La séance est ouverte à neuf heures.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
La conférence des présidents a établi comme suit l’ordre du jour des prochaines séances du Sénat :
SEMAINES RÉSERVÉES PAR PRIORITÉ AU GOUVERNEMENT
Mardi 12 mai 2009
À 9 heures 30 :
1°) Dix-huit questions orales :
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 476 de Mme Bernadette Bourzai à Mme la ministre du logement ;
§(Aide à la gestion locative sociale) ;
- n° 479 de Mme Maryvonne Blondin à Mme la secrétaire d’État chargée de la solidarité ;
§(Difficultés rencontrées par les maisons départementales des personnes handicapées (MDPH)) ;
- n° 483 de M. Michel Boutant à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ;
§(Situation financière des communes engagées dans des opérations de renouvellement urbain) ;
- n° 488 de Mme Françoise Férat à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;
§(Avertissement de l’employeur en cas de perte de permis de conduire d’un employé ayant des obligations de conduite) ;
- n° 489 de M. Claude Bérit-Débat à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ;
§(Mise en œuvre du plan licence et de l’autonomie des universités) ;
- n° 493 de M. Marc Laménie à Mme la ministre de la santé et des sports ;
Formation des
- n° 497 de M. Jacques Blanc à M. le secrétaire d’État chargé des transports ;
- n° 498 de M. Jacques Mézard à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice ;
- n° 500 de Mme Bernadette Dupont transmise à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;
- n° 501 de M. Jean-Claude Danglot à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville ;
- n° 502 de Mme Catherine Dumas à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;
- n° 503 de M. Hervé Maurey à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;
- n° 505 de Mme Marie-Thérèse Hermange à Mme la ministre de la santé et des sports ;
- n° 506 de M. Jean-Jacques Mirassou à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;
- n° 507 de M. Pierre-Yves Collombat à M. le ministre de l’agriculture et de la pêche ;
- n° 511 de M. Guy Fischer à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville ;
- n° 512 de M. Michel Teston à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ;
- n° 513 de M. Alain Vasselle à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ;
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 16 heures et le soir :
2°) Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (n° 290, 2008 2009) ;
La conférence des présidents a fixé :
Mercredi 13 mai 2009
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
À 14 heures 30 et le soir :
1°) Nouvelle lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet ;
La conférence des présidents a fixé :
2°) Suite éventuelle du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (n° 290, 2008 2009)
Jeudi 14 mai 2009
À 9 heures 30 :
1°) Suite du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires (n° 290, 2008 2009).
À 15 heures et le soir :
2°) Questions d’actualité au Gouvernement ;
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
3°) Suite de l’ordre du jour du matin.
Vendredi 15 mai 2009
À 9 heures 30 et à 15 heures
Lundi 18 mai 2009
À 15 heures et le soir
Mardi 19 mai 2009
À 14 heures 30 et le soir
Mercredi 20 mai 2009
À 14 heures 30
Ordre du jour fixé par le Gouvernement :
- Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.
SEMAINE SÉNATORIALE DE CONTRÔLE
DE L’ACTION DU GOUVERNEMENT
ET D’ÉVALUATION DES POLITIQUES PUBLIQUES
Mardi 26 mai 2009
À 9 heures 30 :
1°) Dix-huit questions orales :
L’ordre d’appel des questions sera fixé ultérieurement.
- n° 444 de M. Claude Biwer à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services ;
- n° 508 de M. Jean-Pierre Chauveau à Mme la ministre de la santé et des sports ;
- n° 509 de M. Alain Fauconnier à Mme la ministre de la santé et des sports ;
- n° 514 de M. Roland Ries à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice ;
- n° 515 de M. Georges Patient à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;
- n° 517 de M. Philippe Madrelle à Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche ;
- n° 519 de Mme Odette Terrade à M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille, de la solidarité et de la ville ;
- n° 520 de M. Bertrand Auban à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;
- n° 521 de M. René-Pierre Signé à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi ;
- n° 523 de Mme Jacqueline Alquier à M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique ;
- n° 524 de M. Alain Fouché à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ;
- n° 525 de Mme Esther Sittler à Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;
- n° 526 de M. Martial Bourquin à Mme la ministre de l’intérieur, de l’outre-mer et des collectivités territoriales ;
- n° 529 de M. Gilbert Barbier à M. le secrétaire d’État chargé de l’emploi ;
- n° 530 de M. Jacques Mézard à M. le ministre d’État, ministre de l’écologie, de l’énergie, du développement durable et de l’aménagement du territoire ;
- n° 532 de Mme Patricia Schillinger à Mme la ministre de la santé et des sports ;
- n° 533 de M. Jean-Jacques Lozach à Mme la secrétaire d’État chargée de la prospective et du développement de l’économie numérique ;
- n° 534 de M. Charles Gautier à Mme la secrétaire d’État chargée de la famille ;
À 15 heures :
2°) Débat sur le service civil volontaire (demande du groupe RDSE) ;
La conférence des présidents :
3°) Question orale avec débat n° 32 de M. Martial Bourquin (Soc.) à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi sur la crise de l’industrie ;
Mercredi 27 mai 2009
À 14 heures 30 :
1°) Débat sur les travaux de la mission commune d’information sur la politique en faveur des jeunes ;
La conférence des présidents :
2°) Question orale avec débat n° 34 de Mme Marie-France Beaufils (CRC-SPG) à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi sur la réforme de la taxe professionnelle ;
Jeudi 28 mai 2009
À 9 heures :
1°) Question orale avec débat de Mme Bernadette Dupont (UMP) sur le plan « Autisme » ;
2°) Question orale avec débat n° 37 de M. Jean-Jacques Mirassou (Soc.) sur l’avenir du programme de l’Airbus A400M ;
À 15 heures et le soir :
3°) Questions d’actualité au Gouvernement ;
4°) Débat européen sur le suivi des positions européennes du Sénat (demandes de la commission des affaires européennes, de la commission des affaires économiques et de la commission des affaires sociales) :
- profils nutritionnels ;
- vin rosé ;
Chacun de ces sujets donnera lieu à un débat ;
SEMAINE D’INITIATIVE SÉNATORIALE
Mardi 2 juin 2009
À 15 heures et le soir :
1°) Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, tendant à modifier l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et à compléter le code de justice administrative (n° 373, 2008-2009) ;
La conférence des présidents a fixé :
2°) Proposition de résolution tendant à modifier le règlement du Sénat pour mettre en œuvre la révision constitutionnelle, conforter le pluralisme sénatorial et rénover les méthodes de travail du Sénat, présentée par M. Gérard Larcher, Président du Sénat (n° 377, 2008-2009) ;
La conférence des présidents a fixé :
Mercredi 3 juin 2009
À 14 heures 30 et, éventuellement, le soir :
- Proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale, tendant à favoriser l’accès au crédit des petites et moyennes entreprises (n° 288, 2008-2009) ;
La conférence des présidents a fixé :
Jeudi 4 juin 2009
Journée mensuelle réservée aux groupes de l’opposition et aux groupes minoritaires :
À 9 heures, à 15 heures et, éventuellement, le soir :
1°) Proposition de loi visant à créer une contribution exceptionnelle de solidarité des entreprises ayant réalisé des bénéfices records, présentée par MM. François Rebsamen et Jean-Pierre Bel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 363, 2008-2009) ;
La conférence des présidents a fixé :
2°) Question orale européenne avec débat n° 4 de M. Richard Yung à M. le Premier ministre sur l’avenir de la politique sociale européenne (demande du groupe socialiste) ;
La discussion de cette question orale européenne s’effectuera selon les modalités prévues à l’article 83 ter du règlement ;
3°) Proposition de loi pour le développement des sociétés publiques locales, présentée par M. Daniel Raoul et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés (n° 253, 2008-2009) ;
La conférence des présidents a fixé :
4°) Le sujet réservé au groupe Union centriste sera déterminé ultérieurement.
Y a-t-il des observations sur les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances à l’ordre du jour autre que celui résultant des inscriptions prioritaires du Gouvernement ?...
Ces propositions sont adoptées.
Mes chers collègues, nous abordons notre deuxième journée mensuelle réservée aux groupes de l’opposition et aux groupes minoritaires en application des nouvelles dispositions du dernier alinéa de l’article 48 de la Constitution entrées en vigueur le 1er mars.
Monsieur le président, nous assistons ce matin à un spectacle que nous dénonçons depuis plusieurs jours : ces journées d’initiative parlementaire donnent lieu à une caricature de débat parlementaire !
Ceux qui ont été à l’origine de la réforme de la Constitution, qui avait pour objet de réhabiliter le Parlement et d’améliorer les conditions dans lesquelles les parlementaires exercent leurs missions, ne peuvent que constater qu’il s’agit d’une mascarade.
Aussi, monsieur le président, pour permettre à nos amis des groupes majoritaires de prendre conscience de la situation et de venir participer à un débat important auquel les Français attachent du prix, je vous demande, au nom de mon groupe, une suspension de séance.
Monsieur Bel, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
Je constate que les membres de certains groupes ne peuvent pas manifester d’opposition à votre demande.
Sourires.
La séance, suspendue à neuf heures cinq, est reprise à neuf heures vingt.
La séance est reprise.
Mes chers collègues, je ferai part à M. le président du Sénat des conditions « quantitatives » de ce débat. Néanmoins, je vous propose de commencer la discussion de la question orale avec débat inscrite à notre ordre du jour, puisque le règlement du Sénat contient cette phrase magique : « Le Sénat est toujours en nombre pour délibérer. »
Sourires
L’ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 30 de M. François Rebsamen à Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi sur la création d’une contribution exceptionnelle de solidarité des grandes entreprises du secteur de l’énergie.
Cette question est ainsi libellée :
« M. François Rebsamen attire l’attention de Mme la ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi sur une contribution exceptionnelle de solidarité des grandes entreprises du secteur de l’énergie. En effet, pleinement touchée par la crise financière, économique et sociale, la France est rentrée en 2009 dans une période de récession. Le Gouvernement a révisé son hypothèse de croissance pour 2009 à moins 1, 5 %, tandis que l’INSEE annonce un acquis de croissance à la fin du deuxième trimestre très nettement négatif (moins 2, 9 %). Par ailleurs, le deuxième projet de loi de finances rectificative pour 2009 présente une détérioration massive des finances de l’État.
« L’emploi, c’est-à-dire les salariés, est la première victime. Face à cette situation sociale extrêmement difficile, il est fondamental de mettre en œuvre rapidement des mesures en faveur de nos concitoyens et des entreprises les plus fragiles. Pourtant, face à ce constat, le Gouvernement s’entête à maintenir le bouclier fiscal, malgré son coût pour les finances publiques, tout en se privant de recettes générées par les superprofits des grandes entreprises, particulièrement celles qui interviennent dans le secteur de l’énergie. En effet, GDF-Suez affiche, pour 2008, un résultat net de 6, 5 milliards d’euros, quand Total annonce un bénéfice record de 14 milliards d’euros. Non seulement ces profits faramineux ont été obtenus par une politique de prix supportée par les consommateurs - pour lesquels la baisse de 10 % du tarif du gaz intervient trop tard et après la saison hivernale par exemple -, mais, pire encore, Total annonce simultanément la suppression de 555 postes.
« Pour toutes ces raisons, il l’interroge sur les mesures qu’entend prendre le Gouvernement pour augmenter la contribution de ces grandes entreprises à l’effort national de solidarité. »
La parole est à M. François Rebsamen, auteur de la question.
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
M. François Rebsamen. Monsieur le président, je tiens tout d’abord à remercier nos collègues d’être présents ce matin, notamment nos trois collègues de la majorité. Comme vous venez de le rappeler, le Sénat est toujours en nombre pour délibérer !
Sourires
Je vous remercie également, monsieur le secrétaire d'État, d’être venu pour cette question orale avec débat. Il s’agit, paraît-il, de revivifier les droits du Parlement. Sans le Gouvernement, nous discuterions entre nous !
Certes, ce débat fera l’objet d’un compte rendu au Journal officiel et restera dans les annales ! Ce sont des moments de la vie parlementaire...
Sourires.
Il est vrai qu’il ne s’agit que d’un petit sujet, puisque cette question orale avec débat ne porte que sur la création d’une contribution exceptionnelle de solidarité des grandes entreprises du secteur de l’énergie.
Sans me lancer dans un historique détaillé, je rappelle que nous traversons une crise financière, économique et sociale très grave et que nous sommes entrés dans une période de récession. Avec des prévisions de décroissance d’environ 3 % en 2009, cette crise est incontestablement l’une des plus graves enregistrées depuis les années trente, et non depuis les années quarante-cinq, comme cela avait été annoncé de prime abord.
La succession des lois de finances rectificatives pour 2009 en est la preuve : la dernière présente une détérioration massive et inquiétante des finances de l’État. Le déficit révisé s’établit dorénavant à plus de 5, 6 points du PIB, soit près de 105 milliards d'euros, ce qui représente quasiment le double du déficit prévu en loi de finances initiale. La dette publique devrait, quant à elle, atteindre 80 % en 2011.
M. Philippe Séguin, Premier président de la Cour des comptes, vient de rappeler que la dette publique avait bondi de 20 points lors de la crise de 1993. Il en déduit que la crise que nous subissons actuellement provoquera le même effet.
Décidément, l’actuel Président de la République, qui était en 1993 ministre du budget, aura marqué notre histoire budgétaire : dans les deux cas, la dette publique aura bondi de 20 points. Il n’a pas de chance ; il s’agit de grandes périodes de crise.
La crise actuelle a lieu sur fond de moins-values de recettes fiscales, qu’il s’agisse de la TVA, de l’impôt sur le revenu ou de l’impôt sur les sociétés. Près de 15 milliards d'euros manqueront au budget de l’État et les finances publiques ont tout à craindre des récentes annonces du Président de la République sur une future baisse des impôts. Tout cela nous préoccupe, alors même que, aux États-Unis, le président Obama entend vérifier que les entreprises paient bien leurs impôts à l’État fédéral.
L’emploi et les salariés sont les premières victimes de cette crise. Les manifestations qui ont eu lieu depuis le début de l’année témoignent de la profonde mobilisation et de la vive inquiétude des salariés et de leurs familles, qui sont touchés par la crise et ne peuvent plus envisager l’avenir sans crainte.
La baisse de l’emploi marchand frôlera le million de postes pour l’année 2010. Même si nous nous félicitons que ce chiffre soit moins important que dans d’autres pays, cela représente tout de même à peu près 2 800 chômeurs de plus par jour, sans compter le recours au chômage partiel !
La défense de l’emploi et le refus des licenciements sont au cœur des engagements de tous les hommes politiques. Ils sont également à l’origine de conflits de plus en plus nombreux, qui peuvent dégénérer, tant est forte l’exaspération provoquée par les plans sociaux. Dans la plupart des cas, ceux-ci apparaissent comme le parent pauvre de la politique de l’entreprise, notamment au regard des conditions de départ et des indemnités de licenciement octroyées aux salariés. Les réactions des Français sont d’autant plus vives qu’ils comparent cette situation à la générosité dont font preuve ces mêmes entreprises à l’égard de leurs dirigeants : parachutes dorés, retraites chapeau, multiples bonus, etc.
Il y a un malaise profond et général. Pour l’heure, je m’en tiendrai au secteur économique.
Face à cette situation économique et sociale extrêmement difficile, il est fondamental de mettre en œuvre des mesures en faveur de nos concitoyens et de trouver des ressources financières pour éviter de creuser encore plus le déficit. Tel est l’objet de la question orale de ce matin.
On ne peut donc valider ce qui a été fait depuis 2007. Bien que cela agace nos collègues de la majorité et le Gouvernement, nous avons le droit de considérer calmement et courtoisement que la loi TEPA était une erreur de début de mandat. Les conséquences de cette faute économique sont visibles chaque jour. Perseverare diabolicum !
Tous les Français ne peuvent pas être mobilisés pour faire face à la crise quand l’injustice fiscale est érigée en dogme. Le Président de la République comme le Gouvernement font preuve en la matière non pas, comme j’ai cru l’entendre, de pragmatisme, mais d’un dogmatisme avéré, d’une idéologie néolibérale « à la sauce Thatcher ». Si je me permets d’utiliser cette expression, mes chers collègues, c’est tout simplement afin de rendre mes propos plus facilement compréhensibles par tous.
Comme d’autres collègues, j’ai rappelé que la défiscalisation des heures supplémentaires détériore un peu plus l’emploi dans la situation économique actuelle.
Par ailleurs, nous revenons, certes régulièrement, sur le bouclier fiscal. Mais force est de constater, selon la dernière étude de l’INSEE, que les écarts se creusent entre les revenus des 5 % ou 10 % des Français les plus aisés et ceux des 10 % de nos concitoyens les plus pauvres. Lorsque l’on sait que 14 000 contribuables reçoivent des chèques de 33 000 euros, on comprend qu’il s’agit d’un privilège et que tout le monde ne fait pas le même effort face à la crise.
Le Gouvernement continue de gaspiller ses marges de manœuvre par le maintien, voire l’augmentation d’une politique fiscale injuste. La reprise de la croissance par l’aggravation des déficits est un pari risqué.
Les sénateurs socialistes ont fait des propositions à plusieurs reprises. Certaines d’entre elles ont été considérées comme intéressantes par les membres du Gouvernement présents dans l’hémicycle. Nous avons déposé des amendements. L’un d’entre eux, intitulé « amendement Obama » – il fallait lui donner du lustre – tendait à instaurer une surimposition de solidarité par la création d’une cinquième tranche d’imposition pour les revenus supérieurs à 380 000 euros, part fixe et part variable confondues. Cette somme est loin d’être négligeable !
Nous avions également proposé une taxation à 100 % des rémunérations différées des dirigeants dont la société a bénéficié de l’aide directe de l’État.
Ces quelques exemples attestent de notre volonté de refondre un système sur la base d’une plus grande justice. Nous ne pouvons accepter une société sans garde-fou, dans laquelle la justice sociale n’est ni la priorité, ni un objectif, mais est un obstacle que l’on franchit de plus en plus facilement.
Parallèlement, les citoyens assistent aux annonces répétées d’entreprises qui ont dégagé des profits importants, reversés aux actionnaires sous forme de dividendes. Je précise que nous ne sommes pas hostiles à de tels profits.
À titre d’exemple des plus importantes redistributions de dividendes, relevons l’entreprise Total – je la cite, car elle fait chaque jour de la publicité dans les journaux afin de redorer son image –, qui a reversé 5, 4 milliards d’euros, ou encore GDF-Suez. Certes, pour l’instant, cette société n’a pas encore fait de publicité, mais elle le fera peut-être.
Pour nombre de sociétés, l’année 2008 restera économiquement mauvaise, voire désastreuse. En revanche, le secteur de l’énergie semble épargné. Il est loin de connaître les difficultés économiques que rencontrent aujourd’hui des centaines de petites entreprises installées sur notre territoire.
En 2008, Total a dégagé 14 milliards d’euros de bénéfices, soit une hausse de 14 % par rapport à 2007, tandis que GDF-Suez a réalisé 6, 5 milliards d’euros de bénéfices, soit une augmentation de 13 %. Ces deux entreprises reconnaissent elles-mêmes avoir réalisé, l’année dernière, des bénéfices exceptionnels.
Ce fait est, selon moi, lié aux prix. Ainsi, les importantes hausses du prix du pétrole ont permis à Total d’engranger des bénéfices importants. La hausse des prix du gaz décidée en 2008 a permis à GDF-Suez de dégager des profits, même si c’était pour faciliter la fusion.
L’augmentation de ces bénéfices s’est faite, à n’en pas douter, sur le dos des consommateurs ; personne ne le niera. Ces surprofits sont dus à une politique de prix supportée par les consommateurs pour lesquels la baisse des tarifs du gaz est intervenue, alors que la période de chauffe était terminée.
De son côté, Total annonçait 14 milliards d’euros de bénéfices – ce dont on peut se féliciter – et, en même temps, la suppression de 555 postes. Selon nous, ce n’est pas normal. D’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, l’un de vos collègues s’était lui aussi étonné et avait trouvé assez provocateur l’annonce simultanée de suppressions de postes et de bénéfices importants.
La bonne santé de Total est indéniable. Cette société fait partie des très rares entreprises qui ont systématiquement connu une performance supérieure à l’indice boursier européen de référence pendant près de quatorze ans sur les vingt dernières années. Son bénéfice net progresse. Cette croissance ne s’est pas traduite mécaniquement par des hausses des investissements productifs, compte tenu de la politique de maximisation du retour aux actionnaires que vous connaissez très bien, mes chers collègues.
Cette entreprise a procédé au rachat d’actions pour rester opéable. Ses dirigeants ont largement profité du versement de dividendes. Cette politique a permis aux dividendes de progresser.
On m’a indiqué que le montant du chèque que Total signe tous les ans à l’État français, au titre de l’impôt sur les sociétés, est presque classé confidentiel défense. N’étant plus habilité « secret défense », je me tourne vers vous, monsieur le secrétaire d'État.
L’ancien P-DG du groupe Total, après la catastrophe qui a eu lieu à Toulouse, indiquait que donner le montant des bénéfices de Total en France ou celui de son chèque au Trésor pourrait être mal interprété. Sachez que le holding basé en France affiche un crédit d’impôt de 200 millions d’euros en 2006, succédant à 700 millions d’euros en 2005 !
Même si certains collègues ne veulent pas le reconnaître, admettons qu’à situation exceptionnelle des réponses exceptionnelles s’imposent.
Monsieur le secrétaire d'État, indépendamment de la grande campagne que mène aujourd’hui Total pour se refaire une santé, si vous me permettez cette expression, cette société a octroyé généreusement au fonds d’expérimentation pour les jeunes de votre collègue Martin Hirsch 50 millions d’euros, soit, selon mes calculs, 0, 072 % des bénéfices qu’elle a réalisés en 2008. Même si cette générosité doit être relevée, c’est encore plus le caractère condescendant des relations de cette entreprise avec les pouvoirs publics et le Gouvernement qui pose un problème. On le constate lorsque Mme la ministre de l’économie reçoit le P-DG de Total en l’embrassant. Certes, ce n’est pas José Bové, mais ils ont tous les deux une moustache !
