Séance en hémicycle du 28 septembre 2010 à 14h30

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à douze heures dix, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour un rappel au règlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Danglot

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ce rappel au règlement se fonde sur les termes de l’article de notre règlement relatif à l’organisation de nos travaux.

Hier soir, Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme, a perdu son sang-froid à l’occasion du rappel des décisions historiques du Conseil national de la Résistance qui a rassemblé communistes, socialistes, chrétiens et gaullistes.

Le secrétaire d’État a cru bon de tomber dans l’invective et l’anticommunisme primaire, en proférant des insinuations outrancières inadmissibles, jusqu’à faire référence à des millions de morts.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme

C’est vrai !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Danglot

Nos valeurs sont les valeurs sociales de solidarité, de défense du service public, valeurs issues de la Libération.

Que vous ne partagiez pas ces valeurs, c’est votre droit. On vient de le constater à nouveau avec le milliard d’euros que votre ministère a prélevé dans les caisses des organismes d’HLM.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Danglot

Il est cependant inacceptable de détourner le débat démocratique, comme cela a le cas hier soir.

Par ce rappel au règlement, nous souhaitons réaffirmer notre attachement au respect dû par le Gouvernement aux parlementaires et aux institutions républicaines.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Danglot

M. Jean-Claude Danglot. Nous demandons donc solennellement à M. Benoist Apparu de revenir sur ses propos.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je vous donne acte de votre rappel au règlement, mon cher collègue. M. Apparu ne manquera pas, le moment venu, de répondre à l’appel qui a été le vôtre.

(Texte de la commission)

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (projet n° 556, texte de la commission n° 644, rapports n° 643 et 617).

Nous en sommes parvenus à l’examen de la motion tendant à opposer la question préalable.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je suis saisi, par MM. Courteau, Raoul, Bourquin, Daunis, Mirassou, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n°145.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant nouvelle organisation du marché de l'électricité (644, 2009-2010).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Daniel Raoul, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission de l’économie, monsieur le rapporteur, permettez-moi tout d’abord de m’associer à la remarque qui vient d’être faite par notre collègue du groupe CRC-SPG. Je considère que le dérapage d’hier soir n’est pas digne du texte qui nous occupe et de l’intérêt de nos concitoyens, tout particulièrement des consommateurs d’électricité.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Le projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l’électricité qui nous est soumis, dit « projet de loi NOME », prétend établir « de force » un marché artificiel de l’électricité que les six lois précédentes – j’y reviendrai tout à l’heure – n’ont pas réussi à établir « de gré ».

Vous savez tous comme moi que, malgré l’ouverture du marché de l’électricité depuis le 1er juillet 2007, conformément à la directive européenne de 2003, EDF continue de bénéficier d’un quasi-monopole de fait de 95 % du marché.

Je voudrais d’emblée corriger les quelques erreurs que j’ai relevées, la nuit dernière, dans les interventions de M. Marini et de M. le secrétaire d’État. Je m’inquiète, monsieur le secrétaire d’État, que vous ayez déjà, à votre âge, une mémoire si sélective.

M. Charles Revet s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

L’idée d’une dérégulation du marché de l’énergie par une privatisation des entreprises de ce secteur a commencé à être pensée au plan politique lors du contre-choc pétrolier de 1985. À la suite du renchérissement du coût du baril en 1973 et en 1979, comme je l’avais souligné lors de l’examen de différentes lois sur l’énergie, l’État français a courageusement renforcé son emprise sur ce secteur par une politique volontariste visant à garantir l’indépendance énergétique de notre pays et une électricité à faible coût pour le consommateur.

Le secteur de l’énergie devient alors un domaine sur lequel la souveraineté de l’État s’exerce pleinement – je comprends que cela gêne quelque peu les libéraux – jusqu’à devenir une question de défense nationale, au sens où l’entendait l’ordonnance de 1959 à présent obsolète, au moins du point de vue de l’approvisionnement énergétique.

C’est donc l’état du marché qui va inciter les libéraux à remettre en avant la réforme. Le début des années deux mille est marqué par une inversion totale de conjoncture : on grimpe de nouveau l’escalier des prix, sur fond d’inégalités sociales et territoriales croissantes ; le droit de la concurrence est devenu le pied-de-biche utilisé par la Commission pour fracturer la porte fermée des politiques énergétiques nationales.

Pourtant, il est des précédents catastrophiques à éviter. Les cas de la Suède et de la Grande-Bretagne ont été brillamment évoqués par notre collègue Roland Courteau hier soir, je n’y reviendrai pas.

La Suisse, qui a mis en œuvre une libéralisation de son marché de l’électricité – loi fédérale du 1er janvier 2008 – a vu le prix de l’électricité bondir de 25 %.

La Belgique – qui fait quelquefois la une des journaux pour d’autres raisons – a fait ce choix en 2004. Or un récent rapport du mois d’août 2010 de la Commission de régulation de l’électricité et du gaz belge, la CREG, le régulateur du marché, démontre la fin de l’égalité des tarifs selon que l’on réside en Flandre ou en Wallonie. Le prix de l’électricité a bondi entre 2003 et 2008 de 35 % à 55 %, alors que celui du gaz, durant cette même période, a augmenté entre 50 % et 90 %.

La Californie – cas que vous connaissez très bien, monsieur le rapporteur – a décidé le démantèlement des opérateurs concentrés verticalement en trois activités distinctes, la création d’un marché « spot », autrement dit d’un marché au jour le jour, l’interdiction des contrats de long terme bilatéraux et la garantie d’un prix maximum pour les consommateurs – toujours dans une optique de baisse de prix. Cette expérience malheureuse s’est traduite par le passage du prix du mégawattheure de 30 dollars en décembre 1999 à 377 dollars en décembre 2000 ! Vous comprenez dès lors la position du gouverneur de cet État ainsi que sa volonté de réguler et de réglementer ce secteur.

Je ferai à présent un bref rappel des étapes de la dérégulation du marché de l’énergie.

C’est à partir de 1996 que la libéralisation du marché de l’énergie prend son envol. Le 20 juin 1996, le Conseil adopte une position commune sur la première directive « électricité » ; le gouvernement d’Alain Juppé signe la première directive ouvrant à la concurrence le secteur de l’électricité. Elle sera adoptée par le Parlement européen en décembre 1996. Elle prévoit d’ouvrir le marché à une partie des clients industriels en fixant un seuil d’éligibilité à 9 gigawatts pour 2003, ce qui représente une ouverture du marché de l’ordre de 30 %. Sont alors exclus du processus de libéralisation une partie des clients industriels, mais aussi les collectivités locales et, surtout, les petits consommateurs, au premier rang desquels les ménages.

Par ailleurs, la transposition en France sera effectuée dans la loi du 10 février 2000 par un gouvernement qui, face à une injonction, une menace de procédure, a pris ses responsabilités par une transposition a minima, ce que votre majorité, monsieur le rapporteur, nous avait à l’époque reproché.

Après 2002, de retour au gouvernement, la droite n’a cessé de légiférer sur les secteurs énergétiques. Parmi les six grandes lois relatives au secteur énergétique, trois ont profondément modifié l’organisation de ce secteur en libéralisant les activités d’électricité et de gaz.

La loi du 3 janvier 2003 relative aux marchés du gaz et de l’électricité et au service public de l’énergie, déposée en septembre 2002 par MM. Raffarin et Mer, déclarée d’urgence, est beaucoup plus libérale et va bien au-delà de ce que la directive exigeait ; elle modifie amplement la loi de février 2000 et porte sur les marchés alors que la loi adoptée sous le gouvernement de M. Jospin portait sur la modernisation du service public. C’est bien là que nous divergeons, entre l’intérêt des consommateurs et celui des actionnaires !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

La loi du 9 août 2004 relative au service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, signée de MM. Raffarin et Sarkozy, toujours déclarée d’urgence, a prévu une ouverture du capital d’EDF et de Gaz de France de 30 %, l’abandon du statut d’établissement public à caractère industriel ou commercial et la transformation des deux entreprises en sociétés anonymes. Je me permets de vous rappeler l’engagement d’un certain ministre, à l’époque, concernant la garantie que l’ouverture du capital ne dépasserait pas 30 %. Nous avons vu ce qu’il en est à propos de Gaz de France !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Enfin, la loi du 7 décembre 2006 – sur laquelle nous avions longuement ferraillé avec Roland Courteau –, dite « loi Villepin-Breton », est une transposition de directive européenne ; elle entérine l’ouverture totale à la concurrence du secteur énergétique au 1er juillet 2007, donc pour les ménages.

À cet égard, je vous rappelle les propos de Jacques Chirac, alors président de la République, lors de la conférence de presse donnée à l’issue du Conseil européen de Barcelone : « Alors, nous avons naturellement accepté d’ouvrir le marché de l’électricité aux entreprises, parce qu’il est normal que les entreprises puissent faire jouer la concurrence. Mais il n’était pas de notre point de vue admissible, acceptable d’aller plus loin et, donc, c’est bien la solution que nous souhaitions qui a été reconnue dans les conclusions […] ». Il s’agissait, en fait, dans les conclusions, d’avoir une directive sur les SIEG, les services d’intérêt économique général.

Il n’empêche que, six mois plus tard, le 25 novembre 2002, Mme Fontaine a accepté, lors d’un conseil « énergie », qu’une date finale soit fixée pour l’achèvement du marché intérieur de l’électricité, sans pour autant qu’il soit question d’une directive-cadre sur les SIEG.

Comment pourrions-nous donc vous croire, monsieur le secrétaire d’État ? Les engagements pris par un ministre concernant le capital de Gaz de France, la déclaration du président Chirac : tout cela est passé aux oubliettes ! Ce sont en fait des actes de foi que vous nous demandez, monsieur le rapporteur, même si vous nous donnez des informations sur ce texte. Compte tenu de notre expérience, vous nous permettrez donc d’avoir quelques doutes !

Ces grandes lois ont progressivement libéralisé le secteur de l’énergie en l’ouvrant à la concurrence, sur fond de transposition de directives européennes. Elles ont également été l’occasion pour le Gouvernement de remettre en cause le statut des entreprises publiques, ce qui n’a jamais fait partie des exigences de Bruxelles.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Cette dérégulation affaiblit l’Europe et les États. À aucun moment, la question de l’intérêt général ou d’un service public, même sous la forme d’un SIEG, n’a été évoquée. Dorénavant, elle ne peut plus l’être. Nous sommes là bien loin de l’esprit des fondateurs de l’Europe au moment de la création de la Communauté européenne du charbon et de l’acier.

Or, quand on voit ce qui s’est passé d’un point de vue géopolitique entre la Russie et l’Ukraine en matière de gaz, on peut légitimement s’interroger.

Le paradoxe est que cette dérégulation a été pensée dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, lors d’une séquence où les prix étaient bas et où l’approvisionnement n’était pas menacé.

D’un point de vue géopolitique, en termes d’environnement comme de marché d’ailleurs, cette ouverture s’effectue à contre-cycle. Elle va à l’encontre des intérêts des États européens, de l’Europe, et surtout des consommateurs. Cette dérégulation pénalisera les Français. Il s’agit en fait d’une véritable spoliation !

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

En effet, EDF est une propriété qui a été payée par les usagers, sans financement public. Aujourd’hui, monsieur le secrétaire d’État, vous bradez cette entreprise, qui appartient aux consommateurs.

Force est de reconnaître que, actuellement, les consommateurs français bénéficient d’un faible prix de l’énergie, en raison, d’une part, d’un parc naturel important et, d’autre part, d’une réglementation des tarifs permettant la répartition de la rente nucléaire.

À vous croire, la déréglementation et l’accroissement de la concurrence contribueraient à créer de fortes tensions sur les prix et conduiraient à un alignement tendanciel sur les prix fixés par le marché. Il n’en demeure pas moins que c’est en amont que vous auriez dû agir en refusant l’ouverture totale du marché de l’énergie et en faisant en sorte qu’elle ne concerne pas les ménages.

Le Gouvernement devrait maintenant avoir le courage de renégocier – il ne serait pas le seul des Vingt-sept à renégocier les directives européennes – et de revenir sur l’approbation par Mme Fontaine de l’ouverture totale du marché énergétique à la concurrence, …

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

… mais le Gouvernement en a-t-il réellement la volonté ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

J’en doute fortement, même si le discours sur le pouvoir d’achat – que n’a-t-on entendu en 2007 ! – se focalise essentiellement sur la baisse des prix.

L’ouverture totale à la concurrence est une double peine sanctionnant les ménages. Ceux-ci font face à une véritable entreprise de spoliation en ce sens qu’EDF a bénéficié durant des décennies de ressources publiques émanant des consommateurs afin d’assurer la pérennité du réseau et du parc électronucléaire que le gouvernement de Pierre Messmer avait eu le courage de mettre en place. Non seulement ils se voient confisquer cette contrepartie, mais, en outre, ils sont assujettis aux lois du marché. En conséquence, ils vont faire face à une augmentation importante des tarifs d’électricité.

Vous avez rappelé que nous étions sous la pression de deux procédures. Or – j’ai rappelé les dates –, qui a pris les décisions, qui les a avalisées lors des conseils « énergie » ? C’est vous qui avez procédé à la libéralisation du marché de l’électricité, nous n’allons tout de même pas vous plaindre. Ce serait un comble ! Nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude ! Vous devriez au contraire renégocier tout ce qui a été signé en décembre 2002.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

M. Daniel Raoul. Et je ne parle pas de l’accord entre M. Fillon et Mme Kroes. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire à Mme Lagarde, Bruxelles vous a transmis un virus appelé TOC : vous avez été contaminés par le trouble obsessionnel de la concurrence !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, je vous demande de voter la motion tendant à opposer la question préalable, en considérant que le dispositif de l’ARENH, l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, en particulier la clause de destination, risque – M. le rapporteur le sait pertinemment – de soulever de futurs contentieux juridiques communautaires. C’est une fragilité considérable.

Globalement, nous considérons que ce projet de loi porte atteinte à notre service public, à notre indépendance et à notre sécurité énergétique.

Enfin, nous pensons que la nouvelle étape de la libéralisation du secteur de l’énergie prévue dans le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui porte un coup fatal au tarif réglementé. Vous le savez très bien, et c’est d’ailleurs ce que vous cherchez !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

En tant que rapporteur, mes chers collègues, je ne suis bien entendu pas favorable à cette motion tendant à opposer la question préalable. Je vais vous dire pourquoi.

J’insisterai particulièrement sur quatre points soulevés dans l’objet de votre motion, cher Daniel Raoul, puis sur deux autres éléments de votre intervention.

Premier point : je ne partage bien sûr pas du tout le point de vue des auteurs de la motion sur le nucléaire. Je ne suis pas défavorable à ce que, un jour, un autre opérateur qu’EDF intervienne dans le nucléaire sur le territoire national.

Mes chers collègues, regardez ce qui se passe dans le monde entier en cette année 2010 ! Partout, EDF gagne des parts de marché intéressantes : ainsi, nous avons déjà construit deux centrales nucléaires en Afrique du Sud, nous sommes candidats à la construction de deux réacteurs supplémentaires et nous sommes en train de construire une centrale en Finlande. Nous sommes bien sûr présents en Chine sur le chantier de l’EPR. Certains de nos collègues sont d’ailleurs allés avec moi constater l’avancement des travaux. Nous y construisons deux réacteurs nucléaires et nous avons d’assez fortes chances d’y construire deux autres.

Dans certains cas, nous ne sommes en charge que de la construction, l’exploitation étant assurée par le pays concerné, mais en Grande-Bretagne et aux États-Unis, les projets sont beaucoup plus importants. Il y a ainsi de fortes chances pour qu’EDF soit amenée à construire et à investir dans un parc de huit centrales aux États-Unis, puis qu’elle soit ensuite responsable de leur exploitation et de la vente d’électricité sur le marché américain. Il en va de même en Grande-Bretagne. Enfin, nous sommes candidats à la construction de la probable future centrale nucléaire en Pologne, où certains d’entre nous se sont rendus récemment.

Soyez donc un peu responsables en 2010 ! On ne peut à la fois se réjouir que l’entreprise nationale gagne des parts de marché à l’international et refuser que des opérateurs étrangers interviennent en France.

Sur ce sujet, j’assume ma position et je n’en changerai pas.

Deuxième point, cher Daniel Raoul : ce n’est pas parce qu’une centrale est exploitée par une entreprise appartenant à plus de 70 % à l’État français qu’elle est plus sûre qu’une autre. Si nos centrales sont sûres, c’est parce que l’Autorité de sûreté nucléaire est particulièrement vigilante et sévère. Si un opérateur autre qu’EDF devait demain construire une centrale nucléaire en France, il devrait – heureusement – se soumettre aux mêmes règles que celles qui s’appliquent aux cinquante-huit réacteurs d’EDF !

L’Autorité de sûreté nucléaire française est particulièrement sévère, contrairement à l’autorité américaine, qui est – je pèse mes mots, car ils figureront au Journal officiel –un peu laxiste. Ainsi, elle a délivré l’autorisation de prolonger la durée de vie de la moitié des cent huit réacteurs américains dans des conditions que je ne trouve pas très sévères. Selon moi, c’est une erreur.

Comme vous le savez, EDF a déjà demandé la prolongation de dix ans de la durée de vie d’une partie de son parc nucléaire. Elle va demander une prolongation pour dix ans supplémentaires et devra se soumettre aux exigences de l’Autorité de sûreté nucléaire française. C’est tant mieux !

J’évoquerai maintenant – ce sera le troisième point – l’obligation d’investissement des fournisseurs concurrents. J’ai commencé mon propos hier en remerciant le Gouvernement d’avoir associé les rapporteurs du projet de loi – Jean-Claude Lenoir pour l’Assemblée nationale et moi-même pour le Sénat – à ce texte. Cela n’a pas été inutile. En effet, si l’article 2 du projet de loi prévoit que les fournisseurs alternatifs devront se lancer dans la production d’électricité ou trouver des solutions d’effacement, c’est parce que nous l’avons demandé. Ces dispositions ne figuraient pas dans l’avant-projet du Gouvernement. Il s’agit là d’une initiative des parlementaires qui ont travaillé sur ces questions. Je tenais à le dire.

Enfin, j’en viens au quatrième et dernier point de votre motion. Je sais que nous ne serons pas d’accord au sujet des prix, car vous avancez toujours les mêmes arguments. Vous prétendez que l’augmentation des prix de l’électricité intervenue le 15 août est une avance pour couvrir la future loi NOME. Or ce n’est pas le cas ! Il se trouve que les investissements réalisés par EDF, que ce soit dans le nucléaire français ou dans la distribution d’électricité française, ont été insuffisants. Nous avons commencé à combler notre retard le 15 août et les prix vont continuer à augmenter, …

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

… sans que cela ait un rapport avec le projet de loi NOME.

À cet égard, la responsabilité est partagée. Si nous n’avons pas, pendant dix ans, réalisé les investissements suffisants en matière de transport, pour RTE, ou de distribution, pour ERDF, c’est parce que nous avons fait les uns et les autres de la politique : les gouvernements, de droite comme de gauche, ont préféré ne pas augmenter les tarifs. Parce que nous avons voulu ménager les uns et les autres nos électeurs, nous n’avons pas fait les investissements nécessaires. Résultat : aujourd’hui, il faut rattraper !

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Je suis désolé, mais le réseau de transport et de distribution n’est pas suffisant. Son état ne permet pas d’acheminer de l’électricité de qualité dans tous les foyers, dans toutes les entreprises. Dans ce domaine, je le répète, la responsabilité est partagée.

Je ferai, pour terminer, deux autres observations.

En Californie, le gouverneur ne régule rien du tout, car il n’y a pas de tarif régulé aux États-Unis. La liberté des prix est totale. Que s’est-il passé à la suite des événements que vous avez très bien décrits, cher collègue ? Le gouverneur a favorisé, par des mesures incitatives, les investissements afin que des centrales puissent produire de l’électricité en quantité suffisante.

L’incitation aux États-Unis, ce sont, non pas des subventions, mais des garanties de prêt à 100 %. C’est la méthode du gouvernement et des États américains. Or seuls certains types d’investissements, à savoir dans le secteur des énergies renouvelables, bénéficient de garanties. Autrement dit, tous les projets éoliens ou photovoltaïques sont garantis par l’État en Californie.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Nombre d’entre vous, certains avec moi, d’autres sans moi, se sont rendus aux États-Unis. Vous avez pu vous rendre compte, mes chers collègues, en vous promenant dans les plaines au nord de San Francisco que le résultat – je suis désolé de le dire – n’est pas époustouflant. En effet, on y voit, non pas des centaines mais des milliers d’éoliennes, qui défigurent le paysage nord-californien. Ce n’est pas une réussite.

En revanche, le gouverneur n’a rien garanti quant aux six centrales nucléaires de Californie. Une méthode assez similaire à celle qui a été utilisée il y a quelques années en Allemagne a été adoptée. Elle consiste à ne pas construire de nouvelles centrales. Il n’y a même pas eu de garantie de l’État ni de demande en ce sens pour prolonger la durée de vie des centrales.

Or ils ont tort, à mon sens, parce qu’un État particulièrement riche comme la Californie a des besoins importants et l’utilisation des énergies renouvelables n’est pas suffisante pour répondre à ses nécessités économiques.

Enfin, monsieur Raoul, je prends acte de la première procédure qui s’oppose à ce que nous avons fait au sujet du TARTAM. Je ne regrette pas nos choix et pense que nous avons bien fait. La majorité assume la création de ce tarif, ainsi que sa prolongation. Nous avons ainsi sauvé la mise d’un grand nombre d’entreprises françaises. Cette procédure est donc dirigée contre le TARTAM.

Pour la seconde procédure, vous vous trompez, monsieur Raoul, puisqu’elle est tournée contre le tarif régulé en France. Nous avons tous – sur l’ensemble des travées et sous tous les gouvernements, quels qu’ils soient – toujours défendu le tarif régulé en France.

Ce dernier nous est souvent reproché à Bruxelles et nous avons de tout temps répondu qu’il ne s’agissait pas d’un tarif subventionné, ni d’une tricherie de la part de la France, mais du tarif correspondant à l’investissement que nous avons fait dans le nucléaire.

Le fait que 80 % de notre électricité provient du nucléaire nous est envié en Europe. Il s’agit d’un bon choix, que nous avons tous défendu. J’en déduis que cette procédure n’est pas tournée contre notre majorité mais contre ce que nous avons toujours tous défendu.

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme

Avis défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Comme l’a brillamment rappelé monsieur Raoul, …

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

… à partir de la directive négociée par M. Juppé en 1996 sur l’ouverture à la concurrence pour les gros consommateurs puis de la capitulation totale du gouvernement Raffarin sur l’ouverture aux ménages, c’est-à-dire de l’ouverture totale à la concurrence en 2002, vous vous êtes mis dans la nasse !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Vous nous demandez aujourd'hui de vous aider à vous en sortir. Mais vous auriez pu vous en sortir tous seuls si les gouvernements successifs auxquels vous avez participé depuis 2002 avaient donné suite à ce qui avait été acté lors du sommet de Barcelone en mars 2002 sur l’initiative de Lionel Jospin et de Jacques Chirac, à savoir qu’il n’y aurait pas d’ouverture totale à la concurrence tant que n’aurait pas été mise en place une directive-cadre sur les services d’intérêt économique général.

Admettez-le une bonne fois pour toutes : l’électricité n’étant pas un bien comme les autres, il n’y a pas lieu d’ouvrir ce secteur à la concurrence. Mais visiblement, vous ne voulez pas le comprendre !

Vous avez dit hier, monsieur le secrétaire d'État, à moins que ce ne soit M. Marini, rapporteur pour avis, que tout le mal venait du sommet de Barcelone de mars 2002. Nous vous avons répondu que c’était faux et même archifaux. Daniel Raoul vient de vous le démontrer encore une fois ! Le sommet de Barcelone, auxquels ont participé MM. Jospin et Chirac, a, au contraire, posé un verrou à l’ouverture totale à la concurrence : pas d’ouverture totale s’il n’y a pas de directive-cadre sur les services d’intérêt général, avait-il été acté.

Daniel Raoul a cité tout à l’heure Jacques Chirac ; pour ma part, j’évoquerai Lionel Jospin. À l’occasion de ce sommet, celui-ci avait précisé que les expériences conduites dans certains pays ne nous conduisent pas à penser que l’ouverture à la concurrence sur le marché de l’électricité entraîne une baisse des prix. Il avait même ajouté que si cette ouverture se faisait « sans que les règles de service public aient été rappelées, nous irions vers des hausses de prix plutôt que vers des baisses ». La suite n’a fait que confirmer ces craintes ! Partout, les prix ont flambé, et il a fallu inventer le TARTAM pour éteindre l’incendie.

Or jamais les gouvernements successifs de droite n’ont pris le relais de ce qui avait été acté à Barcelone. Pis, en novembre 2002, vous vous êtes félicités d’avoir accepté l’ouverture totale à la concurrence. Chers collègues de la majorité, vous vous congratuliez même ! Ce compromis, prétendiez-vous, nous permettrait de tirer bénéfice de l’ouverture des marchés. En fait de compromis, ce fut une capitulation en rase campagne ! Et en fait de bénéfice, nous ne cessons pas de légiférer depuis 2002, de colmater, de rapiécer, de corriger les conséquences néfastes de cette ouverture !

Toutefois, il vous fallait aller toujours plus loin dans la libéralisation ! Vous êtes même allés jusqu’à privatiser Gaz de France. Et vous vous êtes fourrés dans la nasse, fièrement – je dirais presque « en chantant » ! – alors que, partout dans le monde, démonstration était faite que la libéralisation et l’ouverture à la concurrence ne fonctionnent pas.

Lors du conseil « énergie » du 6 septembre dernier, donc il y a à peine quelques jours, plusieurs ministres de l’énergie ont même reconnu que cette libéralisation poussée n’avait pas permis de faire baisser les prix et que le consommateur était le grand laissé-pour-compte des réformes. Oui, les choses commencent à bouger à l’échelle de l’Europe, où l’on croit de moins en moins aux comptes fantastiques de la fée libérale !

En outre, la France, qui a un passé exemplaire dans le domaine des services publics – je dis bien « un passé », car le présent dans ce domaine est moins flamboyant – pourrait prendre des initiatives en ce sens sur le plan européen plutôt que d’échanger de simples courriers avec des commissaires européens qui vous conduisent à nous présenter aujourd’hui cette usine à gaz, dernier avatar d’un processus délétère de libéralisation !

En fait, l’accord Fillon-Kroes est mauvais. Aussi, vous vous êtes vous-mêmes fourrés avec allégresse dans la nasse, et maintenant vous nous demandez d’être responsables et de vous aider à vous en sortir. Mes chers collègues, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le rapporteur, nous voudrions bien être magnanimes mais le projet de loi que vous nous présentez est non seulement mauvais mais il est en plus dangereux. En effet, vous persistez dans cette voie libérale qui conduit dans le mur. C’est une nouvelle étape du mouvement de libéralisation alors que partout dans le monde les pays pionniers dans ce domaine font marche arrière.

J’ajoute que ce texte ne vise qu’à augmenter les prix.

Il n’est pas bon pour l’opérateur historique.

Il n’est pas bon pour le système électrique français.

Il n’est pas bon pour les industriels, car l’électricité selon le prix est un facteur de localisation des entreprises ou de délocalisation.

Il n’est pas bon pour les industriels qui ont besoin de visibilité.

Il n’est pas bon pour l’économie et pour l’emploi et, surtout, il n’est pas bon pour les consommateurs et leur pouvoir d’achat.

M. Raoul a raison en affirmant qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la discussion de ce texte. Je le répète : stop, il y a danger !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Évelyne Didier, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Lors de l’examen en commission du projet de loi portant nouvelle organisation du marché de l’énergie, le rapporteur s’étonnait que nous ayons déposé des amendements de suppression sur presque tous les articles. Si nous avons fait ce choix, c’est parce que nous voulions, dès le débat en commission, attirer l’attention sur les dangers que présente ce texte pour le pouvoir d’achat des Français, pour la sécurité d’approvisionnement, pour la sûreté des installations, pour l’emploi industriel et pour l’indépendance énergétique.

En effet, l’accès à l’énergie à un coût modéré est un élément fondamental pour les populations, mais également un atout décisif pour la vitalité industrielle de notre pays.

M. le ministre d’État Jean-Louis Borloo déclarait lors de la discussion de ce texte à l’Assemblée nationale : « Je crois que nous sommes tous d’accord sur le fait que la législation actuelle a en quelque sorte fait son temps, en ce sens où, en raison de ses contradictions, elle n’est plus en mesure de garantir la pérennité de notre modèle énergétique et la prévisibilité indispensable en matière d’investissement ».

Pour notre part, nous estimons que ce sont les politiques menées en France et à Bruxelles qui ont fait leur temps. Plus encore, nous constatons tous les jours leur nocivité ! La concurrence a entraîné la hausse des tarifs. De manière générale, elle n’a pas permis de réaliser les investissements nécessaires pour l’entretien et le renouvellement des réseaux et des installations.

La libéralisation du secteur énergétique et sa privatisation engagée ne servent pas l’intérêt général. Au contraire, dans le secteur énergétique elles vont peser lourdement sur l’industrie et l’emploi. Elles ne permettent pas de mettre en cohérence les moyens de production et d’avoir une vision à long terme, elles ne donnent pas les moyens nécessaires à la recherche fondamentale et font peu de cas des salariés du secteur.

La filière nucléaire, pourtant encore majoritairement publique – pour combien de temps encore ? – est déjà touchée très négativement par cette vision à court terme. D’une part, cette filière est en sous-effectif et, d’autre part, elle connaît un déficit dans la formation des salariés. Enfin, elle emploie de nombreux sous-traitants, qui à eux seuls reçoivent 80 % des doses radioactives sans qu’aucun statut les protège des abus les plus divers. Cette réalité sociale est inacceptable et elle devrait intéresser le Gouvernement !

Pour conclure, je voudrais rappeler ici que l’article 176 A du titre XX relatif à l’énergie du traité de Lisbonne considère l’énergie comme une simple marchandise et la soumet aux règles du marché. En votant ce traité, rejeté par les Français, vous avez encore une fois fait avancer le modèle libéral.

