de voyageurs, le rapport sur la mise en œuvre de cette loi.

Acte est donné du dépôt de ces deux rapports.

Le premier sera transmis à la commission des finances et le second aux commissions des affaires économiques, des affaires sociales et des finances. Ils seront disponibles au bureau de la distribution.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je rappelle au Sénat que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation de deux sénateurs appelés à siéger au sein du Comité central d’enquête sur le coût et le rendement des services publics.

La commission des finances a fait connaître qu’elle propose les candidatures de Mme Marie-France Beaufils et de M. Bernard Vera pour siéger respectivement comme membre titulaire et comme membre suppléant au sein de cet organisme extraparlementaire.

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jack Ralite, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 36, alinéa 3, du règlement du Sénat.

Ce matin, le Gouvernement, qui risquait autrement d’être censuré, a imposé à un homme, le président de France Télévisions, et à un groupe, le conseil d’administration de France Télévisions, qu’ils renoncent à leurs droits de liberté et d’humanité.

J’élève une solennelle protestation contre ce qui préfigure les relations qu’aura le pouvoir avec les dirigeants de la télévision publique.

Je rends honneur aux deux représentants du personnel qui sont restés intransigeants. Je veux remercier le sénateur M. Thiollière de s’être abstenu : vous vous êtes respecté ; vous nous avez fait respecter, cher collègue. Je note que le représentant de l’Assemblée nationale, le député M. Kert, n’était pas présent.

Il demeure que le forfait a été commis et que le Sénat commencera l’examen du projet de loi sur l’audiovisuel alors qu’un aspect essentiel est déjà appliqué.

Debut de section - PermalienPhoto de Jack Ralite

Nous allons débattre selon la pratique : « cause toujours, tu ne m’intéresses pas, je n’en ai rien à faire ! ».

Monsieur le président, je souhaite que vous marquiez, par une réaction à la hauteur de l’offense, un désaveu de telles pratiques, car nous sommes les gardiens, au nom de la société, des droits et libertés constitutionnelles, et que je ne connais qu’une attitude : penser et agir debout ! C’est cela, la dignité, quand on traite de quelque problème que ce soit, a fortiori d’un outil que fréquentent 98, 5 % des Françaises et des Français, nos concitoyens.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et sur des travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue.

Je me permets de vous renvoyer à mes propres déclarations de la semaine dernière, dans lesquelles je soulignais que la voie du décret ne me paraissait pas respectueuse du Parlement. Donnez-moi acte de ma position et de l’évolution de l’exécutif sur ce point. J’ai également affirmé, en conférence des présidents et ailleurs, qu’un tel débat nécessitait du temps.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle la discussion :

- du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Bénin relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement (nos 464, 2007-2008, et 129) ;

- du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Congo relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement (nos 465, 2007-2008, et 129) ;

- du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal et de son avenant (nos 68 et 129) ;

- et du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire, du protocole relatif à la gestion concertée des migrations et du protocole en matière de développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne (nos 69 et 129).

La conférence des présidents a décidé que ces quatre projets de loi feraient l’objet d’une discussion générale commune.

Dans la discussion générale commune, la parole est à M. le secrétaire d’État.

Debut de section - Permalien
Alain Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie

Monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai l’honneur de vous soumettre aujourd’hui les projets de loi autorisant l’approbation des accords relatifs à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement conclus respectivement avec le Sénégal, le Congo, le Bénin et la Tunisie.

Ces quatre accords illustrent la détermination de la France à instaurer un partenariat global, afin d’apporter des solutions concrètes au défi que représente la maîtrise des flux migratoires. En cela, ces accords sont l’illustration que la nouvelle politique d’immigration choisie et concertée voulue par le Président de la République et mise en place par Brice Hortefeux intéresse nos partenaires, tant en Afrique qu’en Europe.

D’ailleurs, le Pacte européen sur l’immigration et l’asile, adopté à l’unanimité le 16 octobre dernier, a consacré ce principe du partenariat avec les pays d’origine.

L’objectif visé par ce type d’accord se décline en trois volets indissociables : tout d’abord, organiser la migration légale et faciliter la circulation des personnes ; ensuite, renforcer la coopération en matière de lutte contre l’immigration clandestine ; enfin, contribuer au développement des pays d’origine grâce à la mobilisation des ressources des migrants vers des projets de développement.

Au-delà du socle commun, chacun des accords présente des aménagements propres à chaque pays, à l’état de la coopération bilatérale, ainsi qu’aux besoins des gouvernements partenaires.

Je voudrais maintenant vous présenter les principales dispositions qui se retrouvent dans chacun de ces accords.

Premièrement, concernant la circulation des personnes, la France et les pays signataires s’engagent à faciliter la circulation des ressortissants des deux pays, concourant à la vitalité des relations bilatérales, et ce dans tous les domaines.

La France et ses partenaires qui soumettent les ressortissants français au visa de court séjour, notamment au Congo et au Bénin, s’engagent à faciliter la délivrance de visas de court séjour à entrées multiples d’une validité pouvant aller jusqu’à cinq ans.

Deuxièmement, ces accords facilitent le séjour temporaire en France, notamment d’étudiants étrangers. Cette démarche permettra à ces derniers d’acquérir une première expérience professionnelle en vue de leur retour dans leur pays d’origine. Ces étudiants étrangers bénéficient ainsi de dispositions spécifiques, beaucoup plus favorables que le droit commun régi par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile.

Nous prendrons bien entendu en compte les intérêts du pays d’origine en faisant en sorte que la migration contribue à son enrichissement, au travers des transferts de fonds, mais également grâce à la formation professionnelle.

Troisièmement, ces accords, qui s’inscrivent dans la nouvelle approche de l’immigration choisie et concertée, encouragent la délivrance de la carte « compétences et talents ». Celle-ci s’adresse aux ressortissants du pays partenaire qui vont participer de façon significative au développement économique de la France et de leur pays.

Les accords prévoient, pour la plupart d’entre eux, un contingent, afin de limiter l’exode des élites. C’est pour cette même raison que la carte « compétences et talents » ne peut être renouvelée qu’une seule fois.

Cet objectif d’une migration régulière, à la fois concertée et contrôlée, se double d’une coopération renforcée dans la lutte contre l’immigration irrégulière, avec deux composantes.

D’une part, la France s’engage dans une expertise technique en matière policière ; je pense notamment à la lutte contre la fraude documentaire et au soutien à la constitution d’un état civil fiable.

D’autre part, la France et chacun des pays concernés s’engagent à réadmettre leurs ressortissants en situation irrégulière sur le territoire de l’autre partie en facilitant la délivrance des laissez-passer consulaires. Le dispositif français d’aide au retour sera d’ailleurs proposé aux étrangers concernés.

Ces accords ont enfin pour objectif de contribuer au développement des pays constituant une source d’émigration grâce à la recherche de synergies entre migration et développement ; je pense, en particulier, aux instruments financiers, tels que le compte épargne codéveloppement ou le livret d’épargne pour le codéveloppement.

Avant de conclure, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à souligner l’apparition du concept de « développement solidaire », mentionné notamment dans l’accord avec la Tunisie. Il figure désormais dans les accords nouvellement signés ou en cours de négociation ; il vise à promouvoir des actions de coopération et des projets financés par le ministère de l’immigration en raison de la contribution qu’ils apportent au développement.

Cette démarche s’applique notamment dans les régions d’émigration, en vue du maintien sur place des populations. Il s’agit d’une action menée en cohérence avec l’aide publique au développement. C’est pourquoi le ministère de l’immigration dispose d’un programme budgétaire spécifique inscrit dans la mission « Aide publique au développement », aux côtés des programmes du ministère de l’économie et du secrétariat d’État à la coopération et à la francophonie, que j’ai l’honneur d’animer.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales dispositions des accords relatifs à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement qui font l’objet des projets de loi soumis à votre approbation.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la question des migrations est au cœur de notre relation avec les pays du Sud. Avec certains de nos partenaires, elle occupe le tout premier plan de la relation bilatérale.

C’est une question particulièrement complexe : sociale, économique et politique, elle touche également à ce que peut avoir de personnel, voire d’intime, cette aspiration au départ ou cette nécessité de quitter son pays. C’est pourquoi la question des migrations se gère non pas seulement aux frontières, mais aussi, en amont, sur le territoire des pays d’origine. C’est aussi pourquoi notre politique migratoire doit rejoindre, sur certains points, notre politique de développement.

Le codéveloppement, devenu « développement solidaire », se situe au point de rencontre de ces deux politiques, dans la recherche d’un équilibre fragile et restant à définir. Les accords de gestion concertée des flux migratoires qui sont soumis aujourd’hui à l’examen du Sénat en sont l’un des aspects.

Ces accords sont une forme de contractualisation de la relation bilatérale sur la question des migrations. Comme je l’ai souligné devant la commission des affaires étrangères, ce dialogue bilatéral est indispensable, tant la différence d’appréciation sur la migration est considérable entre un pays destinataire de l’immigration, comme le nôtre, et les pays d’origine.

N’oublions pas que les transferts financiers sont supérieurs à l’aide publique au développement et qu’ils constituent, pour les pays d’origine, l’une des premières – sinon la première – sources de revenus.

C’est pourquoi la négociation de ce type d’accords revêt une telle force symbolique et que les citoyens du pays signataire y sont si attentifs.

Le schéma général comporte trois parties : la facilitation de la circulation et le développement de l’immigration de travail, la lutte contre l’immigration clandestine et le soutien à des projets de développement.

Si l’on met de côté l’accord avec le Gabon, dont les migrants sont très peu nombreux, les accords qui nous sont soumis sont les premiers à comporter un véritable enjeu sur les questions migratoires. C’est en particulier le cas avec le Sénégal et la Tunisie, dont le nombre de ressortissants établis en France est important, avec des flux qui restent, y compris pour la Tunisie, très soutenus.

Je ne reprendrai pas le détail des différents accords, que vous avez exposés, monsieur le secrétaire d’État.

Sur le terrain de la migration légale, la France s’engage à accorder plus de visas de circulation, ce qui correspond à une demande très forte des pays partenaires. Cela pourrait être une juste réponse si ces visas étaient largement accordés. La France s’engage aussi à mieux accueillir les étudiants et à développer l’accueil de travailleurs migrants.

Dans une forme de contrepartie, les États signataires s’engagent à lutter contre l’immigration clandestine et à réadmettre leurs ressortissants entrés illégalement sur le territoire français.

La partie « développement » de ces différents accords est plus spécifique. Pour ce qui est du Congo, elle reste encore très largement à définir. En revanche, tant pour le Sénégal que pour le Bénin ou la Tunisie, elle témoigne d’une réelle réflexion sur les secteurs où l’intervention est souhaitable et sur les instruments à privilégier.

Grâce à une partie « développement » plus structurée, l’économie générale de ces accords tend vers un ensemble plus équilibré que l’accord avec le Gabon, dont la partie « développement » relevait plutôt du témoignage.

La commission formule cependant certaines interrogations et inquiétudes sur la mise en œuvre de ces accords.

La première de ces interrogations concerne la mise en œuvre effective de la facilitation de la migration professionnelle, qui suscite beaucoup d’attentes chez nos partenaires.

L’immigration professionnelle reste encore très limitée pour les pays concernés par ces accords. Les objectifs sont modestes et les réalisations plus modestes encore. En tout état de cause, elles ne sont pas à la mesure des flux migratoires.

Après un temps d’hésitation, nous avons reconnu – et les accords en témoignent – que l’immigration professionnelle ne devait pas nécessairement être une immigration qualifiée, ce qui paraît plus conforme non seulement aux besoins et aux attentes de nos partenaires, mais aussi aux besoins de nos entreprises ; les bénéficiaires de l’admission exceptionnelle au séjour en attestent. Mais en ces temps de crise économique et de raréfaction des emplois, pourrons-nous tenir nos engagements en ce qui concerne la migration professionnelle ?

La deuxième interrogation de la commission porte sur la mise en œuvre concrète de ces accords, qui ajoutent à un ensemble déjà complexe des facteurs de complexité supplémentaires. Cette politique de développement solidaire, dont nous ne sous-estimons pas les difficultés d’élaboration, mais qui tâtonne et reste encore en cours de définition, démarre lentement.

La délivrance des cartes « compétences et talents » reste ainsi très embryonnaire : seules trente-six ont été accordées à des Tunisiens. Les talents sont-ils si rares, monsieur le secrétaire d’État, ou bien est-ce notre dispositif qui est trop lourd ?

Comment les consulats et les préfectures vont-ils se repérer dans le maquis de délais, de conditions d’âge et de secteurs spécifiques introduits par les accords de gestion concertée des flux migratoires, qui s’ajoute à la véritable sédimentation de dispositifs opérée par les nombreuses lois relatives à l’immigration votées ces dernières années ?

Que deviennent, monsieur le secrétaire d’État, les clauses applicables aux ressortissants de la zone de solidarité prioritaire, alors que cette notion est complètement revue dans la réforme de notre dispositif de coopération ?

La politique migratoire hésite ainsi encore entre attractivité et contrôle des flux.

Notre troisième et dernière interrogation porte sur le volet « développement » de ces accords, dans un contexte de réduction drastique des crédits dévolus à l’aide bilatérale au développement. Dans un pays qui traite déjà bien mal ses propres étudiants, pourrons-nous garantir, comme il est prévu dans l’accord avec le Sénégal, un accueil correct et un logement décent ?

Les accords identifient les projets dont le financement relève du ministère de l’immigration, mais renvoient au ministère des affaires étrangères pour un effort accru d’accompagnement. Rien ne permet de dire que celui-ci aura les moyens de cette intervention complémentaire, pourtant indispensable.

Aussi l’équilibre prévu par ces accords nous semble-t-il fragile. Si les volets « migration professionnelle » et « développement » ne sont pas mis en œuvre dans de bonnes conditions, il n’en restera que les aspects les plus restrictifs, dont le plus symbolique est la réadmission.

C’est pourquoi la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées envisage d’assurer un suivi et une évaluation de la mise en œuvre de ces différents accords.

Sous le bénéfice de ces observations, et parce qu’elle estime que la méthode de dialogue engagée par ces accords mérite d’être encouragée, la commission recommande l’adoption de ces quatre projets de loi, tous ratifiés par les pays signataires, à l’exception de l’accord avec le Bénin.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – M. Charles Pasqua applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Richard Yung

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, les accords de gestion concertée des flux migratoires constituent l’un des éléments phares de la politique d’immigration « choisie » prônée par le Président de la République, et leur signature fait l’objet d’une forte médiatisation.

C’est un sujet très sensible en ce qui concerne aussi bien la France, où l’immigration a parfois été instrumentalisée, que l’Afrique, où elle est vécue comme étant l’une des voies de l’avenir.

Aujourd’hui, vous sollicitez l’autorisation du Sénat pour ratifier quatre de ces conventions bilatérales, dont celle avec le Sénégal, signée en 2006 par Nicolas Sarkozy, alors ministre d’État, ministre de l’intérieur et de l’aménagement du territoire.

Permettez-moi, avant d’en venir au fond, de formuler une remarque sur la forme. Si la signature des accords est très médiatisée, en revanche, la méthode utilisée pour leur élaboration et leur préparation fait l’objet d’une certaine opacité. En particulier, les représentants de la société civile, tant du côté français que du côté africain, n’ont pas du tout été associés à leur préparation.

En ce qui concerne l’immigration légale, la valeur ajoutée de ces conventions bilatérales est relative : la plupart les dispositions concernant l’immigration professionnelle sont déjà prévues dans le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, ou CESEDA.

Les mesures relatives à l’immigration légale visent à restreindre la venue de travailleurs, car seul le séjour de certaines personnes qualifiées sera accepté.

Les quatre accords prévoient des facilités pour obtenir une carte de séjour temporaire portant la mention « salarié ». Les candidats à l’immigration devront présenter une promesse d’embauche dans l’un des secteurs professionnels listés : cent cinq pour le Sénégal, quinze pour le Congo – c’est la portion congrue ! –, seize pour le Bénin – c’est un peu mieux ! – et soixante-dix-huit pour la Tunisie.

Cependant, à l’exception du Sénégal, ces listes sont trop restrictives et ne concernent que des emplois très qualifiés : informaticiens, chefs de chantiers, cadres de l’audit, etc. Par ailleurs, il y a fort à craindre que la crise économique n’aboutisse à une situation de non-délivrance de ces titres de séjour.

Or une partie de l’immigration professionnelle pourrait, et devrait, concerner des emplois non qualifiés.Il n’y a rien de honteux à employer des travailleurs immigrés non qualifiés !Nous en avons besoin, car ils ont vocation à occuper des emplois souvent délaissés par les Français. Rien ne s’opposerait donc à de telles immigrations professionnelles.

Certaines dispositions de ces accords visent à faciliter l’accueil et le séjour des étudiants. Nous nous en réjouissons, car la France avait pris du retard dans ce domaine par rapport à un certain nombre d’autres pays développés. Ces mesures concernent, notamment, ceux qui, à l’issue de leur cursus universitaire, souhaitent acquérir une première expérience professionnelle dans notre pays.

Cependant, là encore, des conditions restrictives ont été posées à l’attribution de la carte de séjour portant la mention « salarié » : les intéressés devront être titulaires d’un master ou d’un diplôme de niveau équivalent, exercer un emploi en lien avec leur formation et percevoir un salaire au moins égal à une fois et demie le SMIC mensuel. Il s’agit là de trois conditions cumulatives et lourdes à remplir.

Par ailleurs, vous l’avez dit, l’accord avec le Congo prévoit que l’autorisation provisoire qui sera attribuée aux étudiants souhaitant rechercher un emploi ne sera pas renouvelable.

