Cela donne du grain à moudre au préfet du département, qui devient subitement le gestionnaire des fonds structurels et conserve ainsi l'impression d'exister et d'exercer un rôle institutionnel.
Pendant ce temps-là, que se passe-t-il sur le terrain ? Les uns et les autres, nous nous sommes battus pour doter l'Europe d'une monnaie unique et pour éviter d'en faire une Europe inique du fait des dévaluations compétitives. Nous avons ainsi une monnaie unique.
Dans les années deux mille, une bourse paneuropéenne, Euronext, regroupant les bourses nationales de Paris, Amsterdam, Bruxelles ou Lisbonne a été mise en place. Elle fonctionne plutôt bien, on en a fait une société, qui est cotée en bourse. Les premiers actionnaires, les banquiers français, prennent leurs plus-values et laissent cette bourse à des fonds d'investissements.
Or, aujourd'hui, cette bourse paneuropéenne va passer sous le contrôle du New York Stock Exchange ! Politiquement, le Président de la République est intervenu. Mais sommes-nous allés jusqu'au bout, madame la ministre ? Une bourse n'est pas simplement une société de marché : elle exerce des prérogatives qui lui sont conférées par la puissance publique. Comment se fait-il que le politique ne se soit pas plus impliqué dans ce dossier ? Pourquoi a-t-on d'emblée écarté une convention, sans doute mal ficelée, avec la bourse de Francfort ?
En outre, dans le présent projet de loi de finances, je note l'apparition d'une ligne nouvelle : le fonds d'ajustement à la mondialisation. Formidable, mais pathétique ! On intervient alors que les emplois sont partis, c'est-à-dire que l'on se donne les moyens de venir en aide à celles et ceux qui ont perdu leur travail à cause des délocalisations.
Mais que signifie cette attitude politique, madame la ministre ? L'Europe ne devrait-elle pas plutôt prévenir les délocalisations, en renforçant la compétitivité du territoire européen et en donnant à la gouvernance politique des instruments pour lutter contre cette espèce de fatalité selon laquelle toute notre production devrait partir ailleurs ? Mais non ! On préfère appeler le SAMU ou utiliser d'autres instruments pour aider les victimes à faire leur deuil de la situation ! On crée ainsi un guichet supplémentaire. Comme le soulignait voilà quelques instants M. le rapporteur général, c'est l'Europe des guichets, des clientèles et de l'assistanat !
Madame la ministre, notre foi en l'Europe est inébranlable. Mais, pour prévenir cette dilution, cet abandon et cette espèce de fatalisme, je voudrais vous exprimer ma protestation. De la part de notre gouvernement, j'attends mieux que des fonds pour panser les plaies et pour apaiser les amertumes.
Je voudrais que l'Europe s'engage dans des politiques commerciales cohérentes. Le yuan est sous-évalué, peut-être à hauteur de 50 %. J'attends que l'Europe prenne des positions claires pour exercer une pression sur les autorités chinoises.
L'Europe est totalement inerte, résignée. D'un côté, il y a la stratégie de Lisbonne, qui est incantatoire : c'est un modèle parfait pour « faire de l'Union européenne l'économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d'ici à 2010 ». Mais, de l'autre côté, sur le terrain, il ne se passe rien.
Ensuite, on nous raconte des belles histoires pour tenter d'anesthésier un peu plus ceux qui ont des sursauts de conscience et d'interrogation.
Madame la ministre, je sais votre engagement et je rends hommage à votre action, mais je voudrais que vous puissiez faire bouger les lignes et secouer le cocotier européen.