Intervention de Bruno Gilles

Réunion du 15 juin 2010 à 14h30
Débat sur « la loi hôpital patients santé et territoires un an après » — Débat

Photo de Bruno GillesBruno Gilles :

Pourtant, il semble judicieux, d’ores et déjà, d’analyser la façon dont est ressentie sur le terrain la réforme en cours.

Parmi les mesures d’application publiées, je me contenterai d’en aborder certaines, qui intéressent plus particulièrement l’hôpital et les médecins libéraux. En ce qui concerne la nouvelle gouvernance qui prend forme, je m’inspirerai dans ces quelques commentaires, à une exception près, de la réalité du terrain et des réflexions qui me sont parvenues.

Sur la forme, la publication en rafales des décrets et arrêtés fait craindre dès à présent aux différents acteurs que les dispositions réglementaires n’excluent, dans le cadre de cette nouvelle gouvernance, toute marge de liberté. Il est ainsi regretté que les décrets n’adoucissent pas les termes de la loi, en particulier en ce qui concerne la politique de recrutement des effectifs médicaux et les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens, où il est malheureusement plus question de sanctions que de moyens disponibles.

Par exemple, l’incompatibilité prévue, pour un président d’université médecin, de siéger au conseil de surveillance d’un centre hospitalier universitaire, ou CHU, n’apparaît pas fondée. Tout président d’université y aurait droit, mais seul un médecin président d’université, comme c’est le cas à Marseille, en serait exclu, sous prétexte d’un lien de subordination avec l’hôpital universitaire. Il apparaît dès à présent qu’une telle disposition est injuste. Une modification du décret est donc attendue. Tel est l’espoir qui se manifeste sur le terrain.

Considérons maintenant la communauté hospitalière de territoire, la CHT.

À ce sujet, je tiens à préciser que l’assistance publique-hôpitaux de Marseille, l’AP-HM, est impliquée dans deux territoires de santé : l’un comprenant Martigues, l’autre Aubagne-La Ciotat. La topographie fait que ces deux zones ne coopèrent pas entre elles. Aussi la constitution d’une seule CHT n’est-elle pas envisageable. Il conviendrait d’autoriser la possibilité, pour un CHU, de créer deux ou trois CHT quand le besoin s’en fait sentir et que le relief l’impose.

Je voudrais également évoquer, madame la ministre, le décret portant sur les attributions des CME, les commissions médicales d’établissement, et leur composition. Je tiens à souligner l’amertume des médecins, liée à la manière dont ce décret a été élaboré. Vous en avez été informée, puisque tant les syndicats des CME des centres hospitaliers que la conférence des CME des CHU ont dénoncé le contenu du décret, de même que le semblant de concertation avec le corps médical lors de son élaboration.

Comment pourrait-on envisager une gouvernance harmonieuse de notre système hospitalier sans un minimum de confiance à l’égard de ceux qui en sont les acteurs primordiaux ? Une certaine suspicion à leur encontre émanait déjà du projet de loi. Nous avons cherché ici, au Sénat, notamment à la commission des affaires sociales, à gommer cette impression.

Il faut bien admettre que certaines dispositions du décret sont dangereuses. Ce disant, je ne me réfère plus à Marseille, madame la ministre, où la concertation entre corps médical et administration est sereine, voire exemplaire. Je souhaite toutefois souligner, comme je l’avais fait lors de nos débats sur le projet de loi, les risques de dérives. Si l’avis du président de la CME est requis et s’il lui revient de prendre l’attache de ses mandants, cette concertation médicale n’aura pas l’obligation d’être suivie d’effet dans la réalité. Si l’on ajoute à cela, en dépit d’une position consensuelle attendue au sein du directoire sur les principaux thèmes, que c’est bien le directeur général, président du directoire, qui décide, il n’est pas absurde d’évoquer un risque d’absence de dialogue médical, alors que le dialogue social, lui, sera préservé via les CTE, les comités techniques d’établissement.

Enfin, de semblables griefs sont énoncés par les médecins libéraux à propos des décrets qui les concernent. Celui qui traite du développement professionnel continu, le DPC, se caractérise, de leur point de vue, par une mise à l’écart des organisations représentatives des professions. Les décrets sur les modalités d’élection aux unions régionales des professionnels de santé ne garantissent pas une efficacité de fonctionnement ni de sereines relations contractuelles de ces assemblées avec les agences régionales de santé, les ARS.

N’avez-vous pas, madame la ministre, tout au long de nos débats, et encore même au dernier jour de ceux-ci, plaidé pour la collégialité et contre un excès de formalisme ? Je ne doute pas que vous saurez tenir compte des réserves exprimées.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion