Dans un second volet, le dispositif est complété, je le disais tout à l’heure, par un renforcement des sanctions à l’encontre des automobilistes présentant un comportement véritablement dangereux. Ainsi, le fait de conduire sans permis ou sans assurance est déjà puni et il convient de renforcer les peines prévues.
Enfin, comme je le signalais dans mon propos introductif, certains facteurs aggravants, dégagés par l’accidentologie, ont été trop souvent négligés. L’un d’entre eux est révélé par le taux particulièrement élevé d’accidents mortels au cours de la nuit. Bien qu’elle ne représente que 10 % du trafic total, la période nocturne enregistre près de la moitié des tués sur la route. De tels chiffres parlent, notamment aux associations de victimes de la route !
Pour remédier à cette surmortalité routière de nuit et afin d’être plus justes et efficaces dans notre politique de sécurité routière, il faut effectuer le contrôle de l’alcoolémie nocturne avec plus de sérieux et de moyens – cela relève des pouvoirs publics, mais coûte plus cher que les radars – et agir sur la vitesse – cet aspect, quant à lui, relève de la loi.
Aussi, je vous propose que le conducteur qui circule de nuit soit dans l’obligation de réduire sa vitesse. Le rapport de la sécurité routière montre que la vitesse moyenne est plus élevée la nuit que le jour, mais certains nous expliqueront qu’il ne faut surtout pas instaurer de mesure de ce type, car la vitesse excessive de nuit serait uniquement due à la consommation d’alcool ! La proposition que je défends est de nature à sauver 700 à 900 vies, sans parler de milliers de blessés en moins. N’oubliez pas que, lorsque la vitesse moyenne baisse de 1 kilomètre à l’heure, le nombre de tués diminue de 4 %.
Telles sont, en résumé, mes propositions.
Beaucoup d’autres choses restent encore à faire et je compte sur vos amendements, ceux du rapporteur et – pourquoi pas ? – ceux du Gouvernement, pour améliorer cette proposition de loi. On peut imaginer des aides aux régions et départements qui œuvrent plus que les autres pour sauver des vies. Est-il normal, en effet, comme c’est la réalité aujourd’hui, de courir trois fois plus de risques de se tuer sur la route dans tel département que dans tel autre ? On peut accélérer la suppression des passages à niveau, en y affectant, pourquoi pas, le produit des amendes.
Il serait facile de sauver aussi des vies en imposant à tous les poids lourds une vitesse maximale unique de 90 kilomètres à l’heure, par exemple, et en installant des radars « bizones » se déclenchant en fonction de la vitesse et de la hauteur, supérieure à deux mètres, de ces véhicules, pour mettre fin aux excès de vitesse commis par 47 % des poids lourds. Ou alors, on ne s’intéresse pas au sujet !
On pourrait sauver la vie de nombreux motards, en interdisant la conduite de motos de plus de 11 CV avant deux années de permis moto ; or nous voyons fleurir aujourd’hui des motos à trois roues, qui permettent d’échapper à l’obligation de détenir le permis moto, sans que personne ne fasse rien ! Par ailleurs, je tiens à vous rappeler que notre pays détient le triste record du nombre de veuves de moins de trente ans et 80 % d’entre elles ont au moins un enfant. Un tel constat incite à réfléchir et agir ! Enfin, si les forces de sécurité se répartissaient mieux, nous ferions baisser le nombre de tués la nuit.
Pour ma part et dans un premier temps, je souhaite voir les citoyens traités avec équité, comme le réclame la Cour européenne des droits de l’homme, et parvenir, grâce à une mesure simple, à sauver beaucoup de vies.
Je le sais, ma proposition de loi dérange, car elle renvoie aux priorités reconnues par tous, mais elle le fait en dissipant le rideau de fumée que constituent les sanctions automatiques des petits dépassements de vitesse et de défaut de port de la ceinture de sécurité, dont l’intérêt est d’assurer le financement des radars et des stages, qui ne pourraient être financés par les seuls grands excès de vitesse.
