Ma question s’adresse effectivement à Mme Bachelot-Narquin, mais je sais que M. Joyandet, secrétaire d'État chargé de la coopération et de la francophonie, sera un excellent interprète.
Au début des années quatre-vingt, les enquêtes sur les risques lors de l’accouchement montraient que la France était l’un des pays européens où la mortalité maternelle était la plus importante. La situation a heureusement changé depuis, mais l’accouchement représente toujours un risque pour la mère, puisqu’on dénombre aujourd’hui encore entre neuf et treize décès pour 100 000 naissances vivantes : de soixante-quinze à quatre-vingts femmes décèdent chaque année de leur grossesse ou de ses suites.
D’après l’Organisation mondiale de la santé, si en matière de mortalité maternelle la France se situe dans la moyenne des pays européens – elle se place au seizième rang selon ce critère –, elle reste en deçà des meilleurs et très loin de la Suède, dont les taux sont deux fois plus faibles.
Le Comité national d’experts sur la mortalité maternelle a publié en avril 2009 un rapport issu d’un travail mené avec l’Institut national de la santé et de la recherche médicale et l’Institut de veille sanitaire. L’étude porte sur les années 2001-2006 : le premier constat est que 463 décès maternels ont été identifiés sur l’ensemble du territoire, dont la moitié étaient évitables car ils étaient le plus souvent liés à des mesures thérapeutiques inappropriées.
Durant cette période d’étude, l’âge moyen des femmes décédées de mort maternelle était de 33, 3 ans. Le risque de mort maternelle était trois fois plus élevé entre 35 et 39 ans qu’entre 20 et 24 ans, huit fois plus fort entre 40 et 44 ans et trente fois plus élevé au-delà de 45 ans. Ne faudrait-il pas encourager les femmes à avoir leurs enfants plus jeunes ?
Cette même étude montre une disparité régionale surprenante. En effet, le taux de mortalité maternelle en couches en Île-de-France est de 30 % supérieur à la moyenne nationale. Quant aux départements d’outre-mer, la mortalité maternelle y est trois fois plus fréquente qu’en métropole.
Ce taux demeure supérieur chez les femmes de nationalité étrangère, notamment originaires d’Afrique subsaharienne, qui peuvent avoir des complications obstétricales plus sévères. En Île-de-France, le taux de mortalité maternelle chez les Africaines est de 28, 9 pour 100 000 naissances, contre 10, 2 chez les Françaises. Un quart des morts maternelles surviennent pendant la grossesse, un tiers dans les premières vingt-quatre heures après la naissance et un autre tiers au-delà de ces vingt-quatre heures, mais moins de quarante-deux jours post-partum.
Les hémorragies restent la principale cause de décès, étant à l’origine de 25 % d’entre eux. On devrait pouvoir améliorer la situation en appliquant les recommandations du Comité national d’experts émises en 2004, en particulier en mesurant la quantité de sang perdu après l’accouchement. La très grande majorité de ces décès par hémorragie – 90 % – seraient évitables. Parmi les autres causes obstétricales de décès figurent, à parts égales, l’hypertension artérielle et les thrombo-embolies veineuses ainsi que les embolies amniotiques.
« L’existence de lacunes dans le système national de recueil d’informations laisse supposer un nombre encore plus important de ces décès évitables », admettent même les experts. Dès lors, il me semble fondamental d’éclaircir plusieurs points : la qualité des soins et la formation des praticiens ; le fait que le nombre de praticiens soit en constant recul, alors que la France est en tête des pays européens pour la natalité, avec plus de 800 000 naissances par an ; la prévention et l’information des futures mères avant l’accouchement ; enfin les erreurs médicales et l’abus de césariennes.
Le rapport met en exergue le fait que la césarienne n’est pas un système de prévention à part entière. Le risque zéro n’existe pas. La généralisation de cette pratique ne diminue pas les risques, au contraire : le risque de décès maternel est ainsi multiplié par 3, 5 par rapport à la voie basse. Les causes en sont les complications de l’anesthésie, les infections et les thrombo-embolies. S’ajoutent à cela la surmédicalisation et les protocoles de prise en charge de gestion de l’accouchement.
Conduire des études plus ciblées sur les populations à risques au regard des complications maternelles sévères serait nécessaire afin de préciser les facteurs intervenant non seulement à l’échelon d’une zone géographique, mais également à l’échelon individuel. Cela permettrait ultérieurement le développement de politiques de santé publique mieux adaptées régionalement aux besoins des populations.
Il semble donc urgent que la France, qui se targue d’avoir l’un des meilleurs systèmes de soins, agisse pour préserver la santé des futures mères et, bien sûr, des enfants. C’est pourquoi je voudrais connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre afin de remédier à cette situation.