Mes chers collègues, les sénateurs du groupe CRC-SPG soutiennent la motion de procédure défendue par le groupe socialiste. Ils tiennent aussi à rappeler que leur projet alternatif passe par une maîtrise entièrement publique du secteur énergétique, afin de garantir les investissements nécessaires et de permettre la mise en place d’une politique susceptible de répondre aux défis social, industriel et environnemental et de donner à la recherche les moyens nécessaires aux projets de demain.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je mets aux voix la motion n° 145, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission de l'économie.

Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés contre la motion.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Voici le résultat du scrutin n° 279 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je suis saisi, par MM. Courteau, Raoul, Bourquin, Daunis, Mirassou, Teston et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n °146, tendant au renvoi à la commission.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission de l'économie, du développement durable et de l'aménagement du territoire, le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant nouvelle organisation du marché de l'électricité (644, 2009-2010).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

Aucune explication de vote n’est admise.

La parole est à M. Martial Bourquin, auteur de la motion.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, nous avons déposé la présente motion tendant au renvoi à la commission pour trois raisons essentielles.

Premièrement, le projet de loi qui nous est soumis constitue une remise en cause du pacte nucléaire.

Mes chers collègues, il ne s’agit pas d’une ouverture à la concurrence comme les autres. Dans un pays, deux indépendances sont indispensables : l’indépendance alimentaire et l’indépendance énergétique. Or le texte que nous examinons aujourd'hui est très lourd de conséquences, comme je vais m’efforcer de vous le montrer.

Les Français ont conclu ce pacte, et ils ont accepté le nucléaire en échange de tarifs bas et d’investissements en faveur de la sûreté et de la sécurité des approvisionnements. Aujourd’hui, non seulement le pacte est rompu, mais on spolie l’opérateur public !

Imaginez que l’on fasse de même pour Total. J’entends déjà ce que diraient nos collègues sur certaines travées : « Vous vous rendez compte ? Total, cette grande société ! » Or on s’apprête aujourd'hui à brader le grand opérateur public !

Ne nous leurrons pas. Derrière ce projet de loi – je pense que M. le rapporteur a été suffisamment explicite tout à l’heure –, il y a la volonté d’envisager des prises de participation privée supplémentaires dans des centrales existantes et nouvelles, ce qui commande un débat encore plus clair.

Certes, nous commençons la discussion par la fin, par ce qui vient d’être évoqué par M. le rapporteur. Il serait tout de même normal que la commission puisse retenir un tel angle de changement programmé de structure de financement du nucléaire pour en débattre maintenant plutôt qu’en 2015.

Deuxièmement, nous nous interrogeons au plus haut point sur l’accord Kroes-Fillon, qui a préfiguré le projet de loi. Était-ce le meilleur accord possible ?

Hier, M. le rapporteur nous a appelés à nous montrer « raisonnables », arguant que notre pays n’avait pas le choix et était bien obligé de suivre les injonctions de la Commission européenne. Pour ma part, j’aimerais bien que l’on mette autant d’ardeur à suivre les injonctions du Parlement européen sur les Roms… Sur ce sujet, on défie la Commission européenne et le Parlement européen ; je préférerais qu’on le fasse à propos de l’énergie.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Je vais vous expliquer pourquoi.

Est-il raisonnable de mettre en cause l’accord Kroes-Fillon ?

Je signale déjà que cet accord est intervenu en pleine crise financière, la procédure datant de 2007 et la commission Champsaur ayant mené ses travaux en 2008.

Vous le savez, il y a texte et contexte. Et l’on est en droit de se demander si nous avons le meilleur texte dans ce contexte précis ! La lettre tue et l’esprit vivifie.

Mes chers collègues, après la crise extraordinaire que nous avons vécue, une crise financière qui a fait trembler l’ensemble de la planète, nous étions en droit d’attendre un autre accord sur la question de l’énergie !

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Nous étions en droit de nous demander si le néolibéralisme échevelé que nous connaissons aujourd'hui est bien le meilleur système pour garantir l’indépendance énergétique. Souvenez-vous des déclarations que nous avons entendues à l’époque sur le « capitalisme sauvage » ! Et, pourtant, on nous présente ce texte-là !

Notre intention est non pas de chercher des « crosses » – même si le projet de loi résulte d’un accord entre M. le Premier ministre et Mme Kroes

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Mes chers collègues, nous vivons une crise très importante. Actuellement, 4, 2 millions de nos concitoyens – j’insiste sur ce chiffre – sont inscrits à Pôle emploi. C’est sur les conséquences d’une pauvreté de plus en plus importante que nous tirons la sonnette d’alarme.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Dans ces conditions, est-il raisonnable d’ouvrir la voie à une augmentation du coût de l’énergie de 10 % ?

Troisièmement, et ce sera l’essentiel de mon argumentation, dans sa rédaction actuelle, le projet de loi mésestime de manière flagrante, me semble-t-il, les conséquences économiques de la nouvelle organisation proposée. Il est fondé sur une étude d’impact qui, à mon avis, contient plus d’impact que d’étude…

Ce texte aura des conséquences sur les prix et sur l’investissement. Vous le savez bien, la bataille de la concurrence ne peut pas être menée en même temps que celle de l’investissement ; il va y avoir de gros dégâts sur des activités et sur des bassins d’emplois industriels.

Je citerai un exemple. Thierry Repentin, Élisabeth Lamure et moi-même étions à Saint-Jean-de-Maurienne voilà quelques jours. Nous avons rencontré une dizaine d’industriels, et tous nous ont indiqué qu’une augmentation du coût de l’électricité serait perçue par certaines entreprises comme une incitation à délocaliser.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Après cela, aurons-nous encore une filière aluminium ? Je ne le pense pas. D’ailleurs, le responsable de Rio Tinto le disait lui-même. Aurons-nous une filière silicium, afin que les panneaux photovoltaïques installés sur les toits français ne viennent pas tous de Chine ou d’Allemagne ? Aurons-nous nos propres panneaux photovoltaïques parce que nous aurons notre propre silicium ?

Car c’est bien en ces termes que se pose le problème lié à la nouvelle hausse du prix de l’énergie ! Nous risquons de ne plus avoir de filière solaire. Ce sont toutes ces questions qui sont au cœur du débat économique. Or, au moment où nous voulons nous doter d’une politique industrielle, nous évacuons tous ces sujets avec une facilité déconcertante.

Dans les débats sur la « compétitivité », on évoque souvent, trop souvent à mon goût, le coût du travail. Mais on ne parle jamais du coût de l’énergie ! Or si la France attire encore beaucoup de capitaux – notre pays est la première destination pour les investissements à l’étranger –, c’est aussi en raison du coût de l’énergie. Et le sujet est très peu abordé, voire complètement occulté.

Monsieur le secrétaire d’État, vous nous avez fait un très bref cours sur l’histoire du libéralisme et du communisme. Il faudrait tout de même se souvenir que cette histoire s’est arrêtée avec l’effondrement du mur de Berlin. Et si l’on veut faire de l’histoire, il ne faut jamais oublier que nous devons notre indépendance énergétique au Conseil national de la Résistance ! On a parlé de Marcel Paul ; il faudrait également évoquer Charles de Gaulle !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Longuet

Ainsi que Valéry Giscard d’Estaing et Michel d’Ornano !

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

À un moment donné, un consensus est apparu entre la gauche et la droite en faveur de l’indépendance énergétique. Et vous vous apprêtez – je m’adresse aussi à des gaullistes qui, en d’autres temps, ont défendu cette indépendance – à brader cet héritage en adoptant le projet de loi en l’état ! Mes chers collègues, je suis parfois un peu stupéfait d’entendre des intervenants affirmer de manière systématique que la concurrence serait le seul moyen de moderniser notre économie, le seul remède à une situation donnée.

Je pense que nous avons la chance d’avoir l’excellence en matière énergétique. On nous envie EDF ! Notre politique énergétique est un modèle pour l’Europe entière !

Certes, il y a eu des négociations avec la Commission européenne, mais je pense que nous avons été battus en rase campagne et que le gouvernement français a baissé pavillon. Au final, le résultat des négociations est tout à fait déplorable pour notre économie et notre pays.

Mes chers collègues, je vous demande de prendre en compte la question fondamentale de la compétitivité de notre économie, en l’abordant sous l’angle du coût de l’énergie.

Il y a au moins deux raisons de rejeter le présent projet de loi.

D’une part, le dispositif proposé aboutira à une exceptionnelle augmentation des coûts de l’énergie. Celles et ceux qui ont opté pour des fournisseurs indépendants ont parfois vu leur facture énergétique augmenter de 30 % à 40 % ; c’est le cas d’un hôpital public de mon département. Cela doit servir de leçon !

Songeons aux responsables d’entreprises qui tirent la sonnette d’alarme ! La semaine dernière, plusieurs d’entre eux nous ont recommandé d’être extrêmement vigilants sur le projet de loi NOME, soulignant qu’un renchérissement du coût de l’énergie pourrait porter un coup fatal à la compétitivité de l’économie française.

Ne nous plaignons pas, après de telles décisions, qu’il y ait des délocalisations en chaîne ! Ne demandez pas toujours aux mêmes, celles et ceux qui paient beaucoup, d’assumer les frais d’une politique aussi incohérente ! Car je sais bien ce qui se passera : un jour ou l’autre, au nom de la compétitivité, on demandera encore aux mêmes de travailler plus pour gagner moins !

Telle est, mes chers collègues, la première justification de la présente motion tendant au renvoi à la commission. Je pense que nous n’avons pas été suffisamment informés sur l’accord intervenu entre Mme Kroes et M. le Premier ministre ; la commission des affaires européennes et la commission de l’économie auraient dû être saisies et débattre des conséquences de cet accord bien avant l’examen du présent projet de loi !

D’autre part, nous aurions également dû avoir – c’est absolument indispensable – une réflexion, via une véritable étude d’impact, sur les effets qu’aura la loi NOME sur notre économie.

Je pense à celles et à ceux qui travaillent dur, qui se lèvent tôt, qui ont des conditions de vie et de travail difficiles. Je pense à cette pauvreté qui s’étend dans nos villes, dans nos villages. À mon sens, ils méritent mieux qu’une augmentation exponentielle des coûts de l’énergie ; ce sont déjà eux qui ont payé les centrales et assuré le financement de cette filière énergétique.

C’est pourquoi nous souhaitons que le projet de loi soit renvoyé en commission. Ce texte est funeste pour l’économie, funeste pour les ménages. Il faut recommencer le travail depuis le début !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Cher collègue, je ne reviendrai pas sur les arguments que j’ai développés au sujet de la motion précédente. J’insisterai simplement sur trois des points que vous mettez en avant pour défendre cette motion.

En ce qui concerne l’étude d’impact, il est vrai qu’elle est partielle et partiale. Les études d’impact sont des procédures nouvelles rendues obligatoires par la réforme constitutionnelle de 2008 et par la loi de 2009. Leur instauration constitue un progrès, partiel pour le moment, mais néanmoins utile.

Je ne sais pas si vous avez pris le temps de lire intégralement l’étude d’impact réalisée sur ce projet de loi. Bien sûr, c’est un pavé, mais il n’est pas inintéressant. Je considère cette procédure comme un progrès, même si elle est nouvelle et que nous ne savons pas encore bien travailler avec de tels documents.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Je dis : vive les études d’impact ! Surtout ne les remettons pas en cause.

En ce qui concerne la clause de revoyure, nous n’avons de leçons à recevoir de personne. Il est arrivé à tous les gouvernements de prévoir de tels rendez-vous dans certains textes de loi. Je sais bien que l’ARENH est un dispositif complexe…

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

… et que son fonctionnement n’est pas évident. Personne ne le nie. Même le Gouvernement le reconnaît !

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Il s’agit d’un mécanisme qui n’est pas facile à mettre en place. Il est vraisemblable qu’après la loi NOME les choses ne changeront que peu, voire pas du tout, pour les consommateurs particuliers. Comme l’a souligné M. le ministre d’État, la différence se fera surtout sentir pour les entreprises. Nous souhaitons, bien évidemment, que cette évolution soit positive.

La clause de revoyure prévoit un rendez-vous tous les cinq ans. Ce n’est peut-être pas suffisant. De plus, il ne faut pas se contenter de se donner rendez-vous de temps en temps pour faire un bilan. Il faut aussi tirer les conséquences de tout cela, faute de quoi la démarche perd complètement son sens. Quoi qu’il en soit, les clauses de revoyure sont de bonnes choses, surtout dans le cas d’un texte comme celui-ci qui créera une situation différente.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Dernière remarque sur cette motion, la base du travail en commission repose sur la capacité d’écoute et sur la volonté de réaliser des auditions.

J’ai été, comme un certain nombre de mes collègues ici, successivement député et sénateur. Je dispose donc d’un élément de comparaison pour juger du travail réalisé par le Sénat. J’en demande par avance pardon à M. le secrétaire d'État, qui est issu des rangs de l’Assemblée nationale, …

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Personne n’est parfait !

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

… mais l’expérience me pousse à considérer que le travail réalisé par le Sénat en commission est très souvent plus approfondi qu’à l’Assemblée nationale, car nous disposons de plus de temps et réalisons beaucoup plus d’auditions.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Charles Revet le sait bien puisqu’il a été comme moi député et sénateur !

J’ai procédé à l’audition de près de cinquante personnes, entendues en groupe ou individuellement, lorsque nous avons commencé à travailler sur ce texte avant le mois de juillet. La commission a entendu sur les questions énergétiques les sept plus grands acteurs du secteur. J’ai ensuite de nouveau procédé à l’audition d’un certain nombre de ces personnes, voire de nouvelles, avant le réexamen du texte en commission il y a quelques jours. Je considère que le travail d’audition est exemplaire. Je ne vois donc aucune raison de renvoyer ce projet de loi en commission et de recommencer tout à zéro.

C'est la raison pour laquelle je suis défavorable à cette motion tendant au renvoi en commission.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je mets aux voix la motion n° 146, tendant au renvoi à la commission.

J’ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission de l'économie.

Je rappelle que la commission et le Gouvernement se sont prononcés contre la motion.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Voici le résultat du scrutin n° 280 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Mes chers collègues, j’ai reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d’une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008.

J’informe le Sénat que la commission des affaires sociales a fait connaître qu’elle a procédé à la désignation des candidats qu’elle présente à cette commission mixte paritaire.

Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l’article 12 du règlement.

(Texte de la commission)

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, portant nouvelle organisation du marché de l’électricité.

La motion tendant au renvoi à la commission ayant été repoussée, nous passons à la discussion des articles.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L'amendement n° 256 rectifié bis, présenté par MM. Collin, Alfonsi et Baylet, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le parc électronucléaire ne peut être composé que de centrales exploitées par des personnes morales à capitaux majoritairement publics.

La parole est à M. Yvon Collin.

Debut de section - PermalienPhoto de Yvon Collin

Il s’agit d’un amendement de principe visant à prévoir que le parc nucléaire français restera sous maîtrise publique.

La question est de savoir quelle est la volonté du Gouvernement pour l’avenir. Il est donc important d’inscrire clairement dans la loi que « Le parc électronucléaire ne peut être composé que de centrales exploitées par des personnes morales à capitaux majoritairement publics. »

Plusieurs centrales fonctionnent déjà avec des capitaux qui viennent du privé, en partenariat avec le public. Ce sont des minorités qui n’ont pas le pouvoir d’agir sur les décisions, mais qui apportent une contribution en échange de laquelle elles obtiennent un certain volume d’énergie.

Cet amendement vise à préciser plus clairement les contours d’une exigence partagée, nous semble-t-il, par l’ensemble des Français.

L’acceptabilité sociale du parc nucléaire est liée à son caractère public.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

La commission est tout à fait défavorable à cet amendement, qui vise à prévoir que le parc électronucléaire français ne pourra être composé que de centrales exploitées par des personnes morales à capitaux majoritairement publics.

En ce cas, il faudrait aussi accepter qu’en Allemagne, par exemple, le parc électronucléaire ne soit composé que de centrales exploitées par des capitaux allemands. Que ferez-vous des 19 000 mégawatts qu’EDF exploite dans ce pays ? Que ferez-vous également des huit centrales qu’EDF gère au Royaume-Uni ? Souhaitez-vous qu’EDF revende ses parts à des capitaux britanniques ?

Soyons logiques, si nous voulons permettre à des entreprises françaises d’exploiter des centrales à l’étranger, nous devons accepter qu’un jour, peut-être, une centrale en France ne soit pas exploitée par EDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Nous savons tous que GDF Suez est candidat pour la construction d’un EPR sur le territoire national. Je vous rappelle que GDF Suez exploite plutôt bien huit centrales en Belgique puisque les taux de disponibilité des centrales belges sont supérieurs à ceux de nos centrales.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

C’est donc un exploitant qui travaille bien et qui gérera peut-être un jour une centrale nucléaire en France. Je ne vois pas en vertu de quoi nous remettrions en cause le principe de réciprocité.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État chargé du logement et de l'urbanisme

Le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

M. le rapporteur a évoqué à l’instant le problème posé par la remise en question du principe de réciprocité. Comment ne pas accepter en France ce que nous acceptons à l’étranger ?

Par ailleurs, à l’heure où nous parlons, toutes les centrales françaises sont exploitées par EDF et tous les projets lui ont été attribués. Au vu de la programmation pluriannuelle des investissements, il n’y aura pas de nouvelle centrale nucléaire avant 2020. Le problème que vous soulevez, monsieur le sénateur, ne se posera donc en réalité qu’après 2020, soit dans dix ans. Prévoir une telle disposition aujourd'hui me paraît pour le moins prématuré.

Pour finir, M. le rapporteur a évoqué la question essentielle de la qualité de l’exploitant et de la sûreté de l’exploitation. Or il n’y a aucune raison intrinsèque pour qu’une société aux capitaux majoritairement publics exploite mieux une centrale qu’une société aux capitaux majoritairement privés, toutes deux étant soumises au contrôle draconien de l’Autorité de sûreté nucléaire.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’amendement n° 40, présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Avant l’article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Toute nouvelle centrale nucléaire ne peut être exploitée que par des personnes morales dont les capitaux sont au moins à 70 % publics.

La parole est à M. Roland Courteau.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Cet amendement a pour objet de réaffirmer le principe, qui nous paraît aujourd’hui fondamental, selon lequel toute nouvelle centrale ne peut être exploitée que par des personnes morales dont 70 % au moins des capitaux sont publics. Telle est actuellement la composition du capital d’EDF, exploitant public de notre parc nucléaire, et nous considérons qu’elle doit demeurer en l’état.

Je tiens à rappeler les propos tenus par M. Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, le 15 juin 2004 lors de l’examen du projet de loi changeant le statut de l’opérateur historique : « Il n’y aura pas de privatisation parce qu’EDF, c’est le nucléaire, et qu’une centrale nucléaire, ce n’est pas un central téléphonique. » Or, comme les promesses n’engagent que ceux qui les tiennent, et que ce gouvernement nous a habitués à de multiples promesses non tenues, nous ne savons plus très bien quelle est, aujourd’hui, sa volonté réelle, pas plus d’ailleurs que celle du Président de la République. La synthèse du rapport Roussely qu’on a bien voulu mettre à la disposition des parlementaires nous laisse également sur notre faim.

En outre, M. le rapporteur, lors de la réunion de la commission du 7 juillet dernier, a tenu des propos qui nous ont laissés perplexes : « En présence du ministre Benoît Apparu, je veux regretter, après m’en être ouvert à M. Jean-Louis Borloo, que le Gouvernement n’ait pas exploré la piste de l’ouverture du capital des centrales nucléaires. [...] Il aurait fallu creuser la piste de l’ouverture du capital des centrales nucléaires. D’autant qu’elle a déjà été explorée : la centrale de Tricastin est détenue par GDF-Suez à hauteur de 12, 5 %, celle de Fessenheim par l’allemand EnBW à hauteur de 17, 5 % et par un consortium suisse conduit par Alpiq à hauteur de 15 %. » Il a ajouté qu’il souhaitait qu’EDF « cède des parts qui ne dépassent pas 15 %, centrale par centrale ».

Or, concernant le parc historique nucléaire, je tiens à préciser que tous les actifs nucléaires figurent à hauteur de 100 % au bilan d’EDF. Il est donc inexact de parler, dans ce cas, d’ouverture du capital. En revanche, des contrats en participation existent, comme je l’ai déjà expliqué hier : ces contrats à long terme donnent aux opérateurs un « droit de tirage » sur l’électricité produite par ces centrales nucléaires. Il ne s’agit, en aucun cas, d’une prise de participation par un opérateur privé dans le capital d’une centrale nucléaire.

Cette précision est d’autant plus utile que vous avez exprimé l’intention, monsieur le rapporteur, d’ouvrir le capital des centrales nucléaires, pour la prolongation de leur durée de vie ou dans le cadre de la création de nouvelles centrales. Vos propositions relèvent d’une logique de privatisation rampante, qui aboutirait à démanteler le parc nucléaire français, à le privatiser par petits morceaux, contribuant à la désintégration de l’opérateur historique.

Le choix de ces orientations mérite un minimum de débat démocratique : comme l’a dit le Président de la République, « une centrale nucléaire n’est pas un central téléphonique » ! Les enjeux concernant la sûreté sont d’une autre dimension.

Quant à nous, nous voulons que le nucléaire reste complètement sous la maîtrise publique, que les capitaux privés demeurent minoritaires, sans avoir de pouvoir de gouvernance : autrement dit, que la gouvernance, les décisions stratégiques industrielles et financières ne puissent basculer entre les mains d’acteurs privés.

De tels enjeux méritent un débat au Parlement et nous aimerions connaître sur ce point la position du Gouvernement concernant les nouveaux projets EPR de Flamanville et de Penly. Peut-on nous éclairer sur le type de partenariat et sur les montages financiers dont il s’agit ?

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

L’avis de la commission est exactement identique à celui qu’elle a émis sur l’amendement précédent. En effet, la seule différence entre l’amendement n° 256 rectifié bis et l’amendement n° 40, c’est qu’au lieu de réserver l’exploitation des centrales nucléaires à des sociétés aux capitaux majoritairement publics, l’amendement n° 40 élève le niveau de la participation publique à 70 %. En revanche, tout le développement de notre collègue Roland Courteau n’avait rien à voir avec son amendement.

Cher Roland Courteau, j’ai pris une position personnelle, qui n’est pas celle du Gouvernement. J’ai donné mon avis, mais j’ai bien compris que le sujet n’était pas à l’ordre du jour. J’assume cependant ma position.

Par ailleurs, je tiens à rappeler que l’ouverture du capital de certaines centrales à des entreprises autres qu’EDF est intervenue dans des périodes où le gouvernement était de droite, mais aussi lorsque le gouvernement était socialiste. L’État est majoritaire dans le capital d’EDF : autrement dit, cette ouverture a obtenu le feu vert de gouvernements de droite dans certains cas, et de gauche dans d’autres, c’est tout !

C’est la raison pour laquelle je m’étais permis de vous dire hier, en vous taquinant, que l’on se trouve un jour dans la majorité, et l’autre dans l’opposition. Il convient donc de tenir des propos qui nous évitent de nous contredire trop vite.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d’État

Puisqu’il s’agit du même amendement, le Gouvernement émet le même avis que sur l’amendement n° 256 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

J’ai bien écouté M. le rapporteur et je tiens à lui répondre que l’opposition n’est pas forcément la seule à se contredire.

En effet, il serait temps que le Gouvernement définisse une stratégie industrielle pour l’industrie nucléaire, en France et dans le monde, car force est de constater qu’il n’en a aucune pour l’instant.

Cette absence de véritable stratégie est démontrée par l’échec patent des entreprises françaises répondant en ordre dispersé au contrat d’Abu Dhabi.

Mme Nathalie Goulet approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

En ce moment, nous nous envoyons des arguments à la figure sur la nécessité de prolonger telle ou telle centrale de dix ans ou de vingt ans, sur l’opportunité de construire une nouvelle centrale, de le faire maintenant, puisque le Grenelle de l’environnement a eu lieu, ou en 2020, etc. Aujourd’hui, nous voyons très bien que, sur l’énergie nucléaire, la majorité parlementaire comme le Gouvernement sont traversés de courants différents. Or, notre pays a besoin d’une vision claire de ce que doit être l’énergie du futur : il faut réaffirmer que nous sommes favorables au mix énergétique – l’objectif des « trois fois vingt » –, que les énergies renouvelables sont essentielles et que, s’agissant du problème crucial des émissions de gaz à effet de serre, l’industrie nucléaire apporte une réponse à ce grand défi mondial.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

À un moment ou à un autre, il faudra bien prendre des décisions. Si ces dernières n’interviennent qu’après 2020, nous verrons bien, comme vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, qui sera en charge du gouvernement à ce moment-là. Mais la question n’est pas de savoir si la droite sera remplacée ou non par la gauche – bien sûr, les intervalles de succession nous paraissent parfois trop longs et nous aimerions revenir plus vite aux affaires ! Mais si des choix précis quant à la stratégie nucléaire française, en interne et à l’exportation, n’interviennent pas du fait d’arbitrages non rendus ou de divisions au sein même de la majorité, il sera trop tard en 2020.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

L’enjeu est clair : soit nous prenons le risque d’être disqualifiés aux yeux du monde, voire de la France, soit nous prenons une décision maintenant. Mais il ne me paraît pas sérieux de nous renvoyer les uns aux autres que nous étions dans la majorité ou l’opposition à telle ou telle époque. Aujourd’hui, c’est vous qui exercez la responsabilité du pouvoir, on verra ce qui se passera après 2012…

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

M. Didier Guillaume. Peut-être serez-vous encore au pouvoir, peut-être d’autres y seront-ils, nous verrons bien. En tout cas, renvoyer la prise de décision après 2020 reviendrait non seulement à commettre une faute, mais aussi à disqualifier la stratégie de l’industrie nucléaire française.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

M. le rapporteur a reproché à Roland Courteau d’être hors sujet, alors que notre collègue avait entièrement raison : ce projet de loi n’est qu’une étape dans le processus de libéralisation du marché de l’électricité.

En effet, l’étape suivante consistera à permettre à des opérateurs privés de participer à l’exploitation des centrales nucléaires d’EDF. Ce n’est d’ailleurs qu’à ce moment-là, quand EDF aura entièrement perdu son monopole, de la production à la distribution, que les hérauts de la libéralisation pourront savourer définitivement leur victoire.

Il est inutile de se demander, à ce moment du débat, qui bénéficiera effectivement de cette privatisation. Le présent projet de loi va provoquer une augmentation démesurée des prix de l’électricité pour les consommateurs, qu’il s’agisse d’ailleurs des industriels ou des ménages, nous le savons tous. On se doute aussi que la privatisation de l’actionnariat des centrales ne bénéficiera ni aux ménages ni à l’industrie. En revanche, nous sommes sûrs que ce projet de loi conduira à poser dans un futur proche la question de l’exploitation des centrales nucléaires.

Plusieurs membres de notre assemblée considèrent d’ailleurs que cette option aurait déjà dû être retenue dans le cadre de ce projet de loi. Les propos de M. le rapporteur sont explicites de ce point de vue : dès la première page de son rapport, il exprime le regret que le Gouvernement n’ait pas choisi « d’ouvrir la propriété des centrales nucléaires d’EDF aux participations des autres fournisseurs et des gros consommateurs d’électricité ». Sans doute estimez-vous, monsieur le rapporteur, que la décision du Gouvernement n’est pas assez rentable pour les concurrents de l’opérateur historique ! Nous considérons, au contraire, que les fournisseurs privés obtiendront déjà beaucoup avec ce projet de loi, s’il est adopté, et qu’il est nécessaire de poser quelques garde-fous pour l’avenir.

Les arguments en faveur de participations privées dans les centrales sont bien connus et, comme l’a dit Roland Courteau, cette pratique a déjà cours au Tricastin : elle permettrait à EDF de partager le risque industriel et d’alléger son endettement. Mais il y a un pas qu’on ne saurait franchir entre les avantages supposés d’une ouverture des centrales nucléaires aux opérateurs privés et les conséquences de ce choix sur notre modèle de production énergétique.

Aujourd’hui, le parc nucléaire français est une réussite : il a fourni la preuve de son efficacité. Il a même été trop efficace, si l’on peut dire, puisque la libéralisation du secteur est justifiée, en fin de compte, par la rente nucléaire. Ce succès a été rendu possible parce qu’une entreprise, EDF, existe et a agi de manière planifiée. Est-il sûr que cet avantage sera préservé en privatisant les centrales ? Absolument pas ! Et ce n’est pas l’objectif premier de la libéralisation en cours.

Nous pensons pour notre part que l’existence d’EDF, son importance dans notre politique énergétique, son rayonnement international doivent pouvoir être garantis. Nous pensons également que la gestion de son parc nucléaire doit être assurée en fonction d’impératifs de développement, de sécurité et de croissance qui ne sont pas compatibles avec une stricte vision concurrentielle à court terme.

Quant à l’efficacité d’une privatisation, en termes d’impératifs de service public, elle reste encore à démontrer : la France n’a heureusement jamais eu à vivre l’expérience de la Californie et l’on ne peut que s’en réjouir.

La vérité est que le nucléaire français est à l’origine d’une rente que lorgnent les opérateurs privés. Si ce projet de loi est adopté, ils vont en capter une part. Si, demain, on privatise les centrales nucléaires, ils la capteront en entier, mais sans aucun profit pour les consommateurs, ni aucune garantie d’amélioration de la compétitivité et de la sûreté de notre réseau d’énergie.

Pour toutes ces raisons, il est nécessaire, comme je l’ai déjà dit, d’introduire des garde-fous dans ce projet de loi. Tel est l’objet du présent amendement, déposé par le groupe socialiste, qui tend à réserver l’exploitation des centrales nucléaires aux personnes morales dont le capital est public à hauteur de 70 % au moins.

C’est à mon sens la moindre des choses de préserver le modèle énergétique français et de donner un pouvoir au peuple, comme l’a dit mon collègue Didier Guillaume.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué le fait que des gouvernements successifs, de gauche et de droite, avaient pris des décisions concernant l’ouverture du secteur de l’énergie nucléaire aux entreprises privées. Mais nous ne parlons pas de la même chose !

