Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite en effet attirer l’attention de Mme Rachida Dati sur la situation pénitentiaire des deux maisons d’arrêt de Colmar et de Mulhouse, dans le département du Haut -Rhin, qui se trouvent confrontées à des problèmes récurrents de surpopulation carcérale.
Le bâtiment de la maison d’arrêt de Colmar date du xiiie siècle. Transformé en prison à partir de la Révolution, l’établissement devient une maison d’arrêt à partir de 1904.
La surpopulation y croît de manière alarmante, les capacités théoriques d’accueil étant largement dépassées, ce qui crée des tensions, des problèmes humains mais aussi d’hygiène.
Pour ce qui est du personnel pénitentiaire, la maison d’arrêt de Colmar compte quarante-six surveillants, quatre administratifs et un personnel technique, soit un effectif de cinquante et une personnes.
La capacité théorique de l’établissement est, à ce jour, de 118 places. Pourtant, aujourd’hui, 169 personnes y sont incarcérées !
De plus, la configuration des bâtiments ne permet pas de séparer ou d’isoler certains détenus, ce qui pose un problème de distinction entre les catégories pénales – primaires, récidivistes, multirécidivistes.
Depuis deux mois, des filets de protection empêchent enfin les habituels jets de projectiles, entre autres des balles de tennis contenant des substances illicites.
Pour ce qui est de l’actuelle maison d’arrêt de Mulhouse, la construction date des années 1865-1870.
Au fil des ans, les bâtiments ont subi d’importantes transformations pour que l’établissement puisse être utilisé comme maison centrale, puis comme centre de détention en 1975, pour devenir en mai 1998 une maison d’arrêt.
Située en centre-ville, la maison d’arrêt de Mulhouse est très vétuste et n’est absolument plus adaptée aux exigences et aux normes de sécurité.
La capacité théorique d’accueil de cet établissement mulhousien est de 302 places – 238 places pour la détention des hommes majeurs, 23 places pour les mineurs, 16 places pour les femmes et 25 places en semi-liberté –, alors que, aujourd’hui, l’effectif moyen est de 410 détenus.
Cette situation se traduit à la fois par des conditions de travail difficiles pour le personnel de l’administration pénitentiaire et par un surcroît de risques pour la sécurité des détenus. Sans compter que les familles réclament également de meilleures conditions d’attente et des parloirs plus humains pour rencontrer les personnes incarcérées.
Cet établissement occasionne, également, d’importantes nuisances pour les proches riverains, exposés aux insultes, aux parloirs sauvages, aux jets de projectiles, à l’envoi ou à la réception de téléphones portables, d’argent, d’objets banals contenant des substances interdites, et j’en passe.
De plus, les agressions, physiques ou verbales, entre détenus ou contre les gardiens augmentent d’une manière préoccupante, et ce qu’il s’agisse de prévenus, de détenus en attente de jugement ou de personnes condamnées.
Ces dysfonctionnements altèrent la marche de ces établissements et gênent l’exécution de leurs missions, d’autant que l’effectif du personnel pénitentiaire n’augmente pas en conséquence.
Si des aménagements spécifiques et des moyens matériels ont pu pallier les incontestables carences de ces dernières années, ces établissements haut-rhinois ne peuvent plus aujourd'hui se satisfaire de mesures de rénovation distillées au coup par coup.
La construction d’un nouveau site dans les murs ou hors les murs de la ville – envisagée dans un premier temps, mais reportée depuis plusieurs années – doit enfin être remise à l’ordre du jour.
L’idée avait été lancée de procéder à la construction d’un grand établissement qui regrouperait les deux structures. Un pôle de justice à proximité immédiate permettrait des gains de temps de déplacement non négligeables en ce qui concerne tant les avocats que les personnels des tribunaux, et éviterait de mobiliser les agents chargés des escortes.
Qu’en est-il de ce grand projet ? Verra-t-il le jour ? Dans quels délais ?
Nous ne pouvons plus sous-estimer la situation des détenus : certains vivent un véritable abandon affectif et familial du fait de leur incarcération, et ne croient plus en l’avenir, faute de perspective, malgré un travail formidable réalisé par les soignants, les éducateurs, les visiteurs de prison, ce qui n’empêche pas les plus vulnérables d’accomplir des actes extrêmes.
Outre le fait que la prison reste l’un des moyens de punir les personnes qui commettent des actes graves, elle se doit également de préparer les détenus à se reconstruire après cette épreuve. Or cela ne peut se faire que si les conditions de vie à l’intérieur des prisons se réorganisent autour d’un projet de vie empreint d’humanité.
La prison ne peut être une fin en soi et la vie citoyenne a pour objet de ramener au centre de la vie sociale des personnes délinquantes et criminelles.
Il faut également se demander pourquoi des personnes détenues pour de petites peines – on pense, par exemple, à des excès de vitesse -, se trouvent enfermées avec des personnes incarcérées au titre de peines plus lourdes.
Nous devons anticiper les évolutions de notre société et il conviendrait de construire des établissements diversifiés, adaptés à chaque catégorie de population carcérale, afin que, partout sur le territoire et dans toutes les prisons, la séparation entre les mineurs et les majeurs incarcérés soit effective et que, notamment, l’accueil des détenus psychiatriques lourds soit mieux assuré.
Une solution politique doit intervenir pour débloquer ce projet d’établissement pénitentiaire dans le Haut-Rhin, département dont il faut noter qu’il accueille une proportion plus importante de détenus que celle qui est constatée sur le reste du territoire national. Y a-t-il une raison particulière à cette concentration dans mon département, monsieur le secrétaire d’État ?
Il est important de préciser, enfin, que l’amélioration des règles de vie en détention et l’augmentation du parc pénitentiaire doivent s’accompagner d’une mise en œuvre plus volontariste d’alternatives à l’incarcération et d’aménagements de peine.