Intervention de Jean-Pierre Bel

Réunion du 28 octobre 2010 à 9h00
Cumul du mandat de parlementaire et fonction exécutive locale — Renvoi à la commission d'une proposition de loi organique

Photo de Jean-Pierre BelJean-Pierre Bel, auteur de la proposition de loi :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le sujet que nous abordons ce matin est, j’en ai bien conscience, un véritable serpent de mer ! J’ai également constaté que, depuis toujours, ce thème donne lieu à beaucoup d’hypocrisie ; le décalage entre ce qui est dit et ce qui est réalisé en est la preuve !

Je commencerai donc par une citation extraite d’un rapport remis en octobre 2007 au Président de la République, celui du Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, présidé par l’ancien Premier ministre, M. Édouard Balladur.

« Le renforcement du Parlement par le biais d’attributions nouvelles et de méthodes de travail mieux adaptées aux exigences de la démocratie n’a de sens que si les membres du Parlement sont mis en mesure d’exercer pleinement la mission que le peuple leur a confiée. »

C’est en ces termes que le Comité de réflexion brossait le contexte et posait la problématique d’ensemble qui justifie aujourd’hui notre proposition de loi.

Mais le rapport dudit Comité allait beaucoup plus loin encore. Aussi me permettrez-vous d’en extraire d’autres citations.

« L’activité parlementaire de législation et de contrôle constitue, par elle-même, une activité à temps plein. Aussi le Comité est-il d’avis que le mandat unique est la seule mesure qui corresponde vraiment aux exigences d’une démocratie parlementaire moderne. Seule parmi les grandes démocraties occidentales, la France connaît une situation de cumul important des mandats. »

« Pourtant, même si une majorité des membres du Comité considère que le cumul d’un mandat parlementaire et de fonctions locales non exécutives doit encore demeurer possible, sa conviction unanime est que le cumul entre un mandat national et des fonctions exécutives locales, y compris à la tête d’un établissement public de coopération intercommunale, doit être proscrit et que notre pays doit, en toute hypothèse, s’engager sur la voie du mandat parlementaire unique ».

« Il recommande que l’acheminement vers ce mandat parlementaire unique, qui implique une refonte de diverses dispositions organiques du code électoral, s’accomplisse de manière progressive à la faveur de chacune des élections municipales, cantonales et régionales à venir, à l’issue desquelles les parlementaires élus lors de ces scrutins seraient tenus de choisir entre leur mandat national et leur mandat exécutif local. »

De même, en 2007, dans un rapport d’information sur l’émancipation de la démocratie locale, fait au nom de l’Observatoire de la décentralisation, un membre éminent de la majorité sénatoriale, M. Jean Puech, estimait lui aussi nécessaire de limiter le cumul. À la fois prudent et exigeant, il recommandait d’« éviter » – le terme est peut-être plus subtil ! – le cumul entre des fonctions exécutives locales et un mandat de parlementaire.

Notre proposition de loi n’a donc rien d’une proposition de circonstance. Elle s’inscrit dans une tendance de fond. Elle est conforme aux préconisations de l’immense majorité des constitutionnalistes. Elle est une première pierre à une modernisation plus complète de notre vie publique, à un nouveau souffle pour notre République et pour notre démocratie.

Nous le savons tous, le cumul des mandats est, en grande partie – on peut en effet trouver d’autres exemples –, une spécificité française.

Certes, les situations sont variables selon les pays. Pourtant, « seule parmi les grandes démocraties occidentales, la France connaît une situation de cumul important des mandats. ». Ce constat, dressé là encore par le Comité dit « Comité Balladur », est incontestable.

À l’Assemblée nationale, 259 députés exercent un mandat de maire, 19 sont présidents de conseil général et 6 sont présidents de conseil régional.

Ici, au Sénat, 114 d’entre nous sont également maires, 30 sont présidents de conseil général et 5 sont présidents de conseil régional.

Dans ce décompte, je n’inclus pas les fonctions de vice-président, d’adjoint, ni de président d’un établissement public de coopération intercommunale.

Mes chers collègues, le cumul des mandats est légal, c’est une évidence. Il est pratiqué sur toutes les travées de notre assemblée, au-delà des clivages politiques et des convictions de chacun, je vous en donne acte.

Notre objectif n’est donc en aucun cas de jeter l’opprobre sur tel ou tel. Notre volonté n’est pas de stigmatiser. De plus, ayons le courage de le dire aussi, des parlementaires « cumulards » peuvent être d’excellents parlementaires, et je le constate tous les jours.

Pour autant, la situation actuelle n’est pas satisfaisante et les inconvénients sont bien connus.

En premier lieu, le cumul des mandats heurte la plupart de nos concitoyens.

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