Je le répète, il n’est pas vrai que Fessenheim, Cattenom, Bugey et d’autres centrales actuellement en fonctionnement aient fait l’objet d’une ouverture de capital. Non ! Actuellement, aucune entreprise privée ne détient une participation capitalistique dans les centrales nucléaires. En revanche, des « contrats en participation » existent et cette notion ne recouvre absolument pas la même réalité. Dans le cadre de ces contrats, les principes de gouvernance n’ont rien à voir avec ce qu’ils seraient dans un montage financier avec prise de participation capitalistique.

Le contrat en participation ne prévoit ni droit de gouvernance ni participation aux décisions opérationnelles, industrielles ou financières, ce qui n’est pas le cas lors d’une prise de participation capitalistique.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

N’employez pas ces termes ! Vous pouvez argumenter de la sorte pour tous les amendements, je n’ai jamais dit cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Monsieur le rapporteur, vous avez bien évoqué une ouverture du capital des centrales en commission. Je vous invite à vérifier ce point.

Dans le cas d’une prise de participation capitalistique, schéma juridique qui n’existe pas sur le parc nucléaire français actuellement, le tiers ou partenaire disposerait d’un droit à percevoir des dividendes, de droits de tirage de l’électricité, de droits de vote, d’un droit à revendre sa part, d’un droit d’information et de transparence sur le savoir-faire nucléaire.

Par conséquent, on ne peut pas prétendre que des précédents existent aujourd’hui en matière d’ouverture du capital des centrales. Sont mis en œuvre, je le répète une nouvelle fois, des contrats en participation, auxquels nous ne sommes d’ailleurs pas opposés.

Cela étant dit, monsieur le secrétaire d’État, je vous ai précédemment interrogé sur les nouveaux projets d’EPR de Flamanville et de Penly. Peut-on nous éclairer sur le type de partenariats et sur les montages financiers envisagés dans le cadre de ces projets ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Nous nous abstiendrons sur l’amendement n° 40, tout comme nous nous sommes abstenus sur l’amendement n° 256 rectifié bis. Cette position ne traduit pas une hostilité à ces propositions. Elle s’explique simplement par le fait que le groupe CRC-SPG est favorable à un pôle public – public à 100 % – de l’énergie.

Il faut peut-être rappeler qu’à l’issue de la Seconde Guerre mondiale le monde capitaliste ne s’est pas précipité pour s’engager dans l’électrification de la France, pas plus qu’il ne s’est montré enthousiaste vis-à-vis de l’aménagement des chemins de fer. Ce n’était pas rentable. Aujourd’hui, grâce aux contributions apportées par les Français au fil des décennies, nous disposons d’un outil performant, notamment d’un outil nucléaire exceptionnel sur le plan mondial, et l’affaire devient juteuse.

Alors, comme par hasard – ou plutôt parce que le secteur est devenu rentable –, il faudrait partager avec le monde capitaliste.

En définitive, nous ne sommes pas en train de parler d’énergie. Nous parlons de gros sous, de rendement capitalistique, alors que, selon moi, l’essentiel est de mettre l’énergie au service des populations françaises et européennes, au meilleur prix. Ce n’est pas du tout la direction que nous prenons avec ce projet de loi !

L'amendement n'est pas adopté.

M. Roland du Luart remplace M. Gérard Larcher au fauteuil de la présidence.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 42, présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Toute nouvelle organisation du marché de l'électricité ne peut se faire avant l'adoption d'une directive cadre relative aux services d'intérêt économique général.

La parole est à M. Roland Courteau.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Cet amendement a pour objet de rappeler que la France s’était engagée à ce que soit adoptée une directive-cadre relative aux services d’intérêt économique général.

C’est une exigence que Lionel Jospin, alors Premier ministre, avait fait valoir lors du conseil européen de Barcelone en 2002 : l’adoption d’une directive-cadre sur les services d’intérêt économique général devait être une condition sine qua non de l’ouverture maîtrisée à la concurrence des différents secteurs composant le marché intérieur. C’est un engagement qu’il a obtenu des autres États membres européens, avec le soutien entier du président de la République de l’époque.

Or, à notre grand regret, monsieur le secrétaire d’État, le gouvernement dont vous faites partie ne s’est pas senti tenu par cet engagement.

Le groupe socialiste du Sénat ne s’est pas contenté de réclamer cette directive-cadre. Par le dépôt, il y a un an, d’une proposition de résolution européenne, il a choisi de prendre les devants pour relancer le débat et démontrer que cette condition, tout à fait réalisable, ne demandait désormais qu’un peu de volonté politique.

Les orientations et la teneur de ce projet de loi démontrent, une fois de plus, la nécessité absolue de l’adoption d’une telle législation. En effet, on voit bien dans ce texte combien le service public de l’électricité et, en particulier, les tarifs réglementés peuvent être mis à mal.

On oublie également souvent que le conseil européen de Barcelone avait fixé, comme autre condition à l’ouverture maîtrisée à la concurrence des marchés de l’énergie, le bilan des conséquences de la libéralisation de ces marchés. Nous attendons toujours ce bilan !

Un troisième paquet énergie a, depuis lors, était adopté, avec le soutien de l’actuel gouvernement et sans que vous ayez, depuis 2002, demandé à la Commission européenne le respect de cette condition.

L’accord que le Premier ministre a conclu avec la commissaire Neelie Kroes, l’an dernier, aurait dû être l’occasion de rappeler la nécessité de remplir ces deux engagements.

Nous ne devrions même plus avoir à en faire état…

À quoi servent les débats sur les projets de loi s’ils ne permettent pas de prendre en compte les demandes des parlementaires ? Nous ne cessons de rappeler au Gouvernement la nécessité de respecter les engagements pris par la France en mars 2002.

Chers collègues de la majorité, cessez donc de faire croire que les socialistes ont tenu une double posture, selon qu’ils étaient au gouvernement ou dans l’opposition. Nos convictions ont toujours été les mêmes, que nous soyons en responsabilité ou non. Comme nous vous l’avons répété en commission, les gouvernements de gauche n’ont jamais accepté la libéralisation intégrale du marché de l’électricité pour les particuliers.

Cessez également de rappeler les responsabilités des socialistes à chaque texte consacré au démantèlement des services publics. Les vôtres ont été bien plus grandes !

Vous nous obligez systématiquement à rappeler et à rétablir les faits. Cet exercice est lassant, d’autant que les orientations de ce texte – et le souhait du rapporteur d’aller encore plus loin dans les cessions de propriété des centrales nucléaires – ne laissent aucun doute sur vos choix, faits de longue date, et rendent dérisoires vos tentatives de faire porter aux socialistes la responsabilité de la situation actuelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Je ne relèverai pas la fin de l’intervention qui vient d’être faite, en espérant que mon collègue Roland Courteau ne reviendra pas sur ce sujet à chaque fois que nous examinerons un des 270 amendements déposés sur ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Pour répondre plus sérieusement à votre demande, cher Roland Courteau, je ne suis pas certain que la France soit en position de demander à ses vingt-six partenaires européens l’adoption d’une directive-cadre relative aux services d’intérêt économique général. Vous auriez pu vous épargner toute cette démonstration, en demandant simplement que le projet de loi NOME soit repoussé aux calendes grecques. Exiger qu’une directive-cadre soit élaborée avant son examen revient effectivement au même.

La commission émet donc naturellement un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Je partage évidemment l’analyse de M. le rapporteur et émets un avis défavorable sur cet amendement.

Je ferai simplement un rappel sur le sujet : la France est sous le coup de deux procédures et, si nous repoussons aux calendes grecques l’adoption du projet de loi NOME, comme le souhaite M. Roland Courteau, la conséquence très concrète sera la condamnation de la France et des entreprises françaises à rembourser des milliards d’euros. Cet élément est peut-être insignifiant pour certains, mais, j’y insiste, l’adoption de cet amendement ne conduira qu’à une seule chose : une amende de plusieurs milliards d’euros dont les entreprises françaises, notamment les PME, devront s’acquitter.

Je crois qu’aucun des membres de cette assemblée, qu’il siège à droite ou à gauche de cet hémicycle, ne souhaite en arriver là.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Jacques Blanc, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

M. Roland Courteau a parlé tout à l’heure de double posture. Pour ma part, je parlerai de double langage : cessons de laisser penser que les positions des socialistes en Europe sont celles qu’il a exposées !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

J’ai eu l’honneur de présider le Comité des régions de l’Union européenne et je peux vous dire que, au cours de nos longs débats, les socialistes des pays du Nord – l’Allemagne notamment – comme des pays du Sud étaient les plus ardents défenseurs de la libéralisation.

Arrêtons aussi de faire un procès à l’Europe !

Nous évoquons sans cesse les contraintes qu’elle nous impose, mais aujourd’hui, chers collègues de l’opposition, nous vendons et achetons de l’électricité à d’autres pays. Aujourd’hui – et c’est heureux –, des systèmes d’échanges d’énergie existent entre les pays d’Europe, permettant à chacun des partenaires de faire appel aux autres en cas de pic de consommation. Demain, il y aura même une grande boucle euroméditerranéenne d’échanges énergétiques.

C’est tromper tous ceux qui nous entendent que de prétendre que nous pourrions mener une politique fermée sur nous-mêmes en matière d’électricité ! C’est peut-être même grâce à l’Europe que nous pourrons trouver des solutions dans ce domaine, nous permettant de bénéficier des choix que les décideurs politiques ont eu le courage de faire.

Au sein de l’opposition, un certain nombre d’élus se sont battus, à l’époque, contre le nucléaire. D’autres responsables politiques ont eu le courage de soutenir les choix proposés sous la Ve République, dans la foulée de la IVe République, en faveur de l’énergie nucléaire.

N’ayons pas de complexes ! Aujourd’hui, nous travaillons pour permettre à EDF de garder la propriété de son patrimoine, vendre de l’électricité et collaborer avec d’autres opérateurs. Arrêtons de nous flageller et, surtout, ne laissons pas croire que vos amis socialistes, au pouvoir en Europe, ont d’autres positions que celles du gouvernement français !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Pour répondre à notre collègue Jacques Blanc, je dirai qu’il ne peut pas y avoir, dans la même discussion, au même moment, deux types d’Europe. Il est d’abord question de l’Europe dont les injonctions nous seraient imposées. Je relève au passage que personne ici n’est au courant des relations épistolaires qu’ont pu entretenir M. François Fillon et les commissaires concernés. Puis M. le rapporteur nous explique qu’il serait chimérique d’envisager la mise en place d’une directive-cadre relative aux services d’intérêt économique général et, dans tous les cas, que cette directive ne sera pas à portée de nos mains avant plusieurs décennies.

Je suis d’accord sur un point. Effectivement, compte tenu des enjeux stratégiques d’indépendance industrielle qui ont été évoqués par plusieurs de nos collègues, nous ne pourrons pas faire l’impasse sur la masse critique que l’Union européenne représente dans ce domaine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Encore faut-il qu’existe à l’échelon gouvernemental la volonté politique d’affirmer, dans un premier temps, le principe de cette directive-cadre et que l’on se donne les moyens de défendre, comme nous l’avons préconisé, le savoir-faire et le patrimoine français en termes de production d’énergie.

Or, très franchement, je suis tenté de dire que nous jouons petit bras depuis le début de la discussion et que ce véritable enjeu national et, au-delà, européen est mis de côté. Pourtant, ce projet de loi se veut parfaitement novateur dans le domaine de la production et de la distribution d’énergie.

D’ailleurs, cette explication de vote, faite au nom de mon groupe, nous ramène à la demande formulée tout à l’heure, à savoir le renvoi de ce texte en commission sur la base des véritables enjeux, tels qu’ils ont été exposés par un certain nombre d’entre nous.

Quoi qu’il en soit, chers collègues de la majorité, faites-nous grâce d’un débat par trop schématique, voire, d’un certain côté, manichéen, quand nous faisons la démonstration, sur ces rangs, que nous avançons des propositions de bon sens sur un registre très précis, engageant l’avenir de notre pays et de ses habitants.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 43 est présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

L'amendement n° 258 rectifié bis est présenté par MM. Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet et Detcheverry, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Toute nouvelle organisation du marché de l'électricité ne peut remettre en cause le caractère de bien de première nécessité de l'électricité, matérialisant le droit de tous à l'électricité.

La parole est à M. Daniel Raoul, pour présenter l’amendement n° 43.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

À l’évidence, l’examen de ce projet de loi nécessite que nous rappelions au Gouvernement et à sa majorité que, conformément à l’article 1er de la loi du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, l’électricité reste, comme l’eau, un bien de première nécessité devant être traité comme tel.

Nous craignons que ce projet de loi ne conduise à une véritable détérioration du service public de l’électricité. Il est de la responsabilité du Gouvernement de faire respecter sa qualité. Or nous apprenions la semaine dernière, par le médiateur de l’énergie, qu’EDF a indûment refusé d’appliquer le tarif social de l’électricité à certains clients, en faisant une interprétation erronée du décret d’application de ce tarif. Depuis 2005, c’est-à-dire sans contrôle public depuis cinq ans, 30 000 clients, parmi les plus pauvres, ont ainsi été privés de ce tarif de première nécessité.

L’adoption de ce projet de loi ne devrait pas arranger les choses : les producteurs alternatifs ne seront pas soumis à cette obligation de service public.

Cette situation est d’autant plus grave que, contrairement à ce qu’on a voulu nous faire croire – mais, aujourd’hui, devant les faits, tout le monde est d’accord –, la libéralisation des marchés de l’énergie conduit inexorablement à une augmentation généralisée des tarifs.

Enfin, je peux comprendre que vous ayez fait une erreur en 2002. Errare humanum est, perseverare diabolicum

La hausse des tarifs de 3, 4 % en moyenne depuis le 15 août a touché plus de 28 millions de consommateurs et 4 millions d’entreprises, alors que les conséquences de la mise en œuvre de la future loi NOME que la Commission de régulation de l’électricité, la CRE, a déjà annoncées devraient encore entraîner une augmentation de 3, 5 % pour les prochaines années.

Une libéralisation accrue du secteur de l’électricité conduira à de plus fortes hausses, comme celles que pratique aujourd’hui GDF-Suez.

Cette envolée des tarifs dans le secteur de l’électricité, conjuguée à celle qui est pratiquée dans celui du gaz détériorera encore plus le pouvoir d’achat des Français, pourtant déjà fortement affecté par l’explosion du chômage et la stagnation des salaires, et aggravera la précarité énergétique qui touche un nombre croissant de ménages. Je suis persuadé, mes chers collègues, que vous êtes confrontés à de telles situations dans vos centres communaux d’action sociale, ou CCAS.

À l’avenir, de plus en plus de foyers seront éligibles au tarif social. Il nous paraît donc essentiel de rappeler l’importance du respect de l’article 1er de la loi de 2000, non seulement en raison d’une fragilisation du tarif social, mais parce qu’un bien de première nécessité est un bien public dont le respect doit profiter à l’ensemble de la collectivité.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Robert Tropeano, pour présenter l'amendement n° 258 rectifié bis.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Tropeano

Cet amendement vise à rappeler que l’électricité n’est pas un bien comme les autres ; c’est un bien de première nécessité.

Il peut paraître superfétatoire d’affirmer une telle évidence. Cependant, lorsqu’il s’agit de distribuer un bien de première nécessité – et l’électricité en est un –, nous avons intérêt à préciser les choses dans la loi française.

En effet, le projet de loi remet en cause ce principe fondamental. C’est la raison pour laquelle nous éprouvons le besoin de rappeler qu’il doit être respecté à chaque étape de chaque nouvelle organisation du secteur de l’électricité.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Je considère que le Parlement gagnerait beaucoup à faire du nettoyage dans nos différents codes plutôt que d’ajouter de nouvelles dispositions. Nous ne sommes pas assez vigilants : chaque fois que nous adoptons un texte de loi, nous oublions de supprimer ce qui pourrait l’être dans les textes antérieurs.

Je voudrais répondre à Roland Courteau et Robert Tropeano, qui ont fait référence à la loi du 10 février 2000 présentée par le gouvernement Jospin et qu’eux-mêmes ou leurs prédécesseurs ont votée.

Cette loi est largement suffisante, car le quatrième alinéa de l’article 1er dispose : « Matérialisant le droit de tous à l’électricité, produit de première nécessité, le service public de l’électricité est géré dans le respect des principes d’égalité, de continuité et d’adaptabilité, et dans les meilleures conditions de sécurité, de qualité, de coûts, de prix et d’efficacité économique, sociale et énergétique. »

Mes chers collègues, tout est dit ; il est inutile de reprendre tel ou tel petit morceau de cet alinéa dans chacun de nos textes qui ont trait à l’électricité.

Donc, la commission est tout à fait défavorable à ces deux amendements identiques.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Même avis.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Didier Guillaume, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Ces deux amendements s’inscrivent dans une vraie logique.

On parle d’un marché énergétique européen. Or celui-ci ne pourra exister que s’il existe préalablement une cohérence à l’échelle européenne.

M. Blanc s’interrogeait tout à l’heure sur l’action de nos amis socialistes dans les pays qui sont gouvernés par eux. Même si ces pays sont peu nombreux en Europe, nous pouvons en parler. Eh bien, ils ont la même position que nous, tout en étant ouverts à la concurrence et à la discussion.

J’entends toujours arguer du fait que les tarifs de l’électricité en France sont les moins élevés d’Europe. C’est vrai, et alors ? Ce n’est pas une raison pour « se lâcher » et pour les augmenter de 10 % ou de je ne sais combien après l’adoption de ce projet de loi.

Aujourd’hui, comme l’a très bien évoqué tout à l’heure Martial Bourquin dans son intervention à la tribune, nous allons nous trouver dans une situation de plus grande précarité énergétique. Ceux de nos concitoyens qui sont, dans cette période de crise, en grande difficulté ne pourront pas se permettre de payer des tarifs d’énergie toujours plus élevés. Tel est le sens de notre amendement, qui est selon nous très important.

Ce n’est ni de l’intégrisme intellectuel ni du manichéisme. Nous voulons faire prendre conscience à la représentation nationale – et je suis sûr que, sur toutes les travées de cette assemblée, nous pouvons nous retrouver sur ce sujet –, de l’intérêt de cet amendement, qui indique que l’accès à l’électricité est une valeur indispensable pour nos concitoyens.

La situation commence à être compliquée depuis l’augmentation des tarifs au mois d’août. Avec le projet de loi NOME, nous savons parfaitement que cette hausse des prix de l’énergie est inéluctable et que certains de nos concitoyens auront du mal à payer la facture. Voilà la réalité !

Debut de section - PermalienPhoto de Didier Guillaume

Si je me permets d’insister après l’intervention de mon collègue, c’est parce que nous pouvons tous nous accorder sur ce point : la précarité énergétique, la difficulté, pour certains ménages, de régler la note sera de plus en plus prégnante.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Nous nous trouvons actuellement dans un système où, si nous continuons, les gens auront des droits dans tous les domaines mais n’auront aucune obligation. À ce moment-là, tout sera gratuit pour les ménages qui n’ont pas toujours les moyens de faire face à leurs dépenses. On sait où on commence, on ne sait pas où on s’arrête !

Si des problèmes de précarité se posent, nous y remédierons par le biais d’aides et de soutiens spécifiques, et non pas en vendant l’électricité à un prix trois ou quatre fois moins cher que son prix de revient.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

M. Jean Louis Masson. C’est un vrai problème, et il n’est pas très responsable de faire des Français une génération d’assistés !

Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Par ailleurs, je peux vous assurer qu’à partir du moment où les gens auront l’assurance de pouvoir obtenir de l’électricité gratuitement, quoi qu’il arrive, ils achèteront des écrans plasma au lieu de payer leurs factures.

Nouvelles protestations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

À partir du moment où vous n’êtes plus obligés de payer votre loyer, l’eau ou l’électricité, vous faites des arbitrages dans votre consommation, et ce n’est pas satisfaisant. Il faut aider les gens qui ont des problèmes, mais il ne faut pas certainement pas les dispenser de payer. Chaque bien a un coût, et ce n’est pas cohérent pour la collectivité…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Chacun a sa propre analyse sur ce point. Moi, j’estime que ce n’est pas cohérent pour la collectivité d’accorder un droit au logement ou à l’électricité, quoi que l’on fasse. À un moment donné, il faut responsabiliser les gens.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Monsieur Masson, je suis vraiment très surpris – et je vous le dis franchement, c’est un euphémisme – de vous entendre parler de la sorte !

Je suis maire d’une ville de 15 000 habitants qui compte, après la crise, plus de 1 400 personnes au chômage. Elles n’ont pas demandé à être dans cette situation. Les équipementiers, par exemple, ont parfois perdu 30 % de leurs effectifs.

Nous pourrions, vous et moi, nous retrouver au chômage. On ne peut pas parler de ces personnes qui sont en difficulté comme vous l’avez fait ! Ces chômeurs ne sont pas des assistés ; ils voudraient bien travailler. N’oubliez jamais qu’il y a 4, 2 millions de personnes inscrites à Pôle emploi.

N’est-ce pas la moindre des choses, pour une personne seule ou une famille, d’avoir accès à l’électricité ? Nous ne vous demandons pas une électricité bradée ; nous souhaitons juste que le pacte nucléaire, qui est un acquis du Conseil national de la Résistance, soit respecté. Dans la mesure où tous les contribuables ont déjà payé les centrales nucléaires, l’électricité doit leur être vendue à des prix bas.

Monsieur Masson, votre tirade sur l’assistanat est totalement déplacée. Quel rapport a-t-elle avec ce débat ? Nous nous trouvons face à une tradition française ; faisons en sorte qu’elle soit respectée. J’ai peur que ce ne soit plus le cas demain avec le vote de ce projet de loi NOME.

Monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il faut faire en sorte que nous ayons une électricité à prix bas, parce que, je le répète, les contribuables ont déjà payé les centrales nucléaires. C’est la moindre des choses, on ne va pas les faire payer deux fois !

Il faut avoir la volonté de faire de ce pacte énergétique une chance pour la France et non un boulet à traîner. J’aime la France ouverte, pas la France offerte !

Lorsque nous nous sommes rendus à Saint-Jean-de-Maurienne il y a peu, les industriels nous ont également fait part de leurs inquiétudes à propos de l’augmentation du prix de l’électricité.

Savez-vous combien coûte le coulage de l’aluminium ou du silicium en Chine ? Vingt-deux fois plus en énergie ; cette énergie, le charbon, se traduit d’ailleurs par des rejets de CO2 extraordinaires dans l’atmosphère.

De quoi parle-t-on aujourd’hui ? Des ménages. Nous sommes les élus de la nation, et nous devons tendre la main aux personnes en difficulté, qui ne sont pas des assistés.

En outre, si nous voulons garder nos entreprises, si nous voulons un socle industriel fort, le pacte énergétique que nous avons est une chance pour la France et non un boulet à traîner.

Je suis surpris que le Gouvernement ou le Parlement, avec les rapports qui nous sont présentés, montrent ce pacte nucléaire comme une obligation d’introduire de la concurrence, non pour faire baisser les prix, mais au contraire pour les augmenter ! Quelle est cette trouvaille ?

Il fallait justement avoir un débat solide avec Mme Kroes et lui dire que nous voulons garder notre spécificité française. Ce n’est pas le moment de nous désarmer, à l’heure de la mondialisation, alors que nos entreprises peinent et que les questions liées à l’emploi ont pris une importance qu’elles n’ont jamais eue auparavant.

Mes chers collègues, ayons un débat de fond et abstenons-nous de toute intervention comme celle qui vient d’être faite concernant les personnes en difficulté.

Ce ne sont pas les banquiers ni les traders qui payent la crise ! Ils ne se sont jamais si bien portés. Dans cette société, ce sont toujours les mêmes qui payent et qui sont mis sur le banc des accusés. De telles interventions sont inadmissibles !

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Je souhaiterais m’adresser à M. Masson pour lui rappeler brièvement quelques chiffres.

Savez-vous, monsieur Masson, quelle part de son revenu un foyer modeste consacre à l’énergie : 16°% ! Savez-vous quelle part de son revenu un ménage aisé consacre à l’énergie : 6°% ! Ces chiffres nous dispensent de tout commentaire.

Combien de ménages en situation de précarité énergétique comptons-nous aujourd’hui en France : 3, 5 millions ! Nous parlons d’hommes et de femmes qui n’ont pas les moyens de se chauffer et de s’éclairer. Combien y a-t-il de personnes sans-emploi ? M. Martial Bourquin vient de le dire : 4, 2 millions ! Et combien comptons-nous de personnes en fin de droits ? Combien y a-t-il de personnes sans aucune ressource ? Toutes ces personnes auront bientôt des difficultés pour se chauffer et s’éclairer.

Je n’en ajouterai pas davantage, mais, monsieur Masson, sachez que je suis profondément choqué par vos propos.

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 44, présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Toute nouvelle organisation du marché de l'électricité ne doit ni fragiliser ni remettre en cause les principes d'égalité, de continuité, d'adaptabilité et de sécurité sur lesquels repose le service public de l'électricité.

La parole est à M. Marcel Rainaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Marcel Rainaud

Rappeler la nécessité de respecter les quatre principes fondamentaux du service public que sont la continuité, l’égalité de traitement, l’adaptabilité et l’universalité peut aujourd’hui sembler une évidence. Malheureusement, on peut s’inquiéter de ce que l’instauration de la concurrence à tout crin par ce projet de loi aboutisse rapidement à une fragilisation du service public de l’électricité.

Se contenter comme vous le faites du rappel de l’article 1er de la loi du 10 février 2000 ne suffit plus à convaincre, tant la libération du marché de l’énergie et la concurrence imposée par la loi NOME accentueront la tentation pour EDF de préférer la conquête ou la défense de marchés à la qualité du service public ou l’entretien du parc nucléaire et du réseau de distribution existant. Cette définition doit aujourd’hui être confortée en toute logique au niveau européen : l’électricité, comme le gaz et comme tout secteur contribuant à un service public, doit être reconnue en tant que bien public européen.

Seul ce statut permettra de surmonter, par exemple, les déficiences actuelles du réseau d’infrastructure européen dans le domaine de l’énergie. La libération à outrance ne fait que morceler et déconstruire aujourd’hui ce réseau, risquant à terme de condamner la réalisation des objectifs européens en matière de sécurité de l’approvisionnement et de politique industrielle.

Or, seule la mise en commun des moyens au niveau européen permettra de remédier aux défauts de coordination et de collection des réseaux, que dénonce même le rapport Charpin. Une stratégie énergétique européenne ne pourra pas être crédible sans s’appuyer sur les ressources et les atouts d’un service public européen reconnu dans le domaine de l’énergie.

À défaut de l’attachement à faire respecter les principes fondamentaux du service public, nous observons de votre part une persévérance dans l’effort accompli pour réduire à peau de chagrin ce même service public.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 257 rectifié bis, présenté par MM. Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet et Detcheverry, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Toute nouvelle organisation du marché de l'électricité ne doit pas fragiliser les principes d'égalité, de continuité, d'adaptabilité et de sécurité sur lesquels repose le service public de l'électricité.

La parole est à M. Robert Tropeano.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Tropeano

Cet amendement est la suite logique de l’amendement n °258 précédemment défendu. Il prévoit que toute nouvelle organisation du marché de l’électricité qui renforce la concurrence entre les opérateurs ne doit pas aboutir à fragiliser le service public et ses usagers.

Cet amendement est donc conforme à l’esprit des normes européennes, qui disposent que, pour les secteurs relevant des services d’intérêt économique général, sont appliquées les règles de concurrence « dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie ».

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Ce que proposent ces deux amendements figure déjà très clairement et très complètement dans l’article 1er de la loi de février 2000, présentée par le gouvernement Jospin et votée par une majorité de gauche. Il me semble donc inutile de reprendre un élément de cet article et de le faire figurer dans tous les textes de loi qui concernent l’électricité. La commission émet donc un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Les dispositions prévues par ces deux amendements, à l’instar des deux précédents, existent déjà dans la loi française. Bien que la répétition puisse souvent faire œuvre de pédagogie, il me semble que le Sénat, reconnu pour sa qualité de législateur, s’abaisserait à reproduire dans plusieurs lois consécutives exactement les mêmes textes !

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 45, présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'application des règles de concurrence ne fait pas échec à l'accomplissement en droit de la mission particulière qui est impartie aux entreprises chargées de la gestion de services d'intérêt économique général.

La parole est à M. Martial Bourquin.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Cet amendement est l’occasion de rappeler que l’électricité est un bien de première nécessité, qui relève d’une mission particulière, définie par l’article 106 du nouveau traité sur le fonctionnement de l’Union Européenne. M. Robert Tropeano vient d’en lire un alinéa. Les opérateurs sont soumis aux règles prévues par les traités, notamment en matière de concurrence, dans la limite où leur application « ne fait pas échec à l’accomplissement - en droit ou en fait - de la mission particulière qui leur a été impartie. Le développement des échanges ne doit pas être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union ».

Nous l’avons rappelé, l’électricité est pour nous un bien de première nécessité, un bien commun essentiel. Les missions de service public qui lui sont liées relèvent bien d’une mission particulière.

Les premières analyses juridiques du nouveau traité, issu du traité de Lisbonne, confirment bien que cet article encadre l’application des règles de concurrence, afin de permettre l’exercice plein et entier des missions de service public, comme celles imparties à EDF, et, dès lors que cette mission particulière est clairement définie et implique des dérogations proportionnées aux règles du traité, en particulier en matière de concurrence et de marché, elle doit prévaloir.

Je conçois que l’on puisse avoir, comme M. Lellouche à l’Assemblée nationale, une autre lecture du traité, et affirmer que « le peuple français n’est pas le gardien des traités ». Cependant, il sait encore les lire ! Et nous ne sommes pas prêts à tous les sacrifices au nom d’une caricature de mise en conformité avec les directives européennes qui conduirait au démantèlement de notre patrimoine et à la mise en danger de notre indépendance énergétique.

