Intervention de Jean Faure

Réunion du 16 décembre 2008 à 21h30
Gendarmerie nationale — Article 3, amendement 8

Photo de Jean FaureJean Faure, rapporteur :

La question des relations entre les commandants de la gendarmerie et les préfets n'est pas nouvelle.

Il faut puiser parfois dans l’histoire pour retrouver un peu de sagesse dans nos débats.

En effet, Napoléon Ier, dans une note pour le ministre de la police, relevait déjà ceci, à propos d’une circulaire du ministre de l’intérieur de l'époque : « ce n’est pas en disant que la gendarmerie est un bras, un instrument, une dépendance qu’on honore un corps, qu’on le rend utile, et qu’on dit autre chose sinon qu’on a voulu l’injurier. Pesez ces différentes phrases ; elles n’ont aucun sens, il n’y a que des mots et une fausseté : c’est que la gendarmerie a cessé ses relations avec les préfets. Pas d’amphigouri. Il fallait dire en six lignes que les capitaines de gendarmerie doivent rendre compte de ce qui se passe aux préfets. Une circulaire ainsi faite eût été simple, précise, mais inutile ; car il n’entre pas dans la tête de ne pas rendre compte aux préfets. »

Tirant les conséquences du rattachement de la gendarmerie nationale au ministre de l’intérieur, le projet de loi prévoit de placer formellement les commandants locaux des services de police et d’unités de la gendarmerie sous l'autorité des préfets.

Cette disposition a pu susciter des appréhensions au regard du principe hiérarchique, qui constitue un élément essentiel du caractère militaire de la gendarmerie.

Une autre interrogation tient au partage des zones de compétences entre la police et la gendarmerie. En effet, il ne faudrait pas que cette disposition se traduise par la possibilité pour le représentant de l’État de disposer indistinctement des deux forces. À l’évidence, cela conduirait à l’utilisation d’unités de la gendarmerie pour renforcer les forces de police dans les grandes agglomérations, où le taux de criminalité est statistiquement plus élevé, au détriment de la sécurité des zones rurales et périurbaines.

C’est la raison pour laquelle la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées a souhaité encadrer ce dispositif de trois manières.

Tout d’abord, il nous a semblé utile de circonscrire sans ambiguïté le champ d’application de cette disposition au maintien de l’ordre public et à la police administrative, la police judiciaire relevant de l’autorité judiciaire.

Ensuite, en parlant des « responsables locaux des services de police et des unités de la gendarmerie nationale », le projet de loi laisse la porte ouverte à des interprétations divergentes quant au niveau hiérarchique.

L’expression « responsables locaux des services et unités » est interprétée très largement comme désignant, pour la police nationale, le directeur départemental de la sécurité publique et, pour la gendarmerie nationale, le commandant de groupement.

Toutefois, pour un lecteur non averti, un commandant de brigades territoriale peut être également considéré, au sens littéral, comme un responsable local d’une unité de la gendarmerie nationale.

Si une telle lecture devait être un jour retenue, elle permettrait aux préfets de s’adresser directement aux commandants de brigades, sans respecter la chaîne hiérarchique.

Afin de prévenir tout risque de dérives, la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées propose de substituer à l’expression « responsables locaux » celle de « responsables départementaux », qui correspond à l’échelon hiérarchique de la gendarmerie.

Enfin, afin de préserver le principe hiérarchique, il nous a semblé préférable de garder la formulation actuelle d’après laquelle les commandants « lui rendent compte de l’exécution et des résultats de leurs missions » plutôt que l’expression « sont placés sous son autorité ».

Nous ne voulons pas remettre en cause le rôle de direction et de coordination du préfet, représentant de l’État dans le département en matière de sécurité. Notre préoccupation porte sur le respect du principe hiérarchique qui est consubstantiel au statut militaire de la gendarmerie.

Je sais, madame le ministre, que nous avons une divergence sur ce point. C'est la raison pour laquelle la commission souhaite rectifier l’amendement n° 8 afin de présenter une formule de compromis ainsi rédigée: « Dans le respect du statut militaire pour ce qui concerne la gendarmerie nationale, les responsables départementaux de ces services et unités sont placés sous son autorité et lui rendent compte de l’exécution et des résultats de leurs missions en ces matières. »

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