Tous ces accords prévoient aussi d’attribuer plus facilement des visas de circulation. Le principe de l’attribution de visas de circulation est une bonne chose, car il est nécessaire de faciliter les allers-retours entre la France et les pays d’émigration, l’émigration n’étant pas nécessairement continue, la personne pouvant entrer et sortir du territoire à plusieurs reprises. Cela a longtemps été demandé par les pays concernés. Cependant, il est critiquable que seules les personnes qualifiées soient visées.

Actuellement, de tels visas sont essentiellement délivrés à des hommes d’affaires, des financiers, et très peu à d’autres catégories de demandeurs, par exemple des artistes ou des chercheurs. À cet égard, nos consulats font preuve d’une grande timidité.

Des quotas annuels sont fixés pour la délivrance des cartes de séjour portant la mention « compétences et talents » – belle appellation ! –, soit mille pour le Sénégal, cent cinquante pour le Congo, cent cinquante pour le Bénin et mille cinq cents pour la Tunisie. Mais aucune clause ne prévoit l’obligation de les atteindre, ce qui peut se comprendre. Toutefois, permettez-moi d’exprimer ma crainte de voir se développer une politique extrêmement restrictive de délivrance de ces visas.

Les accords dont nous débattons comprennent également une partie consacrée à la lutte contre l’immigration irrégulière.

Nous partageons complètement la volonté de lutter, avec tous les moyens possibles, contre cette immigration qui porte préjudice non seulement à notre économie et aux pays dont elle provient, mais à l’idée même d’émigration.

Les accords prévoient, en particulier, la réadmission par les États de leurs ressortissants qui sont dans une situation d’émigration irrégulière, ce qui paraît légitime, sauf s’il s’agit de contourner les réticences de certains États, notamment la Tunisie, à délivrer des laissez-passer consulaires. Il ne nous appartient pas, en effet, de nous substituer à la politique des autres États en la matière.

Dans ce domaine, nous nous heurtons à deux difficultés.

Tout d’abord, nous ne savons pas si le pays d’origine acceptera d’accueillir ses ressortissants nationaux.

Ensuite, vous vous êtes fixé l’objectif de « faire du chiffre », comme on dit, soit 26 000 personnes en 2008, autant en 2009, sachant que seulement un tiers de celles qui seront retenues seront finalement expulsées, en particulier parce que le pays receveur ne délivre pas de laissez-passer.

Plus grave encore, les accords avec le Congo et le Bénin, où l’immigration est pourtant faible, obligent ces États à accueillir des ressortissants d’États tiers expulsés et ayant séjourné sur leur territoire. C’est l’une des raisons pour lesquelles le Mali a refusé de signer le projet d’accord qui était en négociation.

Une telle clause est choquante, en particulier sur le plan des principes. Elle fait peser une charge considérable sur ces États de transit, qui n’ont pas les moyens d’y faire face. Leur superficie très vaste nécessiterait une organisation de contrôle de l’émigration difficile à mettre en œuvre. Il n’est pas possible de reconstituer les régiments méharistes sur les frontières nord, est et ouest du Mali ! En outre, cette clause met les personnes expulsées dans une situation difficile, puisque celles-ci se retrouvent dans un pays qui n’est pas le leur.

J’en viens au troisième et dernier point abordé par ces accords : le développement solidaire.

Il y a tout d’abord un problème de sémantique. Pour moi, il s’agissait de codéveloppement : les activités de développement étaient imaginées et mises en œuvre par la personne qui retournait dans son pays et nous aidions celle-ci à constituer une PME, à fonder une exploitation agricole, etc.

Or on est passé du concept de codéveloppement à celui de développement solidaire. Les glissements sémantiques n’étant jamais neutres, je crains que le nouveau concept ne soit, sinon un cheval de Troie – l’expression est un peu forte ! – du moinsun prétexte pour transférer au service de la politique de lutte contre l’immigration les créditsdu ministère des affaires étrangères dédiés normalement à l’activité de développement. Ce n’est pas ce que nous voulons !

Pour le Bénin et le Congo, sont prévus des financements par l’Agence française de développement, l’AFD, dans les domaines de la santé ou de l’agriculture. L’accord avec la Tunisie mentionne le développement solidaire dans tous les domaines d’activité. Seul l’accord avec le Gabon fait état de codéveloppement, mais chacun sait que, en dehors de ceux qui profitent de la rente pétrolière, très peu de Gabonais émigrent en France. Nous ne serons donc pas dans ce cas de figure.

Les activités de codéveloppement devraient être strictement définies comme des actions menées par les personnes qui sont rentrées dans leur pays. Le ministère de l’immigration dispose d’une enveloppe de 29 millions d’euros pour financer de telles actions. J’espère qu’il s’agira vraiment de codéveloppement et non pas du transfert d’une partie des crédits du ministère des affaires étrangères au ministère de l’immigration.

Par ailleurs, à l’instar de notre rapporteur, je souhaite que les conditions de mise en place et les conséquences de ces accords soient évaluées rapidement.

Compte tenu de ces remarques, vous comprendrez, mes chers collègues, que le groupe socialiste refuse d’autoriser la ratification de ces quatre accords.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous sommes appelés aujourd’hui à examiner quatre accords relatifs à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement signés entre la France et les pays africains d’émigration suivants : le Bénin, la Tunisie, le Sénégal et le Congo.

Chacun sait, dans cet hémicycle, que ces accords s’inscrivent dans la politique d’« immigration choisie » prônée par la France et par l’Europe.

Ces accords correspondent aux priorités définies par le Pacte européen sur l’immigration et l’asile adopté, le 16 octobre dernier, par le Conseil européen, dans le cadre de la présidence française de l’Union européenne

On peut affirmer que la politique française et européenne de l’immigration consiste à instrumentaliser l’aide au développement et la migration légale dans le but de renforcer sa lutte contre l’immigration illégale.

Cette vision des migrations a encore été confirmée lors de la conférence interministérielle euro-africaine en matière de migration et développement, qui s’est tenue le 25 novembre dernier et pendant laquelle a été adopté un programme de coopération triennal visant à encadrer la migration légale, contrecarrer l’immigration illégale et organiser le développement solidaire.

Les accords que vous faites signer aux pays africains de départ vous permettent de faire pression sur eux, d’exercer une sorte de chantage : vous leur promettez des possibilités de migrations légales, qui restent toutefois très limitées, et une aide au développement.

En contrepartie, vous leur demandez d’être les « gendarmes » de l’Europe, c’est-à-dire de contrôler les flux migratoires depuis les pays de départ, mais aussi de transit, et de faciliter les réadmissions des personnes expulsées par la France.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

Avec l’UMP, il n’y aura bientôt plus de gendarmes !

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

À l’évidence, ces accords sont loin d’être équitables. La France a tout à y gagner, tandis que les pays d’émigration sont pieds et poings liés et se voient dans l’obligation de faire la police chez eux en devenant les sous-traitants de la gestion des flux migratoires pour obtenir d’hypothétiques possibilités de migrations et autres aides au développement.

Une telle situation résulte du déséquilibre entre les parties signataires avec, d’un côté, des pays aux conditions économiques et politiques encore fragiles et, de l’autre, la France, qui fait partie d’un ensemble de pays économiquement forts et dotés d’institutions communes telle que l’Union européenne.

J’en viens aux principales critiques que je forme à l’égard de ces accords.

Tout d’abord, on nous dit que les pays signataires bénéficieront de possibilités de migrations légales pour leurs ressortissants. Toutefois, ces dernières seront limitées en nombre et dans le temps. Ce sont avant tout des migrations temporaires fondées sur la mobilité et l’incitation au retour des compétences dans le pays d’origine.

Ces possibilités de migrations légales concernent essentiellement des personnes hautement qualifiées et qui intéressent la France, notamment des hommes d’affaires, des sportifs de haut niveau, des artistes. Il s’agit de la carte « talents et compétences » qui existe déjà dans le cadre du CESEDA.

Un tel intérêt pour les métiers hautement qualifiés qui contribue à la « fuite des cerveaux » est contraire aux intérêts des pays de départ. En effet, ces fuites de « matière grise » qui caractérisent l’émigration du Sud vers le Nord entraînent pour les pays d’origine un manque de personnel, notamment dans le domaine de la santé et de techniciens, ainsi que la perte de revenu national par le biais de l’impôt.

À l’inverse, la main-d’œuvre peu qualifiée dont ces pays disposent en grand nombre n’est que peu concernée par la migration de travail, alors même que les besoins existent en France, ce qui risque de renforcer les déséquilibres dans les pays d’origine.

On voit bien là, monsieur le secrétaire d'État, le « tri » que veut faire le gouvernement français en application de sa politique d’immigration choisie. C’est cette même logique qui prévaut avec le projet de « carte bleue » européenne.

Ensuite, s’agissant de l’aide au développement, je considère qu’elle ne doit pas être un moyen de faire pression sur les migrants établis en France, encore moins une monnaie d’échange dans le cadre de négociation d’accords de gestion concertée des flux migratoires.

Ainsi que le souligne la déclaration des Nations unies sur le droit au développement, le développement est un droit et, en tant que tel, il ne peut être soumis à conditions.

En ce qui concerne la lutte contre l’immigration illégale, les accords prévoient des clauses relatives à la réadmission des personnes en situation irrégulière et une coopération policière visant à renforcer la surveillance des frontières, au démantèlement des réseaux criminels de passeurs et à la lutte contre la fraude documentaire.

Je tiens à préciser que je ne suis pas favorable à ce que ce genre de coopération soit comptabilisé au titre de l’aide au développement.

La France et l’Europe veulent désormais non plus empêcher les migrants de pénétrer en Europe, mais les empêcher de quitter leur pays d’origine. Ce contrôle des flux migratoires en amont est moins cher et moins aléatoire qu’une expulsion du territoire français, expulsion qui n’est pas toujours effective. Cela fait autant de sans-papiers potentiels en moins qui pourraient, une fois entrés sur le sol français, s’y maintenir en situation irrégulière.

Les clauses de réadmission contenues dans ces accords sont très importantes pour la France. Car pour pouvoir renvoyer de façon effective les personnes en situation irrégulière arrêtées et placées en centre de rétention, il est indispensable de s’assurer de la coopération des autorités des pays concernés – ce n’est pas toujours le cas – singulièrement en ce qui concerne la délivrance des laissez-passer, lesquels permettent d’organiser le renvoi des personnes que l’on souhaite expulser.

Certains pays sont en effet peu coopératifs en matière de laissez-passer, et pour cause ! Il faut savoir que les migrants envoient dans leur pays d’origine des sommes bien supérieures à celles qui sont prévues par le budget de l’aide publique au développement. Ils participent ainsi au développement sur place des villages et de projets locaux, et ils font vivre les membres de leur famille restés au pays.

Ces accords permettront donc de formaliser une obligation de réadmission et d’obtenir plus facilement les laissez-passer permettant d’assurer le renvoi effectif des étrangers.

À l’exception, monsieur le secrétaire d'État, des accords avec le Sénégal et la Tunisie, pays davantage concernés par la migration de transit, les accords prévoient un engagement à réadmettre également les migrants des pays tiers en situation irrégulière qui, pour venir en France, seraient passés par leur territoire. Ces dispositions sont particulièrement intéressantes pour le ministère de l’immigration, qui se fixe chaque année des objectifs chiffrés en matière d’expulsion effective du territoire.

Pour 2009, l’objectif est de 30 000 expulsions. Afin d’atteindre cet objectif, la France souhaite également favoriser les retours volontaires en proposant son dispositif d’aide au retour volontaire aux personnes qui font l’objet d’une obligation de quitter le territoire français, une OQTF.

Le renforcement du volet sécuritaire a des conséquences sur les droits et les parcours des migrants. Ces derniers sont alors contraints d’emprunter des itinéraires de plus en plus longs, de plus en plus coûteux et de plus en plus dangereux.

On retrouve cette logique répressive dans la directive européenne sur le retour, qui généralise l’enfermement des étrangers jusqu’à dix-huit mois, ainsi que leur éloignement. On la retrouve aussi avec les renvois groupés par avion.

Pourtant, ceux qui migrent le font non pas par goût des voyages, mais par obligation. Ils tentent d’avoir ailleurs une vie meilleure, y compris au péril de leur vie.

Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à regarder ces femmes, ces enfants, ces hommes qui embarquent sur des radeaux de fortune et dérivent ensuite des jours et des nuits en mer ; il n’y a qu’à faire le décompte annuel des morts en Méditerranée. Ils savent que c’est dangereux. Pour autant, ils sont toujours aussi nombreux à tenter leur chance vers l’Eldorado européen.

Vouloir que les flux migratoires s’adaptent aux capacités d’accueil d’un pays – marché du travail, situation du logement, existence de services sanitaires, sociaux, scolaires, etc. –, c’est méconnaître ou ignorer la réalité des migrations dans le monde, lesquelles ont des causes multiples : famines, guerres, maladies, catastrophes climatiques, misère, etc. C’est nier le droit à la liberté de circulation des hommes et des femmes dans le monde.

En tout état de cause, dans le contexte actuel de crise économique et de récession, la France et l’Europe ne pourront pas accueillir les migrants issus d’une migration de travail. L’immigration illégale, dans ces conditions, ne pourra que perdurer.

L’aide au développement évoquée dans les accords que nous examinons aura bien du mal à se concrétiser compte tenu de la baisse continuelle des autorisations d’engagement pour les actions bilatérales de développement solidaire. Cela pose la question du sort des migrants de retour chez eux avec l’aide à la réinstallation : ils risquent de se retrouver rapidement confrontés à des difficultés financières.

Si les possibilités de circulation ne sont pas au rendez-vous, si l’aide au développement est absente, que restera-t-il de ces accords ? Uniquement le volet relatif à la lutte contre l’immigration illégale, avec le renforcement de la coopération policière qui profitera à la France et à l’Europe, lesquelles veulent être à n’importe quel prix des « forteresses imprenables ».

À la lumière de ces observations, vous comprendrez que nous ne puissions voter en faveur de tels accords.

Monsieur le secrétaire d'État, je vous remercie de m’avoir écoutée avec attention.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Alima Boumediene-Thiery

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il y a quelques mois, j’interpellais M. Hortefeux dans le cadre d’une question d’actualité sur cette politique dite « d’immigration choisie » et sur ces accords. M. le ministre m’a alors répondu à propos de la signature de ces accords que « la nouvelle politique d’immigration française est parfaitement comprise, partagée, approuvée et encouragée par les pays qui sont des terres d’émigration ». Cet enthousiasme me semble devoir être quelque peu atténué.

La raison d’être de ces accords est non pas, comme M. le ministre nous l’avait vendu ici même, de favoriser l’immigration économique, mais de la réduire à néant, tout comme cela a été fait pour l’immigration familiale. Il suffit de voir le sort qui est réservé à la carte « compétences et talents » pour s’en rendre compte.

Prenons, par exemple, l’accord signé le 25 octobre 2007 avec la République du Congo, qui prévoit de délivrer 150 cartes « compétences et talents ». Plus d’un an après la signature, aucune carte n’a été délivrée à un Congolais !

Pour 2008, vous aviez évoqué un objectif global de 2 000 cartes « compétences et talents ». Où en sommes-nous aujourd’hui ? Il est intéressant de faire le point de la situation.

En ce qui concerne les ressortissants des États signataires des accords dont nous discutons aujourd'hui, une carte a été délivrée à un ressortissant sénégalais, trois cartes à des ressortissants béninois et trente-six cartes à des ressortissants tunisiens.

Au total, trois cent vingt-six cartes ont été délivrées en 2008 pour un objectif de deux mille cartes. Nous en sommes encore très loin !

Est-ce là la destinée que vous réservez à ces accords ? Est-ce ainsi que vous appréhendez les compétences et talents de ces pays : en ne leur laissant aucune place ?

En créant cette carte, vous avez signifié à ces pays que la France pouvait s’enrichir de leurs talents, que leurs ressortissants pouvaient contribuer au rayonnement de la France, mais aussi de leur pays d’origine, dans les domaines culturel, scientifique et humanitaire. Aujourd’hui, il faut se rendre à l’évidence : ces immigrés ne vous intéressent pas !

Dans ces conditions, à quoi servent ces accords ? La réponse se trouve dans les clauses relatives à la réadmission. En effet, si l’on étudie de plus près ces accords, il faut admettre que leur raison d’être est moins la mise en œuvre d’une politique concertée des flux migratoires qu’une politique efficace de refoulement des étrangers vers les pays signataires.

La question de la réadmission est omniprésente dans ces accords, sous des formes variées et en prenant des précautions lexicales qui ne parviennent pas à masquer la réalité de ce que la France souhaite imposer aux États signataires : l’obligation de reprendre sur leur territoire des ressortissants en situation irrégulière.

D’une politique censée limiter l’immigration familiale au profit de l’immigration professionnelle on passe à une politique visant à proscrire les étrangers de notre territoire. Vous ne pouvez pas nier, monsieur le secrétaire d'État, que la question de la réadmission a posé des problèmes lors de la négociation de ces accords.

Vous le savez également, la délivrance des laissez-passer consulaires est très faible. On peut même dire que le nombre de laissez-passer consulaires ne cesse de baisser. Pour la République du Congo, sur cent douze demandes formulées par la France en 2007, seuls vingt-trois laissez-passer ont été octroyés, soit un taux de 20 %. L’exemple du Sénégal à cet égard est également frappant : alors qu’en 2005 le Sénégal répondait positivement à 55 % des demandes de réadmission, ce taux est passé en 2007 à 37 %.

Comment pouvez-vous dire que votre politique est comprise, partagée, si les États signataires de ces accords refusent de plus en plus de reconnaître leurs ressortissants ? À un taux de demande constante, jamais les États n’ont aussi peu reconnu leurs ressortissants, d’où la nécessité de ces accords, notamment avec le Sénégal. L’avenant signé par cet État en février 2008 constitue un bijou d’ingéniosité : il n’est rien d’autre qu’un « tour de vis » pour obliger les États à reconnaître leurs ressortissants.