Sourires
Les entreprises du secteur pétrolier polluent. Souvenez-vous de l’épisode de l’Erika, qui a coûté à Total l’équivalent de six jours de bénéfices… Dont acte !
Ces entreprises profitent pleinement de la hausse du baril du brut et ne répercutent pas les baisses à la pompe. Vous êtes d’ailleurs obligé, monsieur le secrétaire d’État, de les rappeler sans cesse à l’ordre.
Ces entreprises licencient. N’est-il pas légitime de considérer qu’une partie des bénéfices exceptionnels qu’elles réalisent doit être redistribuée au profit de l’ensemble des Français, afin de soutenir leur pouvoir d’achat ? Les plus défavorisés sont confrontés à ce problème et n’ont aucune raison d’être deux fois pénalisés.
On pourrait d’ailleurs s’interroger sur la faible participation de ces sociétés aux plans de relance, par comparaison à d’autres entreprises au capital très majoritairement public. Elles n’ont d’ailleurs pas pris part au premier plan de relance d’un montant de 26 milliards d’euros en partie financé par les entreprises publiques. Il a été demandé 2, 5 milliards d’euros à EDF ; la RATP, la SNCF, La Poste ont également été sollicitées. Heureusement que quelques entreprises publiques participent encore aux plans de relance du Gouvernement !
Dans un système économique qui s’affole et qu’il faudra consolider, on ne peut pas, d’un côté, dilapider des milliards d’euros aux frais des contribuables pour venir au secours des milieux bancaires – je répète que c’était indispensable – et, de l’autre, rester sourd aux difficultés grandissantes de milliers de familles.
On ne peut pas s’appuyer encore plus sur des entreprises publiques alors que des entreprises privées aujourd’hui largement bénéficiaires et leurs dirigeants ne sont pas sollicités et responsabilisés.
Je veux maintenant vous citer certains propos tenus par le Président de la République : « Il faut que chacun comprenne que, si l’on demande aux salariés de porter une partie du fardeau dans la crise, il est normal que les mêmes salariés […] bénéficient du fruit de leur travail quand cela va bien ! »
En même temps, quand nous demandons pourquoi ces entreprises ne consentent pas aujourd’hui un effort plutôt que de redistribuer des bénéfices à leurs actionnaires, on nous répond que ce n’est pas possible.
Nous souhaitons donc obtenir de vraies réponses sur ce point. Il est fondamental de mettre fin à de tels phénomènes de confiscation des richesses produites par la collectivité.
Il s’agit non pas d’avoir une meilleure redistribution, car elle existe déjà, mais de mieux répartir.
Pour l’établissement d’un nouvel ordre financier, il faut aussi s’interroger. Qui touche quoi ? N’est-il pas temps de modifier les proportions entre capital et travail ?
Vous avez, comme nous, entendu le Président de la République reprendre la proposition des trois tiers.
Je conclus, monsieur le président.
Quand nous voulons que cette proposition soit mise en application, le Gouvernement la refuse !
Avec mes collègues du groupe socialiste, j’avais déposé, lors de la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2009, deux amendements visant à accroître la justice fiscale.
Le premier tendait à moduler l’impôt sur les sociétés selon le principe du bonus-malus, c’est-à-dire en encourageant celles qui investissent et en pénalisant celles qui ne songent qu’à servir leurs actionnaires. M. Éric Woerth m’avait répondu que cette question méritait un débat approfondi.
Le second visait à créer une contribution exceptionnelle acquittée par les sociétés qui obtiennent des superprofits.
En conclusion, au moment où l’on tente de trouver des solutions, et alors que la présidente du MEDEF, fière de l’annonce de la suppression de la taxe professionnelle, suggère aux collectivités locales de « travailler sur des gains de productivité » pour compenser la perte de ressources – ce que l’on peut appeler faire preuve d’audace ou d’irresponsabilité, selon le point de vue – les grandes entreprises, notamment celles du secteur de l’énergie, doivent prioritairement concourir, dans un contexte de crise, à la solidarité nationale.
Dès lors, monsieur le secrétaire d’État, je vous demande pourquoi vous n’envisagez pas, compte tenu de la situation que j’ai exposée, d’établir de façon temporaire une contribution de solidarité touchant ces grandes entreprises.
Le prélèvement effectué, dont le montant serait débattu au Parlement, puisque c’est son rôle, pourrait permettre d’abonder le fonds stratégique d’investissement, ce que nous approuverions, ou encore de doubler l’enveloppe du fonds d’investissement social, dont le Président de la République a annoncé la création et qui est doté aujourd’hui de 1, 5 milliard d’euros.
La justice et la solidarité sont des éléments clés de l’efficacité économique. Je lance donc ce matin un appel afin que, ensemble, nous fassions bouger les lignes !
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la question que vient de poser François Rebsamen est importante à l’heure où notre pays traverse une crise sans précédent. Il s’agit, certes, d’une crise financière mondiale, mais aussi d’une crise de notre modèle républicain.
Au moment de dresser le bilan des deux premières années du mandat du Président de la République, les tensions dans notre pays sont exacerbées. Le « chacun pour soi » et l’individualisme sont érigés en modèles.
Il est temps aujourd’hui d’apaiser les tensions.
Il est temps de rassembler les Français au lieu de les diviser. Une nation rassemblée saura réagir. Des Français mobilisés sauront se serrer les coudes pour affronter les difficultés.
Il est temps de donner des signes forts en direction des Français, notamment de ceux qui ont l’impression que ce n’est jamais pour eux, de ceux qui se sentent dépossédés du droit à la parole, de ceux qui triment sans recevoir les fruits de leur travail, de ceux qui aimeraient travailler, mais qui n’ont aucune perspective.
Cet hémicycle est le lieu où chaque mot, chaque engagement doit peser. Il faut mettre au cœur de nos débats des mots qui représentent des valeurs que les Français attendent et appellent de leurs vœux.
Ces mots, ces valeurs, justice, solidarité et exemplarité, sont des mots simples et des valeurs sûres que chaque Français peut comprendre.
Oui, il faut redonner espoir.
Oui, il faut que les Français croient à nouveau à l’action publique. Nous devons faire la démonstration que l’action politique peut transformer leur quotidien.
Oui, il est urgent d’introduire plus de justice au sein de notre système, parce que c’est une valeur par laquelle on rend à chacun ce qui lui est dû.
Le sentiment d’injustice est aujourd’hui de plus en plus fort. Il suffit d’entendre ces grévistes qui, séquestrant leurs dirigeants, disent qu’ils ont tout perdu et n’ont donc plus rien à perdre.
Ce qui était acceptable par le passé, parce que des perspectives existaient, est aujourd’hui devenu intolérable. Le seuil de tolérance des Français est atteint.
Quand vous vivez dans un bassin d’emploi et une région sinistrés, quand vous allez, après des années de fidélité à votre entreprise, vous inscrire au chômage, quand les files d’attente au pôle emploi anéantissent tout espoir de retrouver du travail, il est naturel d’en appeler aux pouvoirs publics pour réclamer plus de justice.
Quand en même temps les Français découvrent que certains profits, bonus ou parachutes dorés représentent plusieurs centaines d’années de SMIC, quand un journal titre aujourd’hui : « Le temps des inégalités fait son grand retour », « Hausse des salaires : des cadres gâtés », « Le niveau de vie des riches progresse plus vite que celui des pauvres », comme le révèle l’étude de l’INSEE mentionnée par François Rebsamen, alors il ne faut pas s’étonner de trouver dans la rue des centaines de milliers de gens aux profils différents : salariés craignant pour leur emploi, chômeurs de fraîche date dont l’avenir s’est obscurci et dont les perspectives de retour à l’emploi ont été anéanties, étudiants qui s’interrogent sur la valeur de leurs études et de leur bagage, fonctionnaires qui s’inquiètent de l’avenir du service public où rentabilité et profits ont remplacé devoir et solidarité, et tout simplement citoyens qui ne veulent plus de cette société bloquée reproduisant les injustices et les inégalités sociales et se disant que décidément non seulement l’ascenseur social est bloqué, mais qu’il a aussi tendance à descendre !
C’est notamment ce que disent les jeunes générations qui, dans un sondage récent, dont chacun a pris connaissance, pensent que leurs conditions de vie seront moins bonnes que celles de leurs parents.
Les Français demandent donc une redistribution sociale et un soutien au pouvoir d’achat. Avec plus de justice sociale, il est indispensable qu’il y ait plus de solidarité.
J’évoquerai maintenant la situation que connaissent les collectivités locales. Le désengagement financier de l’État à leur égard se poursuit. Ce sont pourtant elles qui portent également de façon très forte les valeurs de solidarité. Il s’agit bien sûr de solidarité territoriale, mais aussi de solidarité envers les plus démunis.
Je veux prendre, sur ce sujet, deux exemples concernant plus particulièrement le département que j’ai l’honneur de présider, mais qui valent pour l’ensemble des départements. Je ne dispose pas des chiffres consolidés.
Je veux évoquer le fonds d’urgence pour l’habitat et le logement et le revenu minimum d’insertion.
L’utilisation du fonds de solidarité énergie permet d’intervenir spécifiquement pour l’aide au maintien dans leur logement des personnes les plus fragiles : aide aux impayés de loyers et participation au paiement des factures d’eau, d’électricité et de chauffage...
Dans mon département de la Drôme, depuis le mois de janvier, 600 personnes sont concernées chaque mois, contre 300 en 2008. Le nombre de bénéficiaires a donc doublé, ce qui représente plus de 1 million d’euros de dépenses supplémentaires, soit une augmentation de 32 %, à la seule charge du département.
En ce qui concerne la prise en charge du RMI, qui participe évidemment à la solidarité nationale, là encore le constat est le même. Pour les trois premiers mois de 2009, on compte 580 RMIstes supplémentaires, ce qui représentera 3 millions d’euros de plus à la charge du département, absolument non compensés.
Pour ces raisons et pour beaucoup d’autres, le Gouvernement doit donner un signal fort. C’est le sens de cette question, qui vise à demander une plus grande justice sociale et une solidarité nationale accrue.
Permettez-moi de vous livrer cette citation : « Ce système où celui qui est responsable d’un désastre peut partir avec un parachute doré, […] où l’on exige des entreprises des rendements trois ou quatre fois plus élevés que la croissance de l’économie réelle, ce système a creusé les inégalités, il a démoralisé les classes moyennes et alimenté la spéculation sur les marchés […]. L’économie de marché, c’est le marché régulé, le marché mis au service du développement, au service de la société, au service de tous. Ce n’est pas la loi de la jungle, ce n’est pas des profits exorbitants pour quelques-uns et des sacrifices pour tous les autres. »
Sourires sur les travées du groupe socialiste.
M. Didier Guillaume. C’est un discours prononcé non pas par le Premier secrétaire du parti socialiste, mais par le Président de la République, à Toulon, voilà quelques mois.
Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
Sur les points que je viens de citer, je pense que nous pouvons être tous d’accord.
Il est donc temps de passer aux actes et de ne pas se contenter de belles paroles, voire d’incantations qui dépendent du public en face duquel on se trouve !
Il est temps de s’attaquer à certains symboles, afin que la notion d’exemplarité soit remise à l’ordre du jour. Après le temps de l’argent-roi, il faut introduire de la moralité et de l’exemplarité dans notre société.
Il est temps de prendre les mesures qui s’imposent à tous afin que les grands groupes du secteur de l’énergie participent à cette solidarité nationale.
C’est le sens du débat de ce matin, organisé sur l’initiative de notre collègue François Rebsamen et de notre groupe.
Parce que les bénéfices de ces grands groupes se font au détriment des consommateurs, qui sont leurs clients, parce qu’il est immoral de s’enrichir et en même temps de licencier, parce que ces grands groupes en ont les moyens et qu’ils en ont aussi le devoir, parce que cet effort, au lieu d’opposer les entreprises aux citoyens, les en rapprochera, parce qu’il en va de la cohésion de notre société, cette contribution spécifique de solidarité doit marquer le signal fort d’un retour à des valeurs devant refonder notre cohésion nationale. Ces valeurs sont la justice sociale, la solidarité et l’exemplarité.
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il est indéniable que les profits faramineux des grandes entreprises du secteur de l’énergie pourraient être mis à contribution pour créer de l’emploi, augmenter les salaires et diminuer les factures des consommateurs, plutôt qu’à poursuivre les distributions de dividendes à leurs actionnaires et de bonus qui s’ajoutent aux salaires indécents de leurs dirigeants.
Les mouvements sociaux qui se développent au sein d’EDF, de GDF-Suez comme du groupe Total depuis plusieurs semaines mettent en lumière les incohérences et les contradictions, que nous dénonçons depuis des années, de l’application du modèle libéral au secteur de l’énergie.
Les effets pervers de la crise financière et économique, qui pèsent chaque jour plus lourdement sur nos concitoyens, ne sont pas ressentis de la même façon, on le sait, selon que l’on est salarié d’un grand groupe comme Total ou GDF-Suez et de leurs filiales, ou que l’on en est actionnaire !
Les profits du groupe pétrolier Total ont été, je le rappelle, de 14 milliards d’euros en 2008 et ils seront sans doute équivalents en 2009 si l’on extrapole à partir des chiffres du premier trimestre de l’année. Or, ils sont avant tout le résultat de restructurations drastiques dans la plupart des activités qui touchent notamment le raffinage : 200 à 300 suppressions de postes ont été annoncées le 10 mars dernier et, dans la société Hutchinson, filiale du groupe, 6 000 salariés sont au chômage partiel depuis janvier.
De même, chez GDF-Suez, alors que l’assemblée générale des actionnaires du 4 mai dernier décidait d’attribuer 6, 8 milliards d’euros aux détenteurs de parts sociales, alors que le bénéfice net du groupe s’élève pour 2008 à 6, 5 milliards d’euros, les salariés ont manifesté leur colère plus que légitime et rappelé que les négociations salariales, malgré les mouvements de grève qui durent depuis sept semaines, étaient dans l’impasse du fait d’une direction sourde à leurs revendications de justice sociale.
Cette même direction n’a renoncé à une distribution providentielle de stock-options pour les principaux dirigeants qu’à la suite de cette mobilisation des personnels et de leurs représentants.
Le fameux rapport Cotis, commandé au directeur général de l’INSEE le 5 février dernier par le Président de la République, et qui devrait, nous a-t-on dit, donner lieu prochainement à une proposition de loi portée par la majorité parlementaire, montre que les écarts de salaires n’ont fait que croître.
En l’espèce, les plus hauts salaires se sont envolés. La part des salaires dans la valeur ajoutée des entreprises est stable depuis le milieu des années quatre-vingt, ce qui signifie, en clair, plus d’argent pour les actionnaires et toujours moins pour les salariés !
Les entreprises n’investissent plus ni dans le capital humain ni dans l’outil de production, car le dogme de la valeur ajoutée pour l’actionnaire est devenu dominant.
Les grandes entreprises du secteur de l’énergie cotées en bourse, qui nous occupent aujourd’hui, entrent parfaitement dans ce modèle absurde, où l’on verse des dividendes aux actionnaires et où l’on supprime des emplois : « Les dividendes nets représentent 16 % de l’excédent brut d’exploitation des sociétés non financières en 2007, contre seulement 7 % en 1993 », précise ce rapport.
Pour mémoire, le groupe Total bat des records de rentabilité depuis 2005, puisque, comme l’ont déjà souligné certains de nos collègues, ses profits sont passés de 11 milliards d'euros à 14 milliards d’euros au cours des trois dernières années.
Pourtant, les suppressions de postes au sein de ce groupe se comptent par centaines sur la même période – 329 à la raffinerie de Gonfreville en Seine-Maritime, 200 chez Paulstra sur les sites de Vierzon et Chateaudun –, tandis que 6 000 salariés sont placés en chômage partiel à hauteur de dix jours par mois depuis janvier dernier et jusqu’en juillet prochain chez Hutchinson.
Faut-il rappeler que Hutchinson est une filiale à 100 % de Total et que cette entreprise a reversé 115 millions d’euros à sa maison mère en 2008 ? Il apparaît clairement que la construction du profit et l’obsession de la rentabilité financière se font au prix de restructurations drastiques, qui pèsent directement sur les salariés et, plus largement, sur tous les bassins d’emplois.
Pour cette entreprise comme pour tant d’autres, il est plus que jamais urgent de légiférer, comme l’avait réclamé notre groupe en mars dernier à travers une proposition de loi visant à interdire les licenciements boursiers aux entreprises qui distribuent des bénéfices. Et ce n’est malheureusement pas en taxant de façon ponctuelle les résultats financiers de telle ou telle entreprise que nous parviendrons à moraliser le capitalisme et à rendre leur dignité aux salariés !
La taxation des profits des compagnies pétrolières était déjà inscrite dans le projet de loi de finances pour 2001, une disposition d’ailleurs qui a été rapidement supprimée ! Le capitalisme n’est ni moral, ni juste.
En outre, les salariés des petites comme des grandes entreprises, dans tous les secteurs économiques, demandent autre chose qu’un impôt ponctuel ou qu’une contribution exceptionnelle de solidarité : ce qu’ils veulent, c’est que le législateur leur reconnaisse « des droits pour empêcher tout licenciement visant à accroître la rentabilité financière au détriment des intérêts collectifs », comme le soulignait Charles Foulard, coordinateur CGT du groupe Total.
Nous reprendrons son propos à notre compte, et le prolongerons même : il est urgent que les salariés soient mieux représentés dans les enceintes de décisions des entreprises et disposent d’un véritable droit de veto permettant de bloquer les projets de licenciements en cas de bénéfices. À l’appui des revendications des salariés et des organisations syndicales représentatives, c’est à une remise en cause du système que nous appelons.
Pour ce qui est des consommateurs, il est à noter que le système de concurrence libre et non faussée qui a conduit à la recomposition du marché de l’énergie partout en Europe, et surtout en France, n’a pas conduit à une baisse des tarifs pour les usagers : les marchés spéculatifs de matières premières énergétiques fonctionnent parfaitement bien à la hausse, mais les freins à la baisse des prix acquittés par les consommateurs finaux sont toujours de moindre ampleur !
À cet égard, les pratiques commerciales de GDF-Suez, la principale entreprise intermédiaire en matière de fourniture de gaz naturel, ont été largement dénoncées par les associations de consommateurs. Pourtant, les tarifs réglementés sont l’outil qui aurait pu servir au Gouvernement pour faire baisser les prix.
Or, en dépit de la disparition programmée de ces tarifs réglementés dans le cadre de l’Europe libérale, les nouveaux contrats de service public, dont la renégociation est quasiment bouclée pour la période 2009-2013, ne modifieront pas cette situation. Le prix du gaz continuera à ne plus être calculé en fonction des résultats comptables de l’entreprise.
Taxer les profits reviendrait donc, dans ce cadre, à imposer indirectement les consommateurs, ce qui n’est pas satisfaisant. Et les mêmes causes produisant les mêmes effets, il est à craindre que d’autres fournisseurs d’énergie, comme EDF, dont le contrôle public est de moins en moins effectif, ne s’arrangent avec leurs concurrents pour augmenter les prix, dans une logique similaire.
C'est pourquoi la constitution d’un pôle public de l’énergie, que nous réclamons depuis des années, constituerait un substitut à ce système qui détruit l’emploi et brime les consommateurs.
Ce pôle public permettrait de mettre en place un véritable contrôle citoyen sur les ressources et l’approvisionnement, donc sur les prix et les missions de service public qui reviennent aux entreprises de ce secteur.
Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.
Il s’agit, sans conteste, de la crise la plus inquiétante, par sa vitesse de propagation comme par son extension, qu’ait connue le monde depuis la Seconde Guerre mondiale.
Je n’interviendrai pas non plus en défense des choix réalisés par le Gouvernement en réponse à cette crise. Non que je n’en sois pas solidaire, mais je suis convaincu que M. Hervé Novelli pourra nous en exposer les raisons bien mieux que je ne saurais le faire.
Mon propos sera plus limité, néanmoins éclairant, je l’espère, pour notre débat d’aujourd’hui. Je m’exprime au nom du groupe UMP, bien sûr, mais c’est en ma qualité de président du groupe d’études de l’énergie du Sénat que je voudrais vous convaincre, mes chers collègues, que surtaxer les entreprises du secteur de l’énergie serait une bien mauvaise idée.
Certes, l’énergie apparaît comme un secteur relativement épargné par la crise, si l’on s’en tient aux seuls résultats financiers. Comme plusieurs de nos collègues l’ont rappelé, les grandes entreprises qui travaillent dans ce domaine ont annoncé pour l’année 2008 des résultats que nombre d’autres sociétés peuvent leur envier.
Toutefois, il serait erroné de considérer les entreprises énergétiques comme de véritables vaches à lait, dans la trésorerie desquelles on pourrait puiser pour boucher les trous du budget de la France !
Murmures sur les travées du groupe socialiste.
Tout d’abord, une telle mesure poserait un problème de principe.
Lorsque les bénéfices d’une entreprise s’accroissent, il est normal que celle-ci paye davantage d’impôt sur les sociétés et de taxe professionnelle. En revanche, il serait contraire aux principes de stabilité et de prévisibilité de l’impôt de tirer argument de cette situation pour instaurer une contribution exceptionnelle. En d’autres termes, toute taxe dérogatoire et exceptionnelle me paraît suspecte.
Ce genre d’arbitraire fiscal serait de nature à inciter les entreprises qui possèdent une dimension internationale, car ce sont celles que vous visez à travers votre proposition, monsieur Rebsamen, à délocaliser leurs bénéfices dans d’autres pays que la France. Elles peuvent le faire aisément en jouant sur les prix de transfert entre leurs différentes filiales, mais aussi, de manière plus définitive, en privilégiant leurs investissements à l’étranger. J’appelle donc à la plus grande prudence les partisans de la fiscalité d’exception.