Chacun se rend compte que les mesures supplémentaires à mettre en œuvre coûteront cher à l’État et aux collectivités locales. Nous allons donc sans doute assister à la litanie des critiques entendues lorsqu’une proposition de loi dérange. Par exemple, « ces mesures sont inadaptées » ou bien, « ces mesures sont bonnes, mais elles relèvent du pouvoir réglementaire ». Chacun sait que ce dernier argument ne tient pas, car la Cour européenne des droits de l’homme, dans son arrêt en date du 23 septembre 1998, a confirmé que le retrait de point revêtait un caractère punitif et dissuasif et s’apparentait donc à une peine accessoire.
Notre commission des lois et notre assemblée ont déjà abordé ce thème dans le cadre de plusieurs lois, comme celle du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance : une des mesures majeures de prévention consistait à rendre plus rapidement un point de permis perdu ! Cette disposition m’avait stupéfait à l’époque, mais elle justifie que l’on en reparle… Nous pouvons donc espérer que cet argument « réglementaire » ne nous sera pas sérieusement opposé.
Un autre argument pourrait être que le système de contrôle et la sévérité des sanctions pénales ou administratives assurent l’égalité de traitement des conducteurs et qu’il ne faut surtout rien changer… Une telle affirmation est une contrevérité, car l’iniquité est la règle, au niveau du contrôle comme au niveau des sanctions !
Les poids lourds ne sont détectés par les radars que s’ils dépassent les vitesses autorisées pour les véhicules légers, soit 30 à 40 kilomètres à l’heure de plus que les vitesses limites les concernant. Le rapport de la sécurité routière indique que 47 % des poids lourds dépassent impunément les vitesses qui leur sont imposées... Les motards échappent à tous les radars fixes prenant de face. Enfin, l’ensemble des conducteurs échappent au retrait de points si le véhicule est pris au radar par l’arrière et s’ils contestent le fait d’être au volant, en affirmant qu’ils ne veulent pas donner le nom du conducteur hypothétique pour ne pas tomber sous l’inculpation de dénonciation calomnieuse.
L’impunité en ce qui concerne la perte de points est également garantie à tous ceux qui encombrent les tribunaux ! Mieux, même en cas de condamnation à l’issue d’un long et coûteux parcours judiciaire, ils perdront des points mais le temps écoulé grâce à la durée de la procédure leur permettra de retrouver les points qui leur manquent. Est-il donc équitable de pousser les contrevenants, et pas seulement les jeunes conducteurs, à une contestation systématique pour leur permettre de récupérer automatiquement chaque année deux points, voire trois ? Quand on connaît les délais de jugement de ces affaires, tous les jeunes conducteurs ont effectivement intérêt à contester leurs amendes !
Aujourd’hui, seuls les conducteurs trop honnêtes, trop naïfs, ou trop pauvres pour consigner des sommes supérieures à l’amende ou pour se payer des stages d’un coût représentant 19 % du SMIC, acceptent de perdre des points. Une loi qui, par ses défauts, frappe surtout les plus faibles et les plus pauvres n’est pas une bonne loi ! Le paragraphe consacré à ce sujet à la page 21 du rapport de Mme Troendle est édifiant. Je suis donc rassuré : on ne devrait pas nous opposer le caractère équitable et juste du permis à points dans sa version actuelle !
En revanche, je ne peux rien vous promettre car cette proposition est une vraie proposition de loi : elle n’a pas le caractère sacré, constant et parfait que confère l’origine gouvernementale à de trop nombreuses propositions de loi... Elle est marquée d’un sceau nouveau, peut-être même d’une tache, car elle est inscrite à l’ordre du jour à la demande d’un groupe minoritaire. Nous connaissions le sort réservé traditionnellement aux propositions de loi déposées par l’opposition ; nous allons découvrir le sort réservé à celles qui sont présentées par un groupe minoritaire, même lorsqu’il soutient majoritairement et régulièrement le Gouvernement.
Cette proposition de loi va-t-elle être écartée d’un revers de main ? Cette proposition de loi sera-t-elle jugée digne d’être amendée par la commission, par les sénateurs de la majorité, par le Gouvernement ?