Vous nous demandez aujourd'hui de vous aider à vous en sortir. Mais vous auriez pu vous en sortir tous seuls si les gouvernements successifs auxquels vous avez participé depuis 2002 avaient donné suite à ce qui avait été acté lors du sommet de Barcelone en mars 2002 sur l’initiative de Lionel Jospin et de Jacques Chirac, à savoir qu’il n’y aurait pas d’ouverture totale à la concurrence tant que n’aurait pas été mise en place une directive-cadre sur les services d’intérêt économique général.
Admettez-le une bonne fois pour toutes : l’électricité n’étant pas un bien comme les autres, il n’y a pas lieu d’ouvrir ce secteur à la concurrence. Mais visiblement, vous ne voulez pas le comprendre !
Vous avez dit hier, monsieur le secrétaire d'État, à moins que ce ne soit M. Marini, rapporteur pour avis, que tout le mal venait du sommet de Barcelone de mars 2002. Nous vous avons répondu que c’était faux et même archifaux. Daniel Raoul vient de vous le démontrer encore une fois ! Le sommet de Barcelone, auxquels ont participé MM. Jospin et Chirac, a, au contraire, posé un verrou à l’ouverture totale à la concurrence : pas d’ouverture totale s’il n’y a pas de directive-cadre sur les services d’intérêt général, avait-il été acté.
Daniel Raoul a cité tout à l’heure Jacques Chirac ; pour ma part, j’évoquerai Lionel Jospin. À l’occasion de ce sommet, celui-ci avait précisé que les expériences conduites dans certains pays ne nous conduisent pas à penser que l’ouverture à la concurrence sur le marché de l’électricité entraîne une baisse des prix. Il avait même ajouté que si cette ouverture se faisait « sans que les règles de service public aient été rappelées, nous irions vers des hausses de prix plutôt que vers des baisses ». La suite n’a fait que confirmer ces craintes ! Partout, les prix ont flambé, et il a fallu inventer le TARTAM pour éteindre l’incendie.
Or jamais les gouvernements successifs de droite n’ont pris le relais de ce qui avait été acté à Barcelone. Pis, en novembre 2002, vous vous êtes félicités d’avoir accepté l’ouverture totale à la concurrence. Chers collègues de la majorité, vous vous congratuliez même ! Ce compromis, prétendiez-vous, nous permettrait de tirer bénéfice de l’ouverture des marchés. En fait de compromis, ce fut une capitulation en rase campagne ! Et en fait de bénéfice, nous ne cessons pas de légiférer depuis 2002, de colmater, de rapiécer, de corriger les conséquences néfastes de cette ouverture !
Toutefois, il vous fallait aller toujours plus loin dans la libéralisation ! Vous êtes même allés jusqu’à privatiser Gaz de France. Et vous vous êtes fourrés dans la nasse, fièrement – je dirais presque « en chantant » ! – alors que, partout dans le monde, démonstration était faite que la libéralisation et l’ouverture à la concurrence ne fonctionnent pas.
Lors du conseil « énergie » du 6 septembre dernier, donc il y a à peine quelques jours, plusieurs ministres de l’énergie ont même reconnu que cette libéralisation poussée n’avait pas permis de faire baisser les prix et que le consommateur était le grand laissé-pour-compte des réformes. Oui, les choses commencent à bouger à l’échelle de l’Europe, où l’on croit de moins en moins aux comptes fantastiques de la fée libérale !
En outre, la France, qui a un passé exemplaire dans le domaine des services publics – je dis bien « un passé », car le présent dans ce domaine est moins flamboyant – pourrait prendre des initiatives en ce sens sur le plan européen plutôt que d’échanger de simples courriers avec des commissaires européens qui vous conduisent à nous présenter aujourd’hui cette usine à gaz, dernier avatar d’un processus délétère de libéralisation !
En fait, l’accord Fillon-Kroes est mauvais. Aussi, vous vous êtes vous-mêmes fourrés avec allégresse dans la nasse, et maintenant vous nous demandez d’être responsables et de vous aider à vous en sortir. Mes chers collègues, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, nous voudrions bien être magnanimes mais le projet de loi que vous nous présentez est non seulement mauvais mais il est en plus dangereux. En effet, vous persistez dans cette voie libérale qui conduit dans le mur. C’est une nouvelle étape du mouvement de libéralisation alors que partout dans le monde les pays pionniers dans ce domaine font marche arrière.
J’ajoute que ce texte ne vise qu’à augmenter les prix.
Il n’est pas bon pour l’opérateur historique.
Il n’est pas bon pour le système électrique français.
Il n’est pas bon pour les industriels, car l’électricité selon le prix est un facteur de localisation des entreprises ou de délocalisation.
Il n’est pas bon pour les industriels qui ont besoin de visibilité.
Il n’est pas bon pour l’économie et pour l’emploi et, surtout, il n’est pas bon pour les consommateurs et leur pouvoir d’achat.
M. Raoul a raison en affirmant qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la discussion de ce texte. Je le répète : stop, il y a danger !