Au-delà de cette réserve de principe, une contribution exceptionnelle sur les entreprises du secteur de l’énergie constituerait surtout une grave erreur économique.
Monsieur Rebsamen, dans le texte de votre question orale, vous citez plus particulièrement le montant des résultats réalisés en 2008 par GDF-Suez et par Total, même si vos propositions visent toutes les entreprises de l’énergie. Ces résultats, effectivement impressionnants, s’expliquent en grande partie par l’envolée des cours des hydrocarbures.
Or il ne vous a pas échappé que, sous l’effet de la crise, ces cours se sont aujourd’hui effondrés. Même s’il est encore trop tôt pour l’affirmer, les résultats de ces entreprises seront, de toute évidence, moins flamboyants en 2009.
Plus fondamentalement, au-delà de ces fluctuations temporaires, il faut avoir bien conscience que les entreprises du secteur de l’énergie ont besoin de ressources financières importantes pour faire face à des besoins d’investissements considérables et à long terme.
Dans le texte de votre question, mon cher collègue, vous mentionnez le résultat de certaines entreprises. Pour ma part, je voudrais vous citer d’autres chiffres, …
… qui concernent les investissements réalisés par ces groupes.
Ainsi, en 2008, GDF-Suez a investi 11, 8 milliards d’euros dans le monde, dont 3 milliards en France. Cette même année, Total a investi 12, 4 milliards d’euros dans le monde, dont 1, 7 milliard en France.
Vous savez comme moi que la prospection des hydrocarbures représente un effort constant, dont les coûts marginaux s’accroissent toujours. Dans une perspective stratégique, cet effort doit être soutenu en permanence, indépendamment des fluctuations des cours et des résultats.
Mes chers collègues, ce serait rendre un bien mauvais service à l’économie de notre pays que d’afficher une surtaxation des profits exceptionnels des entreprises du secteur de l’énergie. Je peux vous garantir que les seuls qui s’en réjouiraient seraient, bien sûr, les concurrents étrangers !
En outre, si l’on poursuit votre raisonnement jusqu’à son terme, monsieur François Rebsamen, il faut aussi appliquer cette contribution exceptionnelle de solidarité à EDF, qui a également réalisé un résultat important, soit 4, 3 milliards d’euros, en 2008.
Ce serait logique ; nous ne pouvons nous contenter de surtaxer les concurrents d’EDF ! Or le président-directeur général de cette entreprise, M. Pierre Gadonneix, a fait des déclarations fort intéressantes lorsqu’il est venu devant les membres du groupe d’études de l’énergie la semaine dernière, à l’invitation de M. le président du Sénat. Plusieurs d’entre vous, mes chers collègues, ont d'ailleurs participé à cette rencontre.
À cette occasion, il nous a fait part des besoins d’investissements colossaux de l’entreprise qu’il préside, qui sont nécessaires pour assurer à la fois l’indépendance énergétique de notre pays et le renouvellement du parc électronucléaire de la France.
Ainsi, EDF investira 8 milliards d’euros en 2009, puis au moins 4 milliards d'euros chaque année pendant dix ans. C’est pourquoi, en dépit de ses résultats plus qu’honorables, l’entreprise devrait malheureusement accroître cette année son endettement de quelque 4 milliards d’euros ; elle envisage d'ailleurs de prendre des mesures pour remédier à ce problème.
Dans ce contexte, il ne serait vraiment pas pertinent, me semble-t-il, d’instaurer une contribution exceptionnelle sur les résultats des entreprises du secteur de l’énergie.
Vous auriez pu citer d'ailleurs un autre exemple, mon cher collègue : le président d’Alstom a présenté voilà deux jours les résultats de son groupe, avec un chiffre d’affaires de 18, 7 milliards d'euros et un résultat de 1, 1 milliard d'euros, dans deux métiers que vous connaissez bien, à savoir, d'une part, les transports – TGV, tramways et métros –, et, d'autre part, l’énergie. Toutefois, ses activités dans ce dernier domaine sont encore davantage soumises à la concurrence des pays étrangers. Si vous instaurez une taxe exceptionnelle contre Alstom, vous pénaliserez une entreprise française, l’un des fleurons de l’économie de notre pays !
La capacité d’investissement de toutes ces entreprises garantit leur croissance de demain, mais aussi celle de notre pays.
Mes chers collègues, je n’ai pas besoin de souligner combien l’énergie est vitale pour une économie avancée comme celle de la France. Ce sont des flux d’énergies qui irriguent notre tissu économique national. Même des activités dites immatérielles, comme celles du secteur des nouvelles technologies, en ont besoin pour fonctionner. Et si la hausse de la consommation d’énergie des secteurs industriels marque le pas, celle des ménages continue de croître rapidement, en raison de la diffusion des nouveaux matériels informatiques et électroniques.
C’est pourquoi, à mon avis, ce serait une grave erreur d’instaurer une contribution exceptionnelle de solidarité sur les entreprises de ce secteur.
Cette mesure, loin de constituer une solution miracle pour combler les déficits publics, serait parfaitement contre-productive. En venant réduire la capacité d’investissement des entreprises concernées, une telle surtaxe porterait atteinte à l’un des atouts majeurs de l’économie française.
Je vous rappelle que toutes les entreprises énergétiques françaises contribuent à assurer l’indépendance de notre pays. Il faut qu’elles demeurent en bonne santé financière, pendant la crise que nous traversons, notamment pour être en état de réagir rapidement, lorsque les premiers signes d’un retour de la croissance en France se feront sentir. Elles pourront alors accompagner les autres secteurs de l’économie nationale dans leur développement et participer ainsi à la création d’emplois.
Telles sont, mes chers collègues, les considérations qui me conduisent à me prononcer très nettement, au nom de mon groupe, contre l’idée d’instaurer une contribution exceptionnelle de solidarité sur les entreprises du secteur de l’énergie.
Une telle mesure serait néfaste à tous égards. Elle affaiblirait l’un des secteurs essentiels de l’économie de notre pays.
Certes, il est tout à fait légitime que les entreprises du secteur de l’énergie participent normalement au financement des charges publiques, en acquittant les impôts auxquels elles sont tenues. Toutefois, il n’y a aucune raison de les désigner comme boucs émissaires et de les soumettre à une surtaxation arbitraire et parfaitement contre-productive.
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.
Monsieur le président, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, tous les secteurs de la vie financière et économique sont frappés par la crise.
Pourtant, il existe au moins un secteur qui affiche des bénéfices considérables : celui de la production énergétique. Parmi les plus groupes les significatifs, Total affiche un bénéfice net pour 2008 de près de 14 milliards d’euros, celui de Suez-GDF atteint 6, 5 milliards d’euros et celui d’EDF dépasse les 5 milliards d’euros, tous ces résultats étant en notable augmentation depuis 2007.
Ces chiffres confirment que les entreprises françaises de l’énergie sont parmi les plus performantes du monde : Total est le quatrième groupe pétrolier mondial, EDF le premier groupe de création et d’approvisionnement électrique, Areva est présent dans plus de quarante pays.
La prospérité de ces entreprises nous amène à nous interroger sur une participation exceptionnelle des grandes entreprises énergétiques françaises aux efforts nécessaires pour lutter contre les effets de la crise. On peut certes concevoir que des entreprises affichant des bénéfices toujours plus importants soient mises à contribution. Cependant, nous ne devons pas pour autant les affaiblir dans la très dure compétition internationale.
Conformément à l’article 34 de la Constitution, c’est au Parlement de décider du principe d’une participation financière du secteur énergétique aux efforts nationaux à l’occasion du plan de relance. Le Parlement a adopté l’ensemble des mesures contenues dans ce plan et le projet de loi de finances rectificative pour 2009 : c’est donc à lui de s’exprimer sur le bien-fondé de la création d’une contribution exceptionnelle de solidarité des grandes entreprises du secteur de l’énergie, comme le réclame notre collègue François Rebsamen.
Il existe une alternative : soit une solution contraignante, par l’établissement d’une taxe additionnelle exceptionnelle, soit une solution partenariale, par une incitation fiscale. Les deux visent à obtenir de la part des grands groupes français des contributions significatives afin d’assurer une partie du financement des dernières mesures de lutte anti-crise, en s’appuyant sur le principe de solidarité nationale. Elles pourraient aussi corriger les effets peu adaptés au contexte de crise du « bouclier fiscal ».
Dans la première hypothèse, on pourrait envisager l’établissement par le Parlement d’une taxe additionnelle à l’impôt sur les sociétés, sous réserve que les conditions suivantes soient remplies : qu’elle soit temporaire, avec une assiette la plus large possible et un taux qui ne porte pas atteinte à la gestion et aux investissements des entreprises concernées.
Le rôle de l’État consisterait à affecter le produit de cette taxe.
La France étant déjà le deuxième État le plus imposé de l’Union européenne, …
Absolument !
… il serait très contre-productif d’aggraver la fiscalité des entreprises, qui représentent des centaines de milliers d’emplois : cela pourrait les inciter à délocaliser leur siège social.
Nous avons encore tous à l’esprit que, sous le gouvernement de Lionel Jospin, alors que M. Fabius était ministre de l’économie, des finances et de l’industrie, la holding Renault a été implantée aux Pays-Bas, où la fiscalité était plus clémente.
Eh oui !
Au premier abord, la proposition de François Rebsamen peut sembler séduisante. Pourtant, il est important de bien peser les risques induits de délocalisation des sièges sociaux des entreprises.
Dans le cas où l’État ne détient aucune participation financière, et où il ne peut donc décider de la localisation du siège social, il semble difficile de rivaliser avec des pays beaucoup plus attractifs fiscalement. Je n’ai pas besoin de mentionner les territoires figurant sur la liste des paradis fiscaux dressée lors du dernier G20, ni même ceux qui sont membres à part entière ou associés de l’Union européenne.
Est-il souhaitable que le Parlement ne raisonne qu’en termes de fiscalité de circonstance, alors que la France aurait réellement besoin d’une réforme approfondie et durable de sa fiscalité ?
Il s’agit là d’un enjeu majeur, qui concerne directement l’attractivité de notre pays par rapport à celle de nos partenaires européens. Ne faisons pas fuir les fleurons de notre industrie quand d’autres s’évertuent à maintenir les leurs à l’intérieur de leurs frontières !
On sait que, le plus souvent, la recherche et l’innovation sont liées à la localisation du siège. Or il est indispensable de les encourager dans tous les domaines, en particulier dans le secteur de l’énergie. Une nouvelle forme de taxation pourrait être contraire aux efforts engagés par nos entreprises dans un contexte de compétitivité acharnée entre les grands groupes mondiaux.
Dès lors, il convient d’envisager l’autre branche de l’alternative, qui est celle de l’incitation fiscale ; c’est celle qui a la préférence du groupe RDSE.
Elle reposerait sur le principe d’une libre participation financière des entreprises des grands groupes du secteur énergétique en contrepartie d’avantages fiscaux dans des domaines liés au développement de leurs activités ou d’autres : la recherche et le développement, l’innovation, la participation au capital de start-up ou le mécénat. Cette participation pourrait être directement affectée à des fonds ou à des actions ciblées, comme l’aide au financement de la formation par des stages ou le soutien à des PME sous-traitantes.
On peut aussi envisager que les investissements puissent également être orientés vers les BOT – build operate transfer –, ce qui permettrait un retour sur investissement à caractère structurel rentable, les infrastructures préparant l’avenir.
Le débat reste ouvert. Vu l’urgence de la situation, nous souhaitons qu’avec l’accord du Gouvernement le Sénat soit à même de proposer sans tarder des propositions innovantes et adaptées à la situation de crise, des propositions qui seraient fondées sur trois piliers chers au groupe RDSE : souplesse fiscale, efficacité économique et justice sociale.
Puisque nous sommes en période de guerre économique, je citerai Winston Churchill, qui dirigea son pays dans une guerre autrement redoutable, et qui déclarait : « On considère le chef d’entreprise comme un homme à abattre, ou une vache à traire. Peu voient en lui le cheval qui tire le char. »
Très bien ! et applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, la proposition de loi déposée par le groupe socialiste ne repose ni sur le manichéisme ni sur la démagogie ; elle repose plutôt sur le bon sens et l’équité.
Il n’y a pas, d’un côté de cet hémicycle, des parlementaires qui voudraient sans cesse baisser les impôts et, de l’autre côté, des parlementaires qui seraient des parangons de l’impôt et qui voudraient toujours l’augmenter.
Non, nous sommes pour un impôt juste et équitable.
Monsieur Poniatowski, sur deux points au moins, je suis en désaccord avec vous et j’aurai l’occasion de vous répondre.
Mes chers collègues, peut-on considérer que, depuis 2007, la situation a changé…
… et que les certitudes affichées hier ont débouché sur une autre réalité ?
La loi TEPA était censée, notamment grâce au bouclier fiscal, provoquer un choc, le « choc de la croissance ». Or, loin de relancer notre économie, cette loi a, au contraire, aggravé une situation de crise qui, certes, est née ailleurs, est mondialisée, voire systémique, selon certains membres du Gouvernement, mais qui, en fin de compte, aboutit à une France industrielle et économique à deux vitesses.
Au vu des grands indicateurs, messieurs les secrétaires d’État, chers collègues de la majorité, l’entêtement n’est plus de mise.
Vous dites, monsieur Poniatowski, que les grandes entreprises payent beaucoup d’impôts. Or le plafonnement à 3, 5 % de la valeur ajoutée de la taxe professionnelle des entreprises – M. Didier Guillaume l’a souligné tout à l’heure, s’agissant des départements – a aujourd’hui des conséquences très douloureuses pour les collectivités.
Ainsi, s’agissant de la région Bourgogne, c’est une somme de 20 millions d’euros qui n’est pas perçue par les collectivités, bien qu’elle ait été votée, et qui pourrait être affectée à l’accompagnement du plan de relance, plan auquel le Gouvernement demande à ces mêmes collectivités de participer à 50 %, après avoir par ailleurs bloqué leurs ressources !
Il existe bel et bien un plafonnement qui fait que les grandes entreprises sont aujourd’hui favorisées par rapport aux autres. Les profits des géants du CAC 40 n’ont, jusqu’en 2008, jamais été aussi élevés : 220 millions d’euros par jour pendant cinq ans ! Certes, ils ont un peu baissé depuis, mais ces grands groupes faisaient-ils alors, en matière d’investissements ou de salaires, des efforts à la hauteur de ces profits record ?
En réalité, la prospérité des grandes entreprises, qui peuvent jouer à plein la carte de la mondialisation, n’a pas, sur le reste de l’économie, autant de retombées qu’on pourrait l’espérer.
Monsieur Novelli, pour avoir jadis exercé à peu près les mêmes fonctions que vous, je n’ignore rien des difficultés de votre tâche. Vous et moi le savons, la crise révèle que notre tissu économique de PME est, en comparaison des grands groupes, aujourd’hui à la peine. Or c’est le dynamisme des PME qui est créateur d’emplois nouveaux.
Avant la déflagration boursière, en 2008, le taux de profit des PME, calculé par l’INSEE, était déjà pratiquement au plus bas depuis dix ans.
La France est donc coupée en deux : d’un côté, des entreprises prospères, aux dirigeants surpayés, aux actionnaires choyés et, de l’autre côté, une économie à bout de souffle, où se développent la précarité, les CDD et l’intérim, quand il y en a encore…
Dans une situation exceptionnelle, nécessité fait loi : alors que les déficits explosent – je n’insiste pas ! –, la contribution exceptionnelle, et donc limitée dans le temps, est une solution à envisager.
Pourquoi refuser la possibilité de renforcer l’investissement dans les nouveaux secteurs économiques qui feront l’offre de la France dans la reprise ?
La politique fiscale est une arme anti-crise, incontournable dans le cadre de tout plan de relance. La majorité la refuse et, comme François Rebsamen l’a rappelé tout à l’heure, elle a rejeté nos propositions dans ce sens, qu’elles portent sur la fiscalité des ménages ou sur celle des entreprises. Au reste, cette arme manque aussi aujourd’hui au plan de relance européen. Or c’est la fiscalité qui détermine la capacité des régions à l’investissement et l’emploi.
François Rebsamen et d’autres ont évoqué le cas de Total.
Faut-il le préciser, 13 milliards d’euros de bénéfice, cela ne fait pas 13 milliards d’impôt sur les sociétés qui vont rentrer dans les caisses de l’État, contrairement à ce qu’a prétendu M. Frédéric Lefebvre, porte-parole de l’UMP. Pour lui, le fait qu’une très grande entreprise fasse des bénéfices en période de crise est simplement une bonne nouvelle, et il est vrai que nous ne pouvons que souhaiter voir nos entreprises dégager des bénéfices.
Cependant, le calcul de M. Lefebvre est d’autant plus étrange que Total ne réalise que 5 % de ses profits en France. Nous aimerions d’ailleurs savoir, messieurs les secrétaires d’État, combien le groupe Total verse à l’État français au titre de l’impôt sur les sociétés.
Tout à l’heure, on nous a fait le chantage à la délocalisation : ainsi, lorsque les entreprises font des profits, il ne faudrait surtout pas les mettre à contribution de crainte qu’elles ne partent à l’étranger !
Mais ce sont les consommateurs, notamment les consommateurs français, qui ont payé leurs profits colossaux ! Au moment où les prix de l’essence et du gazole ont augmenté, parfois presque d’un euro par litre, a-t-on reproché au groupe Total de pénaliser les salariés et les ménages ?
Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.
D’ailleurs, le gouvernement britannique n’a-t-il pas décidé de taxer pas les énormes profits tirés du gaz de la mer du Nord ? Et il l’a fait sans craindre une délocalisation de siège social !
D’un point de vue économique, les revenus de Total et, de façon générale, ceux des compagnies pétrolières et énergétiques, sont une rente « ricardienne » – du nom de l’économiste David Ricardo –, c’est-à-dire qu’ils proviennent simplement de la détention par l’entreprise de l’accès exclusif à une ressource non reproductible. C’est une rente pure : à partir d’un baril de pétrole à 15 dollars, l’entreprise a rémunéré ses facteurs de production. Au-dessus, tout n’est que profit.
Dans un secteur d’activité classique, cette situation de rente peut être empêchée par la concurrence. Cependant, les ressources pétrolières sont déjà limitées et contrôlées, notamment par des États : il n’y a donc pas de nouveaux acteurs possibles, pas de concurrence, et les profits sont élevés. C’est aussi pourquoi, dans ce secteur d’activité, les opportunités d’investissement sont finalement aussi limitées.
Ce serait donc un mécanisme tout à fait sain que de permettre la restitution de ces capitaux pour qu’ils soient investis dans des secteurs où ils seraient plus productifs.
Je souhaiterais d’ailleurs qu’aujourd’hui nous nous prononcions en faveur du lancement d’un véritable plan pour l’innovation. J’ai compris la volonté du Gouvernement de développer l’innovation. Toutes nos entreprises, au premier rang desquelles les entreprises environnementales, notamment celles qui œuvrent dans les secteurs des nouvelles technologies, en ont besoin.
Eh bien, le produit de cette taxe pourrait être utilisé en faveur des ménages, bien sûr, mais aussi en faveur de la recherche, de l’innovation dans les secteurs d’avenir, qui sont aujourd'hui dramatiquement délaissés, d’autant que les grands groupes, en reportant la production sur un éventail de sous-traitants toujours plus nombreux, toujours plus contraints en termes de marge, ont contribué à la diminution du taux de profit des PME.
La question qui est posée est donc une question de justice et d’efficacité.
Messieurs les secrétaires d’État, je vais vous faire une confidence : nous proposons de créer une taxe ; vous pourrez dire partout que c’est à nous qu’en incombe la responsabilité : nous sommes prêts à l’assumer !
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.
Monsieur le président, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, j’ai écouté attentivement l’intervention de M. François Rebsamen et, surtout, lu avec soin le texte la proposition de loi visant à créer une contribution exceptionnelle de solidarité sur les grosses entreprises de l’énergie.
Ne confondons pas les objectifs et les moyens, mais revenons-en aux bases !
L’énergie est tout simplement l’unité de transformation du monde et, aujourd’hui, environ 35 % de cette unité de transformation provient du pétrole, dont le prix détermine celui des autres énergies.
Il est vrai qu’il est indécent de continuer à consommer sans compter cette énergie que la Terre a mis des millions d’années à accumuler et de lui faire traverser les océans ou les continents.
Si ce sont les profits de Total qui vous dérangent, chers collègues de gauche, il faut plutôt inciter ou aider les gens à changer de comportement. On ne consomme pas de l’énergie fossile par plaisir : si l’on pouvait faire autrement, on le ferait !
Pour cela, encore faut-il ne pas pénaliser les entreprises en mutation…
Premièrement, monsieur Rebsamen, votre constat est partial.
Que signifie un « superprofit », sinon un « profit conjoncturel » ? À stigmatiser des entreprises comme Total, vous faites peser sur l’ensemble d’un secteur le poids de vos préjugés.
Certes, des sociétés du secteur de l’énergie ont dégagé des profits en 2008 : 13 milliards d’euros pour Total ; 6, 5 milliards d’euros pour GDF Suez. Mais pourquoi n’avez-vous pas aussi mentionné EDF, Areva, Poweo ? Que dites-vous des autres sociétés du secteur ? Altergaz et Sebdo ont tout juste été bénéficiaires en 2008 ; Vergnet a affiché une perte de 5, 9 millions d’euros. Ces sociétés, même si elles se consacrent respectivement à la fourniture de gaz naturel, à la production d’énergie solaire ou à celle d’énergie éolienne, mériteraient tout autant votre attention, monsieur Rebsamen...
