Intervention de Daniel Reiner

Réunion du 16 décembre 2008 à 16h00
Gendarmerie nationale — Discussion générale

Photo de Daniel ReinerDaniel Reiner :

Le décret de mai 2002, en confiant la responsabilité de l’emploi de la gendarmerie exclusivement au ministère de l’intérieur pour les missions de sécurité, avait de fait réduit la portée des textes fondamentaux de 1798 et de 1903, qui prévoyaient que la gendarmerie réponde aux sollicitations des ministres de la défense, de la justice, de l’intérieur et même de l’outre-mer. Le décret de 2002 ne constituait donc pas, à vrai dire, une innovation totale, même si, pour le ministre de l’intérieur de l’époque, il était important qu’il apparaisse comme tel : réunir la police et la gendarmerie sous un même commandement, c’est concentrer davantage de pouvoir en une seule personne.

On dit volontiers, sous cape, que les relations entre police et gendarmerie ne sont pas simples. Pourtant elles les ont poursuivies et approfondies, elles ont appris à mutualiser leurs moyens et la formation continue, à échanger leurs expériences et leurs méthodes. On pouvait très bien en rester là, mais tel n’est pas votre choix, madame la ministre.

On a pourtant pu mesurer tout ce qui différencie un gendarme d’un policier : les conditions de travail, la rémunération, le logement, l’action sociale, le droit d’expression et, bien sûr, le sens de l’engagement militaire.

Pour mettre en œuvre le transfert que vous souhaitez et qui ne se résume pas seulement à un volet budgétaire, il vous faudra porter atteinte à l’unité de la gendarmerie. Ainsi, seront maintenues hors du champ du ministère de l’intérieur les gendarmeries spécialisées maritime, de l’air, de l’armement. Pour les autres, il faudra régler, entre le ministère de la défense et le ministère de l’intérieur, de multiples questions ayant trait au soutien, à l’action sociale, à la santé et, plus important encore, au maintien en condition opérationnelle des équipements, dont on ne sait plus très bien d’ailleurs où se trouvent les budgets.

Enfin, en ce qui concerne le personnel, c’est-à-dire les gendarmes, il y aura des compétences transférées, des compétences partagées entre les deux ministères et des compétences maintenues. Les nuances semblent parfois obscures : ainsi, la discipline relèvera de la défense et la notation de l’intérieur.

Madame la ministre, pourquoi ferait-on simple quand on peut faire si compliqué ?

On peut craindre que la gendarmerie, ainsi détachée des armées, n’ait bien du mal à conserver longtemps son statut militaire. Je sais que vous vous en défendez, mais le projet de loi que vous présentez aujourd’hui ouvre cette voie. Pour notre part, attachés aux deux forces de sécurité, nous ne vous suivrons pas sur ce chemin.

Depuis une vingtaine d’années, l’organisation territoriale des deux forces de sécurité a bien évolué. Elle s’est adaptée à la nouvelle géographie des collectivités. Aujourd’hui, le partage du territoire entre la police et la gendarmerie semble assez clair.

Aux termes de l’article 1er du décret de 1903, la gendarmerie, dont la surveillance du territoire est une des missions, est plus particulièrement destinée à assurer la sécurité des campagnes et des voies de communication. Pour ce faire, elle s’est réorganisée en regroupements, puis en communautés de brigades dans nos territoires ruraux. D’une manière générale, cette implantation, maintenant comprise des élus locaux, est plutôt appréciée, d’autant que les relations entre les collectivités, les élus et la gendarmerie se sont formalisées et améliorées au fil du temps.

Il y a un attachement évident à la gendarmerie, considérée comme le principal garant de la sécurité et de la tranquillité des habitants dans les zones rurales. Ce que craignent nos concitoyens et les maires de nos villages, madame la ministre, ce sont les rumeurs de nouveaux regroupements ou de fermeture de brigades, la réduction annoncée des effectifs. Que celle-ci soit inscrite en loi de finances ou dans la révision générale des politiques publiques, cela ne fait pas de différence pour eux. S’agissant du texte qui nous est soumis aujourd’hui, ils imaginent que l’on pourra beaucoup plus facilement, à l’avenir, demander aux gendarmes d’aller renforcer la police dans des zones plus urbanisées, en délaissant leurs communes. Voilà ce qu’ils redoutent, et surtout ce dont ils ne veulent pas : on peut les comprendre.

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