En lieu et place d’une reconnaissance explicite de la part de l’État supposé d’origine, vous avez mis en place un système de présomption de nationalité largement favorable à une augmentation du taux d’attribution des laissez-passer.

L’article 3 de l’avenant complète en effet l’article 42 de l’accord du 23 septembre 2006, en mettant en place une procédure d’une complexité inouïe, venant se substituer à la reconnaissance habituelle. Autrement dit, il s’agit non plus d’une demande de reconnaissance, mais d’une quasi-obligation de reconnaissance.

Sans détailler cette procédure, je souhaite en dire quelques mots.

La reconduite se fondera non plus sur une reconnaissance explicite, mais sur une présomption de nationalité. Ainsi, il pourra y avoir éloignement sur la simple base d’un document faisant état d’un commencement de preuve de nationalité, par exemple un procès-verbal des déclarations de l’étranger.

L’ironie du sort est que certains des États auxquels vous demandez de reconnaître l’un de leur ressortissant sont considérés par le ministère de l'immigration, par décret, comme ayant un état-civil défaillant ou frauduleux, conformément à l’article L. 111-6 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile relatif aux tests ADN !

Vous vous contentez de n’importe quel document pour établir l’état-civil de certains étrangers quand il s’agit de les renvoyer dans leur pays. En revanche, vous exigez un test ADN, en doutant de la fiabilité de leur état-civil, quand il s’agit d’une demande de regroupement familial, et ce pour le même pays. C’est un comble ! C’est la reconnaissance d’un état-civil à géométrie variable pour certains États.

Telle est la réalité de ces accords ! Leur véritable raison d’être est tout simplement d’organiser la réadmission de manière plus efficace pour permettre une augmentation des reconductions à la frontière. Ce schéma est le même pour tous les accords, avec des variations mineures, notamment au sujet des délais.

Monsieur le secrétaire d'État, en droit, on qualifie de « léonins » les accords déséquilibrés, où une partie prend sans donner, à l’image du lion dans la fable de La Fontaine. Les accords que vous nous présentez aujourd'hui sont de ce type : ils imposent des sujétions importantes aux États à la seule fin de satisfaire la France dans sa frénésie des chiffres concernant les reconduites à la frontière.

Tout cela, au mépris de l’aide publique au développement et de toute politique active en matière de développement solidaire et démocratique, ramenée à une banale coopération interétatique. Il suffit de regarder les chiffres de l’aide au développement pour voir l’importance qui est accordée à celle-ci !

Si l’on compare ces accords de gestion concertée des flux migratoires avec le droit commun issu de la loi du 24 juillet 2006, force est de constater qu’ils sont, en réalité, beaucoup plus sévères que celui-ci. Loin de mettre en œuvre le droit existant, ils créent de nouvelles règles plus restrictives, éparses, variables d’un État à l’autre, afin d’obliger l’État signataire à collaborer à une politique qui exclut plus qu’elle ne protège, qui refoule plus qu’elle n’accueille.

Pour toutes ces raisons, les Verts ne voteront pas en faveur de la ratification de ces accords.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Alain Joyandet, secrétaire d'État

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite vous apporter quelques éléments de réponse.

Madame le rapporteur, j’ai noté que vous vous étiez félicitée de l’augmentation des visas de circulation. Ce thème a également été repris par M. Yung et vos propos apportent presque une réponse aux interrogations de ce dernier : il y a bien, effectivement, une augmentation importante des visas de circulation.

Mme le rapporteur a posé une question relative au Conseil de modernisation des politiques publiques : il est vrai que ce dernier a demandé que soient examinées les modalités d’intervention géographiques et sectorielles. La réflexion est en cours, car le problème est complexe : il est encore un peu tôt pour annoncer quelle sera la traduction de ces recommandations pour chacun des pays de la zone de solidarité prioritaire. Le Gouvernement a pris des engagements, et ils seront respectés ; vous connaissez son attachement à cette zone de solidarité prioritaire.

Pour répondre à M. Yung, les métiers qualifiés ne sont pas les seuls concernés par ces accords. Il suffit de lire les listes, notamment pour le Sénégal ou la Tunisie, pour constater que de nombreux métiers y figurent. Vous avez également regretté, monsieur le sénateur, que les visas de circulation ne soient pas attribués en nombre suffisant. Le Gouvernement partage cette appréciation ; c’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles ces accords sont conclus. Nous pouvons d’ores et déjà constater une hausse relativement importante : pour prendre à nouveau l’exemple du Sénégal, le taux de délivrance des visas de circulation est passé de 15 % en 2004 à 22 % en novembre 2007.

Madame Assassi, vous avez employé le terme « chantage » ; le mot est un peu fort ! C’est tout le contraire : dans un grand nombre de cas, après avoir, il est vrai, suscité quelques inquiétudes, ces accords ont finalement été sollicités par bon nombre de pays avec lesquels Brice Hortefeux est entré en discussion. Je vous fais grâce de tous les commentaires positifs qui me sont parvenus à la suite des entretiens et des négociations conduits par mon collègue avec les chefs d’États africains : les observateurs s’accordent à dire que cette politique est aujourd’hui acceptée par les pays de départ, qui y trouvent très souvent une contrepartie intéressante. Nous ne menons donc pas une politique à sens unique.

Le ministère de l’immigration, malgré une équipe restreinte de dix personnes, a mené quasiment à terme plus de cent vingt projets concernant vingt-trois pays qui sont une source d’immigration. Sept accords de gestion concertée ont été conclus, madame le rapporteur, avec le Gabon, le Congo, le Bénin, le Sénégal, la Tunisie, l’île Maurice et le Cap-Vert. D’autres accords sont en discussion et seront rapidement soumis au Parlement pour ratification.

Mme Boumediene-Thiery a regretté que le nombre de cartes « compétences et talents » accordées soit encore insuffisant.

Debut de section - Permalien
Alain Joyandet, secrétaire d’État

Madame la sénatrice, les accords que nous soumettons aujourd’hui à la Haute Assemblée ne peuvent évidemment pas encore être techniquement mis en application ! Une fois qu’ils auront été ratifiés, nous pourrons engager les procédures et je suis persuadé que les résultats seront alors bien meilleurs.

Debut de section - Permalien
Alain Joyandet, secrétaire d’État

En conclusion, il est peut-être intéressant que ce soit le secrétaire d’État chargé de la coopération qui vous soumette aujourd’hui ces accords, lesquels sont traditionnellement présentés par le ministère des affaires étrangères : je peux ainsi vous apporter un témoignage positif. Car, comme Brice Hortefeux, je parcours l’Afrique pour traiter de sujets relatifs au développement et à la coopération et je peux vous assurer de l’acceptation de cette nouvelle politique de gestion des flux migratoires et de développement.

Il n’existe pas de lien direct entre la gestion des flux migratoires et la mise en œuvre de notre politique de développement. Je tiens à rassurer complètement Mme Tasca : notre zone de solidarité prioritaire demeure prioritaire.

L’affectation des moyens de notre politique de développement n’est pas subordonnée à l’acceptation de contrats d’immigration par tel ou tel pays de départ. Cela dit, nous ne pouvons pas aborder la question du développement sans parler de la gestion des flux migratoires, et vice versa : les deux phénomènes sont totalement liés. Si nous accentuons nos politiques de développement, nous aurons nécessairement moins de problèmes de migrations, puisque ceux qui choisissent d’émigrer le font non pas par plaisir, mais parce que leur pays connaît des difficultés de développement.

Debut de section - Permalien
Alain Joyandet, secrétaire d’État

M. Alain Joyandet, secrétaire d’État. Donc, mesdames, messieurs les sénateurs, je travaille d’un commun accord avec le ministre de l’immigration. J’insiste d’ailleurs sur le fait que nous sommes venus ensemble, avec Brice Hortefeux, présenter ces accords devant vos commissions, car nos politiques ne sont pas opposées : elles sont complémentaires et reflètent bien la cohérence de l’approche du Président de la République et du Gouvernement de ces problèmes de l’immigration et du développement.

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale commune ?...

La discussion générale commune est close.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Nous passons à la discussion de l’article unique du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Bénin relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement.

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Bénin relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement (ensemble cinq annexes), signé à Cotonou le 28 novembre 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l’article unique du projet de loi.

Je suis saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Exclamations sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

Il est procédé au comptage des votes.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 62 :

Le Sénat a adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Nous passons à la discussion de l’article unique du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Congo relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement.

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Congo relatif à la gestion concertée des flux migratoires et au codéveloppement (ensemble quatre annexes), signé à Brazzaville le 25 octobre 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l’article unique du projet de loi.

Le projet de loi est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Nous passons à la discussion de l’article unique du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal et de son avenant.

Est autorisée l’approbation de l’accord relatif à la gestion concertée des flux migratoires entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal (ensemble trois annexes et une déclaration), signé à Dakar le 23 septembre 2006, et de l’avenant (ensemble deux annexes), signé à Dakar le 25 février 2008, et dont les textes sont annexés à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l’article unique du projet de loi.

Le projet de loi est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Nous passons à la discussion de l’article unique du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire, du protocole relatif à la gestion concertée des migrations et du protocole en matière de développement solidaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne.

Est autorisée l’approbation de l’accord-cadre entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire, du protocole relatif à la gestion concertée des migrations (ensemble deux annexes) et du protocole en matière de développement solidaire (ensemble trois annexes), signés à Tunis le 28 avril 2008, et dont les textes sont annexés à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Personne ne demande la parole ?...

Je mets aux voix l’article unique du projet de loi.

Le projet de loi est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle l’examen de six projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l’approbation de conventions internationales.

Pour ces six projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure simplifiée.

Je vais donc les mettre successivement aux voix.

Est autorisée la ratification de l’accord de partenariat et de coopération établissant un partenariat entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la République du Tadjikistan, d’autre part (ensemble quatre annexes, un protocole et un acte final), et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je mets aux voix l’article unique du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de l’accord de partenariat et de coopération entre les Communautés européennes et leurs États membres, d’une part, et la République du Tadjikistan, d’autre part (nos 37 et 126).

Le projet de loi est adopté définitivement.

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil relatif à la coopération dans le domaine de la défense et au statut de leurs forces, signé à Paris le 29 janvier 2008, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je mets aux voix l’article unique du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation d’un accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République fédérative du Brésil relatif à la coopération dans le domaine de la défense et au statut de leurs forces (nos 122 et 128).

Le projet de loi est adopté définitivement.

Est autorisée l'approbation de la déclaration de certains Gouvernements européens relative à la phase d'exploitation des lanceurs Ariane, Vega et Soyouz au Centre spatial guyanais (CSG), adoptée à Paris le 30 mars 2007, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je mets aux voix l’article unique du projet de loi autorisant l’approbation de la déclaration de certains gouvernements européens relative à la phase d’exploitation des lanceurs Ariane, Vega et Soyouz au Centre spatial guyanais (nos 89 et 127).

Le projet de loi est adopté.

Est autorisée l'approbation du protocole portant amendement de l'accord entre le Gouvernement français et l'Agence spatiale européenne relatif au Centre spatial guyanais (CSG), signé à Paris le 12 décembre 2006, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je mets aux voix l’article unique du projet de loi autorisant l’approbation du protocole portant amendement de l’accord entre le Gouvernement français et l’Agence spatiale européenne relatif au Centre spatial guyanais (CSG) (nos 90 et 127).

Le projet de loi est adopté.

Est autorisée la ratification de l’accord entre la République française et le Royaume d’Espagne relatif au bureau à contrôles nationaux juxtaposés de Biriatou, signé à Madrid le 13 novembre 2006, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je mets aux voix l’article unique constituant l’ensemble du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant la ratification de l’accord entre la République française et le Royaume d’Espagne relatif au bureau à contrôles nationaux juxtaposés de Biriatou (nos 35 et 124).

Le projet de loi est adopté définitivement.

Est autorisée l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la création de bureaux à contrôles nationaux juxtaposés en gares de Pontarlier et de Vallorbe, signées à Paris le 12 septembre 2002 et le 30 avril 2003, et dont le texte est annexé à la présente loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je mets aux voix l’article unique du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, autorisant l’approbation de l’accord sous forme d’échange de lettres entre le Gouvernement de la République française et le Conseil fédéral suisse relatif à la création de bureaux à contrôles nationaux juxtaposés en gares de Pontarlier et de Vallorbe (nos 36 et 125).

Le projet de loi est adopté définitivement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Je vous rappelle que la conférence des présidents avait inscrit à notre ordre du jour la désignation des vingt-cinq membres de l’Observatoire de la décentralisation.

Le délai limite pour le dépôt des candidatures avait été fixé aujourd’hui à seize heures trente.

Je constate que trois groupes n’ont pas déposé leurs candidatures.

Je vous propose donc de reporter la désignation des membres de l’Observatoire de la décentralisation à une date ultérieure qui sera fixée par la conférence des présidents.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Je rappelle que la commission des finances a proposé deux candidatures pour un organisme extraparlementaire.

La présidence n’a reçu aucune opposition dans le délai d’une heure prévu par l’article 9 du règlement.

En conséquence, ces candidatures sont ratifiées et je proclame Mme Marie-France Beaufils et M. Bernard Vera respectivement membre titulaire et membre suppléant du Comité central d’enquête sur le coût et le rendement des services publics.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

L’ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d’urgence, du projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie nationale (nos 499, 2007–2008, 66 et 67).

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. Didier Boulaud, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l’article 37, alinéa 1, du règlement du Sénat : « La parole est accordée aux ministres – ce terme est au pluriel –, aux présidents et aux rapporteurs des commissions intéressées quand ils la demandent ».

Or le ministre de la défense ne participera pas au débat qui s’annonce. Nous aurions pourtant souhaité l’entendre car, à l’heure où je vous parle, mes chers collègues, il est encore et toujours le ministre de tutelle de la gendarmerie nationale. Nous nous étonnons de son absence pour une discussion aussi importante et nous la regrettons.

Les gendarmes apprécieront la façon dont le ministre les aura laissés en rase campagne pour un texte qui les concerne d’aussi près.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Je vous donne acte de votre rappel au règlement, monsieur Boulaud.

Nous avons cependant la chance de bénéficier de la présence de Mme la ministre de l’intérieur, qui a une connaissance parfaite du ministère de la défense, et qui honore habituellement de sa présence, je suis heureux de le souligner, la séance de questions orales du mardi de la Haute Assemblée, ce qui n’est pas le cas de tous les ministres.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, les évènements de ce jour soulignent les exigences de sécurité au service de la protection de nos concitoyens.

Ce matin, à la suite d’une revendication adressée à l’Agence France-presse, des bâtons de dynamite ont été découverts dans un grand magasin. Heureusement, ils ne contenaient pas d’éléments susceptibles de produire une détonation. Mais ce fait est évidemment préoccupant.

La revendication provient d’un groupe inconnu de tous nos services de sécurité. Les forces de l’ordre sont immédiatement intervenues. Ainsi, avec une très grande réactivité, elles ont mis en place un cordon de sécurité bloquant les rues adjacentes et procédé à l’évacuation des personnes qui se trouvaient à l’intérieur de ce grand magasin et qui, bien sûr, étaient particulièrement nombreuses quelques jours avant Noël. Elles ont ensuite effectué les perquisitions nécessaires, qui ont permis la découverte de la charge.

L’enquête est évidemment en cours pour tenter de déterminer l’origine de ces bâtons de dynamite et identifier les auteurs du dépôt et de la revendication, en vue de leur interpellation et de leur traduction devant la justice.

Par ailleurs, compte tenu de la période sensible que nous traversons, j’ai décidé de renforcer les effectifs employés à la sécurisation de Paris et des grandes villes de province. Dès demain, je tiendrai une réunion consacrée à la sécurité durant cette période, avec les services de police et de gendarmerie, les services de renseignements, les services de sécurité de la RATP, de la SNCF, des grands magasins et d’Aéroports de Paris.

Nous devons faire preuve de prudence et de sérénité, mais il nous faut aussi être vigilants et déterminés. C’est ce que nous faisons chaque fois que la sécurité de nos concitoyens est en jeu.

Cela a un rapport très direct avec le projet de loi que j’ai l’honneur de présenter à la Haute Assemblée aujourd’hui et qui organise le rattachement organique et budgétaire de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur.

Je n’ai pas besoin de le préciser, surtout ici, la gendarmerie est une force armée, chargée de la sûreté et de la sécurité publiques. Elle l’est aujourd’hui ; elle le restera demain.

Depuis la loi du 28 germinal an VI, aucune loi n’a été adoptée sur le statut et les missions de la gendarmerie nationale.

Pour la première fois dans l’histoire de notre République, les deux forces de sécurité, civile et militaire, seront placées sous la responsabilité pleine et entière du ministre de l’intérieur, même si, depuis 2002, la gendarmerie est déjà placée pour emploi, pour ses missions sur le territoire, sous la responsabilité du ministre de l’intérieur.

Ce rattachement est important au moment où je souhaite constituer un grand ministère moderne de la sécurité, au service de la protection des Français. La gendarmerie nationale doit y tenir toute sa place. Le projet de loi vise à lui donner les moyens de participer pleinement à la mise en place de ce grand ministère. Il répond ainsi à une exigence de modernisation et d’efficacité. Dans le même temps, il conforte l’identité militaire de la gendarmerie, car c’est aussi une condition de cette modernisation et de cette efficacité.

Le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur est logique.

Premièrement, l’environnement de la sécurité intérieure se modifiant, l’organisation de celle-ci doit évoluer.

Le poids des missions de sécurité intérieure de la gendarmerie a justifié son rattachement pour emploi au ministère de l’intérieur en 2002. Aujourd’hui, il faut aller au bout de la démarche.

