Notre discussion porte sur la suppression de la procédure de réquisition, dont le principe est consacré par l’article L. 1321-1 du code de la défense. Hérité de la Révolution, celui-ci dispose qu’« aucune force militaire ne peut agir sur le territoire de la République pour les besoins de la défense et de la sécurité civiles sans une réquisition légale ». Le principe figure également à l’article D. 1321-3 du code de la défense, selon lequel « les forces armées ne peuvent participer au maintien de l’ordre que lorsqu’elles en sont légalement requises ». Ces dispositions s’appliquent à toutes les forces armées.
La remise en cause du principe de réquisition de la gendarmerie, pour son emploi au maintien de l’ordre, revient donc à dénier à cette dernière la qualité de force militaire. C’est bien parce que la gendarmerie est une force militaire que l’autorité civile doit recourir à une réquisition écrite déterminant l’objectif à atteindre !
Par ailleurs, supprimer le principe de la réquisition revient à méconnaître l’absence de lien de subordination hiérarchique entre l’autorité civile et l’autorité militaire. Cette dernière reste maîtresse des modalités d’exécution de la mission qui lui est confiée et engage sa responsabilité. Il s’agit d’une exigence forte : son action doit être adaptée à la situation et aux buts, un contrôle de proportionnalité étant exercé par le juge. La réquisition ne lui laisse pas carte blanche quant au déploiement de la force et à l’usage des armes.
La séparation des autorités civiles et militaires plaide en faveur du maintien de la procédure de réquisition, qui offre également des garanties précieuses pour les citoyens, pour l’armée elle-même et pour nos institutions.
Nous contestons fermement l’opinion selon laquelle ces garanties ne seraient qu’apparentes. Je ne citerai pas une nouvelle fois les propos des deux anciens directeurs généraux de la gendarmerie nationale. Comme nous l’avons signalé précédemment, ceux-ci considèrent que cette suppression est insupportable au regard des libertés publiques.
Il convient par ailleurs de nuancer les comparaisons entre les militaires de la gendarmerie départementale, qui exercent de leur initiative et au quotidien leur mission de sécurité publique, et les militaires de la gendarmerie mobile et de la garde républicaine.
On nous oppose que le maintien de la procédure de réquisition est incompatible avec le rattachement de la gendarmerie nationale au ministère de l’intérieur. Toutefois, nous avons déposé un amendement de suppression de l’article 1er du projet de loi et nous défendrons un amendement de suppression de l’article 3, qui tend à placer les commandants locaux des unités de la gendarmerie nationale sous l’autorité des préfets. Notre démarche est donc cohérente.
Je rappelle que, en avril dernier, le groupe de travail sur l’avenir de l’organisation et des missions de la gendarmerie nationale s’était clairement exprimé sur ce sujet. Il a considéré que le système des réquisitions constituait un élément important de notre dispositif de sécurité et d’ordre public et qu’il convenait, dans ces conditions, d’en conserver le principe.
Nous nous étonnons aujourd’hui que les amendements de réécriture proposés par les rapporteurs soient en contradiction avec cette recommandation du groupe de travail.
Nous observons à cet égard les limites de l’exercice des commissions. Ces dernières, en choisissant de s’aligner sur les orientations du projet de loi, ont été dans l’obligation de chercher à encadrer le recours, dans le cadre du maintien de l’ordre, aux moyens militaires spécifiques de la gendarmerie nationale, ainsi que les conditions d’usage des armes.
Pour notre part, nous ne sommes pas opposés à rénover, à moderniser, voire à simplifier la procédure de réquisition. Nous sommes ouverts à toute proposition qui irait dans le sens d’un allégement du formalisme actuel, en assouplissant si nécessaire les contraintes administratives superflues, dès lors que le principe même de la réquisition ne serait pas remis en cause.