Les grandes entreprises du secteur de l’énergie sont très différentes les unes des autres et ne méritent pas toutes l’honneur de faire l’objet de vos « bons soins ». Si diverses soient-elles, elles sont néanmoins confrontées à des problèmes semblables.
Le secteur de l’énergie est marqué par la forte fluctuation des cours des matières premières. Par exemple, le prix du baril de pétrole est passé de 146 à 35 euros en quelques semaines. L’enjeu, pour ces entreprises, est de pouvoir investir, donc emprunter à long terme, en assurant une certaine stabilité des prix aux consommateurs finaux. De fait, les marges dépendent essentiellement des coûts d’approvisionnement, lesquels sont aléatoires.
Une taxe franco-française aurait-elle un sens dès lors que les multinationales réalisent l’essentiel de leurs bénéfices dans les activités de production localisées à l’étranger ?
En France, en revanche, les entreprises de l’énergie sont essentiellement présentes dans les activités de distribution et, pour certaines, dans la production d’énergies alternatives. Prenons l’exemple du département que vous et moi, monsieur Rebsamen, connaissons le mieux : en Côte-d’Or, le secteur de l’énergie représente plus de 300 entreprises et 4 000 emplois. Ce secteur est donc, par sa diversité, loin des clichés que vous énoncez !
Créer une taxe sur les seules entreprises françaises ferait augmenter les coûts de la distribution de l’énergie, ainsi que les coûts de production des énergies alternatives. Est-ce bien raisonnable ?
Deuxièmement, créer une nouvelle taxe reviendrait avant tout à envoyer un mauvais signal au consommateur, c'est-à-dire au payeur final. Cela signifie que vous ne pouvez pas appeler simultanément à une baisse du prix de l’énergie et à la création d’une nouvelle taxe.
J’ai conscience que les consommateurs ont généralement le sentiment d’être perdants.
Mais, si l’on suit votre proposition, ils le seront effectivement !
Vous ne pouvez ignorer que la hausse des taxes et des impositions que vous voulez créer sera in fine supportée par les petits revenus. En effet, toute hausse des taxes sera directement répercutée sur les prix de revient des entreprises et, de facto, sur les consommateurs.
Les plus faibles d’entre nous sont contraints de se chauffer au fioul. Malgré les aides, ils ne peuvent pas changer de moyen de chauffage et envisager l’achat d’une chaudière à condensation, à bois ou de panneaux solaires.
En toute honnêteté, il n’appartient pas aux élus de la nation de prendre une quelconque part de responsabilité dans une hausse du prix de l’énergie, notamment si l’on considère que jusqu’à 50 % du prix de l’essence correspond déjà à un prélèvement de l’État.
Certains de nos villages souffrent suffisamment de l’éloignement pour que nous ne songions pas à leur faire supporter une nouvelle hausse du prix de l’essence ! Les personnes âgées de nos villages souffrent suffisamment du froid pour qu’on leur épargne une nouvelle hausse du prix du fioul !
Nos aînés continuent à s’approvisionner en fioul par 500 litres, leur trésorerie ne leur permettant pas de remplir totalement leur cuve d’un seul coup.
Il convient de ne jamais oublier que le consommateur et le citoyen sont une seule et même personne !
II semble plus responsable de prendre des mesures en faveur des consommateurs plutôt que des mesures contre les entreprises. En ce sens, il est préférable de retenir des dispositions ciblant le consommateur : crédit d’impôt pour l’isolation des logements ou l’adaptation des systèmes de chauffage, prime à la cuve, etc. C’est cela qui va dans le bon sens.
Il reste qu’il faut aller plus loin et rendre ces dispositions accessibles aux plus démunis. Vous avez ainsi décidé, monsieur le secrétaire d’État, de doubler la prime à la cuve, la faisant passer de 75 à 150 euros, pour alléger la facture des ménages.
De plus, aujourd’hui, les consommateurs bénéficient en France de prix à la pompe plus faibles que dans le reste de l’Europe.
C’est le résultat des efforts du Gouvernement.
Troisièmement, la création d’une contribution sur les grandes entreprises représente aussi un mauvais signal adressé à tous les acteurs du marché de l’énergie.
Pour stabiliser les prix, susciter l’investissement et la concurrence, une certaine sécurité fiscale est nécessaire. On ne peut pas se résoudre à créer autant de taxes que vous avez de désirs, chers collègues de l’opposition !
En France, nombreux sont les entrepreneurs qui s’engagent dans la production d’énergie durable : le bois énergie, les éoliennes ou encore les carburants verts. Les projets essaiment dans tous les territoires et, rapidement, nous allons voir émerger dans ce secteur des entreprises qui réaliseront plus de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires.
L’État doit donc garantir une sécurité fiscale optimale, favorable à l’investissement.
Par ailleurs, il appartient à l’État d’orienter ces investissements.
Plutôt que de condamner le secteur de l’énergie, nous devons nous le réapproprier, par exemple en élargissant les conditions d’éligibilité au crédit d’impôt recherche.
Refusez-vous, chers collègues, d’accompagner ces changements décisifs pour les générations à venir ? Ne voyez-vous pas quel est le sens de l’histoire ?
Dans nos territoires, la production d’électricité d’origine thermique, à base de paille ou de bois, est une réelle voie de progrès. Je vous rappellerai qu’elle représente un large vivier d’emplois potentiels, durablement attachés à nos territoires, au sein d’établissements qui, dans certaines communes, représentent parfois la seule source de taxe professionnelle et d’emplois.
Ces nouvelles sources de production permettront de relocaliser l’économie dans nos territoires et d’éviter les mouvements pendulaires entre les villes et les campagnes.
Vous évoquez la « création d’une contribution sociale »... Soit ! Mais, si nous sommes si dépendants de la conjoncture actuelle, c’est parce que, pendant trop longtemps, le pays a fait preuve d’une trop grande frilosité dans l’orientation des investissements vers des métiers d’avenir.
Le vrai problème en France, en Bourgogne, à Dijon, ce n’est pas le fait que des entreprises puissent prospérer ! C’est la gestion calamiteuse de l’argent public et l’impérieuse nécessité, pour les collectivités, de trouver de nouvelles sources de financement et de sortir d’une gestion à court terme.
Alors que nous vivons de profondes mutations dans nos comportements, en termes tant de production que de consommation d’énergie, vous proposez de créer de nouvelles taxes avec cette fiscalité d’exception. Au contraire, il importe de faire des propositions plus proches de ce que vivent les Français !
Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, messieurs les secrétaires d’État, chaque parlementaire, chaque élu de notre pays est actuellement directement confronté à la triste réalité de la crise sociale qui frappe les Françaises et les Français.
Dans ses permanences, au cours de ses visites de terrain, il mesure la gravité de cette crise à l’aune de la multiplication des demandes d’intervention auprès des services sociaux, demandes émanant la plupart du temps de salariés et liées à une impossibilité de payer le loyer, la cantine des enfants, les factures d’eau ou d’électricité. Et je ne parle même pas du nombre croissant de bons d’alimentation distribués par les mairies…
Dans cette situation, le gouvernement auquel vous appartenez, messieurs les secrétaires d’État, a une responsabilité, celle de faire tout ce qui est en son pouvoir pour préserver la cohésion de la société française, en évitant à des centaines de milliers de ménages de connaître encore plus de précarité et de détresse.
C’est d’ailleurs tout le sens de l’appel que le président de l’Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, a lancé aux gouvernements de la zone euro, lundi dernier, en pronostiquant « une crise sociale » en Europe du fait de la forte hausse attendue du chômage. M. Juncker a ainsi affirmé : « Tous les efforts doivent être orientés vers l’encadrement social et économique de cette situation. » Il a invité les gouvernements à amortir le choc pour les salariés appelés à perdre leur emploi et les chefs d’entreprise à éviter « les licenciements massifs et prématurés » en faisant preuve « de responsabilité sociale ».
C’est aussi, depuis plusieurs semaines déjà, tout le sens des politiques des collectivités locales dirigées par la gauche. Malgré le désengagement financier de l’État et la paupérisation organisée des services publics, celles-ci déploient des moyens exceptionnels en faveur de l’économie et de l’emploi de leurs territoires.
Ainsi, un conseil général aux moyens limités comme celui de l’Ardèche mobilise 106 millions d’euros, alors que celui des Bouches-du-Rhône en réunit 1 milliard. Ainsi, la Ville de Paris apporte sa garantie à 57 millions d’euros de crédits réservés aux PME, tandis que le conseil régional de Poitou-Charentes a voté, il y a seulement quelques jours, l’entrée de la région au capital d’Heuliez, à hauteur de 5 millions d’euros.
Or, dans le même temps, qu’observent les 50 000 nouveaux chômeurs qui s’inscrivent chaque mois à Pôle emploi, dans les conditions déplorables dues à la restructuration du service public de l’emploi engagée par le Gouvernement ?
Ils voient Dexia, sauvé de la faillite par les gouvernements belge et français au prix de 6, 4 milliards d’euros de crédits publics, distribuer au même moment 8 millions d’euros de primes à ses cadres dirigeants français.
Ils voient les banques, aux bilans plombés par leurs engagements dans des produits financiers complexes, demander à l’Autorité des marchés financiers d’agréer de nouveaux produits de ce type, qui n’ont pas de raison d’être moins toxiques que leurs prédécesseurs.
Ils voient la pression accrue que les directions des grandes entreprises font subir aux salariés pour diminuer toujours plus les coûts et accroître toujours plus les rendements.
Ils voient les multinationales du CAC 40 rendre publics des résultats en baisse – une décroissance globale de 42 % entre 2007 et 2008 – et gratifier simultanément leurs actionnaires de dividendes au moins aussi élevés que l’année passée. Ainsi, les sociétés cotées au CAC 40 ont distribué, au titre de l’exercice 2008, près des deux tiers, 64 %, de leurs bénéfices nets en dividende, soit 37, 5 milliards d’euros.
Ce choix des grands groupes en faveur de la rémunération du capital s’inscrit parfaitement, malgré une récession économique historique, dans l’orientation prise par les entreprises depuis le début des années 1990 en défaveur de leur capacité propre d’investir et, donc, de développer leur activité.
Jean-Philippe Cotis, le directeur général de l’INSEE, missionné par le Président de la République pour étudier l’évolution du partage de la valeur ajoutée au cours des dernières années, montre dans son rapport que « les dividendes nets représentent 16 % de l’excédent brut d’exploitation des sociétés non financières en 2007, contre seulement 7 % en 1993 ».
Qui plus est, cette explosion des profits financiers au détriment de l’investissement dans le capital productif s’est accompagnée d’une dérive exponentielle des plus hautes rémunérations, celles qui dépassent 200 000 euros annuels, dont la part dans la masse salariale n’a cessé de progresser au cours des dix dernières années.
Dans ce contexte, la question que François Rebsamen pose au nom du groupe socialiste est de celles que se posent tous les jours beaucoup de nos concitoyens, qu’ils soient artisans ou patrons de PME réduits au dépôt de bilan à cause de banques ayant coupé le « robinet du crédit » ou qu’ils soient salariés menacés par le chômage et la précarité.
Votre réponse, monsieur Novelli, est donc attendue bien au-delà de nos travées.
Elle est notamment attendue par les centaines de salariés de Total, victimes de la restructuration des activités de pétrochimie et de raffinage en France, que le quatrième groupe pétrolier mondial a eu l’indécence de rendre publique concomitamment à l’annonce d’un résultat net au titre de l’exercice 2008 constituant le plus important bénéfice jamais réalisé par une entreprise française en valeur, soit 13, 92 milliards d’euros.
Que la France dispose, dans un secteur aussi stratégique que l’énergie, d’un incontestable leader mondial, tout le monde s’en félicitera. Que l’activité de cette entreprise soit très profitable, personne ne s’en plaindra. Mais que cette rentabilité, qui est largement le fruit du travail et des efforts de productivité des milliers de salariés de Total, enrichisse principalement les actionnaires, là, il y a un problème !
En effet, ce n’est pas le niveau en soi du bénéfice réalisé par le groupe pétrolier français qui pose problème, c’est la manière dont ses dirigeants ont décidé de le répartir : en distribuant un dividende total de 5, 4 milliards d’euros, Total s’installe résolument comme le « champion des dividendes » du CAC 40, pour reprendre les termes d’un hebdomadaire financier.
Ces 5, 4 milliards d’euros sont à comparer aux 109 millions d’euros versés aux employés au titre de l’épargne salariale et aux 50 millions d’euros que le groupe pétrolier a généreusement proposé d’affecter au Fonds d’investissement des expérimentations pour les jeunes.
Les dirigeants de Total se donnent ainsi bonne conscience à peu de frais, et Laurent Wauquiez, secrétaire d’État chargé de l’emploi, peut faire semblant de ne pas avoir crié au scandale en vain !
Quant aux jeunes, auxquels le plan de Martin Hirsch n’offre que quelques centaines de contrats aidés, précaires et sous-qualifiés, quant aux salariés des sites de Total touchés par les 555 suppressions de postes prévues, quant à ceux des sous-traitants et des fournisseurs des activités concernées du géant pétrolier, ils n’ont qu’à ravaler, en silence, leur sentiment d’humiliation !
Pour éviter que ce silence ne se transforme en révolte, il faut que ce gouvernement et sa majorité renoncent à leur désastreuse politique fiscale, qui est une politique de classe.
Alors que des responsables politiques de droite du niveau d’Alain Juppé préconisent de suspendre temporairement l’application du bouclier fiscal, il est révoltant de lire, comme tout récemment, dans un grand quotidien, que, selon le secrétaire général de l’UMP, « augmenter les impôts serait une absurdité ».
Messieurs les secrétaires d’État, chers collègues de la majorité, sur la loi TEPA, allez-vous rester enfermés dans votre prison doctrinaire ?
Ôtez donc vos œillères ! Quand finirez-vous par entendre la société française appeler, quasiment d’une seule voix, à moins d’inégalités et à plus de solidarité ?
Si le président Sarkozy veut sortir de la posture du volontarisme virtuel pour agir réellement en faveur de l’intérêt général, il lui reste à prendre des mesures courageuses et déterminées en ce sens, comme celles qui consisteraient à soumettre les bénéfices commerciaux aux cotisations sociales ou à conditionner véritablement le bénéfice des aides publiques à des objectifs en termes d’investissement productif et de création d’emplois.
En 1777, Condorcet écrivait : « Si l’on me demandait quelle est la première règle de la politique ? C’est d’être juste. Quelle est la seconde ? C’est d’être juste. Et la troisième ? C’est encore d’être juste. »
En cette période de crise, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, le Gouvernement de la République devrait faire de cette maxime un impératif catégorique.
Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
M. Ladislas Poniatowski. Nous faire traiter de doctrinaires par M. Assouline, cela ne manque pas de sel !
M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement s’esclaffe.
La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du commerce, de l’artisanat, des petites et moyennes entreprises, du tourisme et des services.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à saluer les diverses interventions qui ont eu lieu tout au long de cette matinée. Quelle que soit la sensibilité politique de leurs auteurs, elles ont toutes été intéressantes, et le Gouvernement partage un certain nombre des réflexions formulées. Pour autant, bien sûr – ce n’est pas un scoop ! –, il ne souscrit pas aux conclusions qu’en tire M. Rebsamen.
Je voudrais commencer par évoquer ce qui peut nous rassembler, avant d’aborder ce qui nous divise.
Premier constat : personne, à quelques rares exceptions près, ne fait porter à ce gouvernement la responsabilité de la crise financière actuelle. C’est déjà très bon signe si chacun considère que cette dernière, qui a frappé l’ensemble du monde et qui se traduit par un ralentissement économique sans précédent, s’impose à nous et nous contraint à prendre un certain nombre de mesures. Du reste, beaucoup de gouvernements, d’orientations politiques diverses, en ont adopté de semblables.
Second constat partagé : mieux vaut que les entreprises, les grandes comme les petites, fassent des bénéfices.
J’apprécie donc particulièrement cette prise en compte de la réalité tant par M. Rebsamen que par MM. Patriat et Assouline.
En effet, lorsque les entreprises françaises, comme d’autres, sont frappées par la crise et qu’elles enregistrent des pertes, lorsque leur situation les conduit à des restructurations ou, pis encore, à la cessation d’activité, ce sont d’abord nos territoires, puis l’ensemble du pays qui sont affectés. Cela démontre, a contrario, à quel point nous avons besoin d’entreprises florissantes et puissantes.
Je veux dire ici combien nous devons tirer une légitime fierté des activités de nos entreprises, en particulier celles du secteur énergétique : EDF, GDF Suez, Total, mais aussi Areva et Alstom, en remportant des contrats importants à l’exportation et en affichant leurs ambitions en termes d’internationalisation, sont ainsi en mesure de soutenir favorablement la comparaison avec les grandes entreprises étrangères. Il est pour le moins réjouissant de constater la relative bonne santé de ces entreprises françaises.
Cela étant, mesdames, messieurs les sénateurs de gauche, nombre d’éléments nous opposent.
Premier motif de division, le fait que vous pointiez du doigt les bénéfices spectaculaires réalisés en 2008. C’est une réalité que nul ne peut nier. Cependant, vous avez omis de donner les chiffres d’évolution du résultat des grandes compagnies pétrolières pour le premier trimestre 2009, parus mardi dernier, qui devraient tous nous interpeller : Total affiche ainsi un bénéfice en baisse de 44 % par rapport au premier trimestre 2008.
Au vu de l’importance du bénéfice obtenu l’an dernier, cela doit tout de même représenter un montant non négligeable !
Une diminution de près de 50 % n’a tout de même pas de quoi porter à l’optimisme ! Il faut prendre en compte l’ensemble des chiffres, et non pas retenir uniquement ceux qui vous arrangent !
Dès lors, est-il bien judicieux d’envisager de taxer – fût-ce à titre exceptionnel, comme on nous le dit – les profits réalisés, au moment où l’entreprise emblématique qu’est Total, citée à de nombreuses reprises ce matin, a vu son bénéfice diminuer de près de moitié sur les trois premiers mois de l’année ?
Le deuxième motif de division entre nous tient à l’analyse que vous faites de la genèse de ces profits, lesquels, selon vous, sont largement liés aux prix supportés par les consommateurs.
Comme l’ont relevé MM. Poniatowski et Houpert, les prix de l’électricité sont, en France, inférieurs de 20 % à ce qu’ils sont dans les autres pays européens, …
…et ceux du gaz, de 10 %. Cela montre bien que la politique de prix menée dans ce secteur ne pèse pas plus sur les consommateurs français que sur les autres.
En outre, je tiens à rappeler que la hausse des tarifs de l’électricité en 2008 a été, pour les particuliers, inférieure à l’inflation : 2 % contre 3, 6 %.
Quant aux évolutions du prix du gaz naturel distribué par GDF Suez, celles-ci sont dues, vous le savez bien, à l’application d’une formule tarifaire qui a été validée par la Commission de régulation de l’énergie, laquelle la présente d’ailleurs sur son site en toute transparence. Par les hausses qu’il a décidées en 2008, le Gouvernement n’a fait que répercuter strictement l’augmentation des coûts d’approvisionnement en gaz supportée par l’entreprise.
Monsieur Rebsamen, à vous entendre, le Gouvernement aurait négligé d’appliquer cette formule, alors que cela aurait pu permettre de faire baisser le prix du gaz durant l’hiver dernier. Toutefois, si nous avons choisi de geler les tarifs au cours de cette période, c’est justement parce que, s’agissant d’une formule « à déclenchement lent », nous aurions été contraints, en l’appliquant, d’augmenter les tarifs pour l’hiver. Nous avons donc préféré un gel des prix, en répercutant, dès que cela a été possible, la baisse du prix du pétrole. Les tarifs du gaz ont ainsi baissé de 11, 3 % au 1er avril 2009.
Contrairement à ce que vous dites, ce n’est pas parce que notre stratégie a échoué que nous organisons régulièrement, à Bercy, des réunions avec les compagnies pétrolières. Ces rencontres hebdomadaires n’ont d’autre but que de faire le point, et force est de constater que les engagements qu’elles ont pris, c’est-à-dire lisser les hausses et répercuter immédiatement les baisses, ont été respectés.
Troisième motif de désaccord entre nous, vous semblez oublier que les bénéfices de GDF Suez et de Total proviennent, pour l’essentiel, de leurs activités hors de France. Il s’agit pourtant d’un point très important : la vente de gaz aux particuliers français représente moins de 20 % du chiffre d’affaires de GDF Suez ; pour Total, le marché français ne contribue que pour moins de 5 % à son résultat net.
Sans vouloir offenser quiconque, j’estime tout de même qu’il est un peu « léger » de prétendre que de tels bénéfices tirent leur origine de l’activité de ces sociétés en France, alors qu’ils sont réalisés au niveau mondial.
Par ailleurs, vous soutenez que ce sont les plus faibles et les plus fragiles qui supportent le plus difficilement la situation économique.
Mais c’est l’évidence même ! Malgré tout, le Gouvernement a su réagir, et je tiens à le souligner, car cela n’a été évoqué qu’à de rares reprises, et encore de manière peu explicite.
Nous avons élargi les critères d’éligibilité au tarif social de l’électricité. Depuis le mois d’août dernier, le nombre de foyers éligibles a quasiment doublé, passant de 1, 1 million à 2 millions, ce qui n’est tout de même pas négligeable. À cette même date, nous avons créé le tarif social du gaz en faveur de ces mêmes foyers. Il s’agit d’une réduction forfaitaire, pouvant atteindre 120 euros, qui est financée par un prélèvement sur le fournisseur de gaz.
En ce qui concerne la prime à la cuve, que nous avons créée, je voudrais rappeler les chiffres exacts : celle-ci est passée de 150 euros pour l’hiver 2007-2008 à 200 euros pour l’hiver 2008-2009, et ce sont près de 830 000 foyers qui en bénéficient.
J’en viens maintenant à la situation de Total, entreprise dont, je le rappelle, nous pouvons être fiers, et à ses investissements en France.