Vous l’avez souvent souligné au sein de la Haute Assemblée, la séparation entre les missions et les moyens nécessaires à leur exécution se révèle artificielle. Confier le budget au responsable de l’emploi constitue une exigence de rationalité et d’efficacité.

D’ailleurs, l’esprit de la LOLF et, temporairement, les contraintes budgétaires imposent plus que jamais la cohérence des actions de l’État. Que la mission « Sécurité » dépende du ministre de l’intérieur au travers des deux programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » est donc logique et nous fera progresser. En effet, les mutualisations et regroupements de marchés, facilités par le rapprochement en matière de gestion des moyens, nous permettront d’améliorer à la fois les coûts et l’interopérabilité entre les forces de la police nationale et de la gendarmerie nationale.

Deuxièmement, le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur permettra de moderniser un certain nombre de procédures qui, parfois, datent du XIXe siècle.

Il en va ainsi de l’abandon de la procédure de réquisition pour l’engagement des unités de gendarmerie au maintien de l’ordre. Permettez-moi d’insister un peu sur ce point, qui, je le sais, a fait débat, notamment au sein de vos commissions.

Je rappelle que la réquisition permet à l’autorité civile d’obtenir la mise en œuvre de moyens dont elle ne dispose pas normalement, notamment les forces armées pour le maintien de l’ordre. C’est un héritage de la Révolution qui a été ensuite transcrit dans le code de la défense.

Mais dès lors que la gendarmerie est placée sous l’autorité du ministre de l’intérieur, cette procédure formelle n’a plus lieu d’être, quand bien même la gendarmerie reste une force militaire. Il serait quand même assez peu cohérent que le ministre soit contraint de requérir une force dont il dispose.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Non, la gendarmerie ne perd pas son statut !

Cela ne veut pas dire que tout formalisme disparaît. Personne n’imagine, par exemple, que, pour l’emploi des véhicules blindés, l’autorisation du Premier ministre, ou par délégation celle du préfet de zone, puisse être supprimée ; il n’en est pas question ! Dès lors que des moyens importants existent, cela se fait tout naturellement.

Mais il faut aussi faire preuve d’un minimum de logique. D'ailleurs, vos commissions ont accepté le principe de l’abandon de la réquisition. Un dispositif réglementaire, à leur demande, permettra toutefois d’encadrer le recours à des moyens militaires spécifiques, qui sont des moyens lourds, ou à l’usage des armes les plus significatives en cas de besoin.

Le maintien de l’ordre public, nous le savons tous, exige de la maîtrise, du sang-froid, de la mesure, de la retenue. C’est d'ailleurs l’une des caractéristiques des forces de l’ordre françaises et l’une des raisons pour lesquelles nous servons souvent de référence et d’exemple à l’étranger. Cela est vrai des forces déployées sur le terrain, de leurs chefs et des autorités civiles.

Gendarmes et policiers sont formés, préparés, entraînés dans cet état d’esprit. À comparer la façon dont sont gérés des événements similaires chez un certain nombre de nos voisins, qu’il s’agisse des États-Unis ou d’autres grands pays, on voit bien la différence et le rôle que joue la formation.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Mais oui, et j’en suis fière ! De temps en temps, il faut savoir dire que nous sommes les meilleurs parce que c’est reconnaître à leur juste valeur les qualités des policiers et des gendarmes français.

Applaudissementssur les travées de l’UMP et de l’Union centriste.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Soyons lucides : malgré cette maîtrise, nous ne sommes pas à l’abri d’un incident grave. C’est la raison pour laquelle je prépare aussi, parce que je veux que les choses soient claires, une instruction permanente sur le maintien de l’ordre garantissant la traçabilité des ordres donnés en toutes circonstances : je veux savoir qui fait quoi !

Je souhaite aussi, et les responsables le savent, chaque fois que des opérations lourdes sont menées, que des films soient tournés en permanence parce que j’en ai assez que soient diffusées des images enregistrées à partir de téléphones portables et qui ne montrent que ce que l’on veut bien montrer.

MM. Robert del Picchia et M. Alain Gournac approuvent également.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Cela évitera un certain nombre de polémiques stériles qui mettent injustement en cause les forces de l’ordre, en oubliant trop souvent les provocations dont elles sont préalablement l’objet.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Un autre élément de modernisation concerne l’articulation claire de l’autorité du préfet et du commandement militaire. Là aussi, je le sais, cette question a suscité un certain nombre de débats au sein de vos commissions et j’ai d'ailleurs eu l’occasion d’apporter des réponses.

Je rappellerai simplement que, depuis six ans, sans que m’ait été transmis, ni comme ministre de la défense ni comme ministre de l’intérieur, aucun signe de difficulté, cette articulation entre l’action du préfet et celle du commandement militaire des gendarmes s’est déroulée sur le terrain en de nombreuses occasions.

Aujourd'hui, l’autorité du représentant de l’État s’exerce déjà sur les services de police, bien sûr, et sur les unités de gendarmerie. Le préfet fixe les missions, c’est la moindre des choses. La hiérarchie militaire de la gendarmerie détermine, elle, les moyens opérationnels d’organisation et d’exécution de la mission, puis le commandement rend compte de l’exécution de ces missions et des résultats obtenus au préfet.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

C’est ce qui se passe et c’est ce que nous inscrivons dans la loi.

Ni le préfet ni ses collaborateurs n’ont à s’immiscer dans le détail de l’organisation ou de l’exécution du service. D'ailleurs, ils n’ont pas la formation requise, la plupart du temps, sauf lorsqu’il s’agit de préfets issus de la gendarmerie ; il y en a un certain nombre.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Mesdames, messieurs les sénateurs, s’il y a modernisation, il doit aussi y avoir, et d’une façon déterminée, maintien d’un certain nombre de principes.

L’un de ces principes, auquel je suis attachée – vous le savez tous pour m’avoir souvent entendu l’affirmer au cours de ces dernières années –, c’est que la gendarmerie est l’un des piliers de la République. En confortant son identité militaire, le projet de loi réaffirme sa place au cœur de notre pacte républicain. En effet, je le répète une nouvelle fois, car c’est ma conviction profonde, la France a besoin d’une force de sécurité à statut militaire. §

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Et là, nous avons les bases de la démocratie et de la République.

Héritière d’une longue histoire, la gendarmerie a toujours su démontrer sa capacité d’adaptation grâce, notamment, à l’éventail de ses savoir-faire, qui est l’une de ses caractéristiques, et à ses compétences.

La gendarmerie assure et doit continuer d’assurer la couverture du territoire national, aussi bien en métropole qu’outre-mer. Elle sait allier les modes d’action militaire et l’exercice de la police administrative et judiciaire, dans des conditions parfois difficiles. Elle le démontre et je pense que nous pouvons tous saluer ce qui se fait en Guyane dans la lutte contre l’orpaillage.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Louis Carrère

C’est ce que vous faites que l’on ne salue pas !

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Je parle de ce que font les gendarmes ! Je considère qu’ils doivent en être remerciés, parce qu’ils travaillent dans des conditions particulièrement ardues et qu’ils essuient régulièrement des coups de feu.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

La gendarmerie sait aussi se mobiliser à tout moment, en temps de paix, en temps de crise, voire en temps de guerre. Sa présence au sein de la mission de l’Union européenne en Géorgie, au Kosovo, en Côte d’Ivoire, notamment, en est l’illustration.

C’est autour d’elle que j’ai pu créer la force européenne de gendarmerie, qui est un outil de gestion de crise ou de sortie de crise sans équivalent, et cela a entraîné l’adhésion de nos vingt-sept partenaires.

La gendarmerie est, ne l’oublions jamais, une condition d’effectivité de la démocratie dans sa traduction quotidienne. Son encadrement, ses valeurs, son esprit de discipline lui dictent le strict respect des droits de la personne humaine en toutes circonstances ; je l’ai souvent constaté.

Elle garantit aux magistrats le libre choix dans l’exercice de la police judiciaire, et cela aussi est une base de notre démocratie.

Elle assure la continuité de l’État sur tous les territoires de la République.

L’équilibre entre police et gendarmerie est le corollaire de cette double participation à la protection de nos concitoyens.

Il n’est pas question d’aller vers une fusion de la police et de la gendarmerie, …

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

…je le dis très clairement ici, …

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

En tant que ministre de la défense, vous aviez assuré que la gendarmerie ne serait jamais rattachée au ministère de l’intérieur !

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

… et j’espère que tout le monde partage ce point de vue.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Ce sera d'ailleurs, au-delà de ma personne, la garantie pour les gendarmes qu’ils conserveront toujours leur statut militaire. J’attends donc que, sur ce point, vous soyez unanimes, mesdames, messieurs les sénateurs. Sinon, cela laisserait entendre que vous avez derrière la tête d’autres idées, qui sont radicalement opposées aux miennes en la matière.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Il n’est pas question, je le répète, de fusion entre la police et la gendarmerie. Le Président de la République l’a affirmé : chacune de ces institutions a sa culture, son histoire, son identité et la différence des statuts est un atout pour notre pays.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Dans le même temps, l’équilibre doit être respecté entre la police et la gendarmerie.

L’équilibre, c’est la complémentarité des missions, qu’il s’agisse de la police judiciaire, de l'ordre public, du renseignement ou de l’international.

L’équilibre, c’est également le respect des zones de compétence. Il n’est pas question de détourner les effectifs de la gendarmerie pour renforcer au quotidien la police nationale dans sa zone de compétence, …

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

… ce qui n’empêche pas, en tant que de besoin, que policiers et gendarmes puissent se prêter main-forte, comme ils le font déjà dans des circonstances exceptionnelles.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

L’équilibre, enfin, est lié à la parité de traitement dans le respect des différences de statut. C’est également un point auquel je suis attachée et j’ai mis les structures en place pour que cette parité soit assurée, dans le respect des spécificités statutaires.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

À ce propos, je constate qu’il n’y a que des hommes sur les travées socialistes ; il faudrait peut-être faire un petit effort…

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Excusez-moi ! Un sur six : au-delà, ils auraient sans doute peur !

Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Boulaud

La parité, c’est nous qui l’avons instituée !

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

En attendant, c’est moi qui suis ici ! Vous n’avez pas fait la même chose !

Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi qui vous est soumis conforte le statut militaire de la gendarmerie.

Il définit la gendarmerie comme une force armée, instituée pour veiller à la sûreté et à la sécurité publique.

Il fixe ses missions, en rappelant qu’elle participe à la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la nation.

Il répartit les attributions des ministres de l’intérieur, de la défense et de l’autorité judiciaire, en soulignant celles du ministre de la défense, en particulier pour l’exécution des missions militaires.

Il précise les sujétions et obligations imposées aux officiers et sous-officiers en matière d’emploi et de logement en caserne. Il renforce ainsi la capacité de la gendarmerie nationale à assurer ses missions à tout moment et en tout lieu de sa zone de compétence.

Plusieurs mesures découlent d'ailleurs de ces dispositions.

D’abord, le recrutement dans les grandes écoles militaires…

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

… contribue à former des gendarmes qui reçoivent les bases de l’éthique et du savoir-faire propre à la gendarmerie. Ce recrutement dans les grandes écoles militaires sera maintenu, contrairement à ce que certains de vos amis avaient prévu, …

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

…puisque les gendarmes échappaient, si je puis dire, pour leur formation, aux grandes écoles militaires. Je pense que c’était une erreur.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Je l’ai rectifiée en inscrivant cette disposition dans le projet de loi de façon que personne, en particulier sur les travées de la gauche, ne puisse revenir sur ce sujet.

Par ailleurs, la participation aux opérations extérieures permettra aux militaires de la gendarmerie de cultiver les valeurs militaires et de renforcer leurs liens avec leurs camarades des armées.

Enfin, la défense continuera d’assurer une partie des soutiens, qu’il s’agisse de la santé – le service de santé des armées restera compétent pour les militaires de la gendarmerie –, du paiement de la solde ou du transport opérationnel.

J’ai passé avec le ministre de la défense trente conventions qui, dans trente domaines différents, perpétuent le soutien du ministère de la défense aux militaires de la gendarmerie.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

La concertation dans la gendarmerie restera soumise aux règles en vigueur au sein de la défense. Le ministre de l’intérieur sera toutefois appelé à coprésider le Conseil de la fonction militaire de la gendarmerie nationale.

En conséquence, la création de groupements professionnels demeurera bien entendu proscrite, car elle n’est ni souhaitable ni nécessaire : le statut militaire, que j’ai modifié en 2005, garantit aux militaires une très large liberté d’expression. Il est hors de question que les militaires puissent se regrouper en syndicats.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi soumis à votre examen repose sur une vision exigeante de la protection des Français, une vision moderne, soucieuse d’adapter l’architecture de notre sécurité intérieure aux nombreux défis du XXIe siècle, une vision pragmatique, consciente des atouts d’une force militaire de sécurité pour notre action quotidienne sur le terrain, une vision ambitieuse, fondée sur l’efficacité, la coordination et la réactivité des deux forces de sécurité, au service des citoyens.

Cette vision est la mienne et celle du Gouvernement. C’est aussi celle, j’en ai la conviction, des membres de la Haute Assemblée.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Les militaires de la gendarmerie, qui savent votre soutien et votre détermination, vous remercieront de la partager.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Faure

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j’indiquerai en préambule dans quel état d’esprit nous avons abordé l’examen de ce projet de loi : ce qui a prévalu pour nous, au-delà des intérêts de la gendarmerie, de la police, du ministère de l’intérieur ou du ministère chargé des finances, c’est le service des Français.

Nous sommes sensibles au fait que le Sénat soit saisi en premier de ce projet de loi, qui présente un caractère historique. En effet, depuis la loi du 28 germinal an VI, soit depuis 1798, aucune loi sur l’organisation et les missions de la gendarmerie n’avait été adoptée. Les règles régissant le statut et les missions de la gendarmerie nationale reposent sur un simple décret datant de 1903.

Au-delà de son caractère historique, ce projet de loi comporte des innovations majeures.

Ainsi, il organise le transfert de la tutelle organique de la gendarmerie au ministère de l’intérieur, conformément à la volonté exprimée par le Président de la République dans son discours du 29 novembre 2007. Cette mesure constitue une profonde réforme pour une institution placée depuis l’origine sous l’autorité du ministre de la défense.

Avant même l’annonce de cette réforme, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées avait décidé de constituer en son sein un groupe de travail chargé de réfléchir à l’avenir de l’organisation de la gendarmerie.

Ce groupe de travail, que j’ai eu l’honneur de présider, était composé de nos collègues Michèle Demessine, Hubert Haenel, Philippe Madrelle, Charles Pasqua, Yves Pozzo di Borgo et André Rouvière.

De décembre 2007 à mars 2008, notre groupe de travail a procédé à de nombreuses auditions et à plusieurs déplacements sur le terrain.

À l’issue de nos travaux, nous avons présenté dix-sept recommandations, qui ont été adoptées à l’unanimité par la commission et publiées dans un rapport d’information en avril dernier.

Pour l’examen du projet de loi, je me suis fondé sur ces recommandations.

J’ai également entendu une quinzaine de personnalités, dont les représentants des différents ministères, mais aussi des anciens directeurs généraux et des officiers de gendarmerie, des préfets, des magistrats et des représentants d’associations de retraités.

J’ai voulu m’inspirer d’une phrase figurant dans le préambule du décret du 20 mai 1903 : il faut « bien définir la part d’action que chaque département ministériel peut exercer sur la gendarmerie, afin de sauvegarder cette arme contre les exigences qui ne pouvaient trouver leur prétexte que dans l’élasticité ou l’obscurité de quelques articles ».

À l’issue de ces travaux, j’ai proposé dix-huit amendements, qui ont tous été adoptés par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

À cet égard, je voudrais saluer ici le travail mené en commun, marqué par une grande convergence de vues, avec la commission des lois, son président et son rapporteur pour avis, notre collègue Jean-Patrick Courtois. La plupart des amendements adoptés par nos deux commissions sont, en effet, très proches ou complémentaires.

Quelles sont les principales préoccupations qui ressortent de ces amendements ?

Comme vous l’avez rappelé, madame la ministre, lors de votre audition devant nos deux commissions, ce rattachement constitue moins une rupture que l’aboutissement d’une évolution commencée en 2002.

En effet, depuis un décret du 15 mai 2002, la gendarmerie nationale est placée pour emploi auprès du ministre de l’intérieur pour l’exercice de ses missions de sécurité intérieure.

Plus récemment, en 2007, a été établie une responsabilité conjointe du ministre de l’intérieur et du ministre de la défense concernant la définition des moyens budgétaires de la gendarmerie et de son suivi.

On peut donc dire que la gendarmerie dépend déjà largement aujourd’hui du ministre de l’intérieur.

Toutefois, le système actuel est bancal, car le ministère de l’intérieur est responsable de l’emploi de la gendarmerie, mais ne dispose pas des deux leviers importants que sont le budget et la gestion des carrières, qui continuent de relever du ministre de la défense.

Le rattachement de la gendarmerie au ministre de l’intérieur permettra de réaliser l’unicité de commandement et de renforcer la coopération entre la police et la gendarmerie en matière de lutte contre la criminalité, et ainsi d’améliorer la protection des Français. Rappelons que les missions de sécurité intérieure représentent actuellement 95 % de l’activité de la gendarmerie, et ses missions militaires seulement 5 %.

Ce rapprochement permettra aussi de développer les mutualisations et les synergies de moyens entre les deux forces. Ainsi, les hélicoptères de la gendarmerie pourront être engagés au profit des deux forces, ce qui évitera de créer une deuxième flotte très coûteuse.