Nous demandons donc un moratoire sur l’application des directives 2003-54-CE et 2009-72-CE, relatives à la libéralisation du marché de l’électricité, dans l’attente d’une relecture de leurs objectifs et dispositions à la lumière de l’article 106 du traité de fonctionnement de l’Union européenne. C’est cela que le Gouvernement devait négocier avec Mme Kroes.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Cet amendement ne fait que rappeler les principes de droit communautaire qui concilient à la fois l’application des règles de concurrence et le fonctionnement des services d’intérêt économique général. Je pense sincèrement, mes chers collègues, qu’il n’est pas utile de procéder à ce rappel dans le projet de loi NOME. La commission émet donc un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Même avis, monsieur le président.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Je suis désolé que M. le secrétaire d’État ne nous fournisse pas de plus amples explications. J’ai l’impression que toute la charge de la défense de ce projet de loi revient au rapporteur, qui, il faut le souligner, s’en acquitte brillamment.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Il est excellent !

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Mais un ministre ne saurait être la simple doublure d’un rapporteur !

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Cela ne m’avait pas échappé, je vous rassure !

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Il me semble que vous pourriez être plus prolixe sur un aspect essentiel du débat qui nous occupe. En effet, la question est de savoir si l'électricité est, ou non, un bien d'intérêt général, tant dans sa production, sa consommation que dans son déplacement. Il me semble que cette question n'a pas été abordée avec toute l'attention requise. C'est pourquoi j’ai défendu tout à l'heure la motion de renvoi du texte à la commission. En effet, si nous arrivions à nous mettre d'accord sur cette question, nous pourrions plaider l'exception française.

L'exception française, ce serait en l'occurrence un pacte énergétique reposant sur des centrales nucléaires produisant une électricité moins onéreuse, ce qui est une bonne chose tant pour les consommateurs, qui ont payé les installations, que pour nos entreprises. Nous savons pertinemment que le coût de l’énergie peut porter préjudice à la compétitivité. Cette question est essentielle, monsieur le secrétaire d’État ! Il serait nécessaire que vous vous exprimiez sur ce sujet.

M. le rapporteur prétend qu'il n'y a plus rien à discuter, que tout est déjà négocié, que tout a été réglé entre M. Fillon et Mme Kroes ! Je réponds que le Parlement est là pour contrôler le Gouvernement ! Tel est le cœur de notre mission parlementaire ! Non seulement c’est notre droit, mais c’est également notre devoir ! Nous savons pertinemment que des millions de ménages pâtiront demain d'une hausse des prix de l'électricité d'au moins 10°%. Mais en outre, cette hausse sera une prime à la délocalisation dans de nombreux secteurs, notamment dans ceux qui sont fortement consommateurs d'énergie électrique !

Chers collègues, il serait opportun que nous ayons une discussion approfondie sur ces questions, que l'on ne peut pas balayer d'un revers de la main en faisant jouer facilement la majorité ! Car, quand la loi sera appliquée, la situation risquera d'être très difficile pour les ménages qui paieront plus cher leur électricité. Je redoute que, demain, notre assemblée ne déplore les délocalisations qu'elle aura elle-même préparées.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Daniel Dubois, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Je voudrais réagir aux propos tenus par notre collègue M. Bourquin. Depuis qu’il prend la parole, il nous explique que ce texte est une forfaiture et que les prix vont augmenter, plongeant ainsi les ménages et les entreprises dans des situations extrêmement difficiles. Je lui répondrai que ce texte est imposé par une décision de justice et non pas uniquement par des directives. J'irai même plus loin : je me demande si la réponse que nous apportons n'est pas insuffisante et si nous ne courons pas le risque d'une condamnation !

Il est facile d'expliquer, trompettes à l'appui, que les tarifs vont finalement augmenter ! Je souhaite simplement dire que les tarifs ne sont pas libérés. Ils demeurent sous contrôle. La CRE émet un avis et le Gouvernement décide du tarif. La réponse du gouvernement français pour assurer un certain contrôle des tarifs est plutôt astucieuse.

Par ailleurs, vous annoncez que ce tarif ne sera plus compétitif pour les entreprises. Mais nous n'avons pas le choix, nous devons évoluer ! Je le répète, le montage préconisé ici, qui n'est pas des plus simples, je le reconnais, est la seule façon d'assurer des tarifs tout à fait concurrentiels aux entreprises ainsi qu'aux habitants de notre territoire.

Vous ne cessez de répéter que, grâce au Conseil national de la Résistance, l'électricité française constitue un avantage concurrentiel. Eh bien, je pense que nous faisons tout ce qui est possible pour préserver cet acquis malgré les décisions de justice prises à notre encontre.

On ne peut pas continuer d’expliquer sans cesse que le prix de l’électricité va augmenter de 10 %, à cause de ce texte.

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Dubois

Vous savez très bien, mon cher collègue, qu’aujourd’hui le prix de l’électricité n’est pas à la hauteur des engagements et des investissements qu’EDF doit réaliser pour, à la fois, son parc nucléaire et le renouveler. L’entreprise n’a d’ailleurs pas cessé de s’en plaindre.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

M. Roland Courteau. Je veux saisir cette occasion pour rappeler que l’article 106 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, que j’ai cité dans le détail au cours de la discussion générale, prévoit, à quelque chose près, que tous les services relèvent des règles de la concurrence, sauf ceux qui exercent une mission particulière.

M. Martial Bourquin opine

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Le Gouvernement pourrait se saisir de cet article 106 pour amorcer la discussion et tenter éventuellement de renégocier certaines directives afin d’exclure des règles de la concurrence les services de l’électricité qui accomplissent – qui peut me dire le contraire ? – une mission particulière.

L’électricité est-elle, oui ou non, un bien comme un autre ?

Non ! sur les travées du groupe socialiste.

Non ! sur les travées du groupe socialiste.

Non ! sur les travées du groupe socialiste.

Non ! sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Il n’existe pas de loi sur l’organisation du marché de la tomate, monsieur Courteau…

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Du côté de mon groupe en tout cas, nous sommes unanimes à reconnaître que l’électricité n’est pas un bien comme un autre, et que le service de l’électricité constitue bel et bien une mission particulière.

Cet amendement m’aura permis d’attirer votre attention sur cet article 106, qui est passé totalement inaperçu, et qui mériterait pourtant d’être remis à l’ordre du jour pour faire en sorte que le service public de l’électricité soit exclu des règles de la concurrence.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Jean Louis Masson, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

M. Jean Louis Masson. Au moment où l’on discute de l’avenir d’un grand secteur de l’économie française, je regrette que beaucoup d’arguments avancés relèvent du misérabilisme – on se croirait revenu au temps de Victor Hugo…

Protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Mais si l’on veut dynamiser l’économie française, il faut déjà commencer par gérer convenablement.

On nous dit que notre système électrique hérité de la Résistance est excellent et qu’il fait figure d’exemple. Ne mélangeons pas tout. S’il y a une chose remarquable, c’est bien l’avance que nous avons en matière nucléaire. Elle n’est toutefois pas due au Conseil de la Résistance, mais à des choix courageux qu’a faits le gouvernement de Pierre Messmer, à une époque où les amis de ceux qui sont en train de protester dans cet hémicycle gesticulaient et votaient contre le développement de l’industrie nucléaire.

Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Louis Masson

Exemples à l’appui, on prétend que, si le système électrique français est merveilleux, c’est grâce au Conseil national de la Résistance. Je m’inscris en faux : ce qui est bon dans le système électrique français actuel, c’est l’avance que nous avons en matière nucléaire, et nous ne la devons pas au Conseil national de la résistance, mais au gouvernement de Pierre Messmer agissant sous l’autorité du président Pompidou.

Nous avons en effet hérité du Conseil national de la résistance un certain nombre de choses, dont un régime de droit du travail très spécifique à EDF, avec tous les problèmes qui s’ensuivent. Lorsque vous pleurez sur les pauvres gens qui ne peuvent pas payer leur électricité, vous devriez peut-être aussi vous attarder sur le coût du comité d’entreprise d’EDF : voilà l’héritage du Conseil national de la Résistance, et ce n’est pas forcément exemplaire !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fauconnier

C’est scandaleux ! Vous dites n’importe quoi !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

M. Jean-Jacques Mirassou. Après les déclarations une fois de plus intempestives et presque indécentes

Protestations sur les travées de l ’ UMP

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Après avoir évoqué Victor Hugo en oubliant qu’à l’époque l’électricité n’existait pas

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

… y compris et surtout envers les plus défavorisés, tout en faisant la démonstration qu’en termes de stratégie industrielle il était possible de conforter et de concilier les intérêts des particuliers et ceux des industriels.

De grâce, monsieur Masson, épargnez-nous vos digressions, qui au passage balaient les acquis de 1936, en niant la réalité syndicale, les comités d’entreprises et que sais-je encore !

Revenons au sujet : cette discussion est intéressante car elle a le mérite de montrer qu’il existe encore et toujours un clivage entre la gauche et la droite.

Bravo ! sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Ce projet de loi offrait l’opportunité de donner un second souffle à un grand service public de l’énergie. Malheureusement, on s’en sert comme d’un alibi pour engager la responsabilité du Parlement sur un dispositif qui ne correspond nullement aux exigences du moment.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 95 rectifié, présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les filiales Électricité réseau distribution France et Gaz réseau distribution France préservent l'emploi et les compétences du service commun existant ainsi que la qualité et la sécurité du service de distribution.

La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Je vais faire de la peine à notre collègue Jean-Louis Masson : en effet, je ne parlerai plus tellement du service public cette fois, mais de ceux qui y travaillent. Avec cet amendement, nous souhaitons attirer l’attention sur les services communs à EDF et GDF Suez, en rappelant que, lors de la privatisation de l’opérateur historique GDF par le biais de sa fusion avec Suez, on avait affirmé haut et fort que la mise en concurrence des deux opérateurs historiques serait sans conséquences sur l’emploi concernant le service commun existant, réparti entre la filiale de distribution d’EDF et celle de GDF Suez.

À l’heure actuelle, il est permis d’en douter, et chacun d’entre nous, en tant qu’élu local, peut constater sur le terrain à quel point la mise en concurrence des deux distributeurs a fragilisé ce service commun, fruit pourtant d’une mutualisation des compétences et si cher aux Français.

Faut-il rappeler que, à l’occasion des deux tempêtes qui ont sévi sur notre pays, les mêmes salariés ont eu à reconnecter 1, 7 million de foyers au réseau ? On a pu s’apercevoir à cette occasion de l’affaiblissement de ce service, qui a rencontré ici ou là des problèmes pour réalimenter un certain nombre de foyers.

En effet, les filiales ERDF et GRDF, chargées respectivement des réseaux de distribution d’électricité et de gaz en France, s’appuient sur un service qui reste malgré tout commun, et qui regroupe près de 46 000 salariés. Ce sont eux qui relèvent les compteurs de gaz ou d’électricité et assurent la maintenance des lignes électriques ou des canalisations de gaz.

Début 2010, le tout nouveau patron d’EDF déclarait au journal Les Échos que ce service commun constituait « un non-sens », suggérant au passage l’accélération du processus de désintégration de ce service commun et sa dissociation.

Nous tenons donc à réaffirmer par le biais de cet amendement que les filiales Électricité réseau distribution France et Gaz réseau distribution France doivent préserver l’emploi et les compétences du service commun existant ainsi que la qualité et la sécurité d’un service de distribution, lequel répond – on s’en rend compte tous les jours – à des exigences de haute technicité qui ont fait leurs preuves dans un passé pas si lointain. Je rappellerai au passage que ceux qui ont aujourd’hui tendance à dénigrer le service public s’étaient à l’époque félicités que des personnes en préretraite, voire en retraite, viennent spontanément sur leur lieu de travail pour dépanner certains de nos compatriotes.

Ce projet de loi constitue une opportunité, pour nous, mais aussi, je l’espère, pour le Gouvernement, de faire le point sur cette question importante qui n’est toujours pas élucidée à ce jour.

M. Jean Besson applaudit

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Certains s’en souviennent peut-être, c’est en 1951 qu’ont été mises en service les petites voitures bleues qui se déplaçaient partout dans les foyers pour réparer les pannes d’électricité ou de gaz. Ce fameux service commun a toujours très bien fonctionné, la surprise venant du fait qu’il ne se trompait jamais, que le service soit assuré par des gaziers ou des électriciens. Ce service commun n’a pas été remis en cause à l’occasion de la loi relative à l’ouverture du capital de gaz de France, pas plus que lors de la privatisation effective ou de l’adoption de la loi sur la filialisation des activités de distribution de gaz et d’électricité, ainsi que l’exigeaient les directives européennes. Il a continué de très bien fonctionner une fois les activités de distribution des maisons-mères EDF et GDF Suez effectivement séparées. Il n’est absolument pas question de le remettre en cause aujourd’hui et je pense qu’il serait maladroit d’adopter un tel amendement, qui laisserait penser que ce pourrait être le cas.

En conséquence, la commission émet un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Une fois encore, à l’instar des amendements que nous avons examinés précédemment, celui-ci n’apporte rien. Le service commun est déjà de niveau législatif et, une fois de plus, il s’agit d’un amendement redondant par rapport au droit positif français actuel.

En conséquence, l’avis est défavorable.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Je vais me faire le plaisir de rappeler à M. le secrétaire d’État que, dans un passé pas si lointain, au sommet de l’État on s’était engagé à ne pas privatiser GDF. On voit ce qu’il est advenu de cette promesse.

Pour présenter cet amendement, je m’appuie sur les déclarations d’une personne qui a un certain poids dans le dossier : le nouveau patron d’EDF. Je rappelle qu’il a lui-même affirmé, en 2010, que ce service commun constituait un non-sens.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Ce n’est pas lui qui fait la loi !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

On ne peut pas dire que ce propos soit empreint de la plus grande sympathie à l’égard du service concerné.

Et puisque, dans le même temps, chacun est à même de constater que la qualité des prestations de ce service commun a tendance à se détériorer, faute sans doute de moyens humains et matériels, vous comprendrez, monsieur le secrétaire d’État, que cet amendement a non seulement une vocation prophylactique, pour empêcher l’irréparable, mais qu’il constitue en même temps une piqûre de rappel pour que l’on donne à ce service commun les moyens d’assurer pleinement sa mission.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 148, présenté par M. Danglot, Mmes Didier, Schurch et Terrade, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Un bilan démocratique et contradictoire des conséquences tarifaires du processus d'ouverture à la concurrence du secteur de l'énergie est engagé dans les trois mois suivant la promulgation de la présente loi.

La poursuite de ce processus, et notamment l'ouverture à la concurrence pour les consommateurs domestiques, est subordonnée à l'examen de ce bilan par le Parlement.

La parole est à M. Jean-Claude Danglot.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Danglot

L’un des arguments souvent utilisés pour justifier la libéralisation est l’intérêt des clients, qui pourraient bénéficier, grâce au jeu de la concurrence, de baisses des tarifs.

Du point de vue de l’efficacité économique, les exemples des pays libéralisés devraient cependant nous inciter à la prudence. En effet, la réalité semble décidément ne pas donner raison à ceux qui préconisent de longue date la libéralisation. Annoncée au début des années quatre-vingt-dix comme une « révolution » inéluctable et liée au développement de l’économie mondiale, on attend toujours un début de preuve de ses bienfaits, ainsi qu’un bilan des premières conséquences des directives européennes d’ouverture à la concurrence.

Au-delà de cette efficacité qui reste à prouver, nous savons tous qu’en manière d’énergie électrique la France jouit d’une situation particulière, due à une ambitieuse politique de développement de l’énergie nucléaire, menée de longue date. Je précise au passage qu’il s’agit d’une politique que le parti communiste français a toujours soutenue.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Danglot

Aujourd’hui, des années après, elle bénéficie des fruits de son formidable effort d’investissement, en profitant de tarifs d’électricité parmi les moins chers en Europe.

Cet exemple remarquable des bienfaits d’une politique de maîtrise publique – dans un secteur qui s’y prête tout particulièrement, au regard des exigences de sécurité de la production et de la complexité de la distribution – est piétiné par ce texte qui, en organisant une rivalité meurtrière entre EDF et ses concurrents, livre chaque usager à la jungle de la concurrence, dans un marché qui sera dominé par quelques grands groupes financiers avides de profits.

Ainsi disparaît l’idée d’une politique énergétique exercée dans l’intérêt de la nation, en torpillant au passage une organisation qui a soutenu pendant près d’un demi-siècle le développement économique et social de notre pays.

Pourtant, mes chers collègues, nous sommes tous ici conscients qu’aucune concurrence entre les différents producteurs d’électricité en Europe ne permettra de faire suffisamment baisser les prix pour pallier la perte de l’avantage compétitif sur lequel avait parié la France et dans lequel elle avait investi.

Ce que l’on demande finalement aux Français, c’est d’accepter de sacrifier les bénéfices de leur investissement au nom d’un libéralisme dogmatique.

Dans ces conditions, vous conviendrez avec moi, mes chers collègues, de l’utilité d’un bilan indispensable sur la question de l’ouverture à la concurrence, dans la perspective de la renégociation des directives l’ayant favorisée.

Nous ne pouvons courir le risque que les entreprises et les particuliers fassent les frais de cette décision idéologique au seul profit des marchés financiers.

C’est pourquoi nous demandons, d’une part, que la poursuite du processus de déréglementation, notamment en ce qui concerne l’ouverture à la concurrence, pour les consommateurs domestiques, soit subordonnée à la réalisation d’un bilan démocratique et contradictoire et, d’autre part, que l’examen de ce bilan sur l’impact tarifaire de la déréglementation soit réalisé par le Parlement.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Par cet amendement, mes chers collègues, vous souhaitez trouver un argument pour retarder l’examen de ce projet de loi NOME auquel vous êtes hostile. Tout à l’heure, c’était une directive-cadre, là vous demandez un bilan sur les conséquences tarifaires du processus d’ouverture. Comme, pour ma part, je suis favorable à ce projet de loi et ne souhaite pas en retarder l’examen, j’émets donc un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 149, présenté par M. Danglot, Mmes Didier, Schurch et Terrade, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La France soumet à ses partenaires européens le projet d'insérer systématiquement une clause de réversibilité dans les directives européennes existantes et futures.

La parole est à M. Jean-Claude Danglot.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Danglot

Il est un principe éminemment démocratique et même de bon sens : s’il s’avère qu’une loi est mauvaise, il est bon que l’on puisse la supprimer ou la modifier.

Alors que cela pourrait paraître évident, il semble que ce ne le soit pas au niveau européen. Notre droit est modifié en permanence par des directives qu’il nous faut appliquer sans qu’il nous soit possible de les remettre en cause. Aussi, en défendant cet amendement, nous souhaitons que le Gouvernement soumette à ses partenaires européens le projet d’insérer systématiquement une clause de réversibilité dans les futures directives européennes.

Ce principe permettrait de modifier le cours des choses s’il s’avère, à l’expérience, que la voie empruntée n’est pas la bonne ou si le peuple souhaite changer les politiques mises en œuvre.

À moins d’avoir des œillères idéologiques et de ne rechercher que la privatisation à tout prix, l’Union européenne serait avisée de faire le point sur les directives qu’elle a adoptées et d’en analyser les répercussions. C’est même une exigence cruciale s’agissant des directives relatives à l’énergie.

En effet, ce secteur est essentiel : il conditionne la vie de l’ensemble des citoyens et des entreprises de l’Union européenne. Il constitue un outil primordial d’aménagement du territoire pour tous les États. Le rôle qu’il aura à jouer dans l’adaptation de nos sociétés aux défis environnementaux du XXIe siècle est vital. À ce titre, la recherche, le développement et les investissements dans le domaine de l’énergie sont des données capitales pour l’avenir.

Enfin, il s’agit là d’une question très importante compte tenu de la qualité, de l’importance, de la santé et de l’influence internationale de nos entreprises publiques dans le secteur de l’énergie avant la mise en œuvre de ces directives.

On le voit, il s’agit d’une question trop essentielle pour qu’on refuse d’admettre que des erreurs sont possibles et que l’on poursuive des politiques dont les effets néfastes sont pourtant évidents.

Si les processus d’ouverture à la concurrence et de privatisation, conformes à la directive européenne, ont des effets pervers, pourquoi ne pas se réserver la possibilité de revenir en arrière ?

Par ailleurs, on sait depuis 2005 que l’Europe souffre d’un déficit démocratique, ressenti par tous ses peuples, à propos du fonctionnement même des institutions européennes. Les décisions sont prises par on ne sait qui, loin de leurs préoccupations et, à aucun moment, il n’est possible de les remettre en cause.

Nous pensons que la réversibilité des directives proposée par cet amendement permettrait également de pallier ce déficit démocratique.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Je formulerai trois observations.

Première observation : adopter cet amendement reviendrait à adresser une injonction au Gouvernement, je n’y suis donc pas favorable.

Deuxième observation : j’ai quelque doute sur le bon accueil que pourraient réserver nos vingt-six partenaires européens à une demande d’insertion d’une clause de réversibilité dans toutes les directives européennes. Mais vous avez le droit d’y croire…

Enfin, troisième et dernière observation : je considère que cet amendement n’a pas sa place dans le projet de loi NOME.

La commission émet donc un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Le Gouvernement partage l’avis de la commission. Adopter cet amendement signifierait tout simplement la fin de l’Europe. Dès lors que l’on propose cette clause de réversibilité, cela implique que chacun peut faire ce qu’il veut au sein de l’Union européenne.

Je ne suis pas convaincu que ce soit le souhait de la Haute Assemblée ni celui des Français. L’Europe a montré son efficacité. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 151, présenté par M. Danglot, Mmes Didier, Schurch et Terrade, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le service public de l'énergie a pour objet de garantir la cohésion sociale nationale, en assurant le droit au gaz et à l'électricité pour tous, en contribuant à la lutte contre les exclusions, au développement équilibré du territoire ainsi qu'à la recherche et au progrès technologique.

La parole est à Mme Évelyne Didier.

Debut de section - PermalienPhoto de Évelyne Didier

Nous souhaitons une nouvelle fois réaffirmer les principes et les missions essentielles qui doivent prévaloir dans le secteur de l’énergie.

Une saine politique énergétique vise à une utilisation de toutes les sources d’énergie afin de répondre à la demande de façon diversifiée, et ce dans un bon équilibre entre économique, environnemental et social.

Cela nécessite un pouvoir d’intervention indépendant sur l’ensemble des ressources et des moyens de production.

L’objectif du Gouvernement est de répondre à la demande de l’Europe, mais surtout de répartir les parts de marché. Nous, nous pensons qu’il faut faire autrement.

Nous proposons cet amendement car nous considérons que seul un service public garant de l’intérêt général peut apporter les plus hautes garanties dans le domaine de l’approvisionnement et de la sécurité énergétique, du respect de notre environnement et de l’utilisation rationnelle de l’énergie.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Cet amendement ne vise qu’à étendre au service public de l’énergie les missions de service public de l’électricité telles qu’elles sont définies avec grande précision dans l’article 1er de la loi du 10 février 2000, que je tiens à votre disposition.

La commission émet donc un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Le Gouvernement émet le même avis.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 152, présenté par M. Danglot, Mmes Didier, Schurch et Terrade, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le Gouvernement fixe les tarifs de l'électricité et du gaz selon des modalités qui assurent la transparence des critères retenus et associent les représentants des salariés du secteur concerné et des associations de consommateurs.

La parole est à M. Gérard Le Cam.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

La fixation des tarifs de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, l’ARENH, prévue par ce projet de loi est réservée, durant une période transitoire de trois ans, au Gouvernement après simple consultation de la CRE pour avis.

À l’issue de ces trois ans, les tarifs seront proposés par la CRE au Gouvernement.

La fixation de ce prix soulève des questions importantes pour le prolongement et le renouvellement des capacités nucléaires de la France, vers lesquels EDF aura besoin de porter de lourds investissements.

Il s’agit en définitive de rien de moins que l’avenir de la politique énergétique de la France, qui se joue dans la fixation de ce prix. Un prix trop bas conduirait à un sous-investissement dans notre atout nucléaire, alors que les coûts liés à son maintien et son remplacement, pour ne pas évoquer celui du traitement des déchets ou du démantèlement, sont encore mal connus.

Un prix trop haut pénaliserait de manière injuste les consommateurs, qui ont porté ces investissements publics de longue date.

La question de la prise en compte dans la fixation de ce prix des investissements à venir pour le renouvellement n’est pas réglée et la Commission ne semble pas envisager que l’ARENH prenne en compte ce renouvellement. C’est d’ailleurs ce que retient le projet de loi puisqu’il n’évoque que la rémunération des capitaux, les coûts d’exploitation, de maintenance et de traitement des déchets.

Nous regrettons que la fixation de ces prix souffre d’un grand déficit démocratique et jugeons que les Français devraient avoir leur mot à dire en la matière, puisque ce sont eux qui ont fait le choix d’investir dans un système ambitieux et performant, dont ils tirent aujourd’hui à juste titre des avantages, en profitant d’une électricité moins chère qu’ailleurs en Europe.

C’est pourquoi nous proposons cet amendement qui vise à ce que la fixation des tarifs de l’électricité par le Gouvernement prenne non pas seulement en compte l’avis de la CRE – organe affaibli par ailleurs par les réformes incessantes de sa composition au gré des projets de loi qui se succèdent – mais également celui des représentants des salariés du secteur concerné et des associations de consommateurs, et ce dans un souci de transparence démocratique.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Contrairement à ce qui est avancé dans l’exposé des motifs de cet amendement, les critères de calcul des tarifs réglementés de l’électricité et du gaz ne manquent pas de transparence puisqu’ils sont, par définition, déterminés par la loi.

Aujourd’hui, ces tarifs sont fixés par le Gouvernement après avis de la CRE. À terme, il est vrai, ils seront fixés par la CRE, qui les définira directement, mais – nous avons adopté un amendement en ce sens – la CRE consultera systématiquement le Conseil supérieur de l’électricité avant de telles décisions, notamment pour les nouveaux tarifs. Cela signifie qu’elle consultera systématiquement les entreprises ou les syndicats représentant les entreprises de l’énergie ainsi que les associations de consommateurs.

Il n’y a donc aucune crainte à avoir en la matière et la commission émet un avis défavorable.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Le Gouvernement partage cet avis.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 41, présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le 31 décembre 2010, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la création d'un pôle public de l'énergie.

La parole est à M. Yannick Botrel.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

C’est pour échapper au couperet de l’article 40 que nous avons déposé sous cette forme un amendement relatif à la création d’un pôle public de l’énergie.

En 2006 déjà, lors de l’examen du projet de loi de privatisation de GDF, nous avions déposé un amendement qui avait précisément pour objet de créer un grand pôle public, en fusionnant EDF et GDF en un établissement public à caractère industriel ou commercial, un EPIC, dénommé Énergie de France. Si ce projet de loi franchit une étape supplémentaire dans la libéralisation, nous pensons que l’idée d’un tel pôle mérite d’être défendue au vu des échecs de plus en plus retentissants de la libéralisation.

Nous bénéficions, en effet, du retour d’expérience des pays pionniers de la libéralisation, qui sont contraints aujourd’hui de réintroduire du public, voire de renationaliser, pour faire face aux hausses vertigineuses des prix de l’énergie, aux défaillances et aux dégâts causés par les privatisations et aux financiarisations du type Enron.

Nous pensons qu’un tel pôle est indispensable dans un secteur aussi stratégique que celui de l’énergie, qui doit rester sous maîtrise publique, qui doit valoriser les synergies entre les grands groupes et non pas jouer sur des mises en concurrence destructrices.

Le morcellement des activités énergétiques, le démantèlement des services publics, la privatisation rampante du nucléaire, la volonté de désintégration de notre parc nucléaire au profit d’opérateurs privés, qui sert avant tout les intérêts de leurs actionnaires, nous mènent tout droit vers le chaos.

Nous considérons, au contraire, qu’un pôle public de l’énergie aurait plus que jamais vocation à exercer, dans le respect de l’intérêt général, les missions essentielles du service public de l’énergie : égalité des territoires et des citoyens dans l’accès à l’énergie, sécurité d’approvisionnement, indépendance énergétique, maintien d’un haut niveau de sûreté, notamment dans le domaine nucléaire, lutte contre l’effet de serre, maîtrise des technologies d’avenir et de la demande.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous souhaitons que, avant le 31 décembre 2010, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la création d’un pôle public de l’énergie.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Cher Yannick Botrel, j’ai préféré – et de loin ! – vos explications à la rédaction un peu sobre de votre amendement.

Vous souhaitez que l’on refusionne EDF et GDF pour en faire une entreprise nationalisée à 100 %. Voilà qui est clair et net !

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 46 est présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Fichet, Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe Socialiste et apparentés.

L'amendement n° 147 est présenté par M. Danglot, Mmes Didier, Schurch et Terrade, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche.

Tous deux sont ainsi libellés :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le 31 décembre 2010, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la qualité, la sécurité et le financement du réseau public de distribution d'électricité.

La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 46.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Les élus que nous sommes ont pu constater combien la qualité des services rendus par les réseaux de distribution s’est dégradée depuis plusieurs années.

En mars 2010, un rapport d’étape de la CRE pointait les facteurs explicatifs de cette dégradation continue de la performance des réseaux. Au rang des principales causes figurait l’ouverture à la concurrence de la fourniture de l’électricité, qui a conduit à séparer les activités de distribution et de fourniture d’électricité, jusqu’alors exercées par la même direction au sein d’EDF. C’est dire si l’accroissement de la concurrence améliore les choses…

Le rapport soulignait notamment que « les organigrammes d’ERD, puis d’ERDF, issus de la nouvelle organisation, ont dilué la responsabilité de la qualité entre plusieurs entités, le plus souvent éloignées du terrain ». Pourtant, avec ce projet de loi, on continue d’appliquer aveuglément le dogme de la concurrence et de la libéralisation à tout crin.

La CRE avait également signalé la réduction excessive à la fois de la maintenance préventive et des investissements de modernisation des réseaux concédés à ERDF, filiale à 100 % d’EDF. Le rapport soulignait tout particulièrement que l’expansion internationale d’EDF s’était faite au détriment des investissements de renouvellement des ouvrages de distribution vétustes sur le territoire national. Or l’acquisition de British Energy à un coût gigantesque va alourdir encore l’endettement d’EDF.