Au prix de raccourcis faciles, certains ont un peu rapidement évoqué des licenciements. Je ne peux pas laisser proférer de tels propos. Certes, 555 postes ont bien été supprimés, mais sans aucun licenciement. En parallèle, le groupe pétrolier investit un milliard d’euros en vue d’adapter son outil industriel au marché. D’un côté, il réduit la production d’essence ; de l’autre, il augmente celle du gazole.
En outre, Total a fait le choix, ô combien important, d’investir également dans l’industrie de l’énergie solaire photovoltaïque, dont M. Houpert a souligné tout l’intérêt.
Par ailleurs, plus de 10 % des investissements du groupe sont effectués en France, alors que, je le répète, celui-ci y réalise moins de 5 % de son résultat. Telle est la réalité !
Vous avez quelque peu ironisé sur l’engagement de Total au côté de Martin Hirsch, mais cet engagement représente tout de même une enveloppe spécifique de 50 millions d’euros sur cinq ans pour soutenir l’emploi des jeunes et il ne mérite pas qu’on l’accueille avec une telle désinvolture. Je rappelle que cette mesure prise par Total n’était ni obligatoire ni même stipulée.
Certains ont dénoncé la faible contribution des grandes entreprises du secteur de l’énergie au plan de relance. Or EDF a investi 2, 5 milliards d’euros et GDF Suez 200 millions d’euros. Quant au groupe Total, il contribue au plan de relance par ses investissements en France à hauteur de 1, 5 milliard d’euros en 2009.
Je tiens également à citer une action quelque peu méconnue que mène, de façon exemplaire, le groupe Total : l’accompagnement des PME à l’exportation. Je peux vous dire, pour en avoir rencontré un certain nombre des dirigeants de PME concernés, qu’ils sont loin de juger négligeable l’action de Total, car elle a contribué à leur croissance à l’international.
J’en viens à la question de la taxation des profits des entreprises, que M. Rebsamen, qui croit en la bonté de la nature humaine, qualifie de « contribution exceptionnelle ».
Dois-je vous rappeler, monsieur le sénateur, que la vignette automobile avait également été créée à titre temporaire en 1951 et qu’elle n’a été supprimée qu’en 2001 ? Il y a des mesures temporaires qui durent !
M. David Assouline. Il suffisait d’attendre que les socialistes arrivent au pouvoir !
Sourires sur les travées du groupe socialiste.
Moi, je ne partage pas la fièvre fiscale qui vous atteint. Méfiez-vous : la fièvre fiscale, tout comme d’autres fièvres, peut être très dangereuse !
Vous n’ignorez probablement pas que les bénéfices des grandes entreprises du secteur de l’énergie, en France, sont soumis à l’impôt dans les mêmes conditions que ceux des autres entreprises. Ils sont ainsi taxés au titre de l’impôt sur les sociétés au taux de 33, 33 %, à quoi s’ajoute une contribution sociale de 3, 3 %, ce qui fait un taux effectif d’imposition de 34, 43 %. Et laissez-moi vous dire que ce taux d’imposition ne place pas la France en position favorable par rapport à nos partenaires européens ! On sait les problèmes que peut entraîner une taxation trop importante…
Je vous rappelle que les résultats annoncés par les grandes entreprises françaises du secteur de l’énergie concernent leurs bénéfices comptables mondiaux consolidés, et non les bénéfices imposables en France, c'est-à-dire ceux qui sont réalisés uniquement sur notre territoire. En cas d’option pour le régime consolidé, il faut déduire des bénéfices mondiaux les impôts déjà réglés par les entreprises dans les pays étrangers. Ainsi, la majeure partie des bénéfices dégagés par les deux sociétés que vous avez évoquées, Total et GDF, ne sont pas susceptibles d’être imposés en France, car ils ont été réalisés principalement à l’étranger.
De surcroît, les opérations d’exploration-production sont déjà lourdement taxées dans les pays producteurs de pétrole et de gaz. La Russie, par exemple, taxe ces opérations à un taux supérieur à 50 %. Voilà la réalité !
Je précise enfin qu’en tant qu’actionnaire de GDF Suez à hauteur de 35 % l’État perçoit déjà sous forme de dividendes une partie des bénéfices de ce groupe, y compris de ceux réalisés à l’étranger. Ainsi, en 2008, les dividendes versés par GDF Suez à l’État se sont élevés à 1, 7 milliard d’euros.
Au cours de ce débat, certains sénateurs de gauche ont évoqué l’« envol des inégalités ». J’ai eu la curiosité d’examiner de près l’étude de l’INSEE à laquelle les uns et les autres ont fait allusion : ni l’étude de l’INSEE ni le rapport Cotis ne font mention d’un tel « envol » !
Je cite, au mot près, les conclusions de l’étude de l’INSEE, qui, je le rappelle, portait sur l’année 2007 : « Le rapport entre les 10 % de salariés les mieux payés et les 10 % les moins bien rémunérés est resté stable en 2007, comme les quatre dernières années ». Cela signifie que, si nous mettons entre parenthèses la crise actuelle, ce rapport est resté inchangé.
Les résultats de l’étude, qui sont publiés aujourd’hui, vont dans le sens des conclusions du rapport Cotis sur les écarts de rémunération : entre 1996 et 2006, les rémunérations des salariés les mieux payés ont certes crû un peu plus vite, mais, au total, l’écart ne s’est creusé que de 2, 5 % : c’est donc un envol bien modeste dont bénéficient les 0, 1 % de salariés les mieux rémunérés !
Je tiens à conclure mon propos en remerciant plus particulièrement M. Ladislas Poniatowski de sa brillante intervention, à rebours de la frénésie fiscale qui paraît s’être emparée de certains. Il a en effet démontré de façon lumineuse le caractère inopportun de cette taxation des entreprises du secteur de l’énergie.
M. Ladislas Poniatowski. N’en faites pas trop, monsieur le secrétaire d’État !
Sourires.
Nous sommes déjà en tête des pays de l’OCDE pour le niveau des prélèvements obligatoires. Cela, vous ne l’avez pas dit, mesdames, messieurs les sénateurs de gauche ! Dans ces conditions, puiser encore une fois, même à titre temporaire – et on sait quel crédit accorder à ce caractère temporaire ! –, dans les poches de nos concitoyens, fût-ce celles de nos entreprises, n’est assurément pas la bonne solution pour sortir de la crise dans laquelle nous nous trouvons.
Il faut retenir d’autres options et augmenter l’attractivité de notre territoire afin de favoriser nos PME et l’ensemble de notre activité économique.
M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Il ne faut en effet jamais oublier que c’est l’activité économique qui crée l’emploi et la richesse. Si on la décourage, elle se venge en faisant fuir l’un et l’autre !
Protestations sur les travées du groupe socialiste.
Vous en avez apporté la démonstration lorsque vous étiez aux affaires !
Le Gouvernement maintient donc sa position et juge tout à fait inopportune l’augmentation de la contribution fiscale de ces entreprises.
Bravo ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP.
Je tiens à remercier mes collègues de leur participation à ce débat, et aux sénateurs de gauche, notamment ceux de mon groupe, de leur soutien à ma démarche.
Monsieur le secrétaire d’État, vous aviez bien commencé votre intervention en rappelant un constat partagé. Mais votre ultralibéralisme a ensuite repris le dessus, ...
... de même qu’une certaine agressivité, à la fin de votre intervention. Cela prouve que nous avons marqué un point, et nous le marquerons encore devant l’opinion, car ces sujets ne peuvent pas être écartés d’un revers de main, en laissant entendre, comme vous l’avez fait, que nous ne nous connaissons pas la vie des entreprises.
En tant qu’élus locaux, nous rencontrons tous les jours des chefs d’entreprise, nous assurons des médiations entre les organisations syndicales et les patrons qui sont obligés de licencier. Tous les jours, nos collectivités apportent soutien et écoute aux PME.
M. Houpert a confondu les entreprises du CAC 40, qui réalisent 14 milliards d’euros de bénéfices, et les PME de Côte d’Or ! Je tiens à le rassurer : aucune des entreprises de notre département ne serait touchée par la contribution que j’ai proposée. Puis, en qualifiant de taxe ce qui est en fait une contribution, il a créé une confusion plus grande encore.
Il faut tout de même rappeler que cette contribution exceptionnelle dont nous souhaitons la mise en place est appliquée dans d’autres pays, notamment des pays de l’Union européenne.
Vous le savez bien, monsieur le secrétaire d’État, mais vous vous êtes gardé de le dire !
Au Portugal, par exemple, elle est appliquée durant une année, à titre exceptionnel, à des entreprises du secteur de l’énergie qui ont réalisé des superprofits.
Vous avez indiqué à juste titre que Total avait annoncé une baisse de ses bénéfices au cours du premier trimestre. Cependant, vous n’avez pas dit que ces mêmes bénéfices s’élevaient quand même à 2, 11 milliards d’euros : tant mieux pour Total, mais ce n’est pas un chiffre négligeable !
Les orateurs de droite ont comparé à tort EDF et Total. Quant à vous, monsieur le secrétaire d’État, c’est pratiquement avec des larmes dans les yeux que vous avez défendu Total ! Que M. Poniatowski, qui préside le groupe d’études sur l’énergie du Sénat, défende le secteur de l’énergie, cela peut se comprendre ! Mais que vous tentiez, monsieur Novelli, avec des trémolos dans la voix, d’effrayer et de faire pleurer le peuple sur le sort de Total, en prétendant que nous souhaiterions mettre ce groupe à mal, c’est un peu fort ! On nous a même accusés de provoquer l’augmentation du prix de l’essence !
Restons dans le cadre de notre proposition : des mesures temporaires, qui existent déjà dans d’autres pays, et adaptées à la situation exceptionnelle de crise que nous connaissons.
Vous dites que nous sommes frappés de fièvre fiscale. Mais vous aussi, vous êtes frappé d’une fièvre, celle des déficits !
Il faudra bien finir par dégager des solutions pour gérer les déficits, soit par le biais de l’inflation, soit par l’augmentation des impôts.
C’est bien ainsi que cela se terminera ! Vous serez bien obligés de trouver des recettes pour combler les trous qui continuent de se creuser !
Notre proposition de contribution exceptionnelle n’est qu’un juste retour des choses : il s’agit de faire participer des entreprises qui sont largement bénéficiaires à l’effort d’investissement et d’innovation, comme l’a fait EDF qui a versé 2, 5 milliards d’euros pour faire face à la crise, ce que vous avez omis de dire.
M. François Rebsamen. Et Total serait exempté de toute participation au motif qu’il s’agit d’une entreprise privée ? Certes, je vous l’accorde, pas de toute participation : il va mettre sur la table 50 millions d’euros sur cinq ans. Quel effort !
Sourires sur les travées du groupe socialiste.
Vous nous avez aussi répondu que les bénéfices de Total étaient réalisés pour l’essentiel hors de France et qu’en prenant une telle mesure nous risquerions de le faire fuir.
Mais ne vous y trompez pas, monsieur le secrétaire d’État : nous nous intéressons à la vie de cette entreprise, entre autres, et nous la connaissons bien. Nous savons ce qui lie Total à la France : ainsi, on tente actuellement d’associer ce groupe au secteur du nucléaire pour le convaincre de rester « arrimé » à notre pays.
Nous savons, comme vous, que ce groupe réalise 20 % de ses bénéfices sur le territoire français. Alors, faites le calcul : 20 % de 14 milliards d’euros, cela représente à peu près 800 millions d’euros. Total aurait mieux fait de verser cette contribution pour faire face à la crise plutôt que d’annoncer ces 550 suppressions d’emplois que vous justifiez !
Permettez-moi de vous dire, monsieur le secrétaire d’État, sur le ton que vous avez employé vous-même – courtois au début de votre intervention, quelque peu enflammé à la fin –, ...
M. François Rebsamen. ... que votre défense quasi idéologique de Total est complètement déplacée en cette période de crise. Un jour, vous serez obligé de vous rallier à notre proposition !
Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.
En application de l’article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.
L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi, présentée par MM. Nicolas About (UC) et Pierre Jarlier (UMP), tendant à assurer une plus grande équité dans notre politique de sécurité routière, notamment en matière de retrait des points du permis de conduire (proposition n° 378 rect. bis, 2007-2008 ; rapport n° 331).
Dans la discussion générale, la parole est à M. Nicolas About, auteur de la proposition de loi.
Monsieur le président, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord remercier M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement, qui va représenter la ministre de la justice ou la ministre de l’intérieur.
Adversaire clairement affiché des excès de vitesse, je suis aussi un partisan des peines qui ont du sens, appliquées avec tact et mesure, ce tact et cette mesure que l’on exige tant des médecins. Je demande aussi du sérieux, du professionnalisme dans les contrôles et de la cohérence dans les mesures prises, comme dans les actions engagées.
Depuis le début des années soixante-dix, les efforts conjugués de l’État, du législateur, des collectivités publiques et des associations n’ont pas manqué, sur le plan tant des actions de sensibilisation entreprises, des travaux d’aménagement et des mesures réglementaires adoptées que des textes de loi votés.
L’efficacité de ces politiques publiques tient au fait que, dès l’origine, elles se sont appuyées sur des études en accidentologie réalisées par des organismes indépendants, avec le sérieux de l’objectivité scientifique.
Si l’on en croit les données récentes de l’accidentologie, même si celles-ci témoignent d’une nette amélioration dans les comportements des conducteurs, les causes des accidents sont, hélas ! toujours les mêmes : en tête, l’alcool, qui est devenu le premier facteur d’accident ; ensuite, la vitesse, laquelle est un facteur aggravant.
Un bon point, en revanche, pour nos concitoyens, en ce qui concerne leurs comportements et le respect des règles de sécurité, puisqu’on note une très nette amélioration dans le port de la ceinture, celui-ci étant respecté à plus de 97 %.
Cependant, au cours des vingt dernières années, l’accent a été mis prioritairement sur les comportements humains – vitesse, alcool, non-port des équipements de sécurité, prise excessive de risques…
On a eu tendance à accorder moins d’importance à d’autres facteurs, qui jouent pourtant, d’après les études, un rôle important dans les accidents.
Deux paramètres semblent avoir été tout particulièrement négligés : la localisation et les circonstances de l’accident – mais il y a une logique à cela !
Les statistiques démontrent, en effet, que 62 % des accidents mortels ont lieu, en réalité, sur les routes départementales, contre 6 % sur les autoroutes et 12 % sur les routes nationales.
Alors qu’il se caractérise par une forte densité de trafic, le milieu urbain enregistre, quant à lui, une baisse sensible de la gravité des accidents.
C’est donc en rase campagne que le risque d’accident est, paradoxalement, le plus élevé, sans doute favorisé par une fluidité de trafic qui autorise des vitesses élevées. L’un des grands facteurs de décès sur ces routes, ce sont les obstacles fixes : 1 248 tués en 2007, dont 552 sur des arbres et des poteaux.
Par ailleurs, le fait de rouler de nuit constitue un facteur aggravant. Alors que la période nocturne représente moins de 10 % du trafic, j’insiste sur ce chiffre, elle engendre 34 % des blessés et près de 45 % des tués. Cet élément ne semble pourtant pas susciter un grand intérêt.
On pourrait donc déduire de l’ensemble de ces chiffres trois grandes priorités d’action : l’alcool, la vitesse et le ciblage de la prévention et de la répression, en fonction des critères de temps et de lieu.
Dès lors, face à une telle clarté des données de l’accidentologie, on peut s’interroger sur les raisons profondes qui ont motivé récemment les pouvoirs publics à modifier les leviers traditionnels, ceux qui ont permis, pendant les trente dernières années, de faire reculer avec le plus d’efficacité la mortalité sur nos routes.
En imposant des radars automatiques, principalement sur les grands axes où le taux d’accidents n’est pas significatif, pour sanctionner le dépassement de vitesse même le plus insignifiant, l’État n’abandonne-t-il pas les priorités qu’il s’était lui-même fixées ?
La répression routière contre les usagers se substitue à la prévention routière et devient de plus en plus féroce. Quel est l’objectif ?
La multiplication récente des radars automatiques manifeste une véritable « industrialisation des sanctions », qui n’épargne pas le conducteur de bonne volonté. Pourquoi une telle dérive par rapport aux priorités initiales ?
Je rappelle qu’en 2008 nous atteignions sans gloire le chiffre de 9 millions de points retirés sur les permis de conduire des Français. Parmi les 4, 5 millions d’infractions sanctionnées par des retraits de points en 2006, on note une forte augmentation de la part des excès de vitesse, ce qui pourrait constituer un bilan satisfaisant au regard de nos priorités. Toutefois, le souci d’objectivité commande de regarder la répartition de ces retraits de points. Si l’on en croit les statistiques du ministère de l’intérieur, plus de 80 % des retraits concernent en réalité des infractions n’entraînant qu’un point de retrait, soit un excès de vitesse inférieur à 10 kilomètres par heure, voire, parfois, à 20 kilomètres par heure !
Ce ne sont donc pas les grands excès de vitesse qui font l’objet de la plus forte répression. D’ailleurs, depuis quatre ans, les dépassements supérieurs à 30 et 40 kilomètres par heure n’ont pas baissé d’un iota, ce qui retire leur caractère dissuasif aux radars automatiques pour les vrais grands délinquants de la route.
La sécurité routière note même, dans son rapport, une hausse de ces infractions pour le deuxième quadrimestre de 2008.
En revanche, le conducteur-citoyen, le conducteur de bonne volonté se voit sanctionné au moindre écart de vitesse, fût-il de 1 kilomètre par heure. Cette répression systématique, qui frappe à l’aveugle ce conducteur, le place dans une situation dangereuse sur la route. Elle le contraint, pour éviter le moindre écart, à rouler les yeux le plus souvent rivés sur le compteur, pourtant trop imprécis pour lui indiquer la vitesse exacte.
Pire, beaucoup de nos concitoyens ont vu leur permis de conduire invalidé après plusieurs retraits d’un seul point, isolés ou associés à d’autres retraits de points : le conducteur qui n’a pas ajusté sa ceinture alors qu’il est en train de quitter son garage ou qu’il tente de se dégager de son lieu de stationnement dans des conditions difficiles est immédiatement sanctionné de trois points de suppression ; le conducteur qui a empiété de quelques centimètres sur la ligne continue pour dépasser un cycliste perd deux points. La sanction est identique pour l’utilisation du téléphone. Le motard que je suis est pleinement conscient du danger de l’utilisation du téléphone portable au volant. Mais – et lorsque j’étais maire, j’ai dû intervenir – un automobiliste qui décroche son portable à un feu rouge pour répondre très brièvement qu’il rappellera plus tard perd deux points. Tout cela est-il véritablement normal ?
Or, l’invalidation du permis, pour une période qui, dans la pratique, est supérieure à un an, constitue bien souvent pour les particuliers une sanction très lourde, car elle menace directement leur emploi.
Dans un arrêt de 1998, la Cour européenne des droits de l’homme avait même rappelé à la France que le retrait des points du permis, par la gravité de la sanction à laquelle il peut conduire, c’est-à-dire l’invalidation, constituait bien, par son caractère « punitif et dissuasif », une mesure d’ordre pénal, et non une simple mesure de police administrative.
Auteur en son temps d’une proposition de loi sur le sujet, M. Karoutchi le sait, la Cour a rappelé que le permis de conduire représente en effet, pour nombre de nos concitoyens, un moyen indispensable d’insertion sociale, un gage d’autonomie, une condition sine qua non du maintien ou de la recherche d’un emploi.
Rappelons que la loi du 1er août 2008 relative aux droits et devoirs des demandeurs d’emploi, que nous avons votée, mes chers collègues, prévoit, dans son article 1er, parmi les critères définissant une offre raisonnable d’emploi, une distance maximale de 30 kilomètres entre l’emploi proposé et le domicile !
Cet éloignement signifie donc, pour beaucoup de nos concitoyens, la nécessité de disposer d’un permis de conduire valide, document jugé, par ailleurs, indispensable par de nombreux employeurs.
Or, le site du ministère de l’intérieur affiche avec triomphalisme le nombre de permis de conduire invalidés : en 2006, 68 800 ; en 2007, 88 698. Les derniers chiffres sont tombés : pour 2008, 98 057 permis invalidés... record battu ! Cela représente une progression de plus de 560 % depuis 2002 ! Quel grand succès ! C’est bien le seul domaine dans lequel on enregistre de telles augmentations !
Qui peut décemment se réjouir de tels chiffres à l’heure où la crise économique touche si durement notre pays et où la perte d’emploi constitue un drame pour les familles ?
Les entraves répétées à la circulation automobile pour le citoyen ordinaire entraînent paradoxalement trois conséquences graves, précisément en termes de sécurité routière.
D’abord, elles poussent les gens à choisir par substitution, en l’absence de permis, les véhicules à deux roues, motorisés ou non, qui constituent le mode de déplacement le plus dangereux. Ce mode de transport, qui ne représente que 1 % du trafic, compte pourtant 18 % des victimes tuées, sans parler des personnes qui resteront lourdement handicapées toute leur vie. Où est le gain en matière de sécurité routière et pour la collectivité publique ?
Ensuite, certains conducteurs, respectueux de la sanction qui les frappe, roulent en voiture ne nécessitant pas de permis. Curieux paradoxe de ne plus posséder de permis de conduire et d’être autorisé à conduire un véhicule en ville et en rase campagne, les lieux les plus dangereux, et de ne plus être autorisé à conduire sur autoroute, lieu unanimement reconnu comme le plus sûr de l’ensemble du réseau français !
Curieux scandale que d’envoyer une partie du trafic autoroutier sur le reste du réseau de rase campagne quand le bilan de la sécurité routière nous confirme que le fait d’accroître le trafic « rase campagne » de 1 % équivaut à augmenter de 1 % le nombre de tués... Belle logique, une nouvelle fois !