De même, la mutualisation pourra être développée, notamment pour l’achat des équipements, le soutien logistique ou encore les systèmes d’information et de communication. Ce rapprochement favorisera donc les économies d’échelle et sera source d’économies pour les contribuables.

Le rattachement de la gendarmerie nationale au ministre de l’intérieur ne doit pas entraîner, vous l’avez solennellement rappelé, madame la ministre, la disparition de son statut militaire et sa fusion avec la police.

La dualité des forces de sécurité, l’une, la police nationale, étant à statut civil, l’autre, la gendarmerie nationale, à statut militaire, n’est pas seulement un héritage historique. Ce principe constitue aussi une garantie pour l’État républicain et pour les citoyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Faure

Comme l’a rappelé le Président de la République, « nous avons besoin dans notre pays d’une force de sécurité à statut militaire capable de faire face à des situations de crise, en métropole, outre-mer ou sur les théâtres d’opérations extérieures ».

Ce principe n’est pas remis en cause par le projet de loi, qui préserve le statut militaire de la gendarmerie nationale : tout en étant placée sous l’autorité du ministre de l’intérieur, elle restera une « force armée ».

Pour ses missions militaires, la gendarmerie sera placée sous l’autorité du ministre de la défense, qui restera également compétent en matière de discipline. Les officiers et sous-officiers de gendarmerie demeureront donc des militaires, soumis au statut général de ces derniers. Afin de garantir la parité globale de traitement avec les policiers, ils disposeront d’une grille indiciaire spécifique.

Les amendements présentés au nom de la commission visent principalement à préserver le statut militaire de la gendarmerie, à conforter ses missions et son ancrage territorial.

Nous avons ainsi proposé de récrire l’article du projet de loi relatif aux missions de la gendarmerie, afin notamment de rappeler la vocation première de celle-ci : veiller à l’exécution des lois et assurer l’ordre et la sécurité publique dans les zones rurales et périurbaines.

Nos amendements visent également à assurer un équilibre entre l’efficacité de l’action en matière de lutte contre la criminalité et le respect des libertés publiques.

C’est la raison pour laquelle, tout en approuvant la suppression de la procédure de réquisition pour l’emploi de la gendarmerie au maintien de l’ordre, il nous a semblé indispensable de maintenir un minimum de formalisme pour l’utilisation des moyens militaires, comme les véhicules blindés, et pour l’usage des armes de certaines catégories, tant par les gendarmes que par les policiers.

Personne n’imagine, en effet, que des véhicules blindés puissent être employés pour le maintien de l’ordre sans l’ordre écrit de l’autorité politique.

Afin de préserver le dualisme policier, nous avons également souhaité rappeler le rôle essentiel joué par la gendarmerie en matière de police judiciaire et inscrire dans la partie législative du code de procédure pénale le principe du libre choix du service enquêteur.

Ce principe, qui permet aux magistrats de ne pas dépendre d’un seul service pour réaliser leurs enquêtes, constitue en effet une garantie fondamentale d’indépendance de l’autorité judiciaire.

Enfin, il nous a semblé utile d’inscrire dans ce projet de loi l’obligation du logement en caserne, qui participe de la disponibilité et de la proximité des gendarmes avec la population et les élus locaux.

Je sais, madame la ministre, que nous avons une divergence de vues avec le Gouvernement sur l’un de ces amendements, relatif à l’autorité des préfets sur les commandants locaux de gendarmerie.

Entendons-nous bien : il ne s’agit pas pour nous de remettre en cause le rôle de direction et de coordination du préfet, représentant de l’État dans le département en matière de sécurité.

Nos préoccupations portent sur le respect du principe hiérarchique, qui est consubstantiel au statut militaire, et sur le respect des zones de compétence respectives de la police et de la gendarmerie.

Ne risque-t-on pas, en effet, d’en venir à ce que les gendarmes soient appelés en renfort des policiers dans les grandes agglomérations, au détriment du maintien de la sécurité dans les zones rurales et périurbaines, qui constitue pourtant leur vocation première ?

Je ne doute pas que nous parviendrons à trouver une formulation qui réponde à ces préoccupations.

Enfin, le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur pose la question de la coexistence d’une force armée telle que la gendarmerie et d’une force de police nationale où le syndicalisme est reconnu.

Dès lors que les gendarmes et les policiers seront placés sous une tutelle unique, comment éviter que ne s’expriment des revendications accrues tendant à un alignement des deux statuts, ce qui aboutirait inévitablement à un effacement du statut militaire de la gendarmerie et à la fusion de celle-ci avec la police ?

Madame la ministre, vous l’avez clairement rappelé : le syndicalisme est par nature incompatible avec le statut militaire. La gendarmerie doit donc continuer de relever des instances de concertation propres aux armées.

Toutefois, il paraît nécessaire de définir de nouvelles modalités de participation du ministère de la défense aux instances de concertation de la gendarmerie. Les règles relatives au fonctionnement des instances de concertation relevant, pour l’essentiel, du domaine réglementaire, nous n’avons pas souhaité modifier le projet de loi sur ce point.

Je crois cependant utile, madame la ministre, que vous nous indiquiez quelles mesures seront prises pour assurer la coexistence harmonieuse des deux forces au sein de votre ministère.

La principale force de la gendarmerie, ce sont ces femmes et ces hommes qui témoignent quotidiennement, par leur disponibilité, leur dévouement, leur sacrifice parfois, de leur engagement au service de la population.

Au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, je veux leur témoigner ici notre reconnaissance pour leur action au service de la sécurité des Français.

Sous réserve de l’adoption des amendements que j’ai évoqués, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées vous propose, mes chers collègues, d’adopter ce projet de loi.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement a adopté et déposé en premier lieu sur le bureau du Sénat – il convient de le souligner – le projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie nationale.

Conformément à la demande formulée par le Président de la République dans son discours du 29 novembre 2007, ce projet de loi organise le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur.

Ce rattachement organique est l’aboutissement logique d’une évolution entamée en 2002 avec le placement de la gendarmerie pour emploi auprès de ce même ministère. Il s’accompagne simultanément d’une réaffirmation du statut militaire de la gendarmerie, condition nécessaire au maintien du dualisme « policier » français.

Compte tenu de l’attachement du Sénat au statut militaire de la gendarmerie, ce projet de loi a été renvoyé au fond à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, notre collègue Jean Faure ayant été désigné comme rapporteur. Je tiens à souligner que Jean Faure et moi-même avons travaillé en commun tout au long de l’examen de ce texte, et je voudrais ici le remercier publiquement de sa totale disponibilité et de son écoute.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Les amendements les plus importants adoptés par la commission des lois sont, pour la plupart d’entre eux, identiques à ceux qu’a retenus la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.

Si le projet de loi est un texte court, dont l’objet est bien défini, il faut néanmoins remarquer qu’il s’inscrit dans un ensemble de réformes et de réflexions plus larges qui affectent ou affecteront la gendarmerie.

Je citerai ainsi le rattachement du budget de la gendarmerie au ministre de l’intérieur à compter du 1er janvier 2009, les réflexions pour garantir la parité globale de traitement et de carrière entre policiers et gendarmes, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, qui vise notamment à renforcer le lien entre sécurité intérieure et sécurité extérieure, la future loi de programmation militaire, et, naturellement, la révision générale des politiques publiques, la RGPP.

La gendarmerie se trouve donc à un tournant de son histoire. Il convient de le négocier d’autant mieux que l’existence de deux forces de police, l’une étant à statut militaire, est un atout dont la France ne peut et ne doit pas se priver.

En effet, l’existence de deux forces de sécurité intérieure est une richesse à préserver. La gendarmerie, du fait de sa vocation interministérielle et de sa position à la lisière de différents univers, joue un rôle important d’équilibre.

C’est un moyen pour le Gouvernement de se prémunir contre tout mouvement de contestation ou de grève de l’une des deux forces.

M. Didier Boulaud rit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

C’est aussi une garantie d’indépendance et d’impartialité pour l’autorité judiciaire, qui peut ainsi choisir librement le service de police judiciaire compétent.

En outre, cela crée une émulation entre services enquêteurs et permet, lorsqu’un policier ou un gendarme est mis en cause, de saisir un service enquêteur n’appartenant pas à son corps.

La gendarmerie nationale assure aussi la police judiciaire et la prévôté dans les armées. Ce rôle particulier au sein des forces armées, mais en dehors des armées, explique qu’elle soit qualifiée d’« arme ».

Cette position permet à la gendarmerie de contrôler les armées. À cet égard, elle est indispensable, car les autres solutions ne sont pas satisfaisantes : soit les armées se contrôlent elles-mêmes, soit cette mission incombe à la police nationale, qui ne dispose pas de la culture militaire suffisante.

L’existence de deux forces ayant une organisation et un fonctionnement distincts est également nécessaire pour faire face à des besoins différents.

La police et la gendarmerie sont compétentes sur l’ensemble du territoire de la République, notamment en matière de police judiciaire et de maintien de l’ordre. Elles n’en ont pas moins des zones de compétences privilégiées.

Sur le plan géographique, à la logique de concentration de la population et des unités de la police nationale dans les très grandes agglomérations s’oppose une logique de maîtrise des espaces et des flux pour la gendarmerie nationale. Ces différences commandent le choix de l’organisation et du statut de chaque force.

La maîtrise de 95 % du territoire par la gendarmerie suppose un maillage dense de petites unités très déconcentrées. Une telle organisation requiert une disponibilité totale que seul le statut militaire permet et qui implique le logement en caserne.

Si son utilité n’est pas contestable, le dualisme « policier » doit néanmoins être coordonné et rationalisé pour atteindre son efficacité maximale. Plusieurs écueils doivent être évités : une concurrence exacerbée et des rivalités ; les doublons ; la non-interopérabilité.

Toutefois, il convient de remarquer que ces écueils existent également au sein d’une même force de police ou entre plusieurs forces de police à statut civil : ils ne sont pas spécifiques au dualisme français.

À cet égard, la situation française, qui voit coexister deux forces principales de sécurité intérieure, est relativement concentrée par rapport à celle que connaissent d’autres démocraties comme le Royaume-Uni, les États-Unis ou l’Allemagne, où chaque agglomération ou chaque Land dispose de sa propre force de police.

Tout l’enjeu du projet de loi réside dans cette double exigence : préserver le dualisme et renforcer l’efficacité des deux forces. Je crois, madame le ministre, que, tel qu’il a été amendé par nos commissions, ce texte atteint ces deux objectifs, car il pose les garde-fous nécessaires et ouvre la voie à des coopérations et à des synergies renforcées.

Le projet de loi de finances pour 2009, que nous venons d’examiner, prévoit d’ailleurs de nombreuses mutualisations. Néanmoins, là encore, le souci d’équilibre doit toujours prévaloir. La lutte contre les doublons ou les défauts de coordination, aussi légitime soit-elle, ne doit pas faire perdre de vue les vertus du dualisme.

La mutualisation des moyens ne doit pas être recherchée systématiquement, par principe : en fin de compte, la spécificité des deux forces perdrait sa justification. Sauf exception, la capacité à travailler en commun ne doit pas conduire à fusionner des unités ou services. La concurrence entre deux forces, à la condition qu’elle ne soit pas exacerbée, est aussi un facteur d’efficacité.

Ces remarques valent également pour certaines des fonctions support qui font l’objet des principales mutualisations. À cet égard, je me réjouis par exemple, madame le ministre, que vous ayez confirmé devant la commission des lois que la fusion de l’Institut national de la police scientifique et de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale n’était pas à l’ordre du jour. Il me semble en effet important et même indispensable, dans ce domaine, de conserver deux organismes.

Je ne reviendrai pas sur toutes les dispositions du projet de loi, que mon collègue Jean Faure et vous-même, madame le ministre, avez déjà présentées excellemment. J’insisterai seulement sur l’article 3 du projet de loi, relatif à l’autorité du préfet, qui fait l’objet d’une divergence partielle de points de vue entre les deux commissions.

L’affirmation de manière aussi claire de l’autorité du préfet est importante sur le plan politique, même si l’essentiel du chemin a déjà été parcouru grâce à la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure, qui dispose que le préfet dirige l’action de la police nationale et de la gendarmerie nationale dans le département et que celles-ci doivent lui rendre compte de l’exécution de leurs missions. Lors de votre audition, madame le ministre, vous aviez d’ailleurs déclaré que le projet de loi ne changerait rien à la nature des relations actuelles entre les préfets et la gendarmerie dans les départements.

Dans ces conditions, il est certainement possible de trouver un compromis respectueux du caractère militaire de la gendarmerie et de l’efficacité de l’action de l’État dans le département.

Sous le bénéfice de ces observations et sous réserve de l’adoption des amendements qu’elle a déposés, la commission des lois a émis un avis favorable sur le projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie nationale.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Les contacts qu’elle a établis avec les habitants et leurs élus reposent sur la confiance et une très grande connaissance du milieu et de ses réactions. Ce sont ces liens très particuliers qui, autant que les missions qui lui sont confiées, font l’originalité et la force de la gendarmerie.

Avant même le dépôt du projet de loi que nous examinons aujourd’hui, notre commission avait décidé de constituer en son sein un groupe de travail chargé de réfléchir à l’avenir de l’organisation et des missions de la gendarmerie. Présidé par notre collègue Jean Faure, il s’est attaché à établir un état des lieux minutieux des structures de la gendarmerie, ainsi que des aspirations et des préoccupations de ses membres. Ce travail remarquable, auquel je tiens à rendre hommage, a conduit à la formulation de dix-sept recommandations, qui ont contribué de manière très positive à éclairer notre approche du projet de loi. Je veux également féliciter de la qualité de leurs rapports nos collègues Jean Faure et Jean-Patrick Courtois, qui ont analysé avec beaucoup de soin les dispositions du texte et proposé des amendements qui ne manqueront pas de l’enrichir.

Comme l’a indiqué Mme le ministre lors de son audition devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et la commission des lois réunies, la réforme qui place la gendarmerie sous l’autorité du ministre de l’intérieur constitue un aboutissement et non une rupture.

Cette évolution a commencé lorsque la gendarmerie, par un décret du 15 mai 2002, a été placée, pour emploi et pour l’exercice des missions de sécurité intérieure, auprès du ministre de l’intérieur. Après l’établissement en 2007 d’une responsabilité conjointe du ministère de la défense et du ministère de l’intérieur pour la définition des moyens militaires attribués à la gendarmerie et son suivi, le projet de loi consacre le transfert organique de cette arme et son rattachement budgétaire au ministère de l’intérieur à compter du 1er janvier 2009.

Nous faisons nôtre l’argument selon lequel ce rattachement permettra de réaliser l’unicité de commandement des deux forces de sécurité en renforçant leur coopération et la mutualisation de leurs moyens.

Depuis 2002, d’ailleurs, la gendarmerie et la police coopèrent au sein des groupes d’intervention régionaux, les GIR, dans la lutte contre la délinquance violente et les trafics illicites, ainsi qu’au sein de plusieurs offices, tel l’Office central de lutte contre le travail illégal.

La mutualisation conduira à l’acquisition de matériels communs dans le domaine de l’armement, au rapprochement des fichiers judiciaires dédiés à l’analyse criminelle, à une meilleure interopérabilité des réseaux de communication des deux forces, à la réalisation d’entraînements communs et à l’usage partagé des hélicoptères en cas de nécessité.

On s’est beaucoup interrogé sur les dangers que pourrait constituer, pour les libertés publiques, le fait de placer 249 000 policiers et gendarmes dans la même main.

Certains redoutent qu’une telle concentration n’altère le caractère militaire de la gendarmerie et n’amène celle-ci à aligner ses modes de fonctionnement sur ceux de la police nationale, ce qui, cela a été souligné tout à l’heure, pourrait entraîner certaines dérives. D’autres souhaitent que soient maintenus la dualité de la police judiciaire et le libre choix du service enquêteur par le parquet ou le juge d’instruction. D’autres encore craignent que les revendications des uns ou des autres n’aboutissent à un alignement progressif des statuts respectifs de ces forces.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Notre commission est unanime à vouloir conserver le statut militaire de la gendarmerie, les orateurs qui m’ont précédé y ont déjà insisté. La dualité statutaire des forces de sécurité constitue une garantie contre l’existence d’une « super-police » qui pèserait d’un poids trop lourd dans l’État.

Cependant, le statut militaire suppose que les gendarmes, quelles que puissent être leurs prérogatives, soient soumis aux règles qui régissent les forces armées – toutes les forces armées : la discipline, l’obligation de réserve, l’interdiction d’adhérer à un syndicat ou à un parti politique, l’interdiction de faire grève. Nous ne voulons plus revoir ces manifestations choquantes et inadmissibles au cours desquelles, dans un passé qui n’est pas si éloigné, des personnels en uniforme et en armes se sont permis de huer leur hiérarchie. Je voudrais souligner la contradiction qu’il y a, chez certains, à se déclarer partisans farouches de la dualité des forces de sécurité tout en voulant étendre aux gendarmes le droit syndical et le droit de grève, ce qui conduirait inévitablement à ce statut unique auquel ils prétendent s’opposer !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Comme pour tout corps militaire, l’efficacité et la cohérence de l’action des composantes de la gendarmerie reposent sur le respect de la hiérarchie.

Il est logique que, dans les départements, les forces de sécurité soient placées sous l’autorité du préfet. La loi d’orientation et de programmation pour la sécurité intérieure, la LOPSI, a posé le principe que celui-ci assurait la coordination de l’ensemble des dispositifs de sécurité intérieure. Le décret du 29 avril 2004 est encore plus précis, puisqu’il stipule que le préfet de département a la charge de l’ordre public. Nous ne sommes pas opposés à ce qu’il soit précisé que, dans les départements, la gendarmerie est placée sous l’autorité du préfet, mais notre commission considère comme essentiel que cette prérogative s’exerce dans le respect de la hiérarchie militaire. Il appartient au préfet de département de fixer au commandement du groupement de la gendarmerie départementale ses objectifs et ses missions, mais le choix des moyens et des modalités d’exécution revient exclusivement à celui à qui il incombe de les mettre en œuvre.