Des choix semblent donc avoir été faits par EDF et ses actionnaires qui n’accordent pas la priorité à la maintenance du réseau de distribution. Sans doute, suggère toujours le rapport d’étape, est-ce parce que ce type d’investissement de nature à assurer la qualité du réseau n’est pas assez rentable…

Et les auteurs de ce rapport d’étape de recommander que l’on en revienne à une planification des investissements par le biais d’un programme pluriannuel d’investissements de distribution, avec un taux d’investissement qui serait fixé par le ministre de l’énergie. On est loin, très loin du marché...

Mais ils préconisaient également, entre autres solutions, d’ouvrir le capital d’ERDF à des investisseurs externes. C’est aller très vite en besogne… Cette solution ne nous paraît pas acceptable, car elle irait sans doute à l’encontre de l’objectif souhaité.

Il nous paraît donc essentiel que, avant le 31 décembre 2010, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la qualité, la sécurité et le financement du réseau public de distribution d’électricité.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à Mme Mireille Schurch, pour présenter l'amendement n° 147.

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

Dans un amendement précédent, nous avons demandé l’établissement d’un rapport sur les conséquences de l’ouverture forcée du marché, portée par ce projet de loi, sur les tarifs de l’électricité.

Cependant, l’incidence d’une telle déréglementation ne se mesure pas seulement en termes de coûts et de tarifs ; des questions se posent aussi, pour l’avenir, en matière d’emploi et d’aménagement du territoire.

On le sait, ouverture à la concurrence et privatisation n’ont jamais été synonymes, pour les salariés, d’embauches, d’amélioration des conditions de travail, et encore moins de hausses de salaire.

En effet, pour le secteur privé, la main-d’œuvre est un coût, qu’il faut toujours réduire, avant d’être un investissement.

Cependant, peut-on réellement se permettre, dans le secteur de l’énergie, de rogner sur les dépenses de main-d’œuvre ?

Les agents d’EDF, dont il est souvent de bon ton, ici, de critiquer le statut, interviennent sur des installations stratégiques dangereuses, telles que les lignes électriques à haute tension ou les centrales nucléaires. Autant dire qu’ils ne sauraient être l’objet d’une gestion guidée prioritairement par le souci de la rentabilité financière.

Cette main-d’œuvre hautement qualifiée nécessite une solide formation, une rémunération à la hauteur des responsabilités exercées, ainsi qu’une protection médicale particulière pour certaines activités ; je pense ici au nucléaire.

Les conditions de travail doivent être à la hauteur des enjeux de sécurité. Le degré de fiabilité des équipements ne peut pas évoluer en fonction des fluctuations des cours de la bourse.

Or l’état du réseau de distribution électrique français est préoccupant. En témoigne sa vulnérabilité aux tempêtes qui ont frappé la France ces derniers temps. Le rapport de nos collègues de l’OPECST, l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques, préconise de « redonner aux lignes leur caractère de bien public ».

C’est la raison pour laquelle nous demandons que, avant le 31 décembre 2010, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la qualité, la sécurité et le financement du réseau public de distribution d’électricité.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 123, présenté par MM. Courteau, Fichet, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le 31 décembre 2010, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la qualité du réseau public de distribution d'électricité dans chaque département et les solutions envisagées pour un égal accès à l'électricité sur tout le territoire national.

La parole est à M. Jean-Luc Fichet.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Fichet

Cet amendement vise à alerter le Gouvernement sur l’inégalité des citoyens dans l’accès à ce service public vital qu’est l’électricité.

Avec la région Provence–Alpes-Côte d’Azur, la région Bretagne fait partie des régions les plus fragilisées ; elle est donc l’une des plus vulnérables en termes de coupures de courant.

Nous pourrions ainsi citer, pour la seule année 2010, les 20 000 foyers privés d’électricité dans le pays bigouden le 4 mars, les 700 foyers privés d’électricité à Quimper, Plonéis, Pluguffan et Guengat le 23 mai, les 46 000 foyers privés d’électricité le matin même dans le Finistère, les 400 foyers privés d’électricité à Brest le 26 juin 2010 ou encore les 600 foyers privés d’électricité à Saint-Martin-des-Champs la veille. Ce ne sont là que quelques exemples. Mais les causes sont communes : matériels vieillissants, transformateurs défectueux, anomalies d’alimentation.

Le Finistère, au même titre que les autres territoires ruraux, souffre de coupures de courant à répétition. Une étude nationale récente pointe d’ailleurs les manquements d’ERDF en matière d’investissement et d’entretien du réseau, avec les conséquences que l’on connaît.

Si ERDF investit aujourd’hui massivement dans le photovoltaïque, ce ne doit pas se faire au détriment des réseaux existants.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Luc Fichet

Un autre amendement du groupe socialiste avait pour objet d’étudier de façon globale le réseau de distribution de l’électricité en France. Mon amendement rejoint cette idée, mais il a aussi pour objet de constater les déséquilibres entre les territoires en matière de distribution de l’électricité.

Cet amendement doit permettre de faire la lumière sur l’état du réseau public de distribution dans chaque département et d’apporter des solutions afin que l’ensemble de la population ait un égal accès à l’électricité.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

la PDG d’ERDF nous a répondu sans pratiquer la langue de bois. Si c’est nécessaire, nous lui demanderons de revenir.

En tout état de cause, je suis défavorable à l’élaboration d’un rapport.

En revanche, j’indique que je suis tout à fait favorable à l’article 11 bis A dû à l’initiative de notre collègue Xavier Pintat. À cet égard, je rappelle que tous les groupes politiques, qu’il s’agisse du groupe CRC-SPG, du groupe socialiste, du RDSE, de l’Union centriste ou encore de l’UMP, ont déposé, voilà quelques jours, des amendements identiques visant à demander qu’ERDF dresse le bilan de tout ce qui a été fait l’année passée et présente un bilan prévisionnel des travaux envisagés pour l’année à venir. Il s’agit là d’une vraie avancée et d’un réel service rendu à tous les syndicats d’électricité en France.

Je puis en témoigner, la commission de l’économie fait du bon travail et dispose, quand elle le souhaite, des informations nécessaires. Je le dis très sincèrement, il n’est nul besoin de prévoir ce rapport, qui ne servira à rien. Je souhaite que nous continuions à travailler de la même manière.

En conséquence, la commission a émis un avis défavorable sur ces amendements.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Le texte que nous examinons concerne la production. Certes, cela ne signifie pas que la distribution ne soit pas un sujet tout aussi fondamental, mais nous parlons aujourd'hui de l’organisation de la production et des marchés de l’électricité en matière de production.

Lancer un débat sur la distribution est évidemment essentiel dans notre pays, mais il existe une multitude de rapports en la matière. Une mission d’information parlementaire travaille d’ailleurs actuellement sur ce sujet. Attendons ses conclusions avant de nous prononcer.

Voilà un premier élément de réponse de nature à justifier un avis défavorable.

J’en viens à la situation particulière de la Bretagne. Vous avez raison de dire, monsieur le sénateur, qu’il existe une problématique particulière dans cette région, qui constitue une fin de réseau. C’est la raison pour laquelle nous avons lancé un appel d’offres tendant à y créer un outil de production.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Or vous savez comme moi que cet appel d’offres n’a pas reçu un accueil des plus chaleureux, me semble-t-il, de la part des élus locaux.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

C’est peut-être pour cette raison que celui-ci n’a pas débouché. Dont acte. Nous allons lancer un nouvel appel d’offres. Essayons ensemble de mobiliser les élus locaux pour pouvoir créer cet outil de production !

Il me semble bien plus efficace d’aller dans cette direction plutôt que de nous poser des questions en matière de distribution.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Je pense avoir répondu précisément à Roland Courteau et à Mireille Schurch, mais j’aimerais revenir sur le sujet qu’a évoqué Jean-Luc Fichet et qui me tient à cœur.

Il est vrai que le rôle d’ERDF n’est pas de subventionner le photovoltaïque, …

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Je suis tout à fait d’accord !

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

… mais de se consacrer à sa mission publique principale, à savoir l’entretien et le développement du réseau de distribution.

D’ailleurs, lorsque j’ai présenté un amendement en commission sur ce point, le groupe socialiste n’a pas voté contre. Mais nous débattrons tout à l'heure de ce sujet très important, et je remercie notre collègue de l’avoir évoqué.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Bien entendu, je soutiendrai la proposition présentée par mon collègue Jean-Luc Fichet. Mais je voudrais rebondir sur les réponses qui ont été apportées par M. le rapporteur et par M. le secrétaire d’État.

Selon M. le rapporteur, nous n’avons pas besoin de faire une étude car, lorsque nous interpellons la PDG, quand nous posons des questions, on nous répond. Vous avez une très bonne connaissance de vos réseaux, donc vous nous alertez.

Mais cela n’a rien à voir avec une étude exhaustive sur l’ensemble de notre territoire ! En général, ce qui est vrai pour la Bretagne l’est aussi pour d’autres régions et départements, en particulier des départements ruraux comme le mien, la Dordogne.

Un rapport exhaustif nous permettrait, en plus de mesurer l’état du réseau sur l’ensemble de notre territoire, de voir les différences d’un département à l’autre et donc ce qu’il serait nécessaire de faire pour améliorer la situation.

Quant à M. le secrétaire d’État, il nous a répondu qu’il ne fallait pas mélanger ce qui touche à la production, sujet sur lequel nous travaillons aujourd’hui, et ce qui concerne la distribution. Mais cette réponse-là, le Gouvernement nous l’a déjà faite par le passé quand nous avons examiné la loi de modernisation de l’agriculture, la LMA, quand nous avons parlé des collectivités territoriales... Ce n’est jamais le bon moment. Conclusion : on n’en parle jamais !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Michel Sergent, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Sergent

J’ai bien entendu la réponse de M. le rapporteur à propos des rapports dont nous avons déjà eu connaissance. C’est mon cas en tant que président d’un syndicat départemental d’électricité.

Il n’en reste pas moins que la situation est diverse dans tout le pays. Certes, nous discutons de la production. Alors parlons-en ! Mais – et nous le disons aussi en d’autres lieux – si, dans cette grande maison qu’est EDF, on fait très attention à la production et, bien sûr, à la fourniture qui est le nerf de la guerre, si le transport n’est pas délaissé, la distribution, elle, apparaît parfois comme le parent pauvre !

Voilà pourquoi un rapport pourrait être intéressant pour avoir une vision globale. C’est la raison pour laquelle je me rallie aux propositions de mes collègues.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Jacques Blanc, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Soyons clairs : il s’agit d’ERDF et non d’EDF !

Il est important qu’ERDF fasse un rapport au syndicat départemental d’électrification. D’ailleurs, nous avons la possibilité de manifester dans le cas où ERDF ne répondrait pas à nos sollicitations. Notre Fédération nationale, que préside avec beaucoup d’efficacité notre ami Xavier Pintat, nous apporte aussi un soutien.

ERDF est concessionnaire de nos syndicats pour une partie de la distribution, puisque nous sommes propriétaires de ce réseau. RDF pour la moyenne tension ou RTE sont aussi appelés à répondre à nos sollicitations.

Ce qu’il faut, c’est non pas un rapport du Gouvernement, mais des rapports dans chaque département, car il est important de mettre en place des relations et des partenariats avec chaque organisateur, chaque syndicat départemental d’électrification.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Blanc

Nous saisissons cette opportunité pour réaffirmer la volonté des syndicats départementaux qu’ERDF ou RTE soient des partenaires, et il est essentiel que des échanges aient lieu à ce niveau-là.

Les amendements ne sont pas adoptés.

L'amendement n'est pas adopté.

Après l’article 4 de la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, il est inséré un article 4-1 ainsi rédigé :

« Art. 4 -1. – I. – Afin d’assurer la liberté de choix du fournisseur d’électricité tout en faisant bénéficier l’attractivité du territoire et l’ensemble des consommateurs de la compétitivité du parc électro-nucléaire français, il est mis en place à titre transitoire un accès régulé et limité à l’électricité nucléaire historique, produite par les centrales nucléaires mentionnées au II, ouvert à tous les opérateurs fournissant des consommateurs finals résidant sur le territoire métropolitain continental ou des gestionnaires de réseaux pour leurs pertes, à des conditions économiques équivalentes à celles résultant pour Électricité de France de l’utilisation de ses centrales nucléaires mentionnées au même II.

« II. – Pendant la période définie au VII, Électricité de France cède de l’électricité, pour un volume maximal et dans les conditions définies au III, aux fournisseurs d’électricité qui en font la demande, titulaires de l’autorisation prévue au IV de l’article 22 et qui prévoient d’alimenter des consommateurs finals ou des gestionnaires de réseaux pour leurs pertes, situés sur le territoire métropolitain continental. Les conditions d’achat reflètent les conditions économiques de production d’électricité par les centrales nucléaires d’ Électricité de France situées sur le territoire national et mises en service avant la publication de la loi n° … du … portant nouvelle organisation du marché de l’électricité.

« Les conditions dans lesquelles s’effectue cette vente sont définies par arrêté du ministre chargé de l’énergie sur proposition de la Commission de régulation de l’énergie. Il en est de même des stipulations de l’accord-cadre mentionné au III du présent article.

« Le volume global maximal d’électricité nucléaire historique pouvant être cédé est déterminé par arrêté des ministres chargés de l’économie et de l’énergie, après avis de la Commission de régulation de l’énergie, en fonction notamment du développement de la concurrence sur les marchés de la production d’électricité et de la fourniture de celle-ci à des consommateurs finals. Ce volume global maximal, qui demeure strictement proportionné aux objectifs poursuivis, ne peut excéder 100 térawattheures par an.

« III. – Dans un délai d’un mois à compter de la demande présentée par un fournisseur mentionné au II, un accord-cadre conclu avec Électricité de France garantit, dans les conditions définies par le présent article, les modalités selon lesquelles ce fournisseur peut, à sa demande, exercer son droit d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique pendant la période transitoire par la voie de cessions d’une durée d’un an.

« Le volume maximal cédé à un fournisseur mentionné au II est calculé pour une année par la Commission de régulation de l’énergie, dans le respect des III et IV du présent article, en fonction des caractéristiques et des prévisions d’évolution de la consommation des consommateurs finals et des gestionnaires de réseaux pour leurs pertes que fournit et prévoit de fournir ce fournisseur sur le territoire métropolitain continental, et en fonction de ce que représente la part de la production des centrales mentionnées au II dans la consommation totale des consommateurs finals. De manière transitoire, jusqu’au 31 décembre 2015, afin de refléter la modulation de la production des centrales mentionnées au II, les règles de calcul de ce volume tiennent comptent des catégories et du profil de consommation des clients du fournisseur dans la mesure où cela ne conduit pas à ce que la part du volume global maximal mentionné au II attribuée au titre d’une catégorie de consommateurs s’écarte de manière significative de ce que représente la consommation de cette catégorie de consommateurs dans la consommation totale du territoire métropolitain continental.

« Si la somme des volumes maximaux définis au deuxième alinéa pour chacun des fournisseurs excède le volume global maximal fixé par l’arrêté mentionné au II, la Commission de régulation de l’énergie répartit ce dernier entre les fournisseurs de manière à permettre le développement de la concurrence sur l’ensemble des segments du marché de détail.

« Le volume cédé à chaque fournisseur est fixé par la Commission de régulation de l’énergie, selon une périodicité infra-annuelle, et notifié au fournisseur. Les échanges d’information sont organisés, sous le contrôle de la Commission de régulation de l’énergie, de telle sorte qu’Électricité de France ne puisse pas avoir accès à des positions individuelles.»

« À compter du 1er août 2013, les droits des fournisseurs sont augmentés de manière progressive en suivant un échéancier sur trois ans défini par arrêté du ministre chargé de l’énergie, pour tenir compte des quantités d’électricité qu’ils fournissent aux gestionnaires de réseaux pour leurs pertes. Ces volumes supplémentaires s’ajoutent au plafond fixé par l’arrêté mentionné au II.

« Les ministres chargés de l’énergie et de l’économie peuvent, par arrêté conjoint, suspendre le dispositif d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique et la cession par Électricité de France de tout ou partie des volumes d’électricité correspondant audit dispositif en cas de circonstances exceptionnelles affectant les centrales mentionnées au II.

« IV. – Le volume maximal mentionné au III est calculé selon les modalités suivantes :

« 1° En ce qui concerne les sites pour lesquels a été souscrite une puissance supérieure à 36 kilovoltampères, seules sont prises en compte les consommations d’électricité faisant l’objet de contrats avec des consommateurs finals conclus, ou modifiés par avenant pour tenir compte de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, après la promulgation de la loi n° … du … portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, ainsi que les perspectives de développement des portefeuilles de contrats ;

« 2° Les volumes d’électricité correspondant aux droits des actionnaires des sociétés de capitaux agréées qui ont pour activité l’acquisition de contrats d’approvisionnement à long terme d’électricité, mentionnées à l’article 238 bis HV du code général des impôts, sont décomptés dans des conditions précisées par décret ;

« 3° Le volume peut être réduit, sur décision conjointe du fournisseur et d’Électricité de France, des quantités d’électricité de base dont dispose, sur le territoire métropolitain continental, le fournisseur ou toute société qui lui est liée par le biais de contrats conclus avec Électricité de France, ou toute société liée à ce dernier, après la promulgation de la loi n°… du … précitée. Le cas échéant, les cocontractants notifient à la Commission de régulation de l’énergie la teneur de ces contrats et les modalités de prise en compte de la quantité d’électricité devant être déduite.

« Deux sociétés sont réputées liées :

« a) Soit lorsque l’une détient directement ou indirectement la majorité du capital social de l’autre ou y exerce en fait le pouvoir de décision ;

« b) Soit lorsqu’elles sont placées l’une et l’autre sous le contrôle d’une même tierce entreprise qui détient directement ou indirectement la majorité du capital social de chacune ou y exerce en fait le pouvoir de décision.

« V. – Dans le cas où les droits alloués à un fournisseur en début de période en application du III s’avèrent supérieurs aux droits correspondant à la consommation constatée des clients finals sur le territoire métropolitain continental et des gestionnaires de réseaux pour leurs pertes, la Commission de régulation de l’énergie notifie au fournisseur et à Électricité de France le complément de prix à acquitter par le premier au titre des volumes excédentaires. Ce complément, qui tient compte du coût de financement lié au caractère différé de son règlement, est au moins égal à la partie positive de l’écart moyen entre les prix observés sur les marchés et le prix d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique. Il tient également compte de l’ampleur de l’écart entre la prévision initialement faite par le fournisseur et la consommation constatée de ses clients finals sur le territoire métropolitain continental et des gestionnaires de réseaux pour leurs pertes. Les modalités de son calcul sont précisées par décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission de régulation de l’énergie. »

« Les prix mentionnés à l’alinéa précédent s’entendent hors taxes.

« V bis. – Les distributeurs non nationalisés mentionnés à l’article 23 de la loi n° 46-628 du 8 avril 1946 sur la nationalisation de l’électricité et du gaz peuvent confier la gestion des droits qui leur sont alloués en application du III du présent article, sur la base de la consommation de leurs clients situés dans leur zone de desserte, à un autre distributeur non nationalisé. Ce dernier est l’interlocuteur pour l’achat de ses volumes propres et ceux dont les droits lui ont été transférés.

« VI. – Le prix de l’électricité cédée en application du présent article par Électricité de France aux fournisseurs de consommateurs finals sur le territoire métropolitain continental ou de gestionnaires de réseaux pour leurs pertes est arrêté par les ministres chargés de l’énergie et de l’économie, sur proposition de la Commission de régulation de l’énergie. La décision est réputée acquise en l’absence d’opposition de l’un des ministres dans un délai de trois mois suivant la réception de la proposition de la commission. Afin d’assurer une juste rémunération à Électricité de France, le prix est représentatif des conditions économiques de production d’électricité par les centrales mentionnées au II sur la durée du dispositif mentionnée au VII. Il tient compte de l’addition :

« 1° D’une rémunération des capitaux prenant en compte la nature de l’activité ;

« 2° Des coûts d’exploitation ;

« 3° Des coûts des investissements de maintenance ou nécessaires à l’extension de la durée de l’autorisation d’exploitation ;

« 4° Des coûts prévisionnels liés aux charges pesant à long terme sur les exploitants d’installations nucléaires de base mentionnées au I de l’article 20 de la loi n° 2006-739 du 28 juin 2006 de programme relative à la gestion durable des matières et déchets radioactifs.

« Pour apprécier les conditions économiques de production d’électricité par les centrales mentionnées au II du présent article, la Commission de régulation de l’énergie se fonde sur des documents permettant d’identifier l’ensemble des coûts exposés dans le périmètre d’activité de ces centrales, selon les méthodes usuelles. Elle peut exiger d’Électricité de France les documents correspondants et leur contrôle, aux frais d’Électricité de France, par un organisme indépendant qu’elle choisit.

« À titre transitoire, pendant une durée de trois ans à compter de la promulgation de la loi n° … du … portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, le prix est arrêté par les ministres chargés de l’énergie et de l’économie après avis motivé de la Commission de régulation de l’énergie. Toute décision des ministres passant outre l’avis motivé de la Commission de régulation de l’énergie est motivée. Le prix est initialement fixé en cohérence avec le tarif visé à l’article 30-1 de la loi n° 2004-803 du 9 août 2004 relative au service public de l’électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières en vigueur à la date de publication du décret mentionné au VIII du présent article ou en vigueur le 31 décembre 2010 dans le cas où la publication de ce décret interviendrait après cette date.

« VII. – Le dispositif transitoire d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique est mis en place à compter de l’entrée en vigueur du décret mentionné au VIII et jusqu’au 31 décembre 2025.

« Avant le 31 décembre 2015, puis tous les cinq ans, le Gouvernement présente au Parlement, sur la base de rapports de la Commission de régulation de l’énergie et de l’Autorité de la concurrence, un rapport sur le dispositif d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique. Ce rapport :

« 1° Évalue la mise en œuvre de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique ;

« 2° Évalue son impact sur le développement de la concurrence sur le marché de la fourniture d’électricité et la cohérence entre le prix des offres de détail et le prix régulé d’accès à l’électricité nucléaire historique ;

« 3° Évalue son impact sur le fonctionnement du marché de gros ;

« 4° Évalue son impact sur la conclusion de contrats de gré à gré entre les fournisseurs et Électricité de France et sur la participation des acteurs aux investissements dans les moyens de production nécessaires à la sécurité d’approvisionnement en électricité et propose, le cas échéant, au regard de cette évaluation, des modalités de fin du dispositif assurant une transition progressive pour les fournisseurs d’électricité ;

« 5° Propose, le cas échéant, des adaptations du dispositif ;

« 5° bis Propose, le cas échéant, des modalités permettant d’associer les acteurs intéressés aux investissements de prolongation de la durée d’exploitation des centrales nucléaires ;

« 6° Propose, le cas échéant, sur la base de la programmation pluriannuelle des investissements mentionnée à l’article 6 de la présente loi, qui peut fixer les objectifs en terme de prolongation de la durée d’exploitation des centrales nucléaires et d’échéancier de renouvellement du parc nucléaire, de prendre progressivement en compte dans le prix de l’électricité pour les consommateurs finals les coûts de développement de nouvelles capacités de production d’électricité de base et de mettre en place un dispositif spécifique permettant de garantir la constitution des moyens financiers appropriés pour engager le renouvellement du parc nucléaire.

« À cet effet, les ministres chargés de l’énergie et de l’économie ont accès aux informations nécessaires dans les conditions fixées à l’article 33.

« VII bis.Tout fournisseur ayant conclu, avant la promulgation de la loi n° … du … portant nouvelle organisation du marché de l’électricité et afin de fournir en France les clients finals professionnels raccordés au réseau en basse tension dont la puissance souscrite n’excède pas 36 kilovoltampères et les clients domestiques, à l’issue d’une procédure d’enchère, un contrat avec Électricité de France pour l’acquisition de volumes d’électricité de base assorti d’une clause de prix complémentaire en cas de vente de l’électricité sur le marché de gros peut résilier ce contrat, dans un délai maximal de trois ans à compter de la promulgation de la loi n° …du … précitée.

« Cette résiliation ne peut donner lieu au paiement de quelque indemnité ou pénalité que ce soit. Elle ne peut donner lieu à l’application d’une facture complémentaire pour les quantités d’électricité ayant déjà été facturées. Cette résiliation ne fait pas obstacle à la possibilité pour Électricité de France de facturer, au prix prévu dans le contrat, les quantités d’électricité qu’elle a déjà livrées à la date de résiliation du contrat et qui n’ont pas été facturées à cette date. Le prix d’accès au contrat résultant de l’enchère mentionnée au premier alinéa du présent VII bis est réglé par le fournisseur à Électricité de France au prorata de la durée effective de livraison par rapport à la durée comprise entre la date de la première livraison et le 31 décembre 2012.

« VIII. – Un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission de régulation de l’énergie, précise les conditions d’application du présent article, notamment :

« 1° Les obligations qui s’imposent à Électricité de France et aux fournisseurs bénéficiant de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique en application des II et III, et les méthodes d’identification et de comptabilisation des coûts mentionnés au VI ;

« 2° Les conditions dans lesquelles la Commission de régulation de l’énergie calcule et notifie les volumes et propose les conditions d’achat de l’électricité cédée dans le cadre de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique en application du présent article et les conditions dans lesquelles les ministres chargés de l’économie et de l’énergie arrêtent ces conditions d’achat. »

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’article 1er du projet de loi NOME, dont nous débutons l’examen, constitue le cœur de la politique énergétique du Gouvernement.

Il y est question de contrats de vente, de prix de cession, d’obligations imposées à l’opérateur historique, de compensations financières en cas de non-respect des engagements contractuels. En bref, on nous livre ici un véritable petit traité commercial.

En revanche, jamais ne sont prononcés les mots : recherche; industrie, formation, emploi. Mais ce n’est guère étonnant, puisqu’il s’agissait ici, pour le Premier ministre, d’appliquer et même de devancer les exigences européennes en matière de concurrence libre et non faussée.

Tout d’abord, en obligeant EDF à vendre une part substantielle de sa production, l’interventionnisme étatique, tellement combattu par la droite, revient au goût du jour.

En sus de l’obligation de vendre, l’État détermine comment, à qui et à quel prix ! Les défenseurs de l’économie administrée auraient-ils changé de camp ? Non, bien entendu, car il manque une composante essentielle : la satisfaction de l’intérêt général.

L’article 1er est, au contraire, entièrement dédié à la satisfaction des intérêts privés. Il s’agit, selon les termes du projet de loi, « d’assurer la liberté de choix du fournisseur d’électricité » – nous pensions naïvement que l’ouverture du marché français à la concurrence le faisait déjà – « tout en faisant bénéficier l’attractivité du territoire et l’ensemble des consommateurs de la compétitivité du parc électronucléaire français ». Là encore, il nous semblait que les consommateurs français, par leur attachement aux tarifs réglementés avaient déjà compris comment bénéficier des investissements d’hier.

En réalité, au regard des objectifs que vous affichez, le projet de loi n’était pas nécessaire. De plus, l’article 1er soulève plusieurs questions.

Comme nous l’avons exposé lors de la présentation de l’exception d’irrecevabilité, il présente le risque majeur d’une condamnation européenne en raison de la clause de destination qu’il contient, même si vous la nommez autrement.

Ensuite, il reste très évasif sur l’évolution du volume cédé, au regard notamment des engagements officiels de M. Fillon auprès des commissaires européens.

Ensuite, la question du prix n’est pas tranchée. Une liste d’éléments à prendre en considération est établie. Toutefois cette liste est incomplète et, surtout, une partie des données ne seront établies que sur la base de prévisions.

Enfin, je voudrais dire un mot sur la question de la répercussion de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, l’ARENH, sur les prix de l’électricité et des tarifs réglementés. Il y en aura une, c’est certain.

Formellement, le prix de l’ARENH va être pris en considération dans la nouvelle formule tarifaire. Et, en tout état de cause, EDF va avoir un manque à gagner qu’elle va naturellement répercuter. Ne pouvant le répercuter sur les fournisseurs, en raison du prix fixe du kilowattheure ARENH, elle le fera donc sur les usagers.

Dans son intervention lors de la discussion générale hier soir, M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, expliquait que nous restions sur une régulation, mais une régulation en amont et non plus en aval.

Tout est résumé : on accepte de réguler les prix pour les opérateurs privés, mais pas pour les consommateurs.

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

On accepte de prendre des mesures pour que les commercialisateurs paient moins cher l’électricité à la source, et là on régule sans se soucier des répercussions sur le pouvoir d’achat de Français.

Vous faites une loi qui organise la mort des tarifs réglementés dans le plus grand mépris de la garantie d’un droit à l’énergie pour tous, lequel nous tient à cœur, cela alors même que la précarité énergétique gagne du terrain. En effet, on estime qu’entre « 3 millions et 5 millions de ménages français sont dans une situation de précarité énergétique ». Les ménages les plus pauvres consacrent 15 % de leur revenu aux dépenses énergétiques contre seulement 6 % pour les plus riches.

Que proposez-vous pour répondre à ces besoins urgents ? La « création d’un Observatoire destiné à mieux comprendre ce phénomène ». Ce sont les termes du Rapport d’activité du médiateur national de l’énergie 2009. On croit rêver !

Je conclus : l’article 1er du projet de loi taillé sur mesure pour les commercialisateurs d’électricité ne répond pas aux exigences en termes de sécurité d’approvisionnement, d’indépendance énergétique. De plus, il va entraîner un renchérissement des tarifs, aggravant un peu plus les inégalités sociales, économiques et territoriales.

Très bien ! sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Mes chers collègues, je vous demande de respecter les cinq minutes de temps de parole qui sont accordées à chaque intervenant sur l'article, car il reste encore cinq orateurs à écouter !

La parole est à M. Roland Courteau, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Avant toute discussion sur cet article 1er, nous souhaitons aborder une question qui nous préoccupe et qui pourrait être une source d’insécurité juridique à l’échelon européen : il s’agit de la portée de la clause de destination qui figure, même si d’aucuns ne veulent pas le reconnaître, à l’alinéa 7 de l’article 1er.