Enfin, plus grave encore, pour conserver coûte que coûte leur emploi, certains conducteurs préfèrent prendre le risque de rouler sans permis, et donc sans assurance. Ainsi, 33 000 conducteurs ont été contrôlés sans permis en 2005 ! Ces chiffres ne concernant que les contrôles, on peut supposer qu’ils sont bien plus nombreux ! Si le contrevenant risque des sanctions pénales lourdes, il prend un risque non seulement pour la collectivité, mais aussi pour lui-même.
En effet, en cas de défaut de permis, et donc d’assurance, c’est le Fonds de garantie automobile qui prendra le relais pour indemniser les éventuelles victimes. Mais il ne prendra pas cet automobiliste en charge et se retournera finalement contre lui.
On le voit, l’excès de répression sur un conducteur ordinaire, un conducteur-citoyen, peut précisément conduire celui-ci à devenir, au mieux un danger public, au pire un véritable délinquant de la route. Où est le bénéfice en termes de sécurité routière ?
Personnellement, je vois dans cette « automatisation de la sanction » à l’égard des automobilistes ordinaires une véritable dérive de notre politique de sécurité routière.
En abandonnant leur lutte contre la grande délinquance routière, contre les prises excessives de risques des chauffards, mais aussi en renonçant aux grandes priorités qu’ils constatent eux-mêmes, dans leurs propres statistiques – je ne fais que citer le bilan 2007 de l’Observatoire national interministériel de sécurité routière : aggravation du nombre de tués chez les motocyclistes, stagnation des grands excès de vitesse, absence de progrès en matière d’alcool, détérioration du bilan pour les conducteurs âgés de 18 à 24 ans –, les pouvoirs publics ne se sont-ils pas affranchis, de cette façon simple et rentable, de leurs responsabilités à l’égard des priorités qu’ils s’étaient eux-mêmes fixées ?
La présente proposition de loi vise à revenir à un système de prévention et de répression routière qui ait du sens. La véritable justice du système consiste, en effet, à mettre en adéquation la gravité des sanctions et la gravité des infractions au regard du risque qu’elles créent. On ne peut pas faire respecter par nos concitoyens des règles qui n’ont pas de sens !
Un fossé est actuellement en train de se creuser entre les forces de police et la population, …
… et, plus grave, entre les pouvoirs publics et les citoyens, ce qui n’est pas bon pour la République !
C’est pourquoi, dans un souci de plus grande équité, le texte présenté comporte, d’une part, des dispositions visant à limiter la répression à l’égard des comportements des automobilistes qui ne génèrent aucun risque pour la collectivité – en lui préférant prioritairement la prévention – et, d’autre part, des dispositions visant à renforcer les sanctions à l’encontre des infractions commises sur la route véritablement dangereuses, parce que susceptibles de créer des victimes.
Je commencerai par les dispositions visant à limiter le caractère répressif du code de la route. La proposition de loi comporte une réforme du système de retrait de points, en particulier pour les petits excès de vitesse. Précisons tout de suite qu’il ne s’agit nullement de remettre en cause le bien-fondé du permis à points.
Toutefois, la réglementation prévoit qu’en cas de dépassement de la vitesse maximale autorisée de moins de 20 kilomètres par heure l’infraction entraîne automatiquement, outre l’amende – qui est déjà une peine –, la réduction d’un point sur le permis de conduire. Cette règle vaut que vous dépassiez de 20 kilomètres la vitesse autorisée ou que vous soyez dans l’épaisseur du trait, roulant alternativement 2 kilomètres en dessous et 2 kilomètres au-dessus de la limite supérieure autorisée, faute de précision du compteur. Vous êtes donc sanctionné de la même façon dans tous les cas !
Cette dernière disposition, je le répète, est particulièrement injuste, à moins que l’on ne nous démontre que les auteurs de ces petits dépassements sont vraiment des délinquants et des dangers publics. C’est pourquoi la présente proposition de loi vise à supprimer ce retrait de point lorsque l’excès de vitesse dépasse de moins de 5 kilomètres par heure la vitesse maximale autorisée. En revanche, la contravention sous forme d’amende serait toujours applicable, bien entendu.
Le dispositif proposé prévoit également la restitution immédiate des points de permis qui ont été retirés sous le chef de cette infraction. Vous le pensez bien, j’ai déposé un amendement de suppression de cette disposition que j’avais souhaité introduire. En effet, trop heureux seraient ceux qui s’appuieraient sur la présence d’une telle disposition pour rejeter l’ensemble de l’article 1er !
Par ailleurs, on peut s’interroger sur le bien-fondé d’une aggravation des sanctions relatives à l’obligation du port de la ceinture de sécurité. Il ne s’agit pas de contester ici le caractère globalement et hautement nécessaire de cette mesure de sécurité – je suis médecin ! –, il s’agit d’être le plus juste et le plus objectif possible en matière de sanctions.
Trois considérations doivent être retenues.
Premièrement, si le bouclage de la ceinture réduit statistiquement le nombre total des morts par accident, son efficacité est loin d’être la même selon les risques encourus : celle-ci dépend en grande partie de la vitesse. Comme l’ont démontré toutes les études, les forces mises en jeu, en cas de choc, varient en fonction de la vitesse au moment de l’accident. Si ces ceintures protègent bien pour un choc frontal à une vitesse de 70 kilomètres par heure et un choc latéral à 50 kilomètres par heure, tel n’est plus le cas à des vitesses plus élevées.
Deuxièmement, pour le conducteur, le fait de ne pas attacher sa ceinture ne fait courir aucun risque à autrui. Le sort de l’automobiliste est seul en cause. L’État peut-il dès lors interdire à l’automobiliste la liberté de choisir ce qu’il veut éviter ? Certains automobilistes ne cachent pas qu’ils appréhendent plus, en cas de choc à très grande vitesse, de se trouver conscients et bloqués par leur ceinture coincée que d’être assommés – un parlementaire élu d’une région où les routes sont particulièrement dangereuses me le confirmait récemment. Notons que, dans certains cas limites, le port de la ceinture de sécurité peut aggraver le sort des intéressés, jusqu’à constituer une cause spéciale de mort.
Troisièmement, la « neutralité » pénale du défaut de port de la ceinture est incontestable. Elle repose sur l’absence, essentielle et évidente, de droit éminent de la collectivité sur la personne physique des citoyens dès lors que l’intérêt d’autrui n’est pas en cause. C’est d’ailleurs ce raisonnement qui a abouti à ce que la législation française ne sanctionne plus pénalement le suicide, ni sa tentative suivie d’un début d’exécution, malgré les dépenses sociales et sanitaires que cet acte peut engendrer.
Toutefois, il me paraît normal, en cas d’infraction, que le contrevenant encoure une sanction financière.
Il nous faut donc supprimer la sanction « pénale », au sens de la Cour européenne des droits de l’homme, que constitue le retrait de trois points du permis, en cas de défaut de port de la ceinture de sécurité.
Je vous livre une réflexion sur ce sujet. Les Français passent en moyenne un peu moins de cinquante minutes par jour au volant de leur voiture. Si le port de la ceinture est si important pour eux en ville, comme le rappelle Mme Troendle dans son excellent rapport, pourquoi le pouvoir réglementaire en dispense-t-il tous ceux qui passent plusieurs heures par jour au volant : les chauffeurs de taxi, les postiers, les livreurs, les ambulanciers ? Sans parler des pompiers, des policiers et des gendarmes, dont on peut comprendre l’obligation d’intervention rapide. Le pouvoir réglementaire estime-t-il que ces métiers protègent des chocs ces conducteurs permanents ? Ou bien mettre sa ceinture constitue-t-il une corvée si longue, pénible et insurmontable pour toutes ces professions ?
Le pouvoir réglementaire est-il une garantie de sérieux quand, par exemple, il punit d’une amende élevée, 135 euros, le défaut de port de la ceinture dans les taxis, à l’exception du conducteur, des enfants – parce que l’on ne veut pas obliger les taxis à installer des sièges adaptés – et des bébés ? Le pouvoir réglementaire admet que, pour ces trois catégories d’usagers, le risque d’être gravement blessé n’a aucune importance. Surprenant ? Pas du tout ! Incohérent ? Certainement !
Voilà pourquoi je vous propose de mettre fin à l’abus que constitue cette sanction : à elle seule, elle supprime la moitié des points d’un nouveau conducteur et le prive de la possibilité d’obtenir les six autres points pendant une période de trois nouvelles années. Mme Troendle a évoqué dans son rapport, et je l’en remercie, la nécessité de revenir sur cette mesure, même si elle n’a pas osé aller jusqu’à déposer un amendement, au risque de s’attirer les foudres du ciel.
Sourires.
Dans un second volet, le dispositif est complété, je le disais tout à l’heure, par un renforcement des sanctions à l’encontre des automobilistes présentant un comportement véritablement dangereux. Ainsi, le fait de conduire sans permis ou sans assurance est déjà puni et il convient de renforcer les peines prévues.
Enfin, comme je le signalais dans mon propos introductif, certains facteurs aggravants, dégagés par l’accidentologie, ont été trop souvent négligés. L’un d’entre eux est révélé par le taux particulièrement élevé d’accidents mortels au cours de la nuit. Bien qu’elle ne représente que 10 % du trafic total, la période nocturne enregistre près de la moitié des tués sur la route. De tels chiffres parlent, notamment aux associations de victimes de la route !
Pour remédier à cette surmortalité routière de nuit et afin d’être plus justes et efficaces dans notre politique de sécurité routière, il faut effectuer le contrôle de l’alcoolémie nocturne avec plus de sérieux et de moyens – cela relève des pouvoirs publics, mais coûte plus cher que les radars – et agir sur la vitesse – cet aspect, quant à lui, relève de la loi.
Aussi, je vous propose que le conducteur qui circule de nuit soit dans l’obligation de réduire sa vitesse. Le rapport de la sécurité routière montre que la vitesse moyenne est plus élevée la nuit que le jour, mais certains nous expliqueront qu’il ne faut surtout pas instaurer de mesure de ce type, car la vitesse excessive de nuit serait uniquement due à la consommation d’alcool ! La proposition que je défends est de nature à sauver 700 à 900 vies, sans parler de milliers de blessés en moins. N’oubliez pas que, lorsque la vitesse moyenne baisse de 1 kilomètre à l’heure, le nombre de tués diminue de 4 %.
Telles sont, en résumé, mes propositions.
Beaucoup d’autres choses restent encore à faire et je compte sur vos amendements, ceux du rapporteur et – pourquoi pas ? – ceux du Gouvernement, pour améliorer cette proposition de loi. On peut imaginer des aides aux régions et départements qui œuvrent plus que les autres pour sauver des vies. Est-il normal, en effet, comme c’est la réalité aujourd’hui, de courir trois fois plus de risques de se tuer sur la route dans tel département que dans tel autre ? On peut accélérer la suppression des passages à niveau, en y affectant, pourquoi pas, le produit des amendes.
Il serait facile de sauver aussi des vies en imposant à tous les poids lourds une vitesse maximale unique de 90 kilomètres à l’heure, par exemple, et en installant des radars « bizones » se déclenchant en fonction de la vitesse et de la hauteur, supérieure à deux mètres, de ces véhicules, pour mettre fin aux excès de vitesse commis par 47 % des poids lourds. Ou alors, on ne s’intéresse pas au sujet !
On pourrait sauver la vie de nombreux motards, en interdisant la conduite de motos de plus de 11 CV avant deux années de permis moto ; or nous voyons fleurir aujourd’hui des motos à trois roues, qui permettent d’échapper à l’obligation de détenir le permis moto, sans que personne ne fasse rien ! Par ailleurs, je tiens à vous rappeler que notre pays détient le triste record du nombre de veuves de moins de trente ans et 80 % d’entre elles ont au moins un enfant. Un tel constat incite à réfléchir et agir ! Enfin, si les forces de sécurité se répartissaient mieux, nous ferions baisser le nombre de tués la nuit.
Pour ma part et dans un premier temps, je souhaite voir les citoyens traités avec équité, comme le réclame la Cour européenne des droits de l’homme, et parvenir, grâce à une mesure simple, à sauver beaucoup de vies.
Je le sais, ma proposition de loi dérange, car elle renvoie aux priorités reconnues par tous, mais elle le fait en dissipant le rideau de fumée que constituent les sanctions automatiques des petits dépassements de vitesse et de défaut de port de la ceinture de sécurité, dont l’intérêt est d’assurer le financement des radars et des stages, qui ne pourraient être financés par les seuls grands excès de vitesse.
Chacun se rend compte que les mesures supplémentaires à mettre en œuvre coûteront cher à l’État et aux collectivités locales. Nous allons donc sans doute assister à la litanie des critiques entendues lorsqu’une proposition de loi dérange. Par exemple, « ces mesures sont inadaptées » ou bien, « ces mesures sont bonnes, mais elles relèvent du pouvoir réglementaire ». Chacun sait que ce dernier argument ne tient pas, car la Cour européenne des droits de l’homme, dans son arrêt en date du 23 septembre 1998, a confirmé que le retrait de point revêtait un caractère punitif et dissuasif et s’apparentait donc à une peine accessoire.
Notre commission des lois et notre assemblée ont déjà abordé ce thème dans le cadre de plusieurs lois, comme celle du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance : une des mesures majeures de prévention consistait à rendre plus rapidement un point de permis perdu ! Cette disposition m’avait stupéfait à l’époque, mais elle justifie que l’on en reparle… Nous pouvons donc espérer que cet argument « réglementaire » ne nous sera pas sérieusement opposé.
Un autre argument pourrait être que le système de contrôle et la sévérité des sanctions pénales ou administratives assurent l’égalité de traitement des conducteurs et qu’il ne faut surtout rien changer… Une telle affirmation est une contrevérité, car l’iniquité est la règle, au niveau du contrôle comme au niveau des sanctions !
Les poids lourds ne sont détectés par les radars que s’ils dépassent les vitesses autorisées pour les véhicules légers, soit 30 à 40 kilomètres à l’heure de plus que les vitesses limites les concernant. Le rapport de la sécurité routière indique que 47 % des poids lourds dépassent impunément les vitesses qui leur sont imposées... Les motards échappent à tous les radars fixes prenant de face. Enfin, l’ensemble des conducteurs échappent au retrait de points si le véhicule est pris au radar par l’arrière et s’ils contestent le fait d’être au volant, en affirmant qu’ils ne veulent pas donner le nom du conducteur hypothétique pour ne pas tomber sous l’inculpation de dénonciation calomnieuse.
L’impunité en ce qui concerne la perte de points est également garantie à tous ceux qui encombrent les tribunaux ! Mieux, même en cas de condamnation à l’issue d’un long et coûteux parcours judiciaire, ils perdront des points mais le temps écoulé grâce à la durée de la procédure leur permettra de retrouver les points qui leur manquent. Est-il donc équitable de pousser les contrevenants, et pas seulement les jeunes conducteurs, à une contestation systématique pour leur permettre de récupérer automatiquement chaque année deux points, voire trois ? Quand on connaît les délais de jugement de ces affaires, tous les jeunes conducteurs ont effectivement intérêt à contester leurs amendes !
Aujourd’hui, seuls les conducteurs trop honnêtes, trop naïfs, ou trop pauvres pour consigner des sommes supérieures à l’amende ou pour se payer des stages d’un coût représentant 19 % du SMIC, acceptent de perdre des points. Une loi qui, par ses défauts, frappe surtout les plus faibles et les plus pauvres n’est pas une bonne loi ! Le paragraphe consacré à ce sujet à la page 21 du rapport de Mme Troendle est édifiant. Je suis donc rassuré : on ne devrait pas nous opposer le caractère équitable et juste du permis à points dans sa version actuelle !
En revanche, je ne peux rien vous promettre car cette proposition est une vraie proposition de loi : elle n’a pas le caractère sacré, constant et parfait que confère l’origine gouvernementale à de trop nombreuses propositions de loi... Elle est marquée d’un sceau nouveau, peut-être même d’une tache, car elle est inscrite à l’ordre du jour à la demande d’un groupe minoritaire. Nous connaissions le sort réservé traditionnellement aux propositions de loi déposées par l’opposition ; nous allons découvrir le sort réservé à celles qui sont présentées par un groupe minoritaire, même lorsqu’il soutient majoritairement et régulièrement le Gouvernement.
Cette proposition de loi va-t-elle être écartée d’un revers de main ? Cette proposition de loi sera-t-elle jugée digne d’être amendée par la commission, par les sénateurs de la majorité, par le Gouvernement ?
Est-il scandaleux de souhaiter que soient punis seulement d’une amende ceux qui commettent des erreurs légères, sans risques pour les tiers, quand d’autres sont tout juste réprimandés, ou ne sont pas même mis en cause, pour avoir, après une instruction bâclée, envoyé des innocents pendant des années en prison, les poussant ainsi au suicide ?
Je serai très attentif, avec le groupe auquel j’appartiens, au traitement qui nous sera réservé. Mes chers collègues, je vous remercie de votre attention et de votre soutien.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste et sur plusieurs travées de l ’ UMP.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des lois a été saisie au fond de la proposition de loi n° 378 rectifiée bis, tendant à assurer une plus grande équité dans notre politique de sécurité routière, notamment en matière de retrait des points du permis de conduire, présentée par notre collègue Nicolas About.
Déposée le 10 juin 2008, cette proposition de loi tend, en particulier, à supprimer le retrait de points en cas d’excès de vitesse inférieurs à 5 kilomètres par heure. J’ai procédé à de très nombreuses auditions et tous les points de vue ont été écoutés.
À titre liminaire, je tiens à souligner le caractère extrêmement sensible de la politique de sécurité routière. L’expérience montre que, dans ce domaine plus que dans d’autres, une mesure annoncée commence à produire des effets avant même qu’elle soit devenue effective. C’est donc avec la plus grande prudence que je me suis attachée à examiner cette proposition de loi.
Ce texte présente le mérite important de nous forcer à nous interroger sur l’acceptabilité de la politique menée depuis 2002. Répressive, cette politique a mis fin au sentiment d’impunité de nombreux conducteurs, résultant principalement de la faible probabilité d’être contrôlé. Depuis lors, la quasi-certitude d’être sanctionné et le rôle du permis à points ont provoqué une rupture dans le comportement des usagers. Cette sévérité nouvelle s’est traduite par une hausse très importante du nombre de permis invalidés pour défaut de points, avec les conséquences professionnelles imaginables lorsque le permis est un outil de travail indispensable.
Pour autant, doit-on prendre le risque de remettre en cause les succès obtenus depuis 2002 en assouplissant les règles de retrait de points ? Les solutions avancées par la proposition de loi résoudraient-elles les problèmes soulevés ?
Ce sont les questions délicates auxquelles nous devons répondre.
Permettez-moi de rappeler brièvement les succès obtenus.
Entre 2002 et 2008, les progrès de la sécurité routière ont permis d’épargner 12 741 vies et 157 000 blessés. Cela correspond à une baisse de 44 % du nombre de tués.
Ces progrès rapides ont rapproché la France du peloton de tête des pays européens. Mais il ne s’agit que d’une étape. Le Président de la République a fixé un objectif ambitieux de moins de 3 000 morts en 2012 ; je rappelle que le nombre des morts a été de 4 620 en 2007 et 4 274 en 2008.
La rupture de 2002 ne peut véritablement s’expliquer que par le renforcement de la répression des infractions routières. Les autres facteurs ont certes leur part dans la baisse tendancielle observée depuis trente ans. Toutefois, aucune révolution technologique ou de quelque autre nature n’a pu démultiplier soudainement leur incidence sur la sécurité routière.
M. Nicolas About s’exclame.
C’est bien le permis à points qui est au cœur de cette stratégie de responsabilisation des conducteurs.
Je ne rappellerai pas l’histoire et le fonctionnement du permis à points, si ce n’est pour dire que c’est avant tout un outil pédagogique et préventif. Il n’y a pas à proprement parler de sanction tant que le solde de points est supérieur à zéro. Le but est de responsabiliser de façon mesurée et progressive le comportement des conducteurs qui transgressent les règles de la route à plusieurs reprises. L’invalidité du permis ne sanctionne jamais une infraction, elle sanctionne une répétition d’infractions plus ou moins graves commises dans un laps de temps relativement court.
La perte de points constitue, en fait, une alerte qui doit amener le conducteur à prendre conscience de la nécessité d’une conduite raisonnable.
La stratégie développée depuis 2002 a consisté à agir sur le comportement de tous les conducteurs, et non uniquement sur celui des conducteurs les plus dangereux.
En 2002, la vitesse était la première cause de mortalité sur les routes. L’action s’est donc portée spécialement sur ces infractions.
En 2007, la contravention à la vitesse est devenue la première contravention constatée, devant le stationnement, avec près de neuf millions d’infractions. Les excès de vitesse représentent désormais 80 % des infractions entraînant un retrait de points.
Cette répression renforcée a produit immédiatement des effets. Entre 2002 et 2007, la vitesse moyenne de jour a baissé de 8 kilomètres à l’heure environ, passant de 89, 5 kilomètres à l’heure à 81, 6 kilomètres à l’heure, tous réseaux confondus.
Qu’en est-il de l’acceptabilité sociale de la politique de sécurité routière ? Est-elle menacée ?
La multiplication des contrôles et la sévérité des sanctions pénales ou administratives ne sont tolérables pour les usagers de la route, c’est-à-dire la quasi-totalité de la population, qu’à la condition de préserver les vertus pédagogiques et préventives du permis à points.
Le permis à points ne doit pas être perçu comme un compte à rebours inéluctable se traduisant inexorablement, à plus ou moins brève échéance, par la perte de la totalité des points.
Je ne détaillerai pas les différents modes de récupération des points que définit le code de la route. Je rappelle simplement qu’à la suite du comité interministériel de sécurité routière du 8 novembre 2006, plusieurs dispositions nouvelles ont été adoptées dont la mesure dite « un point-un an ».
J’en viens à l’examen par la commission de chacun des articles.