La suppression de la procédure de réquisition pour la plus grande partie des activités de la gendarmerie nationale nous a semblé raisonnable en raison de la lourdeur de cette procédure et de son inadéquation aux missions ordinaires de la gendarmerie.

Les circonstances peuvent cependant conduire à une intervention de grande ampleur des forces de sécurité, impliquant des moyens lourds tels que les véhicules blindés et éventuellement l’usage des armes. Dans de telles conditions, il n’est pas possible de recourir à de simples ordres verbaux pour employer la force. Une procédure d’autorisation est nécessaire, qui se substituerait à la réquisition complémentaire spéciale et dont les modalités seront définies par décret en Conseil d’État.

La parité de traitement avec les policiers fait l’objet d’une forte attente de la part des personnels de la gendarmerie, qui ont le sentiment que, à missions égales, voire plus nombreuses, on observe un décrochage de la rémunération par rapport à celle des policiers. Si l’on veut éviter de nouveaux remous au sein de la gendarmerie, il est nécessaire de créer une grille indiciaire spécifique aux officiers et aux sous-officiers de la gendarmerie ; encore faut-il que sa mise en œuvre n’aboutisse pas à creuser la différence avec le reste de la communauté militaire.

Il en va de même pour les instances de concertation de la gendarmerie : les mécanismes de représentation des personnels doivent s’inspirer des principes qui prévalent pour les autres armes. Le ministre de l’intérieur devra désormais participer au conseil de la fonction militaire de la gendarmerie ou y être représenté.

Il importe enfin que les gendarmes maintiennent un lien de proximité constant avec la population de leur ressort et une présence visible. L’organisation territoriale comme les restructurations éventuelles doivent refléter ce souci et marquer que la gendarmerie reste la force de sécurité du monde rural et de ce qu’il est désormais convenu d’appeler la rurbanité.

Le transfert de la responsabilité organique de la gendarmerie du ministère de la défense au ministère de l’intérieur ouvre une nouvelle page de l’histoire de cette arme.

À ceux qui redoutent que la concentration des deux forces de sécurité en une seule main ne mette en péril les libertés publiques, on fera observer que c’est l’État de droit qui garantit ces libertés, et non pas seulement le dualisme des forces. Je crois que l’on peut définitivement conjurer le spectre de Joseph Fouché : comme vous n’avez été, madame le ministre, ni régicide, ni terroriste, ni comploteuse, on imagine bien que vous ne mettrez pas vos pas dans les siens !

Sourires sur les travées de l ’ UMP. – M. Robert del Picchia applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Le projet de loi que nous examinons maintient la triple spécificité administrative, judiciaire et militaire de la gendarmerie.

En soulignant que la police judiciaire constitue l’une des missions essentielles de la gendarmerie, le législateur, sur l’initiative du rapporteur de notre commission, notre collègue Jean Faure, rappelle très justement que « la gendarmerie […] est une force armée instituée pour veiller […] à l’exécution des lois ».

En confiant au ministre de la défense la responsabilité de la formation initiale, de la conduite des opérations militaires, de la collation des grades et de la discipline, il affirme clairement et maintient le caractère militaire de la gendarmerie.

L’emploi, par le ministre de l’intérieur, de cette force armée est strictement défini et réglementé.

Ce n’est cependant pas seulement dans les textes qu’il faut rechercher des assurances quant au respect des lois et des principes républicains, mais aussi dans le comportement de ceux qui sont chargés de les appliquer et dans la conscience qu’ils ont de leur devoir.

Nous qui côtoyons les personnels de la gendarmerie au quotidien, nous n’éprouvons aucun doute à cet égard. Nous connaissons leur respect scrupuleux de la légalité, leur dévouement, leur professionnalisme, la diligence et parfois le courage et le sang-froid dont ils font preuve dans l’exercice de leurs délicates missions. Nous sommes convaincus qu’ils continueront, dans leur nouveau statut, à faire preuve des vertus qui leur valent l’estime et la confiance de la nation.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le week-end dernier, nos amis gendarmes m’avaient conviée à fêter avec eux leur patronne, sainte Geneviève. Ce fut un temps fort de solidarité et d’amitié.

Ce fut aussi pour moi l’occasion de prendre le pouls d’une arme à laquelle je suis, vous le savez, particulièrement attachée. En de nombreuses circonstances, j’ai pu prendre la mesure des valeurs portées par la gendarmerie, rappelées dans un court film qui nous a été projeté ce jour-là. Il traduisait parfaitement l’état d’esprit du général Gilles, appelant ses hommes à être pleinement des militaires, des hommes du terroir et des hommes de la loi : trois caractéristiques qui sont toute la culture et toute l’âme de la gendarmerie.

C’est en raison de mon attachement à la gendarmerie, madame le ministre, que je me permets, avec la plus grande force et une totale conviction, d’appeler votre attention sur les difficultés que me paraît poser ce projet de loi.

Je sais que je défendrai mon point de vue sur le premier problème avec beaucoup moins de véhémence que notre collègue Jean-Pierre Raffarin, qui vous a interpellée voilà quelques jours, lors de l’examen des crédits de la mission « Sécurité ». Il a alors dit son inquiétude de voir la gendarmerie être placée sous l’autorité du seul ministre de l’intérieur – non pas la vôtre, madame le ministre, mais celle d’un ministre qui, demain, ferait fi de l’indispensable dualité des forces de sécurité intérieure.

L’actuelle séparation organique entre police et gendarmerie est garante du respect des principes républicains que nous sommes nombreux, ici, à défendre de toute notre âme. Deux forces distinctes, placées sous deux autorités différentes, mais œuvrant ensemble à la sécurité des personnes et des biens : ce mode de fonctionnement était-il si inefficace qu’il faille le changer ?

N’avait-on pas, et depuis bien longtemps, compris que police et gendarmerie devaient travailler de façon complémentaire ? N’avions-nous pas instauré des modus vivendi qui ont fait leurs preuves, avec par exemple les GIR, les redécoupages territoriaux, la fidélisation sur les territoires, urbains pour les uns, ruraux ou périurbains pour les autres ?

Depuis 2002, police et gendarmerie sont sous l’autorité fonctionnelle du ministre de l’intérieur et, au plan local, sous celle du préfet. Chacun s’accorde à reconnaître les bons résultats obtenus, sans guerres intestines.

Que peut apporter ce « rattachement », cette « intégration », qui deviendra peut-être demain une « fusion » organique ?

Une meilleure coordination ? Celle-ci est affaire non pas de structures, mais d’hommes.

Une meilleure gestion des ressources humaines ? Cela impliquerait une révolution culturelle, pour que chacune des entités fasse un pas vers l’autre en matière de déroulements de carrières, de représentation au sein d’organismes, syndicaux ou non, de mesures à caractère social.

Une gestion plus efficace des budgets ? Comme les budgets ne vont pas être confondus, mais demeureront rattachés qui à la direction générale de la police nationale, la DGPN, qui à la direction générale de la gendarmerie nationale, la DGGN, ils garderont leurs spécificités propres et, surtout, des niveaux décisionnels distincts – soit le niveau zonal des SGAP, les secrétariats généraux pour l’administration de la police, soit un niveau central avec une gestion déconcentrée à l’échelon régional.

La tâche des préfets pour donner une cohérence à l’action des deux forces ne s’en trouvera pas simplifiée. La détermination des critères d’appréciation des programmes et des BOP, les budgets opérationnels de programmes, pour la police et pour la gendarmerie a d’ailleurs clairement montré les limites d’un exercice de comparaison quasiment impossible à réaliser.

Le deuxième problème fondamental touche aux prérogatives de la gendarmerie en matière de réquisition.

Je voudrais reprendre ici les arguments de deux anciens directeurs généraux de la gendarmerie nationale, anciens présidents de chambre à la Cour de cassation, qui ont dénoncé l’abandon de la procédure de réquisition de la force armée, fondant l’action de la gendarmerie, de statut militaire depuis le décret de 1903.

« Il est insupportable au regard des libertés publiques, écrivaient-ils, que la gendarmerie nationale soit désormais laissée, dans les missions de maintien et de rétablissement de l’ordre public, à la disposition du ministre ainsi qu’à la discrétion des préfets, sans la garantie fondamentale de la procédure de réquisition à force armée. »

Au regard des libertés publiques, il est à mon sens essentiel que la gendarmerie, « force armée instituée pour veiller à la sûreté et à la sécurité publiques », chargée de la « défense […] des intérêts supérieurs de la Nation », soit garante de cet équilibre démocratique qui passe par une procédure spécifique de réquisition à force armée.

Renvoyer à des décrets, fussent-ils pris en Conseil d’État, la définition des procédures d’autorisation de recours à des moyens militaires spécifiques et d’usage des armes à feu pour les nécessités du maintien de l’ordre est un artifice de forme – en aucun cas une réponse de fond – et un pied-de-nez aux valeurs républicaines que je rappelais il y a un instant.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Le troisième problème qu’il me faut mettre en exergue a trait aux conditions d’exercice des missions de la gendarmerie en milieu rural.

Nul n’ignore les engagements pris très récemment par le Gouvernement dans son ensemble et, tout dernièrement, par le Président de la République lui-même, en particulier lors du dernier congrès de l’Association des maires de France. N’a-t-il pas assuré les élus de sa volonté sans faille de préserver l’intégrité des zones rurales, d’y maintenir à toute force les services publics, de s’opposer à des mesures qui tendraient à réduire la présence d’hommes et de femmes qui font encore vivre nos territoires ruraux ?

Qualifiés de « fils des territoires » par le général Gilles, les gendarmes participent très largement, au quotidien, à la vitalité de ces terroirs qui se videraient, n’était l’énergie de nos maires ruraux. Ceux-ci acceptent aujourd’hui d’investir dans des casernes de gendarmerie, contractent des emprunts sur quinze ou vingt ans : si l’on ne suivait que la logique comptable, ils verraient les effectifs de gendarmes se réduire comme peau de chagrin !

Faut-il vraiment aujourd’hui, madame le ministre, décider la répartition des effectifs de gendarmerie à l’aune du nombre de plaintes déposées et du taux d’élucidation des crimes et délits ? Les statistiques sont assurément plus favorables dans ces zones rurales que dans les grands centres urbains. Cependant, n’est-ce pas là, justement, la conséquence de cette présence précieuse, discrète, permanente sur le terrain d’hommes et de femmes en contact direct avec nos populations rurales, d’hommes et de femmes qui tiennent par-dessus tout à leur statut militaire, statut exigeant qui leur donne plus de devoirs que de droits mais qui est le fondement même de leur culture, celle de l’assistance à autrui, de la générosité, du don de soi ?

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Je ne veux certes pas opposer leur culture à celle des policiers et juger l’une par rapport à l’autre. Elles sont différentes, et il nous faut enrichir leur complémentarité. Atteindre cet objectif ne requiert pas ce nouveau cadre législatif.

Debut de section - PermalienPhoto de Anne-Marie Escoffier

Mme Anne-Marie Escoffier. Le groupe du RDSE, dans sa grande majorité, ne saurait donner son aval à un dispositif qui ravive des souvenirs au goût par trop amer, remontant à une époque qui n’est pas si lointaine. Il croit fermement que le Gouvernement s’honorerait de garder deux forces de l’ordre, gage d’un équilibre sur lequel doit reposer notre démocratie.

Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici devant un projet de loi au parcours quelque peu étrange : alors qu’il a été déposé en août dernier sur le bureau du Sénat et que le Gouvernement a déclaré l’urgence, il n’est examiné qu’aujourd’hui par notre assemblée. Cet examen est tout de même plus précoce que prévu, puisqu’il était annoncé pour le mois de janvier prochain.

En tout état de cause, la discussion de ce texte arrive trop tard ! La loi de finances a effectivement déjà entériné son approbation, puisque, budgétairement, la gendarmerie a été rattachée au ministère de l’intérieur.

Doit-on en déduire, au fond, que notre débat d’aujourd’hui serait de pure forme et que le Gouvernement aurait fait, une fois de plus, une mauvaise manière au Parlement ?

J’ai lu, madame la ministre, que vous vous affirmiez sereine à l’heure de défendre ce projet de loi rattachant la gendarmerie à votre ministère. Une telle affirmation laisse cependant à penser qu’il pourrait y avoir un doute dans votre esprit. Cela ne serait d’ailleurs pas tout à fait illégitime, car vous ne sembliez pas aussi favorable à ce projet hier, lorsque vous étiez ministre de la défense.

En outre, depuis qu’on l’évoque, de rencontres avec les uns en auditions des autres, on ne voit pas grand-monde s’enthousiasmer pour lui, sur nos travées, bien sûr, mais aussi dans les rangs de la majorité, semble-t-il.

Ce projet de loi a donc été accueilli avec peu d’empressement, a fait l’objet de critiques plus ou moins nettement exprimées. Demandez donc son sentiment à l’ancien Premier ministre qui siège dans vos rangs : nous l’avons entendu en commission affirmer que, en l’état, il ne voterait jamais un tel texte.

En dehors de cette enceinte, une incompréhension plus grande encore, voire une crainte pour l’avenir, se manifeste chez nos collègues élus locaux, qui apprécient la proximité de la gendarmerie, de même que parmi les gendarmes eux-mêmes, quand ils peuvent exprimer, off the record évidemment, ce qu’ils pensent réellement.

Pourquoi ce peu d’enthousiasme ?

S’il ne s’agit pas vraiment, comme vous l’avez annoncé le 16 octobre dernier devant la commissions des lois et celle des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, madame la ministre, d’une réforme « historique », aucune loi sur le statut et les missions de la gendarmerie n’ayant été adoptée depuis la loi du 28 germinal an VI, il ne s’agit pas non plus d’un simple « texte de conclusion d’un processus engagé depuis plusieurs années ».

En fait, ce projet de loi, le premier certes portant sur ce thème depuis 1798, rompt avec une tradition bi-séculaire bien établie dans notre République et respectée hors quelques périodes peu exemplaires en matière de libertés publiques : le Premier Empire, le Second Empire et le régime de Vichy…

En effet, ce texte organise le détachement organique et opérationnel de la défense nationale de l’essentiel des missions de la gendarmerie nationale.

En France, deux forces concourent à la défense de la sécurité intérieure : l’une, la police, est civile ; l’autre, la gendarmerie, est une force militaire pourvue de compétences de police, et non une police à statut militaire. Vous connaissez ce débat !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Nous sommes attachés à ces principes et à la dualité entre police et gendarmerie, que ce texte remet profondément en cause en plaçant dans la même main les deux institutions concourant à la préservation des libertés individuelles et à la sécurité collective, fondement du pacte social et républicain.

Ainsi, la gendarmerie est au service à la fois de la défense nationale, du ministère de l’intérieur et du ministère de la justice, selon les termes de l’article 66 du décret du 20 mai 1903, qui est en quelque sorte la charte de la gendarmerie :

« En plaçant la gendarmerie auprès des diverses autorités pour assurer l’exécution des lois et règlements émanés de l’administration publique, l’intention du Gouvernement est que ces autorités […] ne puissent, dans aucun cas, prétendre exercer un pouvoir exclusif sur cette troupe […]. »

Lors de l’audition que j’ai évoquée précédemment, madame la ministre, je vous avais dit que vous n’étiez guère convaincante pour justifier et expliquer ce texte, car vous ne paraissiez guère convaincue !

Mme Michelle Demessine rit

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

L’article 1er résume à lui seul toutes ces contradictions, qui prévoit que « la gendarmerie nationale est une force armée instituée pour veiller à la sûreté et la sécurité publiques », mais n’appartient plus aux forces et services des armées placés sous l’autorité du ministère de la défense

En outre, les commandants des unités territoriales seront placés sous l’autorité du préfet. Comment alors respecter et faire respecter le rapport hiérarchique, principe fondamental de l’institution militaire ?

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Je vous l’ai expliqué !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Quant à la suppression de la procédure de réquisition, voici ce qu’en pensent d’anciens et éminents directeurs généraux de la gendarmerie : « Il est surprenant voire insupportable au regard des libertés publiques que cette nouvelle armée de l’intérieur riche de 100 000 hommes, disposant d’unités blindées, ait désormais dans ses missions et le maintien et le rétablissement de l’ordre publics, [soit] laissée à la disposition de son “chef et ministre” ainsi qu’à la discrétion des préfets, sans la garantie fondamentale de la procédure de réquisition de la force armée ». Ils ajoutent que « la suppression catégorique de cette procédure pour la gendarmerie ne peut être admise sous cette rédaction ; nous pouvons la qualifier de liberticide ». Voilà une appréciation très sévère, portée par des spécialistes !

En effet, si la réquisition, qui fondamentalement permet à une autorité civile d’obtenir les moyens des forces armées, n’est plus une nécessité, c’est soit parce que le ministère de l’intérieur n’est plus une autorité civile, soit parce que la gendarmerie n’est plus une force armée ; à moins que, dernière hypothèse, les mots n’aient plus de sens !

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

C’est n’importe quoi !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Le décret de mai 2002, en confiant la responsabilité de l’emploi de la gendarmerie exclusivement au ministère de l’intérieur pour les missions de sécurité, avait de fait réduit la portée des textes fondamentaux de 1798 et de 1903, qui prévoyaient que la gendarmerie réponde aux sollicitations des ministres de la défense, de la justice, de l’intérieur et même de l’outre-mer. Le décret de 2002 ne constituait donc pas, à vrai dire, une innovation totale, même si, pour le ministre de l’intérieur de l’époque, il était important qu’il apparaisse comme tel : réunir la police et la gendarmerie sous un même commandement, c’est concentrer davantage de pouvoir en une seule personne.