Cet alinéa dispose que les fournisseurs accédant à la rente nucléaire devront justifier d’un portefeuille de clients équivalent sur le territoire national. Il s’agit là, de toute évidence, de l’introduction d’une clause de destination qui oblige les fournisseurs à revendre leur électricité sur le territoire français.

Nous nous interrogeons sur la question de savoir si cette clause va résister au couperet du droit communautaire, même si, comme le dispositif de l’ARENH, elle est transitoire.

Cette clause est a priori contraire au droit communautaire, ce que rappelle la Commissaire européenne Neelie Kroes dans sa lettre de réponse au Premier ministre, échange peu conventionnel qui a été revendiqué comme étant un accord.

Dans sa réponse, celle-ci a averti la France : « Il est en effet nécessaire d’éviter que ces modalités techniques, que vous proposez de définir ultérieurement avec les parties prenantes, s’écartent des principes généraux définis dans le courrier et contreviennent, de ce fait, par certains de leurs aspects, au droit communautaire et en particulier aux règles relatives à la concurrence et au fonctionnement du marché intérieur. »

Elle fait ensuite état du nécessaire « respect des dispositions de l’article 29 du Traité CE » qui prévoient l’interdiction de quotas ou de mesures visant à limiter quantitativement l’importation ou l’exportation de certaines marchandises.

En effet, la Commission européenne a toujours considéré que les clauses de territorialité ou de destination étaient « anticoncurrentielles », et cela encore en juillet 2007 concernant des contrats avec l’Algérie. Bien que les déclarant illégales, la Commission européenne n’a pas pour autant remis en cause le principe des contrats à long terme.

Ces clauses de destination ont été toutefois abrogées fin 2003 par Gazprom dans ses contrats de fourniture, notamment avec E.On.

Cette clause non seulement introduit une insécurité juridique du système proposé dans ce projet de loi, mais fait peser une menace de non-conformité au droit communautaire sur l’ensemble du texte.

Même si certains pourront arguer du fait que la lettre et le texte actuel ne sont pas en contradiction immédiate avec le droit communautaire, ce sont plus les effets collatéraux à l’échelon européen de ce projet de loi qui sont à craindre. En effet, lorsque des clients industriels allemands voudront bénéficier du même prix de l’électricité que les Français, rien ne les empêchera d’aller devant la Cour de justice de l’Union européenne pour arguer d’une restriction à la libre circulation.

Et si l’introduction de cette clause tient à un accord conclu dans deux lettres, elle ne résistera pas dans le temps, en tout cas à notre avis.

Cette crainte est également confirmée par l’un des membres de la Commission Champsaur, Jacques Percebois, qui, en mai 2009, notait que « la Commission de Bruxelles peut y voir une “clause de destination”, laquelle est contraire au droit européen ».

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, a remarqué que les deux commissaires européens ne s’étaient pas trop engagés pour la Cour de justice européenne. D’ailleurs, une actualité récente tend à montrer le degré de menace qui pèse sur ce projet de loi.

Ainsi GDF Suez et E.On ont-ils été condamnés, le 9 juillet 2009, pour entente illégale, à verser une amende de 553 millions d’euros chacun, après une enquête ouverte en 2007. L’un des principaux reproches de la Commission concerne notamment les clauses de destination qui sont incluses dans un accord passé en 1975 avec Gazprom et qui empêchent l’acheteur de revendre le gaz en dehors d’une zone géographique déterminée.

Nous considérons ainsi que l’accord Fillon-Kroes, sur lequel repose ce projet de loi, ne sera pas suffisant pour éviter tout risque de recours devant la Cour de justice de l’Union européenne. Qui empêchera des clients ou des producteurs et fournisseurs d’un autre État membre, lorsqu’ils voudront bénéficier des tarifs français, en théorie plus bas, de porter plainte pour discrimination en matière de tarifs ?

Qu’en pense le Gouvernement ? Qu’en pensez-vous monsieur le rapporteur ?

Debut de section - PermalienPhoto de Daniel Raoul

Je voudrais qu’il n’y ait pas d’ambiguïté entre nous, en particulier sur ce que l’on appelle « la maîtrise publique de l’énergie nucléaire ». J’exposerai donc clairement notre position, à partir de trois considérants.

Tout d’abord, comme le confirme la loi du 10 février 2000, l’électricité est un bien de première nécessité non stockable.

Ensuite, nous avons défendu le « 3x20 » inscrit à l’article 2 du Grenelle 1 : « La France se fixe comme objectif de devenir l’économie la plus efficiente en équivalent carbone de la Communauté européenne d’ici à 2020. À cette fin, elle prendra toute sa part à la réalisation de l’objectif de réduction d’au moins 20 % des émissions de gaz à effet de serre de la Communauté européenne à cette échéance, cet objectif étant porté à 30 % pour autant que d’autres pays industrialisés hors de la Communauté européenne s’engagent sur des objectifs comparables et que les pays en développement les plus avancés apportent une contribution adaptée. Elle soutiendra également la conclusion d’engagements internationaux contraignants de réduction des émissions. Elle concourra, de la même manière, à la réalisation de l’objectif d’amélioration de 20 % de l’efficacité énergétique de la Communauté européenne et s’engage à porter la part des énergies renouvelables à au moins 23 % de sa consommation d’énergie finale d’ici à 2020. »

Enfin, l’expertise française en matière d’énergie nucléaire est reconnue mondialement.

Je vais maintenant énumérer les six points qui fondent notre position.

Premièrement, le système électrique français est surtout dépendant en matière de production de pointe. Il est nécessaire de responsabiliser les consommateurs domestiques et industriels sur la maîtrise de leur consommation énergétique et sur les capacités d’effacement – nous reviendrons sur ce point au cours de l’examen du texte. L’évaluation de nos besoins énergétiques futurs doit être analysée à l’aune de la priorité donnée à la sobriété et à l’efficacité énergétique, notamment dans le bâtiment et les transports.

Deuxièmement, étant donné nos engagements européens en matière de lutte contre les gaz à effet de serre, l’énergie nucléaire est aujourd’hui incontournable dans le bouquet énergétique français.

Troisièmement, pour être accepté, le nucléaire doit être sûr et rester sous maîtrise publique. C’est pourquoi le prolongement des autorisations d’exploitation des centrales nucléaires existantes et leur renouvellement ne peuvent reposer que sur la continuité de l’effort de recherche et le maintien des compétences. Cet effort doit permettre d’avancer vers une future génération de réacteurs visant à réduire et maîtriser les déchets. Sur ce point, nous pouvons d’ailleurs nous interroger, mes chers collègues : n’avons-nous pas fait fausse route avec l’EPR, au lieu de nous tourner vers les réacteurs de quatrième génération ?

Quatrièmement, il convient, de la même façon, de maintenir une exigence forte en matière de contrôle et de transparence de la filière nucléaire et de non-prolifération.

Cinquièmement, cet effort de recherche en matière nucléaire ne doit pas, toutefois, se faire au détriment d’un effort de recherche au moins équivalent en matière d’énergies renouvelables, d’efficacité énergétique et de développement volontariste de l’ensemble des filières industrielles liées.

Je vous donnerai un seul exemple, mes chers collègues, celui de l’énergie photovoltaïque. En raison du prix de rachat de l’électricité produite et des niches fiscales, nous importons aujourd’hui des produits dont le bilan carbone est pour le moins négatif. Autrement dit, on a mis la charrue devant les bœufs ! Après avoir créé un effet d’aubaine pour certains industriels, nous achetons des produits qui ne sont pas conformes aux exigences du Grenelle de l’environnement.

Sixièmement, enfin, nous devons renforcer la solidarité de notre système électrique avec l’ensemble du réseau européen, en assurant le développement des interconnexions et en créant ce que l’on appelle, depuis la loi du 10 février 2000, une véritable politique européenne de l’énergie, dont la nécessité s’avère particulièrement cruciale au vu des tensions qui s’exercent entre certains pays concernant leur alimentation en gaz. Il serait donc grand temps qu’une politique européenne de l’énergie se mette en place, simplement pour assurer notre indépendance.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Muller

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, avec l’article 1er, nous abordons le cœur de ce projet de loi, aux termes duquel 25 % de la production nucléaire sera concédé par EDF au prix de revient.

Le nucléaire, parlons-en ! Il existe en effet des affirmations qui tournent en boucle et finissent par s’imposer selon le bon vieux principe de la méthode Coué. Elles débouchent sur trois paradigmes ou, plutôt, trois dogmes.

Comme le disait Spinoza et, à l’instant, notre collègue Daniel Raoul

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Muller

Le premier est celui de l’indépendance énergétique assurée par l’énergie nucléaire.

Je rappelle ici que cette filière dite d’exception repose sur un minerai dont les quantités sont limitées – même si elles sont encore exploitables durant quelques petites décennies – et qui, de surcroît, se trouve sur des territoires que nous ne maîtrisons pas. À cet égard, je ne reviendrai pas sur les événements dramatiques qui se sont déroulés au Niger. Mais est-il raisonnable de claironner que cette filière industrielle garantit notre indépendance énergétique, alors même que les gisements nécessaires nous échappent totalement ?

Selon le deuxième dogme, l’énergie nucléaire est une énergie propre qui n’émet pas de gaz carbonique. Là encore, c’est un écran de fumée qui cache mal une autre réalité, celle de l’ensemble des énergies grises utilisées par la filière.

Oui, il faut du gaz carbonique pour extraire le minerai au Niger et le transformer ici. Il en faudra aussi pour traiter, demain, les centrales nucléaires en fin de vie ; il en faudra aussi pour traiter, demain, les déchets nucléaires. Lorsque l’on additionne l’ensemble du gaz carbonique issu de ces activités, le bilan n’est pas très glorieux !

Certaines études menées en Allemagne ont démontré qu’une bonne centrale à gaz accompagnée d’une installation en cogénération présente un meilleur bilan carbone que nos centrales nucléaires.

Le troisième dogme affirme la rentabilité du courant nucléaire. N’en déplaise à M. le secrétaire d’État, qui n’a pas été suffisamment attentif aux propos que j’ai tenus hier, ou à l’intention de ceux de nos collègues qui n’étaient pas présents à ce moment-là, je rappellerai que nous n’internalisons pas certains coûts importants dans le prix du courant nucléaire.

Ainsi, le prix du traitement des centrales en fin de vie est quasiment inconnu. Autrement dit, les provisions qui sont inscrites ne correspondent pas à la réalité. Jusqu’à présent, aucun pays ne s’est engagé dans l’opération extrêmement difficile et complexe qui consisterait à évaluer ces coûts. Avancer aujourd’hui un chiffre, ce n’est pas sérieux !

Il en est de même pour la filière des déchets nucléaires qui, en fin de course, s’évaporent quelque part en Russie, dans des conditions de stockage inacceptable au regard de la sécurité. De grâce, ne parlons pas de provisions qui tiendraient compte de l’ensemble des coûts ! Là non plus, ce n’est pas sérieux.

Nous allons devoir faire des choix stratégiques. Or choisir, c’est regarder l’avenir. Construire le futur, ce n’est pas s’appuyer sur une énergie fossile limitée, mais réfléchir en termes d’énergies renouvelables. Se tourner vers l’avenir, c’est le préparer et éviter de mettre sous perfusion des centrales nucléaires qui devraient s’arrêter. C’est planifier une sortie du nucléaire raisonnée, en procédant par étapes. C’est aussi ne pas relancer la filière à coups de milliards d’euros. Enfin, c’est réfléchir en termes de filières industrielles.

En effet, pour créer un emploi dans la filière industrielle nucléaire, on dépense aujourd’hui 14, 5 millions d’euros. Pour créer un emploi dans la filière éolienne, il faut 250 000 euros, soit soixante fois moins. Et la dépense est encore moindre quand on raisonne en intégrant les économies d’énergie ainsi réalisées !

Mes chers collègues, réfléchissons ! Les 35 milliards d’euros que EDF se prépare aujourd’hui à dépenser dans des centrales qui, pour certaines, sont obsolètes, permettraient, par exemple, de créer 140 000 emplois dans la filière éolienne. Cela nous permettrait surtout d’essayer de rattraper le retard considérable que nous avons pris par rapport à nos voisins étrangers en matière d’énergies renouvelables.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Claude Bérit-Débat, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

L’article 1er du projet de loi constitue le cœur de la future architecture du marché de l’électricité. Or cette architecture est irréfléchie, bancale, inappropriée et dangereuse.

Tout d’abord, elle est irréfléchie parce qu’elle acte le souci du Gouvernement de privilégier, comme à son habitude, les intérêts de quelques groupes privés, au détriment de ceux des Français. Non, on ne peut pas éternellement se cacher derrière les volontés de l’Europe : ce texte favorise délibérément les groupes privés, au risque d’affaiblir considérablement EDF.

Le patriotisme économique a visiblement ses limites et, entre un champion français et la croissance artificielle de quelques groupes privés, votre gouvernement, monsieur le secrétaire d’État, a choisi son camp.

Vous nous proposez d’ouvrir ce marché à la concurrence dans des conditions si invraisemblables que cela ferait sourire si les Français n’étaient pas directement concernés !

Ensuite, l’architecture de ce marché est bancale, car, une fois de plus, c’est au prix d’une gymnastique extrêmement complexe qu’un nouvel objet, l’ARENH, a été inventé. Avec cet accès régulé, il s’agit de fixer un prix à l’électricité nucléaire que les fournisseurs privés pourront se procurer auprès d’EDF.

Sa mise en place pose problème parce qu’il va bien falloir fixer le prix de cet accès régulé. Trop élevé, il empêcherait la concurrence de se nourrir de la rente nucléaire ; trop bas, il mettrait en péril EDF. Le sujet est épineux et l’on apprécierait d’ailleurs que vous nous donniez, monsieur le secrétaire d’État, quelques éléments chiffrés pour apprécier la manière dont ce prix sera fixé.

On aimerait aussi savoir ce qui est prévu pour l’après-ARENH : que se passera-t-il après 2025, quand cet accès régulé sera supprimé ? On n’en sait rien ! À cet égard, le texte présente une vraie lacune. Comme si cela ne suffisait pas, le projet de loi prévoit un système d’accès à l’électricité nucléaire d’EDF pour les fournisseurs privés. Le hic, c’est que ces fournisseurs pourront, dans un premier temps, faire valoir leur volume d’électricité, proportionnellement à leurs propres anticipations relatives à leur portefeuille de clients. On marche sur la tête avec un tel système ! Mais, après tout, pourquoi faire simple et équitable quand on peut faire compliqué et injuste ?

Injuste et inapproprié : voilà d’ailleurs deux autres caractéristiques de cette architecture.

Elle est injuste, car les Français, qui bénéficient aujourd’hui d’une électricité bon marché, verront – nombre de mes collègues l’ont dit – leur facture augmenter considérablement.

Si l’on retient l’hypothèse formulée par Henri Proglio d’un accès régulé à 42 euros par mégawattheure, l’augmentation, pour les consommateurs, sera de 11 % après la réforme et de 3, 5 % par an entre 2011 et 2025 !

Je suis tout disposé à croire aux vertus de la concurrence, à condition que l’on m’explique en quoi une concurrence accrue et des factures plus lourdes représentent un bénéfice pour les consommateurs.

Surtout, j’en suis convaincu, elle est profondément injuste et inappropriée dans le contexte de crise que nous connaissons actuellement.

Enfin, cette architecture est dangereuse à plus d’un titre, car elle menace le service public de l’électricité – je vous renvoie au long débat qu’a suscité l’un de nos amendements, finalement rejeté.

Nous constatons déjà, dans nos territoires, des difficultés d’alimentation et des coupures ; nous rencontrons chaque jour des citoyens qui n’ont plus accès à l’électricité.

Pour nous, monsieur le secrétaire d'État, l’électricité n’est pas un luxe ; c’est un droit pour tous ! Hier, c’étaient la santé et La Poste, aujourd’hui, c’est l’électricité : cette marchandisation des services publics est insupportable et intolérable !

Ce n’est ni un progrès social, ni une réussite économique et encore moins un gage de compétitivité. L’architecture que vous nous proposez, c’est uniquement – malheureusement – un cadeau que vous faites à quelques groupes privés.

Il y avait en France une rente nucléaire ; jusqu’à présent, c’étaient les Français qui en bénéficiaient. Aujourd’hui, il y a toujours une rente nucléaire, mais ce sont quelques groupes qui la confisquent.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Et cette confiscation se fait en outre autour d’un système aussi complexe que confus.

À l’instar de mes camarades, je considère que ce texte brade un service public qu’il faut au contraire maintenir et défendre. Je ne peux donc l’accepter.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Besson

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, j’associerai à mes propos mon collègue Didier Guillaume, avec qui j’ai préparé cette intervention.

Cet article 1er est au cœur du nouveau dispositif prévu pour cette nouvelle organisation du marché de l’électricité. De notre point de vue, il s’agit ni plus ni moins de libéraliser le secteur de l’énergie ; il s’agit de procéder à une nouvelle dérégulation d’un secteur que nous croyions tous, voilà peu encore, à l’abri des marchés.

Nous voilà confrontés à une nouvelle étape dans la déstructuration du secteur énergétique, et cette perspective que vous nous offrez concernant l’avenir du secteur de l’énergie constitue à nos yeux un point de rupture.

Nous sommes radicalement opposés à ce projet. Qui peut sincèrement penser ici que l’énergie est une industrie comme une autre ?

Comme d’habitude, la toile de fond utilisée pour légitimer la démarche est toujours la même : Bruxelles !

Vis-à-vis de l’Europe, je note avec attention que le Gouvernement a recouvré l’ouïe : il entend parfaitement ce que Bruxelles demande à demi-mot quand il s’agit de libéraliser un nouveau marché !

Mais de quoi s’agit-il exactement ? En réalité, 25 % de la production d’énergie nucléaire de base d’EDF serait vendue, jusqu’en 2025, à des concurrents de cette entreprise, et ce à des prix défiant toute concurrence.

Ce droit de tirage sur le parc nucléaire français d’EDF serait le seul moyen de faire d’une pierre deux coups : préserver les tarifs réglementés de vente d’électricité pour les ménages, d’une part, tout en permettant aux gros consommateurs de continuer à bénéficier de la compétitivité du parc de production électrique français, d’autre part.

Les industriels qui bénéficient aujourd’hui du TARTAM pourront continuer, grâce à l’ARENH, à bénéficier d’une électricité à un prix inférieur à celui du marché de gros.

L’étude d’impact vient confirmer la thèse gouvernementale, le tour est joué, mais nous ne partageons pas cet enthousiasme.

Comment pouvons-nous être sûrs que les comportements parasitaires et court-termistes ne vont pas se multiplier ? Comment pouvons-nous être sûrs que les fournisseurs alternatifs ne vendront pas aux industriels, après 2015, quand la clause de complément de prix ne jouera plus, de l’énergie nucléaire à des prix bien supérieurs à celui de l’ARENH ?

Voulons-nous que ces fournisseurs puissent réaliser de confortables marges en profitant de la rente nucléaire ? Voilà notre crainte : que la rente nucléaire soit empochée par les industriels et non plus par les consommateurs !

Et le prix de l’ARENH dans tout cela ? À quel prix sera fixé l’accès à la base ? Allons-nous brader la valeur patrimoniale d’EDF ? Le nouveau président d’EDF considère que, en dessous de 42 euros le kilowattheure, cela « ressemble à du pillage ». Du côté des concurrents d’EDF, on ne cesse de réclamer que ce droit d’accès soit le moins coûteux possible, certains d’entre eux estimant que le tarif de l’ARENH devrait être fixé à 35 euros le kilowattheure.

Il reviendra, vous le savez, à l’autorité administrative de fixer ce tarif de l’ARENH.

Incertitude, questionnements : nous n’avons aucune visibilité à moyen terme.

Dans le cadre législatif et réglementaire actuel, les consommateurs d’électricité sont peu exposés à la volatilité et à la hausse des prix du marché de gros. La loi NOME risque précisément d’accroître fortement leur exposition aux risques de volatilité propres aux marchés de gros. Or cette volatilité est particulièrement préjudiciable aux investissements à long terme.

De la NOME voulue par le Gouvernement, nous sommes passés à la MOME. Je veux parler ici non pas d’une performance cinématographique récemment oscarisée

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Besson

, mais d’une nouvelle abréviation plus adaptée à la réalité : ce projet de loi, c’est la Mauvaise Organisation du Marché de l’Électricité.

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean Besson

« Je vais rendre l’électricité si bon marché que seuls les riches pourront se payer le luxe d’utiliser des bougies », disait Thomas Edison, un des pionniers du développement de l’électricité. Eh bien, finalement, il avait tort, et les vendeurs de bougies peuvent se frotter les mains : l’augmentation des prix de l’électricité en pleine crise économique et sociale fera plonger bon nombre de nos concitoyens dans un état de précarité énergétique.

De notre point de vue, il semble évident que l’enjeu n’en vaut pas la chandelle.

Sourires et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

M. le président. Je vous la donne, mon cher collègue, quoique vous n’ayez pas été inscrit sur l'article. Je pense que vous apprécierez la complaisance de la présidence.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Je vous remercie, monsieur le président.

Les propos de notre collègue Jacques Muller, que j’ai par ailleurs fort appréciés, m’amènent à apporter quelques précisions.

D’abord, ce projet de loi ne se présente pas sous les meilleurs auspices dans la mesure où ne sont pas posés les vrais problèmes et où les consommateurs français risquent de subir une double peine : après avoir financé, grâce à leurs impôts, l’ensemble du parc nucléaire français…

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

… et bénéficié, à ce titre, d’un tarif quelque peu préférentiel, ils devront désormais, avec l’ouverture à la concurrence et la disparition de ce tarif réglementé, payer en tant qu’usagers.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Cela dit, je voudrais attirer votre attention sur un point, mes chers collègues.

Je souhaiterais que nous n’imitions pas l’Allemagne, qui, après s’être opposée au nucléaire, sous les applaudissements d’un certain nombre de personnes en Europe, continue d’acheter de l’électricité d’origine nucléaire.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Incontestablement, c’est une hypocrisie sans nom !

En ce qui concerne l’éolien, il faut être réaliste. La question n’est pas de savoir si les éoliennes sont inesthétiques ou non, si elles présentent un danger pour la santé. Balayons ces arguments, qui ne sont pas irréfutables. En revanche, il est incontestable que, comme aurait dit M. de La Palice, pour faire tourner les éoliennes, il faut du vent ! Or les moments de grands froids ou de grosses chaleurs coïncident généralement avec des phénomènes de hautes pressions et, partant, d’absence de vent, à des périodes où la demande en électricité est la plus forte.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Oui, mais en d’autres endroits, il y a du vent !

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Aussi, plutôt que de défendre les éoliennes, je préférerais que l’on défende l’hydroélectricité. Parce que l’eau est la seule ressource qu’on puisse stocker, elle seule permet de produire de l’électricité au moment où l’on en a besoin.

Nous pourrions nous retrouver sur des arguments de bon sens.

Ainsi, même si elle peut être particulièrement intéressante, l’énergie solaire soulève un certain nombre de problèmes, car les panneaux nécessaires à sa production doivent être d’une superficie très importante, ce qui peut être préjudiciable sur le plan environnemental.

Certes, un barrage peut être agressif pour les paysages, mais, après tout, il est une chaîne de montagnes que j’aime, les Pyrénées, qui, bien qu’elle soit fort bien pourvue en équipements hydroélectriques, n’en demeure pas moins très belle.

Avec un peu d’imagination, on pourrait donc développer encore l’hydroélectricité, dont il ne faut pas oublier qu’elle représente presque 15 % de notre production électrique. Ce n’est pas en faisant disparaître les barrages – dût-on employer le terme très choisi de « arasement » – qu’on réglera ces problèmes.

Grâce à la politique énergétique mise en place voilà plus de trente ans, notre pays avait acquis une certaine avance dans ce domaine. Mais les atermoiements des uns et des autres, et surtout l’attitude sectaire à l’égard de telle ou telle forme d’énergie me font craindre qu’on ne perde beaucoup de temps. En tout cas, je ne crois pas, moi non plus, aux vertus de la concurrence pour faire baisser les prix de l’énergie.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 49 rectifié est présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent, Muller et les membres du groupe socialiste et apparentés.

L'amendement n° 153 est présenté par M. Danglot, Mmes Didier, Schurch et Terrade, M. Le Cam et les membres du groupe communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du parti de gauche.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l’amendement n° 49 rectifié.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Cet article est au cœur du dispositif de la nouvelle organisation du marché de l’électricité. Il est sans doute aussi le plus important du projet de loi puisqu’il permettrait de répondre aux exigences de Bruxelles, qui considère que le secteur énergétique français n’est pas encore suffisamment concurrentiel.

L’accroissement de la concurrence passerait par un droit d’accès transitoire, jusqu’en 2025, des concurrents d’EDF à 25 % de sa production d’énergie nucléaire de base. Selon le Gouvernement, ce droit de tirage sur le parc nucléaire français d’EDF serait le seul moyen de préserver et de conforter les tarifs réglementés de vente d’électricité pour les ménages, tout en permettant aux gros consommateurs de continuer à bénéficier de la compétitivité du parc de production électrique français.

Or rien n’est moins sûr. Certains économistes en doutent fortement, comme par exemple François Lévêque, professeur d’économie à l’École des mines de Paris, dont j’ai eu l’occasion d’exposer les arguments au cours de la discussion générale d’hier.

Ajoutons que ce projet de loi risque de générer un surplus d’incertitudes pour tous les acteurs. Ce n’est bon ni pour l’opérateur historique, qui ne sera pas incité à investir, ni pour les industriels, qui ont besoin d’une certaine visibilité à moyen et à long termes, notamment pour déterminer les prix qu’ils pratiqueront compte tenu de leurs coûts de production, au premier rang desquels ceux de l’électricité.

Avec ce dispositif, on a du mal à voir qui seront les gagnants, sinon les fournisseurs qui pourront bénéficier d’une électricité à prix coûtant.

Monsieur le secrétaire d'État, il fallait tenir face à Bruxelles, il ne fallait pas céder face aux exigences ultralibérales de Neelies Kroes, qui considère que la France doit abandonner ses tarifs réglementés au profit des prix de marché, dont on sait qu’ils sont non seulement plus élevés, mais également plus volatils.

Car, au final, qu’a obtenu le Gouvernement ? La seule préservation des tarifs réglementés pour les petits consommateurs ! Et encore, si, dans quelques années, les hausses prévues pour ces tarifs doivent conduire à leur alignement sur les prix de marché, cela n’a plus vraiment de sens !

Voilà pourquoi nous proposons de supprimer cet article.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Jean-Claude Danglot, pour présenter l'amendement n° 153.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Danglot

L’article 1er du projet de loi oblige l’entreprise publique EDF à vendre une partie de la production d’électricité tirée de son parc nucléaire.

En dépit des précautions oratoires qui entourent la présentation du dispositif d’accès « régulé et limité » que le texte prévoit de mettre en place « à titre transitoire », les choses sont simples : la loi organise un hold-up au profit d’intérêts privés. Ce constat a été fait très en amont par les syndicats et, si les mots sont forts, ils sont entièrement justifiés.

En effet, alors que le marché de l’électricité est déjà ouvert à la concurrence, le Gouvernement et la Commission européenne dressent l’affreux constat de l’échec de leur politique commune : la concurrence ne fonctionne pas, elle est incapable de faire baisser les prix de l’énergie. Le prix de l’électricité en France est « trop bas » pour que la concurrence puisse se développer.

Alors que certains de nos concitoyens connaissent des difficultés majeures pour payer leur facture énergétique – n’en déplaise à notre collègue M. Masson – et qu’EDF a, une fois encore, procédé à une augmentation de ses tarifs cet été, le Gouvernement et les instances communautaires s’entendent pour mettre en place un dispositif qui va faire enchérir artificiellement le prix de l’électricité.

Rappelons les bons résultats du marché concurrentiel de l’énergie. À l’échelle européenne, entre 2005 et 2007, on a assisté à une hausse générale des coûts de l’énergie : plus 18% pour le gaz domestique et plus 14% pour l’électricité domestique.

La déréglementation du secteur ne profite ni aux usagers ni aux salariés ; elle constitue en revanche une véritable aubaine financière pour les actionnaires.

Or, si le prix de l’électricité en France est historiquement plus faible que dans les autres pays européens, c’est en raison de la stratégie industrielle qui a été adoptée, à savoir la volonté de développer le parc nucléaire. Celui-ci fournit aujourd’hui 80 % de la consommation française.

Ce sont les Français qui ont financé cet investissement par leurs factures. Aujourd’hui, le choix est de détourner une partie de ce retour sur investissement au profit des intérêts privés et des dogmes européens.

Dans son document d’octobre 1998 exposant sa stratégie pour EDF, document intitulé « Vers le client, le compte à rebours européen », repris dans un récent rapport parlementaire, le président d’EDF, M. François Roussely, indiquait que la production d’électricité nucléaire représente près de la moitié de la valeur ajoutée de l’entreprise et les trois quarts de sa capacité d’autofinancement. Cela « constitue pour deux décennies notre principal avantage. Patrimoine essentiel d’EDF, il l’est aussi pour la Nation ».

C’est ce patrimoine-là que nous défendons en déposant cet amendement de suppression. Et nous le défendons au nom de l’intérêt général, au nom de la sécurité des approvisionnements, au nom de la défense de l’indépendance énergétique et au nom du droit à l’électricité pour tous.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Ces deux amendements de suppression sont bien sûr contraires à la position de la commission, qui émettra donc à leur sujet un avis défavorable.

Je ferai toutefois quatre observations.

Première observation : le dispositif de l’ARENH, contrairement à ce qui est écrit, n’est pas « issu d’un accord entre le Premier Ministre et la commissaire européenne à la concurrence » ; le Gouvernement a élaboré ce texte en toute indépendance après avoir créé la commission Champsaur et écouté les conclusions de cette dernière.

Il est vrai que M. Fillon a eu la sagesse de s’assurer par avance que ce dispositif serait accepté par la Commission européenne, qui de ce fait suspendrait les deux contentieux ouverts avec la France.