La proposition de loi tend à corriger les excès et les effets pervers du système de permis à points et à réorienter la politique de sécurité routière vers des facteurs de risque insuffisamment pris en compte jusqu’à présent. Elle se compose de sept articles modifiant soit le code de la route, soit le code des assurances.
La principale disposition de cette proposition de loi figure à l’article 1er, qui a pour objet de supprimer le retrait de points en cas de dépassement de la vitesse maximale autorisée de moins de 5 kilomètres à l'heure.
En droit positif, les plus petits excès de vitesse - moins de 20 kilomètres à l'heure - sont punis d’une amende et donnent lieu de plein droit au retrait d’un point.
La législation ne fait donc aucune distinction entre un excès de vitesse de 19 kilomètres à l’heure et celui de 1 kilomètre à l'heure.
Le présent article introduirait au contraire une différenciation entre, d’une part, les excès de vitesse compris entre 1 kilomètre à l'heure et 4 kilomètres à l'heure et, d’autre part, ceux qui sont compris entre 5 et 19 kilomètres à l'heure. Les premiers ne seraient plus sanctionnés que d’une amende.
De nombreux arguments ont conduit la commission à ne pas adopter cet article.
Les experts admettent communément qu’une baisse de 1 kilomètre à l'heure de la vitesse moyenne se traduit par une diminution de 4 % du nombre de tués. Entre 2002 et 2007, la vitesse moyenne de jour a ainsi baissé de 8 kilomètres à l'heure, tandis que le nombre de tués diminuait de 40 % et celui des blessés de 25 %.
Ce sont les changements d’ensemble des comportements sur la route qui permettent d’obtenir des progrès durables.
Or, en matière de répression des contraventions routières, l’expérience montre que l’amende est beaucoup moins dissuasive que le retrait de points. La suppression du retrait de points en cas d’excès de vitesse de moins de 5 kilomètres à l'heure pourrait dès lors être interprétée comme une quasi-dépénalisation. De fait, les vitesses maximales autorisées seraient relevées de 5 kilomètres à l'heure.
Cette différence de 5 kilomètres à l'heure est loin d’être anodine. Ne la sous-estimons pas ! Ajoutée à la marge technique, …
… elle aurait pour effet que les excès de vitesse ne seraient sanctionnés d’un retrait de points qu’en cas de dépassement de 10 kilomètres à l'heure.
En ville, sur sol sec, un véhicule roulant à 60 kilomètres à l'heure a besoin de neuf mètres supplémentaires pour s’arrêter rapidement par rapport à un véhicule circulant à 50 kilomètres à l'heure. De même, un piéton renversé à 50 kilomètres à l'heure peut encore avoir une chance de s’en sortir, alors qu’à 60 kilomètres à l'heure ses chances sont quasiment nulles.
En outre, cette disposition n’apparaît pas justifiée.
Selon un premier argument avancé dans la proposition de loi, de nombreux permis seraient invalidés par une succession de petits excès de vitesse.
Cette répression serait excessive compte tenu de la dangerosité réelle de ces dépassements, d’un côté, et des conséquences sociales et économiques d’un retrait de permis, de l’autre.
En réalité, le cas de figure évoqué est extrêmement marginal. La proportion de permis invalidés à la suite d’infractions ne donnant lieu qu’à des retraits de 1 ou 2 points est égale à 0, 12 %, …
… soit une centaine de personnes, et dix-sept permis ont été invalidés consécutivement à douze retraits d’un point en 2008.
Selon le rapport de l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière, l’ONISR, pour 2007, l’analyse des permis invalidés entre 2004 et 2006 fait apparaître que seulement 15 % des points retirés résultent d’infractions liées à la vitesse. Cela signifie qu’une proportion encore plus faible est due à des excès de vitesse de moins de 20 kilomètres à l'heure et a fortiori de moins de 5 kilomètres à l'heure.
Mme Michèle Merli, déléguée interministérielle à la sécurité routière, a indiqué que la moitié des permis invalidés l’était à la suite d’une infraction donnant lieu à un retrait de six points correspondant aux infractions les plus graves.
Un deuxième argument avancé serait que de nombreux conducteurs ne seraient pas conscients – n’en ayant parfois pas été informés - que leur permis a été invalidé, en particulier lorsque cette décision survient à la suite d’infractions bénignes qui ne sont pas de nature à créer une prise de conscience de la gravité des conséquences.
Si je conçois que nombre de retraits de points qui devraient être notifiés par lettre simple ne le sont pas, en revanche, il est plus discutable d’imaginer que de nombreux conducteurs puissent ignorer que leur permis a perdu sa validité.
En cas de perte de la totalité des points, le titulaire se voit notifier cette situation ainsi que l’obligation de restituer son permis à la préfecture par lettre recommandée avec accusé de réception. Si l’adresse n’est pas la bonne, la lettre n’est pas notifiée et donc le permis continue d’être valide. La préfecture enclenche alors des recherches pour retrouver la bonne adresse. Le permis n’est invalidé qu’à compter de la notification.
Outre la notification par lettre recommandée, il faut rappeler l’envoi d’un avertissement lorsque le solde est égal ou inférieur à six points. Cet avertissement – 600 000 recommandés ont été envoyés en 2008 - rappelle la possibilité de récupérer quatre points en suivant un stage de sensibilisation à la sécurité routière.
M. Nicolas About s’exclame.
J’ajoute que le retrait de points est toujours la conséquence d’une infraction.
Or un contrevenant est toujours informé qu’il a commis une infraction au code de la route. On ne paie pas une amende à son insu. Vous conviendrez, dès lors, avec moi que l’ignorance complète en toute bonne foi de plusieurs retraits de points soit difficilement concevable.
Un dernier argument serait celui de la conduite sans permis ou sans assurance.
En premier lieu, il faut rappeler que le fait de conduire sans permis ne signifie pas que le véhicule ne soit plus assuré.
On peut assurer son véhicule même si l’on n’est pas titulaire du permis de conduire. Les dommages aux tiers restent pris en charge par l’assureur, et non par le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, le FGAO, qui n’intervient qu’en cas de défaut d’assurance ou de véhicule inconnu.
En second lieu, le nombre de conducteurs sans permis impliqués dans les accidents corporels est resté stable en 2006 et 2007, bien en dessous du niveau de l’année 2002.
Les chiffres parfois évoqués de 1 ou 2 millions de conducteurs sans permis sont invérifiables. Le seul chiffre fiable est celui des infractions constatées. Entre 2003 et 2007, les condamnations pour conduite sans permis ont doublé. Ces résultats ne sont pas nécessairement la conséquence de la hausse des permis invalidés.
Les contrôles se sont renforcés et, selon M. Patrice Chazal, chef du service du fichier national des permis de conduire au ministère de l’intérieur, 90 % des personnes conduisant sans permis ne l’ont jamais obtenu.
Enfin, il faut souligner qu’un nouvel équilibre entre les retraits et les récupérations de points est en passe de s’établir.
La mise en œuvre de la politique de sécurité routière en 2002 et 2003 s’est immédiatement traduite par une hausse exponentielle des retraits de points et, par voie de conséquence, des permis invalidés. Entre 2002 et 2007, le nombre total de points retirés chaque année est passé de 3, 1 millions à 9, 5 millions.
Dans le même temps, le nombre de permis invalidés chaque année a été multiplié par six, passant de 13 601 à 88 698.
Si cette tendance à la hausse se poursuivait, le système mis en place en 2002 ne serait pas soutenable.
Mais on observe précisément un rééquilibrage qui semble démontrer l’efficacité et les vertus du permis à points.
En 2008, le nombre de permis invalidés a continué à progresser mais dans des proportions moins impressionnantes. En revanche, on observe une première baisse du nombre total de points retirés.
Parallèlement, le nombre de points récupérés a très fortement augmenté.
Logiquement, la règle dite des trois ans, qui permet de récupérer la totalité de ses points en l’absence d’infractions pendant cette période, commence seulement à produire ses effets différés. Alors qu’en 2005 moins de 600 000 conducteurs en avaient bénéficié, en 2007, 1 430 000 conducteurs récupéraient la totalité de leurs points. En 2008, ce nombre a encore augmenté, avec près de 1 800 000 bénéficiaires.
La mesure dite « un point-un an » commence également à produire ses effets. En vigueur depuis le 1er janvier 2007, elle s’est traduite par la restitution de 2, 5 millions de points en 2008. Ce nombre doit être rapporté aux 3, 9 millions d’infractions constatées en 2008 et donnant lieu à un retrait d’un point.
L’effet de ciseaux constaté entre 2002 et 2007 est donc très probablement en cours de résorption.
Pour ces raisons, il n’apparaît pas opportun de modifier profondément les règles du permis à points, alors que les récentes réformes commencent seulement à produire leurs effets. Une première évaluation de celles-ci est indispensable avant d’envisager d’autres ajustements. En conséquence, la commission n’a pas adopté l’article 1er.
La proposition de loi tend également à supprimer le retrait de points en cas de défaut de port de la ceinture de sécurité par le conducteur.
Actuellement, le code de la route impose à tout conducteur ou passager le port de la ceinture de sécurité, sauf quelques exceptions limitativement énumérées. Le défaut de port de la ceinture de sécurité est puni de l’amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe, soit 135 euros s’agissant d’une amende forfaitaire, et donne lieu de plein droit à un retrait de trois points.
La commission des lois est opposée à la suppression proposée.
En effet, le port de la ceinture s’avère indispensable à la sécurité routière ; 20 % des conducteurs non ceinturés impliqués dans un accident corporel ont été tués, alors que moins de 2 % des conducteurs ceinturés ont péri.
En outre, la société a un intérêt propre à imposer le port de la ceinture. Le conducteur ou le passager qui ne met pas sa ceinture prend le risque de faire peser sur la société une charge financière plus importante en cas d’accident, notamment en termes de frais médicaux et de prise en charge du handicap.
Il est donc cohérent de maintenir le retrait de points pour les conducteurs en infraction.
Il est vrai toutefois qu’un retrait de trois points est peut-être excessif ; en retirer un ou deux pourrait suffire. La définition du barème relevant du domaine réglementaire, nous pourrions suggérer au Gouvernement de s’engager à étudier cette proposition.
Quant à l’article 3 de la proposition de loi, il a pour objet d’aligner la vitesse de nuit sur la vitesse par temps de pluie.
Le code de la route ne fait aucune différence entre la conduite de jour et celle de nuit. Seules les conditions atmosphériques sont prises en compte. Soulignant les risques particuliers de la conduite de nuit, la proposition de loi tend à différencier les vitesses de nuit, en les alignant sur celles qui sont prévues par temps de pluie ou en cas de brouillard.
L’exposé des motifs fait état des statistiques de l’Observatoire national interministériel de sécurité routière : 45 % des tués et 31 % des blessés sur la route seraient constatés la nuit, alors que le trafic de nuit ne représente que 10 % du trafic total. Simultanément, l’Observatoire relève que les vitesses moyennes pratiquées la nuit ainsi que les taux de dépassement des vitesses maximales sont globalement supérieurs à ceux qui sont constatés de jour.
D’autres arguments plaident, cependant, en faveur du maintien des vitesses actuelles.
Tout d’abord, des facteurs propres à la circulation de nuit expliquent cette surmortalité. L’alcool est devenu le premier facteur d’accidents devant la vitesse au cours des dernières années. La proportion des accidents mortels avec alcool s’élève à 29 %. L’alcool est ainsi devenu un facteur prépondérant, a fortiori la nuit. En effet, sur ces 29 % d’accidents mortels avec alcool, 70 % surviennent la nuit.
Par ailleurs, plusieurs personnes auditionnées ont craint qu’une baisse des vitesses de nuit n’aboutisse en réalité à décrédibiliser la politique de sécurité routière. Lorsque le trafic est très faible, voire nul, comment justifier une baisse de la vitesse alors même que la visibilité est souvent très bonne de nuit ?
Il faut aussi rappeler que les résultats obtenus depuis 2002 l’ont été sans que les vitesses maximales autorisées aient été réduites. L’effort a porté exclusivement sur leur respect effectif.
Enfin, ces dispositions relèvent du domaine réglementaire.
Pour toutes ces raisons, la commission n’a pas adopté l’article 3.
Les articles 4 à 7 de la proposition de loi sont relatifs à la conduite sans assurance. Ils tendent à compléter les sanctions encourues en pareil cas, en prévoyant, à l’article 4, un retrait de points et, à l’article 5, une peine complémentaire de vente du véhicule au profit du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages.
L’article 6 prévoit que les contrats d’assurance responsabilité civile continuent à produire leurs effets jusqu’à l’échéance normale du contrat lorsque l’assuré a perdu la totalité des points de son permis de conduire.
Enfin, de manière à supprimer le risque de voir des conducteurs titulaires d’un permis invalidé continuer à circuler en toute bonne foi faute d’avoir été dûment informés, l’article 7 tend à instaurer l’obligation pour chaque assuré, lors de la conclusion ou du renouvellement d’un contrat d’assurance automobile, de fournir à l’assureur un certificat de détention du permis de conduire de moins d’un mois. Ce certificat serait délivré par la préfecture de son lieu de résidence.
Aucun de ces articles n’a été adopté par la commission. Ils révèlent, à l’évidence, un malentendu sur la nature de l’obligation d’assurance en France. En effet, je le rappelle, l’assurance porte non pas sur le conducteur, mais sur le véhicule. Il en résulte que ces articles sont, pour l’essentiel, sans objet.
Pour l’ensemble de ces raisons, la commission a décidé de ne pas établir de texte, de sorte que, en application de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique porte sur le texte même de la proposition de loi.
En effet, la commission a jugé prématuré de modifier les équilibres du permis à points au moment même où les aménagements apportés à ce permis en 2006 et en 2007 commencent à corriger les excès répressifs sans affaiblir les vertus pédagogiques du système.
Pour autant, ces conclusions ne signifient pas que le système soit parfait. Aussi, permettez-moi d’émettre quelques recommandations.
La commission a déploré, en particulier, les incohérences de la signalisation routière, …
Mme Catherine Troendle, rapporteur. … notamment les variations de vitesse maximale multiples, soudaines et erratiques
Applaudissementssur les travées de l’
Les comités des usagers de la route auprès des préfectures devraient s’approprier cette problématique et proposer des réajustements à mettre en œuvre par l’État, le département ou la commune en fonction du classement des routes concernées par de telles incohérences.
L’impunité des conducteurs étrangers reste également un point en souffrance.
Certes, l’application de la directive européenne facilitant l’application transfrontalière de la législation dans le domaine de la sécurité serait une solution.
Or, il apparaît que le recours à une directive, instrument juridique du premier pilier, ne serait pas approprié à une transposition nationale, une décision-cadre relevant du troisième pilier étant plus adéquate.
Il résulte de cette analyse un blocage juridique momentané.
Dans ces conditions, je l’affirme, le recours à des accords bilatéraux demeure, pour l’instant, la solution la plus effective.
C’est exact.
J’en veux pour preuve l’accord bilatéral signé entre la France et la Suisse, qui permet l’échange d’informations automatique sur les dossiers des fautifs, via une plateforme de recherche en ligne. Ce qui est possible avec la Suisse doit l’être avec tous les pays ayant des frontières communes avec la France.
Depuis le 1er janvier 2008, tout nouveau permis est assorti de six points. En l’absence d’infraction, ces permis sont crédités de deux points supplémentaires chaque année. Les douze points sont acquis au bout de trois ans.
Auparavant, les nouveaux permis étaient assortis de six points au départ, et ce n’était qu’au terme de trois ans sans infraction que les douze points étaient acquis.
Il s’avère que la date d’application du nouveau dispositif, le 1er janvier 2008, crée une inégalité. La personne qui a passé son permis antérieurement à cette date ne peut en bénéficier : elle devra fatalement attendre trois ans pour récupérer en une seule fois les six points complémentaires, alors que, en attendant, les nouveaux permis bénéficient d’un système de points plus avantageux.
Une rétroactivité du nouveau dispositif ne serait-elle pas envisageable, afin de lever cette inégalité de traitement ? Ne pourrait-on pas ainsi la concevoir, par exemple, à compter du 1er janvier 2007 ?
Enfin, en tant que rapporteur, j’appelle également de mes vœux la constitution, par le Gouvernement, d’un groupe de travail pour réfléchir à une réforme du contentieux du permis de conduire, qui connaît aujourd’hui trop de dérives. Il en découle un réel encombrement des juridictions, une inefficacité de la politique de lutte contre la violence routière…
… et une profonde inégalité, tous les conducteurs ne pouvant pas s’offrir les services d’un avocat spécialisé.
Mme Catherine Troendle, rapporteur. Ce groupe de travail serait donc particulièrement bienvenu.
Applaudissementssur les travées de l’UMP. – M. Nicolas About applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, personne ne peut nier les résultats obtenus depuis quelques années dans le domaine de la sécurité routière grâce au développement des contrôles de vitesse, notamment depuis l’installation de radars automatiques le long des routes.
Mais personne ne peut non plus contester le caractère aveugle d’un système dont on ne peut pas dire qu’il soit toujours très équitable.
Je vais vous en donner quelques exemples, comme d’autres intervenants l’ont fait, notamment l’auteur de la proposition de loi.
Le système vous paraît-il équitable lorsqu’il sanctionne de la même manière un conducteur qui dépasse la limitation de vitesse de 2 kilomètres par heure et celui qui la dépasse de 19 ? Il est pourtant évident que les conséquences en cas d’accident ne sont pas les mêmes. Mme Troendle le reconnaît d’ailleurs dans son rapport.
M. le président de la commission des lois opine.
Le système vous paraît-il équitable quand on sait qu’un conducteur fautif qui a les moyens de s’offrir les services d’un avocat peut toujours faire valoir qu’on lui a retiré, à tort, un point sur son permis parce que ce n’est pas lui qui conduisait, ou obtenir, si cela est absolument nécessaire pour l’exercice de son activité professionnelle, de pouvoir continuer à rouler, malgré la disparition du permis blanc, alors que le conducteur qui n’a pas les moyens de s’offrir les services d’un avocat n’aura pas d’autre choix que de perdre des points ?
Le système vous paraît-il équitable quand il frappe de la même manière un conducteur qui n’a pas besoin de son permis pour travailler et celui qui en a absolument besoin et dont l’annulation du permis, ou simplement la perte de quelques points, va entraîner le licenciement ? Je ne sais pas si vous le savez, mes chers collègues, mais, pour certaines professions, il est écrit noir sur blanc dans le contrat de travail que la perte d’un certain nombre de points, pas forcément de la totalité, est un motif de licenciement.
Et que dire du débat redondant sur l’inadaptation évidente de certaines limitations de vitesse à la réalité du terrain ? Force est de reconnaître qu’il est parfois fondé et que certaines limitations apparaissent comme de véritables pièges pour les conducteurs.
Nous avons tous des exemples frappants en tête. Pour ma part, étant champenois, j’en citerai simplement deux qui concernent des routes de ma région que j’emprunte fréquemment.
Sur l’autoroute A34, reliant Reims à Charleville-Mézières, le tronçon entre Reims et Rethel, soit un peu plus de 30 kilomètres, est limité à 110 kilomètres par heure parce qu’une section de seulement 4 kilomètres, qui reprend une partie de l’ancienne voie express, la nationale 51, n’a pas encore de bandes d’arrêt d’urgence aménagées et ne remplit donc pas les conditions permettant de rouler à 130 kilomètres par heure. Ce tronçon de l’autoroute A34 ayant été ouvert en 1999, cela fait dix ans que cette situation dure !
De même, sur une partie de l’ancienne nationale 51 qui n’a pas été reprise dans l’autoroute et qui relie Reims et la commune dont je suis le maire, soit seulement trois kilomètres, et qui est une deux fois deux voies avec un rail central, la vitesse est limitée à 110 kilomètres par heure dans un sens – jusque-là, rien à redire ! –, mais à 90 kilomètres par heure seulement dans l’autre ! Personne ne peut m’expliquer pourquoi, mais c’est ainsi !
Il faut bien l’avouer, tout cela donne le sentiment que l’on veut piéger les conducteurs, y compris les plus raisonnables !
Ce ne sont que quelques exemples, mais quand on fait la somme de toutes les incohérences de notre politique de sécurité routière, est-il vraiment possible de dire que cette politique est une vache sacrée, à laquelle il ne faut pas toucher ?
Est-il légitime pour la représentation parlementaire de se pencher sur quelques anomalies incontestables souvent liées à la manière dont s’applique la loi, comme nous y invite la proposition de loi de Nicolas About ? Ou est-il politiquement incorrect de le faire et interdit d’aborder ce sujet, au motif que l’on risquerait de « casser » la dynamique vertueuse qui s’est enclenchée depuis quelques années en matière de sécurité routière ?
S’il ne faut pas revenir sur les grands principes de notre politique de sécurité routière, je considère en revanche qu’il n’est pas interdit et qu’il est même parfois recommandé de faire preuve de bon sens dans la déclinaison de ces principes. Il faut se rendre compte que rouler à 92 kilomètres par heure sur une route limitée à 90 kilomètres par heure, ce n’est pas tout à fait la même chose que d’y rouler à 109 kilomètres par heure : en tenir compte ne serait pas scandaleux.
Mes chers collègues, n’avez-vous d’ailleurs pas été frappés par le débat qui s’était engagé au plus haut niveau de l’État voilà un peu plus d’un an, à une époque où le prix du pétrole flambait ? On se demandait alors sérieusement s’il ne fallait pas abaisser de 130 à 120 kilomètres par heure la limitation de vitesse sur autoroute.
Je constate que M. le secrétaire d’État exprime son désaccord, mais, en tout cas, ce débat s’était engagé sur la place publique et a duré un certain temps.
L’idée était de baisser la facture de carburant des automobilistes et de faire ainsi des économies, ce qui concerne pratiquement tous les Français.
