Intervention de Hubert Haenel

Réunion du 16 décembre 2008 à 16h00
Gendarmerie nationale — Discussion générale

Photo de Hubert HaenelHubert Haenel :

Je m’interroge malgré tout sur les raisons qui ont conduit le ministère de la justice à ne pas répondre à la convocation qui lui avait été adressée par le groupe de travail d’abord, par la commission ensuite, alors que le rapprochement envisagé de la gendarmerie nationale du ministère de l’intérieur concerne tout de même le bon fonctionnement de la justice pénale… Cela étant, vous n’y pouvez rien, madame la ministre !

Les amendements déposés au nom de la commission nous paraissent donc essentiels. Si vous deviez vous y opposer, madame la ministre, il faudrait avancer d’autres justifications que celles que nous avons obtenues jusqu’à présent ! Pour ma part, en l’état actuel des choses, j’ai le sentiment que si ces amendements devaient ne pas être adoptés, c’est peut-être l’issue du vote final qui serait compromise.

Le deuxième point que je voudrais aborder concerne la suppression pure et simple des réquisitions.

Là encore, mes chers collègues, il ne faut pas s’y tromper. Bien sûr, cette mesure peut être présentée sous un angle purement technique, comme une mesure de simplification et d’efficacité. Or il n’en est rien ! J’admets qu’il est nécessaire de procéder à un toilettage de certaines dispositions désuètes relatives au maintien ou au rétablissement de l’ordre, mais le formalisme qui entoure les ordres donnés par l’autorité administrative et l’exécution de ceux-ci par les commandants d’unités de gendarmerie mobile n’a, à mes yeux, rien de désuet. Vous l’avez reconnu vous-même tout à l’heure, madame la ministre, en affirmant que vous souhaitiez une « traçabilité » des ordres donnés, y compris au moyen d’un enregistrement audiovisuel.

Tout d’abord, le maintien et le rétablissement de l’ordre sont une responsabilité du pouvoir politique. Ils ne peuvent s’exercer qu’au regard de la liberté de se réunir, donc de manifester. Réguler le maintien et le rétablissement de l’ordre, au besoin par la force ouverte et les armes, n’est pas qu’une simple mesure administrative.

L’usage des armes doit être entouré d’une garantie de traçabilité : qui fait quoi ? Qui est responsable de quoi ? En effet, en cas de mise en cause des libertés publiques, de dommages aux personnes et aux biens, sans compter les dérapages et bavures, l’autorité administrative donneuse d’ordres doit pouvoir se justifier et se défendre devant la juridiction compétente. Le pouvoir politique doit être en mesure de répondre aux interpellations du Parlement et, éventuellement, à ses commissions de contrôle.

Par ailleurs, c’est une garantie fondamentale, pour celui qui exécute l’ordre, que de pouvoir justifier de l’ordre reçu, et c’est aussi une garantie pour celui qui l’a donné ou est censé l’avoir donné.

Pour ces raisons, l’amendement proposé par les commissions me paraît essentiel. Un décret en Conseil d’État doit réglementer l’usage de la force.

J’ai en mémoire quelques exemples d’affaires datant de l’époque où j’étais en poste à l’Élysée, comme l’affaire d’Aléria, sur laquelle je ne reviendrai pas. Plus récemment, je venais à peine d’être élu sénateur lorsque j’ai été appelé à faire partie de la commission d’enquête sur la mort de Malik Oussekine. Or nous n’avons jamais pu savoir qui avait donné l’ordre aux voltigeurs de la police nationale de charger et de pourchasser les manifestants jusque dans les couloirs.

Il importe donc, madame la ministre, de faire en sorte que tout soit clair à cet égard.

En outre, derrière les autorités administratives responsables du maintien de l’ordre ou les exécutants, il y a des hommes et des femmes, avec leurs forces et leurs faiblesses. En cas de troubles majeurs, de circonstances exceptionnelles, ce n’est pas toujours un Maurice Grimaud qui dirige !

Une simple circulaire ne saurait donc suffire à préciser les conditions d’usage de la force. C’est pourquoi nous préconisons un décret en Conseil d’État.

Le troisième et dernier point que je souhaite aborder porte sur les dispositions relatives à l’autorité des préfets.

L’insistance avec laquelle votre ministère a paru vouloir maintenir l’article initial du projet de loi est, pour moi, une source d’étonnement.

Si la gendarmerie nationale reste une force militaire, la chaîne de commandement doit être respectée. Affirmer comme le prévoit le texte que les responsables locaux des services de police et des unités de gendarmerie sont placés sous l’autorité des préfets me paraît porter atteinte à ce principe substantiel.

Il est très bien que le préfet ait autorité sur le commandant du groupement de la gendarmerie départementale, comme cela est déjà le cas, mais il ne peut pas diriger la brigade de gendarmerie de Lapoutroie, pour prendre un exemple que je connais bien.

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