Deuxième observation : la Commission européenne a, sans aucune ambiguïté, admis le principe de ce que vous appelez la « clause de destination » et qui correspond tout simplement au fait que les fournisseurs alternatifs n’auront droit à l’ARENH que s’ils vendent sur le territoire français à des clients français. Le Gouvernement s’est même prononcé d’une manière plus explicite et a fait valoir de manière très ferme que notre pays n’avait pas vocation à fournir à un prix réduit grâce à notre équipement nucléaire de l’électricité au reste de l’Europe.

Troisième observation : en ce qui concerne les éventuels contentieux communautaires auxquels vous faites allusion, la seule certitude est que, si nous ne faisons rien, nous serons condamnés. Je vous rappelle simplement que 3 500 entreprises françaises, qui représentent près de 15 % de la consommation d’électricité, sont facturées au TARTAM, le tarif réglementé transitoire d’ajustement du marché, et qu’elles risquent de payer cher si la procédure de contentieux est menée jusqu’à son terme.

Quatrième et dernière observation : le dispositif de l’ARENH n’a évidemment pas pour objectif d’affaiblir l’opérateur historique, quoi qu’en disent certains.

Exclamations dubitatives sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Il est vrai que ce n’est pas nous qui fixerons ce coût une fois la loi adoptée. Tous les membres de la commission ont entendu les opérateurs principaux. M. Proglio, le président-directeur-général d’EDF, pour sa part souhaite que ce prix soit fixé à 42 euros au minimum ; M. Gérard Mestrallet, quant à lui, estime qu’il n’y aura pas de concurrence en France si le prix est supérieur à 35 euros.

M. Roland Courteau approuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Mes chers collègues, souvenez-vous, lorsque M. Proglio s’est présenté devant la commission de l’économie, du développement durable et de l’aménagement du territoire, il a également affirmé – j’ai trouvé cela très responsable de sa part – que le projet de loi était préférable à la situation d’incertitude dans laquelle se trouve son entreprise à l’heure actuelle.

Monsieur le secrétaire d’État, la dernière tâche sera évidemment la plus difficile : il s’agira de fixer le prix de l’électricité cédée en application de l’article 1er. Je pense néanmoins qu’avec la liste précise dressée dans le cadre de cet article, les précautions ont été prises pour qu’EDF ne soit pas bradée.

Je voudrais redire en cet instant que la défense de cette entreprise, fleuron de l’industrie française, n’est pas l’apanage de certaines travées de cet hémicycle.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Tout à fait ! Très bien !

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Nous avons tous le souci de défendre EDF. Nous nous réjouissons que cette entreprise aille gagner des parts de marché à l’étranger et souhaitons que cela continue. Nous nous réjouissons qu’elle puisse offrir aux Français un tarif régulé et souhaitons que cela continue. Pour autant, nous ne souhaitons pas que cette entreprise soit condamnée.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

C’est tout à fait cela !

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Le Gouvernement est également opposé à la suppression de l’article 1er, qui constitue le cœur du texte.

Je tiens à rappeler que l’objectif de ce projet de loi consiste à faire bénéficier le consommateur français du prix le plus compétitif qui soit, à savoir celui du nucléaire historique.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Je tiens également à réaffirmer, à l’instar du rapporteur il y a quelques instants, que nous souhaitons défendre le champion français qu’est EDF, à l’exportation comme sur le territoire national, de la même façon que nous souhaitons défendre les petits consommateurs, les PME et les industries qui consomment de l’énergie.

Pas de procès d’intention, de grâce ! Comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, nous souhaitons que le consommateur français, qu’il soit particulier ou professionnel, continue de bénéficier des prix les plus compétitifs qui soient, …

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

… et ce grâce au nucléaire historique français.

Je souhaiterais revenir un instant sur la « clause de destination », qui a été évoquée à plusieurs reprises. Cette clause ne figure pas dans le texte !

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Non ! Il y a ce que l’on appelle « une clause de complément de prix », ce qui n’est pas du tout la même chose !

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

La clause de destination signifierait que celui qui achète des électrons à EDF ne pourrait pas les vendre à l’étranger.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Mais ce n’est pas ce qui est écrit dans le texte de loi ! Et d’ailleurs, entre nous, comment voulez-vous contrôler la vente d’électrons à l’étranger ? C’est impossible !

Ce que nous mettons en place, c’est une clause de complément de prix : un fournisseur demandera à acheter une certaine quantité d’électrons au prix de l’ARENH pour les vendre en France ; nous vérifierons à la fin de l’année s’il a bien vendu une telle quantité aux Français. En fonction du solde entre quantité achetée au prix de l’ARENH et quantité vendue en France on appliquera ou non le complément de prix.

Cette clause de complément de prix sera validée par l’Union européenne, ce qui ne serait pas le cas d’une clause de destination. Acceptons donc que l’Union européenne entérine les principes contenus dans ce projet de loi et n’agitons pas des chiffons rouges qui ne reflètent pas la réalité !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Monsieur le secrétaire d’État, éclairez-moi : l’ARENH est-elle bien destinée aux consommateurs finals résidant sur le territoire métropolitain ? Ai-je bien lu l’article 1er ? Cela signifie clairement que l’on ne doit pas l’exporter. C’est donc une clause de destination, ce qui n’est pas compatible avec le droit européen. Vous vous exposez aux foudres de Bruxelles. Regardez bien le texte !

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Je vais ajouter quelques précisions pour éclairer tout le monde.

Sourires

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Nous sommes d’accord sur un point : l’objectif est que le prix de l’ARENH bénéficie aux consommateurs français ; vous venez de le rappeler, monsieur Courteau. Mais entre un objectif et des principes juridiques précis, il y a une nuance.

Je vous le répète : il n’y a pas de clause de destination puisqu’il n’y a pas d’interdiction faite aux fournisseurs alternatifs de vendre leurs électrons à l’étranger. En termes juridiques, cette disposition n’apparaît pas dans le texte.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Ça y ressemble peut-être de votre point de vue, monsieur Courteau, mais le droit positif français tel qu’il sera issu de ce texte ne contiendra aucune interdiction formelle pour les nouveaux entrants sur le marché de l’électricité de vendre les électrons achetés au prix de l’ARENH à l’étranger.

Cependant, à la fin de l’année, nous ferons le solde entre la quantité de mégawatts qu’un fournisseur aura acheté au prix de l’ARENH pour ses clients français et la quantité qu’il aura effectivement vendue aux consommateurs français, quand bien même il aurait d’autres clients à l’étranger – là c’est son problème ! C’est à partir de ce calcul que sera appliqué le dispositif de complément de prix. En tout cas, il n’y a pas de clause de destination.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

C’est ce que vous dites aujourd’hui, mais ce sont les textes qui restent !

Les amendements ne sont pas adoptés.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 154, présenté par M. Danglot, Mmes Didier, Schurch et Terrade, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

Avant le 30 décembre 2010, un rapport contradictoire est remis au Parlement, afin d'étudier les différentes modalités de constitution d'un pôle public de l'énergie.

Ce rapport analyse également la plus-value que peut constituer un tel outil pour répondre aux objectifs de la politique énergétique en termes d'indépendance énergétique, de sécurité et sûreté des installations et des réseaux.

La parole est à M. Jean-Claude Danglot.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Danglot

Il s’agit d’un amendement récurrent puisque nous demandons une nouvelle fois que soit examinée la possibilité de constituer un pôle public de l’énergie.

Cette solution n’a jamais fait l’objet d’études sérieuses. Depuis maintenant près de dix ans, des lois successives n’ont visé qu’au démantèlement du service public énergétique, et ce sans qu’aucun bilan soit jamais réalisé. Ces lois ont pourtant conduit de manière très claire au déclin manifeste du service offert aux usagers, en rendant, au nom de la « concurrence libre et non faussée », de plus en plus précaire le droit d’accès de tous à ce bien de première nécessité.

Il en est résulté une hausse exponentielle des tarifs de l’électricité et du gaz, tandis que s’est trouvée mise en péril la sécurité d’approvisionnement puisque les contrats à long terme ont été démantelés au profit d’un approvisionnement sur les marchés spot.

Les lois successives ont changé le statut des opérateurs historiques, permis aux capitaux privés d’investir dans ces entreprises, privatisé GDF. Et voilà maintenant que l’on veut obliger EDF à vendre à prix coûtant son énergie nucléaire !

Nous poserons donc une seule question : à qui profite le crime ?

Nous constatons, et cela sonne comme une réponse, que les nouveaux entrants que sont Poweo ou Direct Énergie se frottent déjà les mains en prévision des profits qu’ils vont réaliser !

Pour notre part, nous continuons de penser que l’accès à l’énergie est un droit, que la production, le transport et la distribution de ce bien de première nécessité constituent un service public. C’est pourquoi nous n’avons jamais souscrit à la guerre fratricide qui oppose aujourd’hui EDF et GDF. Nous avons toujours considéré que les contraintes communautaires ou financières pouvaient être levées en vue de la constitution d’un pôle public de l’énergie bâti autour d’EDF et de GDF. Rien n’empêche en effet le gouvernement français d’investir certaines entreprises d’une mission de service public et, à ce titre, de les doter d’un financement spécifique.

La création de ce grand groupe mondial de l’énergie s’inscrirait dans le mouvement de concentration et de création de champions énergétiques capables de proposer une offre multiénergie. Un tel groupe serait en mesure d’affronter la concurrence à la suite de l’ouverture totale des marchés, tout en assurant des missions de service public.

Rien ne s’oppose donc à cette option, qui seule peut garantir durablement, dans le cadre de la maîtrise publique de la politique énergétique, un service public de qualité pour les usagers, la sécurité de l’approvisionnement, l’indépendance énergétique de la France, ainsi qu’un niveau élevé de sûreté, indispensable dans le domaine nucléaire.

Sur le fond, au regard des défis énergétiques à venir, tant en termes d’investissements que de réduction des émissions de gaz à effet de serre, nous estimons nécessaire de renforcer la maîtrise publique sur ce secteur.

Nous proposons donc que la possibilité de regrouper l’ensemble des entreprises du secteur dans un pôle public fasse l’objet d’une étude sérieuse, remise au Parlement avant le 30 décembre 2010, date d’entrée en vigueur de la loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Cher Jean-Claude Danglot, cet amendement, que vous qualifiez avec honnêteté de récurrent, est en effet le jumeau de l’amendement que nous a présenté Yannick Botrel voilà un instant puisqu’il vise en fait à fusionner et à nationaliser EDF et GDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Certes, mais vous voulez créer un grand pôle public de l’énergie. Yannick Botrel nous a expliqué tout à l’heure de quoi il s’agissait.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Danglot

C’est beaucoup plus qu’une simple fusion d’EDF et de GDF.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Le résultat est le même. La commission est opposée à ce souhait et c’est pourquoi elle a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Même avis, monsieur le président.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 50, présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Fichet, Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Rédiger ainsi le début de cet alinéa :

« Art. - 4 -1. - I. - Sous réserve d'une étude d'impact préalable transmise aux commissions compétentes du Parlement sur le niveau d'investissement pour l'entretien, la maintenance et le développement des réseaux et afin d'assurer la liberté...

La parole est à M. Teston.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Teston

Cet amendement vise à conditionner la mise en place de l’ARENH à une étude d’impact préalable sur le niveau d’investissement nécessaire à l’entretien et au développement des réseaux.

Le dispositif de l’ARENH ayant pour objet d’accroître la concurrence, il convient d’abord de s’assurer que la stimulation de la concurrence ne pourra se faire au détriment de la qualité et de la performance des réseaux, ce qui suppose un niveau d’investissement suffisant.

Comme on a pu l’observer dans de nombreux pays, l’accroissement de la concurrence ne rime pas toujours avec l’amélioration de la qualité des services rendus. Au contraire, elle s’accompagne souvent d’une dégradation.

En matière d’électricité, l’exemple de la Californie est symptomatique, d’autant que l’extension du marché s’est traduite par l’émergence d’une véritable dérive spéculative ayant conduit à la dégradation des réseaux, à la multiplication des pannes et à la désorganisation de tout le système électrique. Nous devrions méditer l’exemple californien, en particulier le parcours d’Enron, cette société de trading à l’origine de malversations financières qui ont ruiné de nombreuses personnes dans les années quatre-vingt-dix.

En matière de transport par rail, l’ouverture du réseau britannique constitue aussi un échec patent. Je ne reviens pas sur les catastrophes ferroviaires qu’a connues ce pays – celle de Paddington, notamment – au plus fort du mouvement de libéralisation des infrastructures ferroviaires. Heureusement, la Grande-Bretagne a mis un terme à cette politique.

Depuis plusieurs années, en effet, de nombreux États reviennent aux conditions qui prévalaient antérieurement à l’ouverture à la concurrence en réintroduisant l’intervention publique, voire en allant jusqu’à ce qui s’apparente à une renationalisation.

Lorsque certains évoquent les avantages liés à la concurrence, ils passent sous silence les dégâts ou les échecs qui peuvent souvent en découler.

Pour toutes ces raisons, il nous paraît sage de mener une étude d’impact préalable sur les conséquences que pourrait avoir cette évolution sur l’entretien et le développement des réseaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 51, présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Au début, insérer les mots :

Sous réserve d'une étude d'impact préalable transmise aux commissions compétentes du Parlement sur les prix de l'électricité et

La parole est à M. Claude Bérit-Débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Cet amendement ressortit à la même démarche que celui que vient de présenter Michel Teston, mais il concerne les prix de l’électricité. Il vise à s’assurer que l’adoption de ce projet de loi ne débouchera pas sur une augmentation très sensible de ceux-ci, comme nous le craignons fort.

Face aux risques de hausses de prix préjudiciables à tous les acteurs de la vie économique, cet amendement tend donc à conditionner la mise en place de la nouvelle organisation du marché de l’électricité à la publication d’une étude préalable sur les prix de l’électricité. J’espère que cette étude préalable dressera un tableau précis de la situation, moins idyllique que celui qui est présenté par l’étude d’impact accompagnant ce projet de loi, selon laquelle tout le monde est gagnant…

Aujourd’hui, 3, 5 millions de ménages parmi les plus précaires rencontrent déjà des difficultés pour régler leurs factures d’électricité et d’énergie en général. Le médiateur de l’énergie reçoit un nombre croissant de réclamations émanant de consommateurs en situation de grande précarité financière qui ne peuvent plus payer leurs factures d’électricité et de gaz. Ces nouveaux précaires de l’énergie consacrent plus de 10 % de leurs revenus – quelqu’un a même évoqué le chiffre de 16 % tout à l'heure – à régler leur facture d’énergie.

Qu’adviendra-t-il si les prix de l’électricité s’envolent ? Les dernières hausses annoncées sont de 11, 4 % en 2010, de 3, 5 % en 2011, et les perspectives ne sont pas rassurantes pour années suivantes. Ce sont les foyers les plus modestes qui seront touchés par des dépenses toujours plus élevées en matière d’électricité et de chauffage.

De même, pour les industriels, la fin du TARTAM, puis l’extension des tarifs réglementés ne présagent rien de bon. Nombreux sont d’ailleurs les chefs d’entreprise qui nous ont alertés par l’intermédiaire de leur réseau consulaire. Dans certains secteurs, le coût de l’énergie est si important que le renchérissement prévu risque d’entraîner, y compris pour les PME, au moins une baisse d’activité, parfois une délocalisation, voire une fermeture, avec toutes les incidences qui en découleraient sur un chômage qui repart à la hausse.

Pour toutes ces raisons, il nous paraît souhaitable de voter cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 155, présenté par M. Danglot, Mmes Didier, Schurch et Terrade, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Remplacer les mots :

la liberté de choix du fournisseur d'électricité tout en faisant bénéficier l'attractivité du territoire et l'ensemble des consommateurs de la compétitivité du parc électro-nucléaire français

par les mots :

les bénéfices des fournisseurs d'électricité en tirant parti de l'attractivité du territoire et de la compétitivité du parc électro-nucléaire français au détriment des consommateurs

La parole est à M. Gérard Le Cam.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

Permettez-moi de vous rappeler le début du texte proposé par l’article 1er pour l’article 4-1 de la loi du 10 février 2000 : « Afin d’assurer la liberté de choix du fournisseur d’électricité tout en faisant bénéficier l’attractivité du territoire et l’ensemble des consommateurs de la compétitivité du parc électro-nucléaire français, il est mis en place à titre transitoire un accès régulé et limité à l’électricité nucléaire historique… »

Cette belle rédaction cache une réalité bien différente. Les seuls bénéficiaires de cette nouvelle mesure seront non pas les consommateurs, mais bien les opérateurs privés, au premier chef GDF-Suez, Poweo et Direct Énergie. Ces derniers pourront s’approvisionner directement en énergie nucléaire sans supporter les coûts spécifiques liés à l’exploitation de ce type d’énergie et, surtout, sans être tenus de répercuter sur leurs offres l’avantage consenti par EDF.

Ce nouveau mécanisme vise simplement à permettre aux opérateurs concurrents d’EDF de disposer d’un accès à ce qui est qualifié d’« avantage concurrentiel » alors même que la construction du parc nucléaire, son entretien et surtout la nécessaire formation des personnels ont appelé des investissements très lourds de la part d’EDF, investissements financés en fin de compte par les citoyens français. Pourtant, les nouveaux opérateurs bénéficieront à prix coûtant de l’électricité nucléaire, et ce sans aucune obligation quant aux prix qu’ils pratiqueront.

Il s’agit bien de ce que l’on appelle un jeu de dupes !

Quelle garantie avons-nous que ce dispositif permettra de faire baisser la facture énergétique des foyers ? Aucune ! Au contraire, EDF se verra contrainte de récupérer le manque à gagner sur les factures au travers des tarifs réglementés, de repousser la constitution des actifs pour le démantèlement des centrales, bref de diminuer l’offre de service public et la sûreté de son activité.

Par ailleurs, avec la mise en place de l’ARENH, vous souhaitez infléchir la volonté des citoyens de ne pas changer d’opérateur. Ce vous prônez, ce n’est pas la concurrence libre et non faussée, c’est en fait la mutation systématique des opérateurs publics vers les opérateurs privés. C’est donc bien la mort de l’opérateur public que vous préparez. Nous y sommes fortement opposés et proposons, en conséquence, une nouvelle rédaction de l’alinéa 2 de l’article 1er plus en phase avec l’objectif véritable de ce projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 108, présenté par MM. Courteau, Bourquin, Raoul, Botrel, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

compétitivité

insérer les mots :

et de la sûreté

La parole est à M. Martial Bourquin.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Le terme de « compétitivité » n’est certainement pas adapté au secteur de l’énergie nucléaire.

La production d’énergie nucléaire pose des problèmes spécifiques : la sûreté des installations, bien sûr, leur entretien, la sécurité de l’approvisionnement, la mise en sécurité des déchets.

Par cet amendement, nous entendons rappeler, dès l’article 1er du projet de loi, que l’électricité n’est pas un secteur comme les autres, pour les raisons que je viens de rappeler, mais aussi parce que c’est un bien de première nécessité, un bien essentiel pour nos compatriotes et que, à ce titre, ce sont des missions de service public qui sont en jeu.

Nous entendons nous appuyer sur l’article 106 du nouveau traité de Lisbonne, qui encadre l’application des règles de la concurrence, pour faire prévaloir les « services d’intérêt économique général » au sein de l’Europe. Mon propos vise à mettre en exergue les marges de manœuvre dont nous disposons pour aboutir à un meilleur accord avec Bruxelles et, bien sûr, pour voter un texte meilleur que celui qui nous est soumis.

Mes chers collègues, que je sache, la concurrence libre et non faussée n’a pas été retenue dans le nouveau traité. L’article 106 nous offre la possibilité de renégocier la question de l’énergie, notamment celle de l’électricité : faisons-le !

Comme plusieurs intervenants l’ont souligné, la mise en concurrence a révélé les problèmes sérieux qui se posent en matière d’approvisionnement, mais aussi des tensions sur les prix, aux États-Unis comme dans l’ensemble de l’Europe. Pourquoi prenons-nous ce chemin quand nous savons que c’est celui d’un échec programmé ?

La question de la sécurité est, à nos yeux, surdéterminante et constitue un impératif justifiant que notre pays demande un moratoire sur l’application des deux directives européennes, en vue d’obtenir l’ouverture d’une nouvelle négociation qui nous permettrait d’en redéfinir les objectifs.

La France doit certes être un pays ouvert, mais pas offert, comme c’est trop souvent le cas actuellement.

À Bruxelles, notre collègue Alain Chatillon et moi-même avons abordé ces questions de politique industrielle. Nous nous sommes rendu compte que nous avions beaucoup à faire pour faire adopter à la Commission et à l’Europe des points de vue de bon sens.

En tout cas, l’exigence de sécurité confère à cet amendement un relief tout particulier.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 52, présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 2

Après le mot :

français

insérer les mots :

conformément à l'accord obtenu le 26 novembre 2002 au conseil des ministres européens de l'énergie,

La parole est à M. Roland Courteau.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Cet amendement me permet de faire un certain nombre de rappels.

Premièrement, la libéralisation des marchés de l’énergie a provoqué partout en Europe, contrairement à l’effet escompté, une flambée des prix pour les entreprises et, aujourd’hui, pour les particuliers. Même M. Claude Birraux, président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques n’a pu que faire ce constat : « Il faut vraiment être un idéologue bruxellois pour avoir cette foi aveugle dans le marché et s’imaginer que le consommateur va pouvoir avoir la liberté de choisir. En réalité, il a surtout la liberté de voir les prix augmenter. » Sans commentaire…

Deuxièmement, l’ouverture totale des marchés n’a pas été accompagnée d’une stratégie européenne commune de l’énergie. Il a fallu attendre cinq ans pour que, avec le Conseil européen de mars 2007, cette stratégie figure au calendrier de l’Europe, mais il faudra attendre encore 2011 pour qu’elle soit adoptée formellement.

Or, contrairement à ce que vous prétendez, monsieur le secrétaire d'État, la politique de marché ne peut tenir lieu de politique énergétique.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Je n’ai jamais dit cela !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Nous regrettons vivement que les gouvernements de droite qui se sont succédé depuis 2002 n’aient assorti l’ouverture totale à la concurrence d’aucune condition ou orientation politique et stratégique commune.

Aujourd’hui, ce projet de loi souffre du même travers : il ne préconise aucune anticipation, aucune vision des perspectives d’investissement et de gestion de l’énergie en France envisagées dans une dimension européenne. Seule la loi du marché sera, au moins en partie, appliquée.

On voit mal, alors que les États membres abordent désormais la phase finale de négociation de la stratégie énergétique commune, comment le Gouvernement, avec un tel texte et une telle conception du marché de l’énergie, se donnera les moyens de défendre au niveau européen une politique d’investissement efficace quand il la décourage aujourd’hui au niveau national.

Ce défaut de vision, qui vous est imputable, pourrait à l’avenir nous coûter cher en fragilisant la gestion et l’accès à ce bien collectif qu’est l’électricité.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Quel est l’avis de la commission sur ces cinq amendements ?

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Les trois premiers amendements constituent trois manières différentes de dire non au projet de loi NOME. Puisque nous sommes favorables à ce projet de loi, je suis incité à dire non à ces trois amendements ! Mais cette position mérite quelques éclaircissements.

Michel Teston a présenté un amendement qui tend à conditionner la mise en place de l’ARENH à la remise préalable au Parlement d’une étude d’impact sur l’entretien et le développement des réseaux. Nous n’allons pas relancer le débat que nous avons eu tout à l’heure. Je partage totalement le souci des auteurs de cet amendement quant aux inquiétudes qu’on peut avoir sur l’état du réseau et sur la nécessité d’augmenter les investissements pour l’entretien et le développement de ce dernier – et mon avis n’a pas varié sur ce point. En revanche, je suis totalement hostile à ce qu’une telle étude d’impact serve de prétexte pour retarder la mise en œuvre de la loi NOME.

L’amendement qu’a défendu Claude Bérit-Débat tend, quant à lui, à conditionner la mise en place de l’ARENH à la remise préalable d’une étude d’impact au Parlement sur le prix de l’électricité. Je rappelle que le projet de loi NOME ne fixe pas le prix de l’électricité ; il précise, à l’article 1er, que ce prix, qui sera fixé par le Gouvernement, devra prendre en compte plusieurs éléments sur lesquels nous avons le droit et le devoir de débattre, notamment les coûts de production, de transport, de commercialisation ou le coût du traitement de la prolongation de la durée de vie des centrales.

D’une part, je ne vois pas pour quelle raison il serait nécessaire de disposer d’une telle étude. D’autre part, si le but de cet amendement est de retarder l’entrée en vigueur de la loi, j’y suis encore plus défavorable.

M. Le Cam a défendu un amendement qui va plus loin : selon lui, le but réel du Gouvernement serait d’assurer les bénéfices des fournisseurs d’électricité au détriment des consommateurs. Ce n’est pas gentil !

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Non. Ce projet de loi indique très précisément – il ne doit y avoir aucune ambiguïté sur ce point – que le tarif régulé pour les consommateurs sera maintenu.

Cet amendement témoigne d’une analyse de la vie économique tout de même un peu particulière ! Les « autres fournisseurs », ce sont des entreprises qui ont des salariés et qui font des investissements. Du reste, dans ce texte, nous prévoyons d’obliger ces entreprises à faire des investissements dans le secteur énergétique ; à défaut, elles ne pourront plus, à l’avenir, bénéficier de l’ARENH. La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

Martial Bourquin, lui, voudrait apporter une précision quant à la sûreté nucléaire. Celle-ci constitue indiscutablement un réel problème, mais elle fait l’objet d’autres textes ; je pense notamment à la loi de 2006, particulièrement rigoureuse en la matière, qui a créé l’Autorité de sûreté nucléaire. Il n’est pas nécessaire de réécrire la loi de 2006 dans la loi NOME. Pour cette raison, la commission a émis également un avis défavorable sur cet amendement.

Enfin, je ne vois pas quelle serait la portée juridique de l’amendement de Roland Courteau, qui tend à réécrire l’histoire de manière totalement faussée !

Chers collègues de l’opposition, vous n’aimez pas qu’on vous rappelle, comme plusieurs sénateurs de la majorité l’ont déjà fait, que la décision d’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité a été prise lors du sommet de Barcelone des 15 et 16 mars 2002, où la France était représentée à la fois par son Président de la République, Jacques Chirac, et par son Premier ministre, Lionel Jospin. Vouloir inscrire dans la loi que l’ouverture à la concurrence résulte d’une communication de Mme Nicole Fontaine au Conseil des ministres européens du 26 novembre 2002 donne vraiment, je le répète, une vision fausse de l’histoire.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Même avis sur les cinq amendements.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Sur les amendements n° 50 et 51, M. le rapporteur a indiqué qu’il s’agissait de demander une étude d’impact, dans un cas, sur le niveau d’investissement pour l’entretien des réseaux et, dans l’autre, sur les prix de l’électricité. En réalité, la question qui est au cœur de ces amendements, c’est bien celle du prix.

S’agissant du lien entre prix et prise en compte de l’entretien des réseaux, M. le rapporteur commet une erreur sur le fond et sur la forme.

Sur le fond, fixer un prix à partir du seul coût de revient de la centrale nucléaire sans tenir compte de l’entretien des réseaux peut conduire à des catastrophes comme on en a connu en Californie ou en Angleterre. Faute de contraintes quant à l’entretien de notre réseau, nous ne sommes donc pas à l’abri de ce type de catastrophes.

Sur la forme, la réponse est tout de même assez extraordinaire ! Nous sommes en quelque sorte « renvoyés dans nos 22 mètres » parce que nous faisons référence à un certain nombre de concepts que vous ne souhaitez pas prendre en compte. Vous estimez que ma vision des choses est antiéconomique, mais je vous donne rendez-vous dans quelques années ! Nous risquons d’être alors confrontés aux situations contre lesquelles nous vous mettons en garde aujourd'hui. Ce fut déjà le cas pour d’autres projets de loi : après avoir finalement constaté que nous avions raison, vous avez repris à votre compte des arguments que nous avions développés, mais avec un retard préjudiciable.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. François Fortassin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

L’amendement relatif à la qualité des réseaux, qui a été défendu par mon excellent collègue Michel Teston, m’amène à intervenir dans la discussion.

La France a la réputation d’avoir les réseaux les mieux entretenus du monde, …

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

… ce qui lui permet de réaliser des économies d’énergie.

En schématisant, on peut estimer que, sur une facture de 100 euros d’électricité, 6 à 8 euros vont au syndicat départemental d’électricité, 45 euros à EDF et 45 euros à ERDF, qui est chargé de l’entretien des réseaux. Monsieur le secrétaire d’État, je n’ai pas trouvé dans le projet de loi une disposition garantissant à ERDF le maintien des moyens dont dispose cette entreprise pour l’entretien des réseaux.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Ce n’est pas l’objet de la loi !

Debut de section - PermalienPhoto de François Fortassin

Certes, mais si ce n’est pas dans la loi, cela pose problème ! Qu’est-ce qui obligera un producteur d’électricité à verser les sommes en question ?

Monsieur le secrétaire d'État, pouvez-vous me garantir que, demain, la facture continuera d’être partagée comme elle l’est aujourd'hui ?

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Monsieur le rapporteur, avec tout le respect que je vous dois, je dirai que, tout à l’heure, vous avez fait un effet rhétorique. Vous m’avez répondu que mon amendement était hors sujet et que la sécurité relevait d’une autre loi. Mais l’objet de cet amendement était de souligner que le nucléaire n’est pas un produit comme les autres.

C’est d’ailleurs pour cette raison que l’article 106 du traité de Lisbonne nous offre une latitude pour négocier sur la question de l’électricité. Dans votre intervention liminaire, vous nous avez dit le contraire en affirmant qu’il n’y avait pas d’autres perspectives et que la loi NOME était la moins mauvaise réponse à l’obligation qui nous est faite par Bruxelles de mettre en concurrence un quart de la production et de la distribution d’électricité.