On dit volontiers, sous cape, que les relations entre police et gendarmerie ne sont pas simples. Pourtant elles les ont poursuivies et approfondies, elles ont appris à mutualiser leurs moyens et la formation continue, à échanger leurs expériences et leurs méthodes. On pouvait très bien en rester là, mais tel n’est pas votre choix, madame la ministre.

On a pourtant pu mesurer tout ce qui différencie un gendarme d’un policier : les conditions de travail, la rémunération, le logement, l’action sociale, le droit d’expression et, bien sûr, le sens de l’engagement militaire.

Pour mettre en œuvre le transfert que vous souhaitez et qui ne se résume pas seulement à un volet budgétaire, il vous faudra porter atteinte à l’unité de la gendarmerie. Ainsi, seront maintenues hors du champ du ministère de l’intérieur les gendarmeries spécialisées maritime, de l’air, de l’armement. Pour les autres, il faudra régler, entre le ministère de la défense et le ministère de l’intérieur, de multiples questions ayant trait au soutien, à l’action sociale, à la santé et, plus important encore, au maintien en condition opérationnelle des équipements, dont on ne sait plus très bien d’ailleurs où se trouvent les budgets.

Enfin, en ce qui concerne le personnel, c’est-à-dire les gendarmes, il y aura des compétences transférées, des compétences partagées entre les deux ministères et des compétences maintenues. Les nuances semblent parfois obscures : ainsi, la discipline relèvera de la défense et la notation de l’intérieur.

Madame la ministre, pourquoi ferait-on simple quand on peut faire si compliqué ?

On peut craindre que la gendarmerie, ainsi détachée des armées, n’ait bien du mal à conserver longtemps son statut militaire. Je sais que vous vous en défendez, mais le projet de loi que vous présentez aujourd’hui ouvre cette voie. Pour notre part, attachés aux deux forces de sécurité, nous ne vous suivrons pas sur ce chemin.

Depuis une vingtaine d’années, l’organisation territoriale des deux forces de sécurité a bien évolué. Elle s’est adaptée à la nouvelle géographie des collectivités. Aujourd’hui, le partage du territoire entre la police et la gendarmerie semble assez clair.

Aux termes de l’article 1er du décret de 1903, la gendarmerie, dont la surveillance du territoire est une des missions, est plus particulièrement destinée à assurer la sécurité des campagnes et des voies de communication. Pour ce faire, elle s’est réorganisée en regroupements, puis en communautés de brigades dans nos territoires ruraux. D’une manière générale, cette implantation, maintenant comprise des élus locaux, est plutôt appréciée, d’autant que les relations entre les collectivités, les élus et la gendarmerie se sont formalisées et améliorées au fil du temps.

Il y a un attachement évident à la gendarmerie, considérée comme le principal garant de la sécurité et de la tranquillité des habitants dans les zones rurales. Ce que craignent nos concitoyens et les maires de nos villages, madame la ministre, ce sont les rumeurs de nouveaux regroupements ou de fermeture de brigades, la réduction annoncée des effectifs. Que celle-ci soit inscrite en loi de finances ou dans la révision générale des politiques publiques, cela ne fait pas de différence pour eux. S’agissant du texte qui nous est soumis aujourd’hui, ils imaginent que l’on pourra beaucoup plus facilement, à l’avenir, demander aux gendarmes d’aller renforcer la police dans des zones plus urbanisées, en délaissant leurs communes. Voilà ce qu’ils redoutent, et surtout ce dont ils ne veulent pas : on peut les comprendre.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Il les aligne les unes derrière les autres !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Reiner

Je dirai en conclusion que ce qui importe, c’est de travailler à assurer convenablement la sécurité publique sur l’ensemble du territoire.

À quoi bon ce texte, qui complique au lieu de simplifier et ne peut, par conséquent, être un gage d’efficacité future, qui conduira la gendarmerie sur des voies incertaines où elle pourrait perdre sa spécificité, son âme même, qui rompt avec notre tradition républicaine, enracinée dans le pays, qui est craint et mal compris de beaucoup ? Il ne pourra pas devenir une bonne loi, et vous n’aurez donc pas notre concours, madame la ministre.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

Avoir votre concours m’inquièterait presque !

Debut de section - PermalienPhoto de Joseph Kergueris

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le débat qui nous réunit aujourd’hui sur le projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie nationale fait suite aux réflexions conduites par le groupe de travail de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, présidé par notre collègue Jean Faure.

Actualisant des dispositions législatives et réglementaires quelque peu datées, le projet de loi permet d’adapter cette arme aux nouvelles réalités territoriales et sociales de notre pays.

Madame la ministre, vous savez combien le sujet est sensible pour les parlementaires de province issus des zones rurales, dont je suis. En effet, la gendarmerie y est présente – elle ne l’est même jamais assez – au quotidien.

Cela étant, la gendarmerie est également présente dans cette maison, et l’examen de ce projet de loi nous donne l’occasion de saluer le dévouement et la compétence des personnels de la garde républicaine qui veillent à la sérénité de nos débats.

Le texte qui nous est soumis vise d’abord le rattachement organique de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur à partir du 1er janvier 2009. Il ne s’agit pas là d’une inflexion majeure, car un rapprochement s’était déjà opéré, dans le cadre d’une longue évolution. Nous voilà seulement parvenus au terme de ce cheminement vers une complémentarité entre gendarme et policier, chacun ayant son statut propre.

Madame la ministre, vous serez désormais responsable de l’organisation de la gendarmerie nationale, de sa gestion, de son emploi et de l’infrastructure militaire qui lui sera nécessaire.

Toutefois, il est très important que la gendarmerie nationale conserve son statut militaire. Il n’est nullement question d’une fusion avec la police car, aux termes de l’article 1er du projet de loi, elle demeure bien une force armée, dont les missions de sécurité intérieure, qu’il s’agisse de la police administrative, du maintien de l’ordre, du renseignement, de l’information ou de la protection des populations, les missions judiciaires et les missions militaires sont parfaitement définies.

Ainsi, pour la première fois, le texte reconnaît l’une des spécificités essentielles de la gendarmerie nationale, qui réside dans sa capacité de s’engager dans le règlement des crises de haute intensité, voire dans les conflits armés. Dieu sait si les opérations extérieures auxquelles participe notre pays le requièrent !

Cela étant, les officiers et les sous-officiers de gendarmerie restent bien des militaires, soumis au statut général des militaires. Ils conservent leurs obligations et leurs sujétions particulières, qui découlent à la fois de leur statut militaire et de leurs missions de police, notamment en matière de logement en caserne – lequel doit être considéré, convenons-en, plus comme une contrainte que comme un avantage, quoi qu’en disent certains.

Cependant, il est prévu dans le projet de loi de placer les responsables locaux des services de la police nationale et des unités de gendarmerie sous l’autorité des préfets.

Dans un amendement qui sera soumis au Sénat, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a préféré ne pas retenir cette formulation. Elle a estimé en effet que l’affirmation de l’autorité des préfets sur les commandants locaux de gendarmerie était susceptible de porter atteinte au principe d’obéissance hiérarchique consubstantielle au statut militaire de la gendarmerie. Il faut, selon moi, soutenir l’amendement de la commission.

Cette position nouvelle à l’égard du préfet induit nécessairement la suppression de la procédure de réquisition des forces armées pour l’emploi de la gendarmerie au maintien de l’ordre. Cela pourrait ne pas poser de problème insurmontable, dans la mesure où la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et la commission des lois ont préféré conditionner la suppression de la procédure de réquisition pour l’emploi de la gendarmerie au maintien de l’ordre à l’instauration d’une nouvelle procédure d’autorisation du recours aux moyens militaires spécifiques, tels que les véhicules blindés, et de l’usage des armes pour le maintien de l’ordre, en ce qui concerne tant les gendarmes que les policiers.

À cet instant, permettez-moi d’évoquer un souvenir. Nous sommes quelques-uns, ici, à avoir vécu les événements de 1948. À cette époque, pour maintenir l’ordre, il était aussi possible de recourir à la troupe ! Compte tenu de l’existence de la gendarmerie mobile et des compagnies de CRS, l’organisation du maintien de l’ordre en France ne s’inscrit plus du tout dans le même contexte.

Les amendements que j’ai évoqués sont de nature à répondre aux questions que les gendarmes se posent. Il faut ajouter qu’atteindre l’objectif d’une parité globale de traitement et de carrière entre gendarmes et policiers est l’une des conditions de la pérennité du statut militaire ; les dispositions concernant la reconnaissance d’une grille indiciaire spécifique vont dans ce sens.

La gendarmerie demeurera chargée de la prévôté militaire à l’égard des autres composantes de nos forces armées, et les attributions de l’autorité judiciaire pour l’exercice de cette mission sont préservées.

Nos collègues de la commission des lois ont par ailleurs souhaité que soit inscrit dans le code de procédure pénale le principe du libre choix du service enquêteur par l’autorité judiciaire ; personnellement, c’est un souhait que je partage.

Enfin, il est proposé, dans le projet de loi, une gestion rénovée des ressources humaines, une compétence de principe vous étant confiée, madame la ministre, en matière de gestion des personnels de la gendarmerie, compétence partagée chaque fois que nécessaire avec votre collègue le ministre de la défense. Toutefois, ce dernier continuera d’exercer la compétence indispensable en matière de discipline. En outre, il est prévu de mieux reconnaître la place et le rôle importants de la réserve.

Enfin, je voudrais attirer votre attention – je parle sous le contrôle de ma collègue Anne-Marie Payet – sur le sort des gendarmes originaires d’un département d’outre-mer.

Dans certains de ces départements, le pourcentage de gendarmes originaires de la collectivité est modeste, ce qui peut poser problème dans les contacts avec la population, la connaissance des pratiques locales, des mentalités, voire de la langue étant parfois insuffisante.

Dans le cadre du rapprochement des statuts entre police et gendarmerie, les militaires originaires d’un département d’outre-mer souhaiteraient bénéficier eux aussi de la possibilité de retourner chez eux après avoir passé sur le territoire métropolitain une période moins longue que ce qui est prévu actuellement. C’est là une préoccupation légitime, à laquelle il serait souhaitable que le Gouvernement soit attentif.

En conclusion, madame la ministre, sous la réserve expresse qu’il soit enrichi des amendements déposés et défendus par la commission des lois et par la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, ce projet de loi portant dispositions relatives à la gendarmerie nationale recevra l’appui du groupe de l’Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Joseph Kergueris

Si la gendarmerie nationale demeure bien, dans ce texte, une force armée, je forme le vœu que, pour l’ensemble de nos concitoyens et sur tous nos territoires, elle reste présente, vigilante, bienveillante, comme elle a su l’être depuis des décennies, afin de faire mentir Paul Valéry quand il affirmait que « la faiblesse de la force est de ne croire qu’à la force ». (Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et de l ’ UMP.)

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je dois d’abord vous faire part de mon trouble.

Alors qu’il a participé à la préparation de ce texte, M. le ministre de la défense, que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a d’ailleurs reçu plusieurs fois à ce sujet, n’est pas présent parmi nous. De surcroît, si je ne me trompe, aucun membre de son cabinet ne le représente à vos côtés, madame la ministre, ce qui est profondément troublant. J’espère que les raisons de cette situation nous seront expliquées.

Le texte qui nous est soumis est la traduction directe de la volonté du Président de la République, énoncée en novembre 2007 devant des responsables policiers et militaires, de faire passer intégralement la gendarmerie nationale sous la tutelle du ministère de l’intérieur.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

Comme a pu le dire le général de Gaulle en d’autres lieux et en d’autres circonstances, …

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

Mme Michelle Demessine. Attendez ! Je ne sais pas si vous me suivrez jusqu’au bout !

Rires sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

Comme a donc pu le dire le général de Gaulle, ce projet de loi « a une apparence » : clarifier une situation qui existe depuis 2002 pour renforcer l’efficacité de l’action des services de sécurité intérieure et assurer une meilleure protection de nos concitoyens.

Il « a une réalité » : concentrer dans une seule main tous les pouvoirs et tous les moyens et mettre fin à une spécificité républicaine et démocratique de notre pays, à savoir l’existence de deux forces de sécurité intérieure distinctes.

C’est là toute l’ambiguïté et tout le danger de votre projet de loi, qui suscite de ce fait des inquiétudes et de fortes oppositions.

Les gendarmes eux-mêmes sont inquiets pour leurs conditions de travail. Un grand nombre d’entre eux craignent une absorption, à terme, par la police et un déséquilibre des missions en leur défaveur.

Les élus locaux sont également inquiets, car ils redoutent que la fermeture de nombreuses brigades territoriales ne soit le prélude à l’affaiblissement de leur ancrage territorial, …

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

… ancrage qui est l’une des caractéristiques de la gendarmerie et qui lui permet d’assurer la sécurité des zones rurales et des voies de communication.

Enfin, le projet de loi suscite une forte opposition de la part de tous ceux qui voient se profiler derrière ce texte un recul des libertés publiques et des droits individuels, pour laisser place à une application sans entraves de la politique sécuritaire, centralisatrice et, pour tout dire, autoritaire du Président de la République.

Madame la ministre, vous m’objecterez peut-être que ce sont là des procès d’intention et que votre texte ne permet pas de telles interprétations.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

En apparence, il faudrait en effet n’y voir que la suite logique d’un processus engagé depuis plusieurs années – une clarification et la simple adaptation du droit à la pratique en vigueur depuis six ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

À ceux qui évoquent la possibilité d’une fusion ou d’une confusion entre les deux forces, vous répondez que l’équilibre des missions et des compétences sera respecté.

Cette affirmation demande à être nuancée, en particulier en matière de police judiciaire, car le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur risque, s’il n’est pas mieux encadré, de porter atteinte à l’indépendance de l’autorité judiciaire…

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

En quoi ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

… et au principe du libre choix du service enquêteur.

De même, vous insistez beaucoup sur la nécessité de parvenir à une parité globale des rémunérations en fonction des grades respectifs. Les groupes de travail que vous aviez mis en place et les réactions des syndicats de policiers, sans parler de la « grogne » des gendarmes, qui ne peuvent s’exprimer publiquement, …

Debut de section - PermalienPhoto de Michelle Demessine

… ont montré que l’affaire n’était pas si simple !

Enfin, garantie suprême, vous prétendez que votre projet de loi conforte le statut militaire de la gendarmerie. Sur ce sujet, il faut y regarder de beaucoup plus près et craindre que le diable ne se cache dans les détails !

La question du statut militaire de la gendarmerie est un point essentiel de votre projet de loi, sinon le point essentiel.

Il ne s’agit pas simplement du respect d’une tradition séculaire qui serait devenue obsolète ; non, il s’agit du respect de l’un des principes républicains sur lesquels repose notre démocratie.

Pour préserver un équilibre, notre pays a besoin de conserver deux forces de sécurité, l’une à statut militaire et l’autre à statut civil.

Bien que les missions de sécurité intérieure représentent 95 % de son activité et les missions militaires seulement 5 %, la gendarmerie a été, dès l’origine, une force militaire. Cela était dû non pas au hasard, mais à la volonté des fondateurs de la République de ne pas concentrer en une seule main tous les moyens de police.

Après la centralisation des différents services de police chargés de l’information, du renseignement et de la répression, le chemin est maintenant tout tracé vers une fusion progressive des deux corps ancestraux chargés d’assurer la sécurité civile dans notre pays. L’œuvre sera ainsi parachevée !

Vous nous expliquez que le rattachement organique et budgétaire de la gendarmerie au ministère de l’intérieur serait une simple question de cohérence et d’efficacité et permettrait à une seule autorité de gérer les deux composantes, civile et militaire, des forces de sécurité intérieure.

Si la question était uniquement de moderniser, de mutualiser les moyens, d’améliorer les conditions d’emploi de ces deux forces et d’assurer une meilleure coopération entre elles, je pense que le rattachement au ministère de l’intérieur ne s’imposait pas.

Afin de respecter en apparence ce dualisme républicain, vous ne remettez pas directement en cause le statut militaire de la gendarmerie ; c’est au détour d’une disposition de ce projet de loi que vous le videz subrepticement de sa raison d’être.

Je parle là de la suppression de la procédure de la réquisition pour l’engagement des unités de gendarmerie mobile en matière de maintien de l’ordre. Exclure la gendarmerie, comme vous le faites, du champ d’application du dispositif de la réquisition pour participation au maintien de l’ordre, c’est clairement lui dénier l’une des spécificités des forces militaires. C’est mettre en cause non seulement un héritage, mais surtout un principe de la Révolution française, d’ailleurs transcrit dans le code de la défense, dont l’article L. 1321-1 dispose qu’ « aucune force militaire ne peut agir sur le territoire de la République pour les besoins de la défense et de la sécurité civile sans une réquisition légale ».

Ainsi, il est spécieux de justifier cet abandon comme étant la conséquence logique du rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur, au motif que la réquisition permet à l’autorité civile d’obtenir la mise en œuvre de moyens dont elle ne dispose pas.

Le ministre pourrait parfaitement continuer à disposer de ces moyens sans que la procédure de réquisition soit supprimée, même si elle doit être modernisée.

Cette procédure n’est pas une entrave à l’efficacité. Elle est avant tout le signe de la subordination et de l’obéissance des armées aux autorités civiles, elle est aussi une garantie écrite, pour les commandants d’unités, contre d’éventuels excès de pouvoir. L’emploi de la gendarmerie dans des opérations de maintien de l’ordre sans réquisition écrite serait donc une grave atteinte aux principes républicains.