S’il ne s’était rien passé ces dernières années, on pourrait se dire : pourquoi pas ? Mais le monde vient de connaître une crise financière – nous n’en sommes du reste pas sortis –t qui a déjà obligé l’État à ouvrir ses caisses pour soutenir l’industrie, pour soutenir les banques. À cette occasion, on a entendu des discours soulignant que cette mise en concurrence systématique, ce libéralisme sauvage était une erreur. Peut-être aurait-il été judicieux d’expliquer alors à Bruxelles que ce n’était pas le moment de mettre en concurrence l’électricité, que cette spécificité française est une bonne spécificité, qu’elle nous permet de garder notre industrie, qu’elle permet aussi aux Français, qui ont payé leurs centrales nucléaires fort cher, de disposer d’une électricité à bas prix. Voilà le fond de mon intervention !

Nous reviendrons évidemment sur cette question, parce que nous savons que, dès que cette loi entrera en application, nous nous retrouverons dans la même situation que certains pays qui ont joué le « tout-libéral » et qui ont connu des coupures d’électricité ou des augmentations très importantes du prix de l’électricité.

J’ajoute que notre industrie est déjà fragilisée…

M. le secrétaire d'État s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Monsieur le secrétaire d’État, moi, je ne vous tutoie pas, alors, je vous prie de ne pas me tutoyer ! J’ai le plus grand respect pour vous et je vous demande de me respecter. Le débat a été courtois jusque-là, qu’il le reste. Ne vous comportez pas de façon si cavalière !

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Je ne vous ai pas tutoyé !

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Vu l’échec patent des mises en concurrence dans le secteur de l’énergie, nous sommes en droit de nous demander s’il convient de faire la même chose en France.

L’article 106, que j’ai déjà mentionné, nous permet d’avoir une latitude de discussion avec Bruxelles. Il y a un grand danger à mettre en concurrence le secteur de l’électricité, et ce n’est pas vous qui en ferez les frais. Qui se souviendra de qui était présent dans l’hémicycle aujourd’hui ? En revanche, demain, les Français subiront des factures d’électricité de plus en plus lourdes, des entreprises seront délocalisées. En fin de compte, ce sont les salariés, une fois de plus, qui vont payer le prix fort !

C’est la raison pour laquelle nous sommes passionnés. C’est aussi pourquoi ce débat mérite d’être de bonne tenue et ne doit pas être traité de façon cavalière.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Roland Courteau, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Monsieur le rapporteur, je n’ai peut-être pas été suffisamment attentif, mais j’ai cru comprendre que, le 26 novembre 2002, Nicole Fontaine n’avait fait qu’une simple communication au Conseil des ministres européens de l’énergie.

Dans ces conditions, quand l’ouverture à la concurrence pour les ménages a-t-elle été négociée et arrêtée ? Ne me dites pas, comme je l’ai entendu à plusieurs reprises, que c’est au sommet de Barcelone, en mars 2002, puisque nous vous avons déjà expliqué que Jacques Chirac et Lionel Jospin, respectivement Président de la République et Premier ministre à l’époque, s’étaient refusé, lors de ce sommet, à ouvrir totalement le marché de l’énergie. Ils avaient même fait acter qu’il n’y aurait d’ouverture totale à la concurrence que dans la mesure où une directive-cadre sur les services d’intérêt économique général serait adoptée, et à la condition qu’une évaluation de l’ouverture à la concurrence ait été établie.

Je vous pose donc la question : quand l’ouverture totale à la concurrence dans le marché de l’énergie, notamment s’agissant des ménages, a-t-elle été négociée, et par qui ? J’aimerais y voir plus clair...

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 156, présenté par M. Danglot, Mmes Didier, Schurch et Terrade, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 2

Remplacer les mots :

ou des gestionnaires de réseaux

par les mots :

et aux gestionnaires de réseaux

II. - En conséquence, alinéa 3, première phrase

Supprimer les mots :

ou des gestionnaires de réseaux pour leurs pertes

La parole est à M. Gérard Le Cam.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Le Cam

L’article 1er du projet de loi prévoit qu’une partie de l’ARENH – 30 térawattheures, en plus du volume maximal de 100 térawattheures – serait destinée à la couverture des pertes de réseaux.

Ainsi, le projet de loi initial dispose que les droits des fournisseurs alternatifs sont augmentés progressivement pour tenir compte des quantités d’électricité qu’ils fournissent aux gestionnaires de réseaux pour couvrir leurs pertes.

Cette question a suscité en commission des interrogations quant au volume retenu. Notre amendement soulève une autre question : pourquoi réserver cette part supplémentaire aux opérateurs privés et non aux gestionnaires de réseaux ?

Nous avons interrogé les services compétents de l’État sur une éventuelle justification technique. Aucune information allant dans ce sens ne nous a été communiquée. Dès lors, on peut penser que la solution retenue est guidée par des motivations politiques.

En France, les responsables de la couverture des pertes sont les gestionnaires de réseaux. Ils achètent l’énergie nécessaire sur le marché. Or, in fine, ce coût est reporté sur le consommateur. Ainsi, comme le note la CRE, les travaux d’élaboration des tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité ont souligné l’importance de l’impact sur le niveau du tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité, le TURPE, des charges liées à la compensation des pertes d’énergie sur le réseau électrique.

Dans un rapport récent, la CRE avançait plusieurs arguments pour que les gestionnaires de réseaux conservent cette responsabilité, la plus pertinente étant leur estimation fine des pertes.

Le projet de loi prévoit que les fournisseurs auront accès à l’ARENH pour alimenter le gestionnaire. À quel prix vont-ils vendre l’électricité nécessaire ? Quand on ajoute un intermédiaire dans une opération commerciale, on assiste en général à une augmentation des prix.

Par notre amendement, qui est un amendement de repli, nous demandons que les gestionnaires de réseaux aient directement accès à l’ARENH. À la page 15 du rapport Champsaur, on peut d'ailleurs lire : « Il peut sembler légitime que les gestionnaires de réseaux puissent bénéficier directement ou indirectement, par le biais de leurs fournisseurs, de cet accès régulé à la production d’électricité en base aux conditions économiques du parc historique. Cette question n’est cependant pas au cœur de la proposition de la commission et devra être discutée avec l’ensemble des acteurs et les autorités européennes et nationales. »

La discussion est lancée, mes chers collègues !

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Comment, aujourd’hui, RTE, pour le transport, et ERDF, pour la distribution, paient-ils ces pertes ? Une partie est achetée à EDF, le reste l’est sur le marché libre.

Dans le projet de loi initial du Gouvernement, 20 térawattheures étaient réservés pour ces pertes au titre de l’ARENH, ce qui représentait à peu près 80 % d’entre elles. Il importe de savoir que le transport et la distribution engendrent des pertes qui coûtent cher. Les députés sont allés plus loin en décidant de supprimer ce plafond. Donc, demain, RTE et ERDF pourront tout acheter au titre de l’ARENH.

La conséquence est intéressante pour le consommateur puisque ces pertes sur le réseau de transport et de distribution se retrouvent sur sa facture d’électricité. Dès lors que ces pertes pourront intégralement être achetées à travers le mécanisme de l’ARENH, il a la garantie de les payer un peu moins cher.

En revanche, monsieur le secrétaire d’État, cela signifie que le marché de gros va considérablement diminuer en France, notamment par rapport à ceux de l’Allemagne et de la Grande-Bretagne. En conséquence, nous serons hors-jeu et, il faut en être conscient, les prix sur le marché de gros seront dorénavant fixés par l’étranger. C’est un regret que j’exprime.

Pour répondre à votre crainte, cher Gérard Le Cam, je crois que le fait de pouvoir acheter la totalité des pertes est une bonne chose. La commission émet donc un avis défavorable sur votre amendement, considérant que le mécanisme proposé dans le projet de loi est satisfaisant.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Vous exprimez la crainte, monsieur Le Cam, qu’une spéculation ne s’organise sur ces marchés. Les nouveaux entrants pourraient acheter de l’énergie au prix de l’ARENH et il ne resterait plus rien pour RTE ou les autres, le seuil de 25 térawattheures étant atteint. Grosso modo, vous semblez redouter que les nouveaux entrants n’essaient de capter au maximum les droits pour empêcher d’autres d’entrer.

Je vous rappelle le principe du complément de prix. Le fournisseur doit annoncer le nombre de ses clients en France, par exemple 10 000 clients, et EDF calcule son droit à l’ARENH. En fin d’année, s’il s’avère que le fournisseur avait 9 500 clients, il devra rembourser la différence.

Le système tel qu’il est prévu permet d’éviter que certains nouveaux entrants ne bloquent l’ARENH et, par conséquent, le risque que vous évoquez de l’impossibilité pour RTE de financer ses pertes n’existera pas.

Qui plus est, le rapporteur y a fait allusion à l’instant, une deuxième sécurité a été mise en place à l’Assemblée nationale. Ainsi, RTE aura la possibilité d’aller au-delà du plafond si ses besoins et ses pertes dépassent 25 térawattheures.

Il y a là, me semble-t-il, une double sécurité qui doit répondre à votre attente.

Enfin, concernant le marché de gros que vous venez d’évoquer, monsieur le rapporteur, il existe différentes analyses. Certains considèrent, comme vous venez de le faire, qu’une telle disposition risque de faire chuter le marché de gros ; d’autres pensent l’inverse. C’est la raison pour laquelle le texte prévoit une éligibilité progressive de RTE par tiers sur ces droits.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 259 rectifié bis, présenté par MM. Collin, Alfonsi, Barbier, Baylet et Detcheverry, Mme Escoffier, M. Fortassin, Mme Laborde et MM. Mézard, Milhau, Plancade, Tropeano et Vall, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 2

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« L'électricité de base est l'électricité produite ou consommée sous la forme d'une puissance constante tout au long d'une année.

La parole est à M. Robert Tropeano.

Debut de section - PermalienPhoto de Robert Tropeano

Cet amendement de précision tend à mieux définir la notion d'électricité de base. Plus exactement, il s’agit d’insister sur la constance annuelle du ruban d’énergie visée par le projet de loi en se référant à la définition simple et efficace utilisée par l'ensemble des électriciens européens, sur le marché de gros comme sur le marché de détail.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

Il me paraîtrait préférable que vous retiriez votre amendement, cher Robert Tropeano : compte tenu de la formulation retenue par les députés et reprise par la commission, la notion d’électricité de base n’est plus pertinente.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 259 rectifié bis est retiré.

L'amendement n° 157, présenté par M. Danglot, Mmes Didier, Schurch et Terrade, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, est ainsi libellé :

Alinéa 4, première phrase

Après les mots :

chargé de l'énergie

supprimer la fin de cette phrase.

La parole est à Mme Mireille Schurch.

Debut de section - PermalienPhoto de Mireille Schurch

Cet amendement vise simplement à réaffirmer que l’ensemble de la politique énergétique de la nation doit être conduit par le ministre qui en est chargé et que le rôle de la Commission de régulation de l’énergie est, en l’occurrence, non pas tant de garantir le bon accomplissement du service public de l’énergie que de faire de la place aux nouveaux entrants.

Aussi proposons-nous que le ministre en charge de l’énergie définisse seul les conditions de mise en place de l’ARENH et les conditions de vente aux fournisseurs alternatifs de l’énergie nucléaire historique.

Il en est de même pour les contrats-cadres conclus avec EDF garantissant, dans les conditions définies par l’article 1er, les modalités selon lesquelles le fournisseur peut, à sa demande, exercer son droit d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique.

Nous estimons que les compétences dévolues à la Commission de régulation de l’énergie sont trop larges, voire exorbitantes.

Compte tenu de l’importance de ce dispositif – selon certains, ce texte serait le plus fondateur pour le secteur depuis la loi de 1946 –, il nous semble qu’il mérite que le ministre ne soit pas dédouané de sa responsabilité concernant la mise en œuvre des principes édictés dans le projet de loi.

Sur le fond, nous ne pouvons que constater, au fil des lois successives, que le rôle de cette autorité administrative indépendante qu’est la CRE croît inexorablement au détriment de la responsabilité gouvernementale.

Pour notre part, nous considérons que les conditions d’accès à ce bien de première nécessité qu’est l’énergie constituent des sujets politiques, qui méritent qu’une responsabilité politique soit clairement identifiée. Tel ne sera pas le cas si toute la mise en œuvre de l’ARENH incombe à la CRE.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

En fait, chère collègue, vous refusez le mécanisme NOME.

Pendant encore trois ans, le Gouvernement fixera les prix après avis la Commission de régulation de l’énergie. Vous souhaiteriez qu’il en aille éternellement ainsi. Ce n’est pas le mécanisme prévu dans le texte. Je suis donc opposé à votre amendement.

Je rappelle simplement que la directive que l’on appelle le « troisième paquet énergie » exige – même si je n’aime pas ce mot – que l’ensemble des régulateurs en Europe aient partout de plus en plus de pouvoirs en matière de fixation d’un certain nombre de prix, notamment dans les domaines du transport et de l’interconnexion.

La disposition que vous proposez, chère collègue, est contraire à la directive, aux termes de laquelle les prix doivent être fixés par le régulateur. En revanche, il est vrai qu’il n’était pas obligatoire d’aller jusque là où nous sommes allés, mais les dispositions que nous proposons vont dans le sens d’une plus grande autonomie, d’une plus grande indépendance de la CRE, l’objectif étant que, à terme, cette commission propose les prix.

À cet égard, permettez-moi de revenir, parmi les propositions qui ont été faites récemment par la CRE, sur la décision du 15 août. Je sais que nous ne sommes pas d’accord sur ce sujet, mais la hausse qui a été proposée par la CRE, et acceptée par le Gouvernement, vise à répondre à de véritables besoins en matière de transport et de distribution. Je ne vois pas pourquoi nous aurions fait confiance à la CRE jusqu’à présent et pourquoi nous ne lui ferions plus confiance demain !

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Même avis, monsieur le président.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

L'amendement n° 54, présenté par MM. Courteau, Raoul, Botrel, Bourquin, Daunis, Guillaume et Mirassou, Mme Nicoux, MM. Rainaud, Repentin, Teston, Bérit-Débat, Berthou et Besson, Mme Bourzai, MM. Guérini, Jeannerot, Mazuir, Sergent et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Alinéa 6

Remplacer les mots :

d'une durée d'un an

par les mots :

annuelles ou pluriannuelles dans une limite de 3 ans, les cessions pluriannuelles étant conditionnées par les contrats pluriannuels de même durée avec des consommateurs finals

La parole est à M. Roland Courteau.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Cet amendement vise à donner une meilleure visibilité aux acteurs économiques, au premier rang desquels les acteurs industriels.

Ces derniers ont besoin de prévoir leurs coûts et leurs prix à un horizon temporel de plusieurs années. Ils ont besoin d’un minimum de stabilité, le prix de l’électricité étant l’une des composantes clés de leurs coûts.

La passation de contrats pluriannuels d’ARENH entre les fournisseurs et EDF, conditionnée par l’existence de contrats de durée identique entre ces fournisseurs et des consommateurs finals, permettrait précisément de donner une visibilité à moyen terme aux industriels en leur garantissant un prix stable de l’électricité. Cela signifie donc le maintien d’entreprises et, par conséquent, la préservation de l’emploi sur nos territoires.

Un tel dispositif aurait encore l’avantage de permettre un meilleur contrôle et d’éviter ainsi toute dérive spéculative puisqu’il s’appuierait sur des contrats existants entre des consommateurs finals et les fournisseurs alternatifs.

La durée des contrats serait limitée à trois ans afin que ce dispositif soit eurocompatible, Bruxelles considérant souvent que des contrats pluriannuels peuvent constituer des obstacles à la concurrence dans la mesure où la clientèle devient alors captive.

Debut de section - PermalienPhoto de Ladislas Poniatowski

J’ai entendu les 3 500 entreprises bénéficiaires du TARTAM, et un certain nombre d’autres, défendre fermement la même position que celle de notre collègue Roland Courteau, dont l’amendement vise à soulever un véritable problème.

Il est assez logique que les entreprises aient besoin d’avoir une visibilité sur une période d’une durée supérieure à un an et qu’elles veuillent savoir ce que va leur coûter l’achat d’électricité, non pas pour un an, mais pour deux ou trois ans. Or l’ARENH ne le permet pas techniquement.

M. le secrétaire d’État l’a rappelé tout à l’heure, il est important de savoir, à la fin de l’année, si chacun des fournisseurs a bien les clients qu’il avait prévu d’avoir, s’il n’a pas été ou trop optimiste ou trop pessimiste ; je ne parle pas de triche : c’est simplement la loi du marché qui fait qu’un client qu’on pensait avoir choisi finalement de s’adresser à la concurrence. Quoi qu’il en soit, cette erreur d’appréciation sera sanctionnée.

Permettez-moi d’apporter deux précisions sur cette question importante de la pluriannualité.

En premier lieu, rien n’empêche aujourd'hui un fournisseur – et rien ne l’en empêchera demain – de passer un contrat avec un client industriel pour plus d’une année. Il lui faudra simplement être prudent, car il ne pourra garantir le volume au prix ARENH que sur un an. Il lui suffira de prévoir une clause de révision éventuelle, afin de pouvoir tenir compte du volume qu’il obtiendra au titre de l’ARENH, lequel ne sera peut-être pas prolongé. Cela étant, même sans garantie de prix, un contrat sur trois ans peut être utile au client, car il lui permettra de savoir qu’il peut compter sur un volume pendant cette période.

En second lieu, et je reviens sur le débat que nous avons eu à propos de la clause de revoyure, celle-ci nous permettra notamment d’évoquer ce sujet. Je me demande si, à terme, il ne faudra pas autoriser, même si c’est compliqué, même si ce n’est pas possible aujourd'hui, des contrats pluriannuels. Peut-être pourrons-nous, à ce moment-là, faire des propositions à cet égard.

Pour l’heure, j’émets un avis défavorable sur cet amendement, le mécanisme mis en place ne permettant pas la passation de contrats pluriannuels, même si je considère que ceux-ci seraient très intéressants pour les entreprises.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Cet amendement est très important, car il soulève la question de la pluriannualité. C’est un débat de fond, que nous avons évidemment déjà eu en commission et à l’Assemblée nationale.

Que disent les tenants d’un contrat de trois ans ? Ils considèrent, à juste titre, que les industriels doivent pouvoir avoir une visibilité sur une durée relativement longue pour planifier leur production et, le cas échéant, contracter avec leurs propres clients. C’est l’argument que vous avez soutenu, monsieur Courteau.

Je ne partage pas cette analyse, ne serait-ce que parce qu’un contrat pluriannuel me paraît présenter plus d’inconvénients que d’avantages.

Tout d’abord, il y a un véritable risque de ruée sur l’ARENH, ruée que nous souhaitons bien évidemment éviter. En effet, dès lors qu’un industriel ne pourra acheter de l’ARENH que pour un an, ses prévisions d’achat se feront de façon relativement normale, prudente, en quelque sorte conservatrice. En revanche, s’il peut passer un contrat de trois ans, le risque est grand qu’il veuille capter le maximum d’ARENH afin d’éviter une asphyxie de l’ARENH par ses concurrents.

Ensuite, et ce point est à mes yeux le plus important, je vous rappelle que le dispositif sur un an que nous sommes en train d’évoquer est un mécanisme de base. S’il n’y a pas d’accord entre EDF et les autres fournisseurs, c’est le prix de l’ARENH qui s’applique. Les nouveaux entrants peuvent bénéficier de l’ARENH, mais ce que nous souhaitons encourager – et c’est le cœur du texte –, ce sont les contrats de gré à gré, qui seront, eux, des contrats pluriannuels, entre EDF et les nouveaux entrants. Ces contrats prévoiront peut-être des prix plus intéressants que l’ARENH. Surtout, ils permettront un engagement formalisé entre EDF et les autres sur la production et sur l’investissement des nouveaux entrants.

Si le contrat de base était un contrat pluriannuel, cela n’inciterait pas EDF et les nouveaux entrants à conclure des contrats de gré à gré. Or ce sont ces contrats que nous souhaitons privilégier.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Claude Bérit-Débat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Je dois dire que je ne parviens pas à comprendre les explications et de M. le rapporteur et de M. le secrétaire d’État.

Monsieur le rapporteur, vous dites partager l’analyse qui vient d’être faite par Roland Courteau, dont l’amendement émane d’élus locaux en phase avec le monde économique du terrain, que ce soit en milieu rural ou en milieu urbain. Pourtant, votre réponse, monsieur le rapporteur, tout comme la vôtre, monsieur le secrétaire d’État, va à l’encontre d’une politique tournée vers le monde économique et destinée à lui permettre de se développer. Toutes les entreprises ont besoin de lisibilité, qu’il s’agisse d’une entreprise industrielle, d’une entreprise commerciale ou d’une entreprise de service. Or, aujourd'hui, que leur propose-t-on ?

Un certain nombre de chefs d’entreprise m’ont saisi. Ils ont tous peur, car ils voient que la transformation de la réglementation et que les nouvelles normes qui vont entrer en vigueur entraîneront à coup sûr un enchérissement des prix de l’électricité. Nous allons dans le mur !

Ce projet de loi va entraîner une augmentation du coût pour les consommateurs, pour les ménages, je l’ai dit tout à l’heure, mais également pour les entreprises, ce qui posera des problèmes particulièrement terribles dans nos territoires ruraux. Des entreprises seront en difficulté, certaines, comme l’a démontré tout à l’heure notre collègue et camarade Martial Bourquin, se délocaliseront. Le dispositif que vous nous soumettez est donc une incitation à la délocalisation !

Je ne comprends donc pas pourquoi vous ne pouvez pas accepter cet amendement.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Mirassou

Partant du même constat que mon collègue Claude Bérit-Débat, j’évoquais tout à l’heure les effets pervers que ce texte pouvait entraîner en matière de politique d’aménagement du territoire ou, tout simplement, de politique industrielle.

Monsieur le rapporteur, vous expliquez ne pas pouvoir prendre en compte la solution que nous préconisons – pourtant, comme vient de l’expliquer Claude Bérit-Débat, elle répond à une logique évidente en termes de lisibilité pour les entreprises –, car il ne serait pas possible de l’appliquer. Si tel est le cas, cela signifie tout simplement que le texte n’est pas bon et qu’il serait justifié de l’améliorer d’une manière ou d’une autre.

Monsieur le secrétaire d’État, à la fin de votre raisonnement, vous semblez vivement espérer, comme nous, que le marché des nouveaux entrants puisse effectivement être capté par EDF, l’opérateur historique. Ajouté à ce que j’évoquais tout à l’heure, cela disqualifie d’une certaine manière l’esprit du texte. En effet, vous reconnaissez ainsi implicitement que l’ARENH provoquera mécaniquement une augmentation des prix, et ce non seulement pour les particuliers, comme nous l’avons souligné précédemment, mais également pour le monde de l’entreprise.

En clair, nous sommes au milieu du gué. Pour la énième fois, nous vous répétons que vous subissez manifestement cette loi, dont nous démontrons l’inapplicabilité au fur et à mesure que nous avançons dans ce débat.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

La parole est à M. Martial Bourquin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

À mon sens, la question de l’industrie est au cœur du débat. En effet, s’il est un sujet sur lequel il faut raisonner à moyen terme, c’est bien l’industrie.

L’instabilité annuelle et même la possibilité de conclure des contrats de gré à gré selon le bon vouloir des uns et des autres auraient pour effet de fragiliser au plus haut point les industriels, comme ils ont pu nous l’assurer la semaine dernière lors de notre visite en Rhône-Alpes. Et je ne parle même pas des électro-intensifs, qui nous ont clairement signifié que leur situation en 2014 pouvait se jouer « à quitte ou double ».

Debut de section - PermalienPhoto de Martial Bourquin

Rendez-vous compte, mes chers collègues ! On organise les états généraux de l’industrie en affirmant que, après la crise terrible que nous avons vécue, nous devons avoir un socle industriel extrêmement fort et retrouver une compétitivité pour nos entreprises industrielles, et puis, dans le même temps, avec cette loi NOME, on fragilise terriblement ces industries, notamment celles qui consomment le plus d’électricité.

Il y a là au moins une contradiction – j’évite d’employer un mot trop fort – qui doit nous alerter, nous montrer que nous ne sommes pas sur la bonne voie.

La perspective pluriannuelle prônée par les auteurs de cet amendement est la moindre des choses. En l’adoptant, nous essaierions au moins de « sauver les meubles » pour notre industrie.

Je vois votre volonté de fermeture, qui consiste à refuser même des amendements de bon sens comme celui-ci. Si vous réunissez des entreprises de toutes tailles, des petites, des moyennes ou des grandes, elles vous demanderont toutes d’opter pour cette approche pluriannuelle. Vous la refusez et vous parlez de « contrats de gré à gré » !

C’est là que l’on va s’apercevoir que la perte d’un opérateur unique et public risque de coûter cher non seulement à nos concitoyens, mais également à nos entreprises, bref à la nation tout entière !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Je tiens d’abord à vous rappeler que nous ne capitulons devant personne.

Ensuite, cet article 1er n’entraînera pas la moindre augmentation de prix pour les consommateurs, particuliers ou entreprises.

Je vais essayer de vous expliquer comment les choses pourront concrètement se passer. Si elle le souhaite, une PME pourra évidemment souscrire un contrat d’un an, trois ans, quinze ans auprès d’un fournisseur, qu’il s’agisse de l’opérateur dit « historique » ou d’un nouvel entrant.

Or la relation contractuelle dont nous parlons est celle qui se noue entre le fournisseur historique, EDF, et les nouveaux entrants, qui sont les autres fournisseurs d’électricité. C’est celle-là qui dure seulement un an, et non la relation contractuelle qu’une PME installée à Châlons-en-Champagne aurait avec un fournisseur. Cette PME doit bien évidemment avoir une visibilité et pouvoir contracter sur un an, deux ans, trois ans, cinq ans, dix ans, …

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

… avec un prix qui sera, je le rappelle, indexé sur l’ARENH.

Mais existe-t-il aujourd’hui en France une quelconque entreprise qui connaisse son prix sur quinze ans ? Bien sûr que non !

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

Lorsque l’entreprise en question contractera avec un fournisseur quelconque, elle aura un élément de référence, l’ARENH, qui sera une base de calcul transparente et que chacun pourra anticiper, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Ainsi, la raison pour laquelle nous ne souhaitons pas cette durée de trois ans est la suivante : si, demain, les cinq nouveaux entrants concluent un tel contrat avec EDF, dans la mesure où ils n’auront pas de réelle visibilité sur une telle période quant à leur clientèle et donc au volume de demande qu’ils auront à satisfaire, ils vont chercher à « saturer » l’ARENH le plus rapidement possible, afin d’éviter que leurs concurrents n’en bénéficient. Si l’on « rebat les cartes » tous les ans, avec des nouveaux contrats, un tel problème ne se pose plus.

Par ailleurs, si le fournisseur historique ne souhaite pas contracter avec un nouvel entrant, il a l’obligation de lui vendre au prix de l’ARENH.

Toutefois, nous souhaitons que ces nouveaux entrants passent des contrats avec EDF, contrats dits « de gré à gré », sur un prix qui ne sera pas forcément celui de l’ARENH, en échange d’un engagement très fort dans la production de la part de ce nouvel entrant vis-à-vis d’EDF. Dans cette perspective, il peut y avoir un contrat de plusieurs années si les co-contractants le souhaitent. L’ARENH n’entre ainsi en jeu que dans le cas où il n’y a pas d’accord conclu entre le nouvel entrant et EDF : le nouvel entrant a alors droit pendant un an à un volume défini en fonction du nombre de ses clients et à un prix fixé.

Autrement dit, nous souhaitons encourager les contrats de gré à gré pluriannuels parce qu’ils impliquent un échange gagnant-gagnant…

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Bérit-Débat

Les chefs d’entreprise pensent, eux, qu’ils seront perdants !

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

… entre, d’un côté, l’opérateur EDF, qui trouvera ainsi un co-investisseur, et, de l’autre côté, un nouvel entrant qui aura un prix préférentiel. Tel est notre objectif.

Debut de section - Permalien
Benoist Apparu, secrétaire d'État

M. Benoist Apparu, secrétaire d'État. Eh bien, j’assume devant vous le fait qu’il s’agisse d’un schéma compliqué : parce que le marché de l’électricité – vous l’avez dit à plusieurs reprises – n’est pas un marché comme les autres. La solution que nous préconisons est complexe parce que nous souhaitons conserver au consommateur français le bénéfice des prix du nucléaire historique français et, en même temps, répondre aux exigences européennes. Nous assumons la complexité qui résulte de la réalisation de cet équilibre.

Applaudissementssur les travées de l’UMP.

L'amendement n'est pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Mes chers collègues, par courrier en date de ce jour, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, présidente du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, a demandé que le projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention fiscale entre la France et la Belgique, ainsi que le projet de loi autorisant l’approbation de l’avenant à la convention fiscale entre la France et le Luxembourg, inscrits à notre séance du jeudi 30 septembre, soient examinés en séance publique selon la procédure normale et non selon la procédure simplifiée.

Acte est donné de cette demande.

Dans la discussion générale de chacun de ces deux projets de loi, le temps attribué aux orateurs des groupes politiques sera d’une heure, comme pour le projet de loi relatif à la convention fiscale avec la Suisse. Le délai limite pour les inscriptions de parole est fixé à demain mercredi 29 septembre, à 17 heures.

Il n’y a pas d’opposition ?...

Il en est ainsi décidé.

Debut de section - PermalienPhoto de Roland du Luart

Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi complétant les dispositions relatives à la démocratie sociale issues de la loi n° 2008-789 du 20 août 2008.

La liste des candidats établie par la commission des affaires sociales a été affichée conformément à l’article 12 du règlement.

Je n’ai reçu aucune opposition.

En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :

Titulaires : Mme Muguette Dini, M. Alain Gournac, Mme Catherine Procaccia, M Gérard Dériot, Mmes Raymonde Le Texier, Patricia Schillinger et Annie David.

Suppléants : MM. Gilbert Barbier, Guy Fischer, Claude Jeannerot, Mme Christiane Kammermann, MM. Ronan Kerdraon, Marc Laménie et Mme°Janine Rozier.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt-et-une heures cinquante, sous la présidence de M. Jean-Léonce Dupont.