Ce danger n’a d’ailleurs pas échappé à trois anciens directeurs de la gendarmerie nationale, qui, dans un communiqué, ont estimé que ce texte « détruit toute garantie tendant à vérifier la légalité et la régularité de l’ordre d’agir donné à la gendarmerie par une autorité requérante civile ou militaire. Remplaçant la règle de la réquisition par un simple ordre verbal, il ouvre la voie à toutes les aventures et d’une simple crise peut faire une émeute et parfois plus. »

Dans la suite logique de ce qui précède, placer directement les commandants d’unités sous l’autorité des préfets, c’est-à-dire intégrer ces derniers dans la chaîne hiérarchique, est une autre manière de contourner le statut de cette force, en mettant en cause le principe d’obéissance hiérarchique inscrit dans le statut général des militaires.

Je pourrais aussi parler de l’abrogation, introduite dans le projet de loi, du décret de 1903, texte fondateur de l’organisation et du service de la gendarmerie.

Cette abrogation, certes symbolique, puisque nombre de ses dispositions sont reprises dans le code de la défense, aurait, entre autres effets, pour conséquence de priver les gendarmes d’un certain nombre de leurs valeurs et de leurs références, en particulier celles qui concernent la déontologie. Il aurait pourtant été important de les consacrer dans la loi. C’est là un élément de plus, me semble-t-il, de la remise en cause insidieuse du statut militaire à laquelle vous vous livrez.

Enfin, le rattachement de la gendarmerie au ministère de l’intérieur comporte aussi un autre risque, tout aussi pernicieux. La coexistence au sein d’un même ministère de deux systèmes – la représentation syndicale pour les policiers et la concertation propre aux militaires pour les gendarmes – incitera tôt ou tard, de facto, les uns et les autres à souhaiter l’alignement des statuts, ne serait-ce d’ailleurs que pour répondre aux problèmes posés par la recherche de la parité en matière de rémunération, d’horaires ou de conditions de travail.

La réforme que vous entreprenez, madame la ministre, soulève bien d’autres questions, qu’elles soient pratiques, matérielles ou tout simplement humaines. On reste sur la désagréable impression que peu de choses sont concrètement prévues pour accompagner ce bouleversement qui concerne, aussi et surtout, la vie personnelle et familiale de cent mille femmes et hommes.

Au total, votre projet de loi, loin de clarifier la situation, de permettre un accroissement de l’efficacité de nos forces de sécurité et une meilleure coopération entre elles, soulèvera plus de problèmes qu’il n’en résoudra.

Au-delà de ce constat, nous refusons la banalisation de l’emploi de la force armée au quotidien, car elle contrevient à l’équilibre républicain des pouvoirs et sous-tend la mise en œuvre de la politique du « tout sécuritaire ».

Pour toutes ces raisons, le groupe CRC-SPG votera contre ce projet de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour éviter toute méprise sur les propos que je vais tenir, je soulignerai qu’ils ne sont pas de circonstance, puisque je soutenais déjà cette position voilà près de trente ans dans des revues comme Études et Projet, dans les cours que j’ai dispensés à l’université d’Aix-Marseille III et dans un ouvrage que j’ai publié aux Presses universitaires de France.

Mes propos reflèteront donc des réflexions déjà anciennes, ainsi que des interrogations, voire des craintes, exprimées par nombre de collègues du groupe de l’UMP et d’élus locaux.

Même si l’intitulé du projet de loi peut être trompeur, il ne faut surtout pas minimiser la nature et l’ampleur de la réforme qui nous est proposée aujourd’hui. Ce n’est pas un texte technique : c’est une réforme historique. N’y voyons pas seulement un texte rattachant la gendarmerie au ministère de l’intérieur, rattachement qui est en fait acquis depuis 2002, et à plus forte raison depuis la dernière élection présidentielle, car certaines dispositions du projet de loi vont bien au-delà. Je pense notamment à la définition des missions de la gendarmerie ou de ses relations avec l’autorité judiciaire.

Ce texte ouvre ainsi la voie à des réformes ne relevant pas de la loi, et qui pourront donc être mises en œuvre par la technostructure du ministère de l’intérieur, par la voie réglementaire.

Tout à l’heure, madame la ministre, votre intervention a été rassurante. J’ai écouté vos propos avec satisfaction, …

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

… mais j’ai toutefois pensé que les paroles s’envolent et les écrits restent, comme on dit à la campagne et dans nos écoles primaires !

Dans ces conditions, je me suis dit qu’il serait souhaitable que vous donniez un avis favorable à tous les amendements de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, ainsi qu’à ceux de la commission des lois, puisque nous sommes exactement sur la même longueur d’onde !

C’est à juste titre que le rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, M. Jean Faure, qui a fait un excellent travail, propose de modifier l’intitulé du projet de loi, afin qu’il n’y ait pas de méprise sur la nature et l’ampleur de cette réforme. Son importance est telle que le Parlement se doit non seulement d’identifier les problèmes qu’elle posera demain, mais aussi d’envisager ses conséquences à moyen et à long termes.

Soyons clairs : je souscris sans réserve à la nécessité d’une plus grande cohérence, d’une meilleure coordination et d’une mutualisation de certains moyens entre la gendarmerie nationale et la police nationale, mais je crois tout aussi fermement que cette proximité ne doit pas conduire à la confusion des services et des missions, encore moins à une fusion, à terme, par l’absorption de la gendarmerie par la police nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

La dualité des forces de police, l’une à statut militaire, la gendarmerie nationale, l’autre à statut civil, la police nationale, est, vous l’avez dit vous-même, madame la ministre, une garantie essentielle pour les libertés publiques, et même, d’une certaine façon, pour les valeurs républicaines, auxquelles nous sommes tous très attachés.

Notre pays se doit, pour des raisons historiques, culturelles, sociales et sociologiques, de disposer de deux forces de police. Cette dualité est un rempart contre tout risque d’abus, de dérive d’une force de police unique et de ceux qui la dirigent ou la commandent. C’est pourquoi aucune des dispositions du projet de loi ne doit permettre la confusion ou préparer la fusion. Je sais que ce n’est pas ce que vous voulez, madame la ministre, mais nous ignorons ce qui pourrait se passer dans quelques années. Le Parlement doit donc veiller au réglage des curseurs et prévoir les verrous nécessaires pour empêcher toute dérive ou dévoiement.

Selon certains juristes, dont le point de vue me paraît digne d’intérêt, le principe de la dualité des forces de police aurait même valeur constitutionnelle. Prenons donc garde de ne pas voter des dispositions qui seraient à la merci d’un recours…

Nous devons avoir une approche objective. Il ne s’agit pas de plaire au ministre de l’intérieur ou au ministre de la défense, tous deux fort sympathiques au demeurant ! Il ne s’agit pas de plaire au corps préfectoral, aux policiers ou aux gendarmes, tous utiles à la République. Il s’agit tout simplement de ne pas porter atteinte à un équilibre acquis depuis les lois de Thermidor et garant de nos libertés depuis lors.

En effet, à travers l’organisation, les compétences et le statut de la gendarmerie, ce sont les libertés publiques et la liberté individuelle qui sont indirectement en jeu.

Je souhaiterais aborder trois points, que j’estime essentiels.

Premier point, il est nécessaire de réaffirmer – vous l’avez fait, madame la ministre, mais encore faut-il que cela figure dans la loi – la dualité des forces de police et de gendarmerie en matière de police judiciaire.

Le code de procédure pénale a institutionnalisé cette dualité. Tous les gendarmes titulaires sont des APJ, des agents de police judiciaire, aux termes de l’article 20 du code de procédure pénale, et tous les officiers et gradés ont la qualité d’OPJ, d’officier de police judiciaire, selon l’article 16 du même code. Il est bon de le rappeler, et de souligner qu’il n’existe pas d’APJ ou d’OPJ de deuxième ou de troisième zone.

La gendarmerie nationale dispose de formations spécialisées en matière de police judiciaire : brigade de recherches à l’échelon départemental, donc du groupement, section de recherches à l’échelon régional de la gendarmerie nationale, laboratoire d’analyse criminelle à l’échelon central.

L’architecture de l’ensemble de ce dispositif doit être rappelée et sauvegardée pour la raison suivante, qui est essentielle : le libre choix du service enquêteur par les parquets – procureur de la République et substitut – et les juges d’instruction conditionne leur indépendance. Le simple rapprochement entre police et gendarmerie peut déjà limiter la portée de ce choix.

Chacun sait que, quelle que soit la majorité au pouvoir, l’issue d’une enquête préliminaire d’une instruction peut dépendre de la célérité du service compétent et du nombre d’OPJ et d’APJ qui sont affectés, et qu’une affaire sensible peut être enterrée, accélérée ou engluée en fonction du regard que porte sur elle la tutelle politique du service concerné. Une certaine émulation entre les services de police et de gendarmerie est donc, selon moi, absolument nécessaire.

Par conséquent, tant que l’État disposera de deux services de police judiciaire, d’OPJ et d’APJ de plein exercice indépendants les uns des autres, la justice pourra faire en sorte qu’une enquête soit menée à son terme. Cette garantie essentielle doit être préservée.

C’est pourquoi nous souscrivons pleinement à la nouvelle rédaction, très claire, proposée tant par M. le rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées que par M. le rapporteur pour avis de la commission des lois. Ce qui va sans dire va encore mieux en le disant !

De cette manière, madame la ministre, si l’un ou l’une de vos successeurs, encouragé par je ne sais quelle technostructure, avait la velléité de fusionner police judiciaire de la police nationale et police judiciaire de la gendarmerie nationale, il ne pourrait pas le faire sans modifier la loi.

Mais peut-être l’objectif de la technostructure du ministère de l’intérieur est-il plutôt de réserver la partie « noble » de la police judiciaire, c’est-à-dire la plus complexe et la plus technique, à la police nationale, pour ne laisser à la gendarmerie nationale que la police « banale », celle des champs…

Mme la ministre manifeste son incrédulité.

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

Je m’interroge malgré tout sur les raisons qui ont conduit le ministère de la justice à ne pas répondre à la convocation qui lui avait été adressée par le groupe de travail d’abord, par la commission ensuite, alors que le rapprochement envisagé de la gendarmerie nationale du ministère de l’intérieur concerne tout de même le bon fonctionnement de la justice pénale… Cela étant, vous n’y pouvez rien, madame la ministre !

Les amendements déposés au nom de la commission nous paraissent donc essentiels. Si vous deviez vous y opposer, madame la ministre, il faudrait avancer d’autres justifications que celles que nous avons obtenues jusqu’à présent ! Pour ma part, en l’état actuel des choses, j’ai le sentiment que si ces amendements devaient ne pas être adoptés, c’est peut-être l’issue du vote final qui serait compromise.

Le deuxième point que je voudrais aborder concerne la suppression pure et simple des réquisitions.

Là encore, mes chers collègues, il ne faut pas s’y tromper. Bien sûr, cette mesure peut être présentée sous un angle purement technique, comme une mesure de simplification et d’efficacité. Or il n’en est rien ! J’admets qu’il est nécessaire de procéder à un toilettage de certaines dispositions désuètes relatives au maintien ou au rétablissement de l’ordre, mais le formalisme qui entoure les ordres donnés par l’autorité administrative et l’exécution de ceux-ci par les commandants d’unités de gendarmerie mobile n’a, à mes yeux, rien de désuet. Vous l’avez reconnu vous-même tout à l’heure, madame la ministre, en affirmant que vous souhaitiez une « traçabilité » des ordres donnés, y compris au moyen d’un enregistrement audiovisuel.

Tout d’abord, le maintien et le rétablissement de l’ordre sont une responsabilité du pouvoir politique. Ils ne peuvent s’exercer qu’au regard de la liberté de se réunir, donc de manifester. Réguler le maintien et le rétablissement de l’ordre, au besoin par la force ouverte et les armes, n’est pas qu’une simple mesure administrative.

L’usage des armes doit être entouré d’une garantie de traçabilité : qui fait quoi ? Qui est responsable de quoi ? En effet, en cas de mise en cause des libertés publiques, de dommages aux personnes et aux biens, sans compter les dérapages et bavures, l’autorité administrative donneuse d’ordres doit pouvoir se justifier et se défendre devant la juridiction compétente. Le pouvoir politique doit être en mesure de répondre aux interpellations du Parlement et, éventuellement, à ses commissions de contrôle.

Par ailleurs, c’est une garantie fondamentale, pour celui qui exécute l’ordre, que de pouvoir justifier de l’ordre reçu, et c’est aussi une garantie pour celui qui l’a donné ou est censé l’avoir donné.

Pour ces raisons, l’amendement proposé par les commissions me paraît essentiel. Un décret en Conseil d’État doit réglementer l’usage de la force.

J’ai en mémoire quelques exemples d’affaires datant de l’époque où j’étais en poste à l’Élysée, comme l’affaire d’Aléria, sur laquelle je ne reviendrai pas. Plus récemment, je venais à peine d’être élu sénateur lorsque j’ai été appelé à faire partie de la commission d’enquête sur la mort de Malik Oussekine. Or nous n’avons jamais pu savoir qui avait donné l’ordre aux voltigeurs de la police nationale de charger et de pourchasser les manifestants jusque dans les couloirs.

Il importe donc, madame la ministre, de faire en sorte que tout soit clair à cet égard.

En outre, derrière les autorités administratives responsables du maintien de l’ordre ou les exécutants, il y a des hommes et des femmes, avec leurs forces et leurs faiblesses. En cas de troubles majeurs, de circonstances exceptionnelles, ce n’est pas toujours un Maurice Grimaud qui dirige !

Une simple circulaire ne saurait donc suffire à préciser les conditions d’usage de la force. C’est pourquoi nous préconisons un décret en Conseil d’État.

Le troisième et dernier point que je souhaite aborder porte sur les dispositions relatives à l’autorité des préfets.

L’insistance avec laquelle votre ministère a paru vouloir maintenir l’article initial du projet de loi est, pour moi, une source d’étonnement.

Si la gendarmerie nationale reste une force militaire, la chaîne de commandement doit être respectée. Affirmer comme le prévoit le texte que les responsables locaux des services de police et des unités de gendarmerie sont placés sous l’autorité des préfets me paraît porter atteinte à ce principe substantiel.

Il est très bien que le préfet ait autorité sur le commandant du groupement de la gendarmerie départementale, comme cela est déjà le cas, mais il ne peut pas diriger la brigade de gendarmerie de Lapoutroie, pour prendre un exemple que je connais bien.

Debut de section - Permalien
Michèle Alliot-Marie, ministre

C’est évident !

Debut de section - PermalienPhoto de Hubert Haenel

Personne, à ma connaissance, n’envisage de remettre en cause l’autorité des préfets. C’est une question d’efficacité !

Si vous voulez profiter de l’examen de ce projet de loi pour réaffirmer l’autorité du préfet sur le commandant du groupement de la gendarmerie départementale, je n’y vois pas d’inconvénient, mais cela ne doit pas signifier que le préfet commande les unités de gendarmerie nationale du département, c’est-à-dire les brigades, les pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie, les pelotons routiers et même la brigade de recherches, qui n’exerce ses compétences qu’en matière de police judiciaire.

Faisons preuve d’un peu de réalisme ! Peut-on imaginer, mes chers collègues, qu’un colonel, commandant un groupement de la gendarmerie, puisse refuser d’obtempérer à l’ordre d’un préfet et de lui rendre compte ? Je ne donnerais pas cher de sa peau ! Il serait viré dans les vingt-quatre ou quarante-huit heures ! La rédaction qui nous est proposée sur ce point me paraît tout à fait opportune, et je souhaite que notre assemblée l’adopte.

Tous les autres amendements de la commission nous paraissent devoir recueillir un avis favorable de la part du Gouvernement.

Madame la ministre, mes chers collègues, je vous rappelle, comme l’ont fait le président et le rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, que nous avons étudié ce projet de loi en amont, au sein d’un groupe de travail.

Après de nombreuses et longues auditions, nos réflexions ont débouché sur l’élaboration d’un rapport adopté à l’unanimité de la commission. Les amendements au projet de loi constituent la transposition pure et simple de nos travaux. Il y a donc lieu, à mon sens, d’en tenir compte.

Votre texte, madame la ministre, recouvre des enjeux très lourds. Il bouleverse l’organisation de certains pouvoirs régaliens de l’État.

On nous dira qu’il s’agit d’une réforme voulue par le Président de la République. Or celui-ci a déclaré que « le principe de l’existence de deux forces de sécurité dans notre pays, l’une à statut militaire, l’autre à statut civil, est et sera maintenu ». Il a affirmé que « la France ne peut faire l’économie d’une force de sécurité à statut militaire, car on en a besoin pour de multiples missions de défense, en métropole, en outre-mer et sur les théâtres d’opérations extérieures », et que « police et gendarmerie sont deux institutions qui ont leur culture, leur histoire, leur identité, leurs succès et leurs drames. Tout ce qui forge et soude une communauté. » Il s’est engagé, je le cite toujours, « à trouver ce juste point d’équilibre entre le statut militaire et ses éléments qui préservent le rattachement à la communauté militaire et d’autre part la mission de sécurité ».

Madame la ministre, ce juste point d’équilibre, je crois que la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et la commission des lois l’ont trouvé au travers des amendements qu’elles ont déposés.

Il ne faudrait pas que la technostructure laisse planer le doute ou la suspicion sur les intentions affirmées dans l’exposé des motifs du projet de loi. Cette réforme est irréversible et, pour éviter des dérives qui trahiraient la lettre et l’esprit de la loi, elle doit être strictement encadrée. Je ne doute donc pas, madame la ministre, que vous donniez un avis favorable aux amendements déposés au nom des deux commissions, après avoir entendu les arguments qui seront développés pour les soutenir.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Le Gouvernement ayant déposé un certain nombre d’amendements que les commissions n’ont pas eu le temps d’examiner, nous allons nous réunir dès à présent à cette fin. J’invite M. le président de la commission des lois et M. le rapporteur pour avis à se joindre à nous.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Gaudin

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de Mme Monique Papon.