Si la mesure avait été adoptée, on en serait arrivé à cette situation étrange où un automobiliste qui, un jour, conduit à 129 kilomètres par heure est considéré comme un conducteur vertueux et, le lendemain, traité comme un chauffard dès lors qu’il aurait roulé à 121 kilomètres par heure !
M. le président de la commission des lois s’exclame.
Une telle situation résulterait de l’application purement mathématique et automatique de notre réglementation !
Le simple fait que l’on se soit posé cette question démontre, me semble-t-il, qu’il n’est pas interdit, particulièrement au Parlement, de discuter du sujet et qu’on ne peut pas rejeter d’un revers de la main tout ce que propose Nicolas About.
Cela ne veut pas dire pour autant que je sois d’accord avec tout ce qu’il présente. En tout cas, ne faisons pas preuve de dogmatisme, dans un sens ou dans un autre, sur un sujet de cette importance. C’est dans cet esprit que les sénateurs du groupe de l’Union centriste abordent l’examen de ce texte.
Personnellement, je parcours plus de 40 000 kilomètres par an depuis plus de vingt ans. Comme certains d’entre vous peut-être, mes chers collègues, j’ai déjà participé à un stage de récupération de points. Il me restait en effet six points sur mon permis de conduire. Les deux derniers que j’ai perdus, c’était à la suite du changement, du jour au lendemain, d’une limitation de vitesse sur l’autoroute A4, sous le tunnel de Champigny, à l’entrée de Paris.
La veille, conformément à la vitesse autorisée, j’avais traversé ce tunnel à 110 kilomètres par heure. Le lendemain, la vitesse avait été ramenée à 90 kilomètres par heure. Comme mon régulateur de vitesse était déjà réglé, j’ai été piégé et je me suis fait flasher.
Sourires
M. Yves Détraigne. Vous avez raison, je ne veux pas reperdre mes points.
Nouveaux sourires.
Au cours du stage que j’ai effectué, nous étions dix-sept, dont une douzaine de commerciaux et d’artisans qui avaient absolument besoin de leur permis pour travailler. Il faut savoir que leurs patrons leur avaient fixé des objectifs de visite tels qu’ils n’avaient pas eu d’autres choix que de flirter avec les limitations de vitesse.
La disposition emblématique qui figure à l’article 1er de la proposition de loi et qui vise, lorsque l’excès de vitesse ne dépasse pas 5 kilomètres par heure par rapport à la limitation fixée, à supprimer la perte d’un point sur le permis tout en conservant la sanction financière est donc une mesure de bon sens. Tous ceux qui ont l’habitude de conduire savent parfaitement qu’on ne peut pas rouler en ayant en permanence les yeux rivés sur le compteur de vitesse de la voiture. D’ailleurs, cela pourrait même être dangereux.
M. Yves Détraigne. On peut donc facilement dépasser de 2 ou 3 kilomètres par heure la vitesse autorisée. D’ailleurs, comme Mme Catherine Troendle le dit dans son rapport, il suffit d’un changement de déclivité de la route pour dépasser la limite.
M. Gérard Longuet opine.
Voter l’article 1er de la proposition de loi n’est donc en rien une remise en cause de la politique de sécurité routière instaurée dans notre pays. Au contraire, cela montrerait notre volonté de remédier au caractère aveugle de la réglementation actuelle et à une manière de l’appliquer souvent sans discernement, ce qui donne parfois – je ne dis pas souvent – le sentiment que les objectifs « quantitatifs » l’emportent sur le souci d’assurer la sécurité routière.
Ce sentiment a d’ailleurs été accru au début de l’année par la publication dans un magazine automobile – Auto Plus, si je ne m’abuse – d’une note de service d’un commissaire de police d’une ville de province, une préfecture de région que je connais bien, …
Sourires
… demandant à ses motards de relever « a minima » soixante-six défauts de ceinture de sécurité, cent soixante-quinze excès de vitesse, cent trente-trois infractions au stationnement, trente-cinq feux rouges grillés, etc.
Cela pousse évidemment les forces de l’ordre à agir délibérément sans discernement dans certains cas.
Loin d’être malvenue, la proposition de loi de notre collègue arrive donc en discussion au bon moment. Nous ne porterions pas tort – je dirais même au contraire – à la compréhension et à l’acception de notre politique de sécurité routière par l’ensemble de nos concitoyens…
… en osant, sur certains points, dire que cela ne va pas et qu’il faut adapter la réglementation ou sa mise en œuvre.
M. Yves Détraigne. Voilà, monsieur le secrétaire d’État, mes chez collègues, les quelques éléments de réflexion que je voulais vous soumettre avant que nous examinions chacun des articles de la présente proposition de loi.
Applaudissements sur les travées de l ’ Union centriste – M. Roland du Luart applaudit également.
Monsieur le président, je vous prie de bien vouloir m’excuser d’avoir dépassé de 50 % mon temps de parole.
M. le président. Mon cher collègue, heureusement, il n’existe pas encore de permis à points pour les orateurs.
Sourires.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Nicolas About, dont nous débattons aujourd’hui, vise à aménager les règles de retrait de points du permis de conduire pour les délits considérés comme mineurs.
De fait, nous sommes tous concernés par les contraintes du permis à points, qui provoquent bien souvent l’agacement des automobilistes, particulièrement de ceux que leur profession oblige à prendre la route. « Ni délinquants, ni dangers publics », comme le précise l’exposé des motifs, bien des conducteurs ressentent les verbalisations comme des sanctions injustes. Lequel d’entre nous n’a d’ailleurs jamais pesté contre la présence inopinée d’un radar lors d’un dépassement de quelques kilomètres à l’heure de la vitesse maximale autorisée ?
Toutefois, s’il comprend bien les motivations de cette proposition de loi, le groupe UMP souhaite rappeler fermement son attachement au dispositif du permis à points, qui vise à sauver des vies ! Nous estimons que nous ne pouvons en aucun cas baisser la garde et risquer de compromettre les succès obtenus depuis 2002 grâce à la politique de sécurité routière. La crainte de la sanction est souvent le début d’une attitude responsable.
À l’heure où les comportements sont en pleine mutation et où les automobilistes ont intégré le système des points, une modification du dispositif constituerait un véritable signal de recul et affecterait gravement ses bénéfices pédagogiques et préventifs.
Ne remettons pas en cause les progrès accomplis par la sécurité routière depuis 2002 !
Cette politique a en effet permis de mettre fin à l’impunité de nombreux conducteurs et les a considérablement responsabilisés.
Entre 2002 et 2008, 12 741 vies et 157 000 blessés ont ainsi pu être épargnés. Les chiffres parlent d’eux-mêmes !
Par ailleurs, les solutions avancées par la proposition de loi ne nous semblent pas de nature à résoudre les problèmes réels soulevés par notre collègue Nicolas About.
Prenons tout d’abord l’article 1er, qui tend à supprimer le retrait de points en cas de dépassement de la vitesse maximale autorisée de moins de 5 kilomètres à l’heure.
Nous comprenons bien les motivations de M. About. Un excès de vitesse de 4 kilomètres à l’heure n’est pas aussi dangereux qu’un dépassement de 19 kilomètres à l’heure, en particulier en ville. Pour autant, nous estimons qu’il n’est pas opportun de légiférer sur des situations qui restent marginales. En effet, les petits excès de vitesse ne sont pas la cause principale des retraits de permis.
Selon les statistiques de l’Observatoire national interministériel de sécurité routière, les excès de vitesse ne contribuent qu’à un quart des invalidations du permis de conduire.
Par ailleurs, « seuls 0, 12 % des conducteurs ont leur permis invalidé après avoir commis des infractions sanctionnées par un retrait d’un ou deux points maximum ».
En outre, dans la pratique sur autoroute, la limitation à 130 kilomètres à l’heure, qui fait déjà l’objet d’une tolérance de 5 %, autorise de fait déjà le conducteur à rouler à 137 kilomètres à l’heure. Assouplir encore de 5 kilomètres à l’heure revient à permettre de rouler à 141 kilomètres à l’heure !
M. Dominique de Legge. La suppression du retrait de points serait immédiatement interprétée comme un relèvement de 5 kilomètres à l’heure des vitesses maximales autorisées. Or une telle différence n’est pas anodine.
M. Nicolas About s’exclame.
De plus, une telle mesure créera fatalement une inégalité entre les automobilistes ayant les moyens financiers d’acquitter de nombreuses amendes et les autres. Et, surtout, elle ne manquera pas de se traduire immédiatement par une augmentation du nombre d’accidents. Les chiffres des experts ont été rappelés par Mme le rapporteur.
Par ailleurs, l’expérience montre que l’amende est beaucoup moins dissuasive que le retrait de points.
Précisons enfin que, en 2007, la loi a déjà assoupli les sanctions relatives aux petits excès de vitesse en donnant la possibilité de récupérer un seul point perdu au bout d’un an sans infraction ou retrait de points.
Quant à la suppression des retraits de points en cas de défaut de port de la ceinture de sécurité, nous y sommes opposés.
Le port de la ceinture de sécurité est vital, au sens étymologique du terme ! Il sauve des vies de manière indiscutable et diminue la gravité des blessures.
Or la quasi-totalité des conducteurs ont désormais le réflexe de toujours mettre leur ceinture lorsqu’ils conduisent.
L’absence de ceinture sur la route constitue aujourd’hui la troisième cause de mortalité des conducteurs après l’alcool et une vitesse excessive.
Il a également été établi, pour l’année 2007, que 400 vies supplémentaires auraient pu être sauvées si l’obligation du port de la ceinture avait été respectée.
On ne peut à la fois vouloir prévenir les handicaps et assouplir un dispositif destiné à limiter le nombre de blessés sur la route. On ne peut se lamenter sur les déficits sociaux et ne pas tout faire pour limiter les accidents générateurs de coûts. C’est pourquoi nous n’adopterons pas l’article 2 de la proposition de loi.
Enfin, j’en viens à l’article 3, qui a pour objet d’aligner la vitesse maximale autorisée de nuit sur la vitesse par temps de pluie.
Mme le rapporteur nous a expliqué que la surmortalité constatée la nuit n’était pas la conséquence directe de vitesses excessives.
J’ajoute qu’il me semble peu compréhensible de chercher à la fois à desserrer la pression sur la vitesse le jour et à renforcer la limitation de vitesse de nuit, alors que ce n’est pas la période la plus accidentogène.
En conclusion, cette proposition de loi nous semble peu opportune au moment même où les automobilistes commencent à changer durablement de comportements sur la route et alors que les réformes récentes commencent seulement à produire leurs effets. Son adoption constituerait donc un mauvais signal adressé aux automobilistes et serait interprétée comme un relèvement de fait de la vitesse maximale autorisée.
Si nous devons rester fermes sur les principes, mes chers collègues, il convient néanmoins de s’interroger sur la cohérence de certaines limitations de vitesse. En effet, on observe parfois sur une distance de 2 à 3 kilomètres à topographie identique des changements de limitation inexpliqués et incohérents ou des aberrations comme celles qu’a indiquées tout à l’heure M. Détraigne.
Sur les routes départementales aussi !
Cela est à ajouter au zèle parfois exagéré de certains agents soucieux de faire du chiffre avec des clients de bonne foi.
La proposition de loi de notre collègue ne répond pas à ces deux nécessités : rendre plus cohérente et lisible la signalisation des limitations ; verbaliser avec discernement afin de prévenir plutôt que de punir. Le changement des seuils ne répond pas à cette problématique.
Si nous ne retenions de ce débat que ces deux orientations, alors il aura démontré son utilité. Privilégions donc une application intelligente et éclairée de la loi plutôt que son assouplissement.
Pour toutes les raisons que je viens d’exposer, le groupe UMP suivra les conclusions de Mme le rapporteur.
Applaudissements au banc des commissions. – M. Henri de Raincourt applaudit également.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la baisse significative du nombre de morts sur les routes françaises est incontestable depuis, d’une part, l’entrée en vigueur du permis à points en 1992 et, d’autre part, la multiplication des radars fixes à partir de 2003.
Plus grande responsabilisation des conducteurs et peur de l’amende sont toujours les deux piliers de notre politique de sécurité routière. D’ailleurs, il nous faut reconnaître que nos concitoyens-conducteurs sont de plus en plus raisonnables et de plus en plus responsables sur les routes.
Les comportements évoluent et nous devons nous en féliciter.
La politique de prévention routière menée par différentes majorités parlementaires depuis de nombreuses années porte donc indiscutablement ses fruits. Si j’osais, je dirais qu’il nous faut continuer sur cette voie, sans changer de direction ni surtout d’objectif, et peut-être non plus sans ralentir.
Sourires
Est-ce à dire qu’il ne faut rien changer, qu’il n’y a pas d’amélioration à apporter ou encore que le « tout-répressif » est la seule option ?
En 2002, le nombre de points retirés était de l’ordre de 3, 1 millions. En 2008, il est passé à 9, 5 millions. Quand on y regarde de plus près, ce sont notamment les infractions sanctionnées par la perte d’un seul point qui ont été multipliées par cinq depuis 2002.
On peut donc en conclure que les infractions enregistrées sont de moins en moins graves et, par la même occasion, que la grande majorité des automobilistes français ne sont ni des chauffards ni des criminels en puissance…
Dans ces conditions et après ces remarques introductives, comment apprécier les principales dispositions contenues dans la proposition de loi de notre collègue Nicolas About ?
Tout d’abord, l’article 1er prévoyant que « toute contravention résultant d’un dépassement de la vitesse maximale autorisée de moins de 5 kilomètres par heure ne peut pas donner lieu à une réduction du nombre de points du permis de conduire » nous apparaît comme une mesure à la fois raisonnable et raisonnée.
En effet, avec la plupart des membres de mon groupe, nous considérons que le retrait de points pour un excès de vitesse de moins de 5 kilomètres par heure est disproportionné par rapport à l’infraction commise. Sans remettre en cause l’économie générale de notre système de sanction d’infractions et sans tomber dans un quelconque laxisme que personne ne souhaite, monsieur le secrétaire d’État, il nous faut toutefois introduire un peu de souplesse dans un système particulièrement rigide et sans appel.
Il est désormais démontré qu’il peut s’avérer largement plus dangereux pour un automobiliste de surveiller fréquemment son compteur sur une longue distance, avec le stress occasionné par la peur permanente de l’éventuel radar, que de faire un excès de vitesse de 2 ou 3 kilomètres par heure.
En toute logique, et c’est une obligation du code de la route, l’attention du conducteur devrait d’abord être portée à la signalisation extérieure, aux autres usagers, aux obstacles imprévus et, plus généralement, aux multiples attentions que nécessite la conduite plutôt que sur le compteur.
C’est pourquoi la disposition proposée à l’article 1er de la présente proposition de loi témoigne de la volonté d’introduire une dose de souplesse dans un système rigide et mérite alors notre soutien. Elle présente l’avantage de maintenir la sanction financière mais d’éviter la sanction pratique, celle de la perte des points qui peut se transformer en perte d’emploi faute de permis de conduire ou, pire encore, faire passer dans la clandestinité certains conducteurs qui se retrouvent au volant de leur véhicule sans permis de conduire.
Chez certains de nos voisins européens, une telle marge de tolérance, ou plutôt de « semi-tolérance », en matière de petits excès de vitesse est déjà appliquée avec succès. Ainsi, en Allemagne, les dépassements allant jusqu’à 20 kilomètres par heure au-delà de la vitesse autorisée sont considérés comme des « petits dépassements » et aucune sanction n’est encourue pour un excès de moins de 5 kilomètres par heure. Or il est communément admis que l’Allemagne est un modèle en matière de conduite automobile et de sécurité routière en Europe. L’Espagne, quant à elle, a poussé la latitude jusqu’à 10 kilomètres par heure pour un excès qui n’est sanctionné ni par la perte de points ni par une amende. Pour des excès de vitesse compris entre 11 et 30 kilomètres par heure, seule l’amende est appliquée, et c’est seulement à partir de 31 kilomètres par heure que le système des points entre en ligne de compte.
L’article 2 vise à instituer le fait que tout conducteur qui ne porte pas la ceinture de sécurité ne peut être sanctionné que par une amende. Cette disposition revient, là encore, à maintenir la sanction financière en cas de non-port de la ceinture de sécurité mais à supprimer la sanction supplémentaire que constitue le retrait des points du permis.
Il est démontré que la ceinture de sécurité ne constitue pas, à forte vitesse, une garantie de protection suffisante et efficace en cas d’accident. Il nous paraît donc opportun de maintenir les sanctions financières afin de rappeler que le port de la ceinture est obligatoire et peut sauver des vies, essentiellement en cas d’accident à faible vitesse, mais tout en supprimant la perte de points, compte tenu du caractère ambivalent du port de la ceinture de sécurité, qui peut même, dans certains cas très limités et exceptionnels, s’avérer dangereux. C’est pourquoi la majorité des membres de mon groupe soutiendra cette disposition de la proposition de loi.
Enfin, l’article 3 prévoit que « la vitesse de nuit sur l’ensemble du réseau […] ne peut être supérieure à la vitesse limitée par temps de pluie ». Nous y sommes résolument opposés. Nous n’en voyons pas l’utilité ni même la pertinence, bien au contraire. Rappelons simplement que la principale source d’accidents la nuit est la consommation d’alcool et de stupéfiants.
M. Nicolas About opine.
En conclusion, si les amendements de suppression déposés sur chacun des articles de la proposition de loi sont repoussés et si nous parvenons à un vote sur l’ensemble du texte, le groupe du RDSE s’abstiendra.
MM. Nicolas About et Yves Détraigne applaudissent
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, appliqué en France depuis le 1er juillet 1992, le dispositif du permis à points est un élément essentiel de la politique de lutte contre l’insécurité routière menée avec détermination par les pouvoirs publics.
Faire passer la sécurité pour tous avant son intérêt personnel, c’est ce qui sous-tend la mise en œuvre du permis à points, qui a été, depuis lors, adopté par de nombreux pays européens. Chaque conducteur devrait avoir cet état d’esprit dès qu’il utilise son véhicule.
Mais ce dispositif a avant tout contribué à des résultats remarquables en termes de vies épargnées et de diminution du nombre des personnes blessées. Depuis trente ans, la courbe du nombre des tués diminue régulièrement de façon linéaire du fait de l’application du permis à points, mais également grâce aux airbags, aux systèmes de freinage, au rajeunissement du parc automobile, aux contrôles techniques et aux aménagements routiers. Deux vies sur trois ont ainsi été sauvées.
Depuis 2002, en soutien d’une action renforcée dans le domaine du contrôle et de la sanction des infractions routières, ce mécanisme a introduit un véritable changement de comportement des conducteurs et, par là même, la réduction du nombre des victimes. Et c’est bien là l’important !
Cependant, si les principes d’organisation du permis à points sont restés inchangés depuis l’origine, les contrôles, eux, du fait notamment de leur automatisation, sont désormais devenus une autre réalité. La sanction du retrait de point a été renforcée, d’une part, par l’extension de la nature des infractions entraînant de plein droit la réduction du nombre de points du permis de conduire et, d’autre part, par l’évolution du barème des retraits de points.
Ce sont ces dernières évolutions qui font que notre assemblée est saisie, à intervalles réguliers, de propositions de loi visant à modifier les contours de son champ d’application, à sortir telle ou telle catégorie d’infraction jugée trop sévèrement punie par le retrait de point pour une catégorie de conducteurs – les professionnels de la route ont ainsi fait l’objet d’une proposition de loi déposée par le groupe UMP le 12 mars dernier et reprise aujourd'hui dans un amendement – ou telle ou telle situation conjoncturelle.
La crise économique justifierait aujourd’hui les mesures contenues dans cette proposition de loi pour s’attaquer au retrait de points en cas de faible dépassement de vitesse ou de défaut de port de la ceinture de sécurité. L’auteur de cette proposition de loi avance même, dans un article de presse, des chiffres chocs : 30 000 emplois auraient été perdus à la suite d’un permis de conduire invalidé.
Je ne nie pas la nécessité de posséder un permis pour obtenir un emploi, l’existence d’abus de verbalisation, l’incompréhension des sanctions pour les petits excès de vitesse. Pas plus tard qu’avant-hier, toutefois, France Info recevait notre collègue dans une émission matinale où il défendait, sans contradicteur, sa position. Il faut s’interroger sur l’opportunité des mesures proposées et sur l’argumentation, parfois provocante, souvent discutable, mise en avant dans ce document.
La proposition qui nous est faite aujourd’hui s’intéresse, comme l’indique son intitulé, à introduire « une plus grande équité dans notre politique de sécurité routière ». En réduisant les sanctions à une amende, il n’en est rien, au contraire !
La suppression du retrait de points va créer une inégalité entre les conducteurs ayant les moyens financiers d’acquitter de nombreuses amendes et les autres, moins chanceux. En outre, l’expérience démontre qu’en matière de répression des contraventions routières l’amende est beaucoup moins dissuasive que le retrait de point.
Enfin et surtout, la suppression de la réduction de points n’intervient que pour les infractions qui coûtent le plus de vies. Le retrait de trois points pour défaut d’assurance – ce qui ne va pas toucher toutes les catégories sociales – mérite certainement débat au regard de la législation existante. D’emblée, cette sanction paraît non pas trop sévère mais disproportionnée par rapport aux autres mesures qui mettent directement des vies en danger.
Au nom du principe que tout système est perfectible à la marge, c’est l’économie générale des retraits de points qui est attaquée et fragilisée. Or le permis à points s’inscrit dans une démarche avant tout pédagogique. C’est un système qui se présente comme un tout et les attaques dont il fait l’objet pour les catégories non représentatives de la population globale – comme celle qui est visée à l’article 1er, qui ne représente que 0, 12 % des conducteurs, soit une centaine de personnes en infraction –…
… sont autant d’atteintes à un dispositif dont la force réelle réside justement dans son application égalitariste.
L’objectif du dispositif est simple et efficace : il est d’éviter l’infraction et sa récidive. Il est à la fois préventif et pédagogique ; il « responsabilise » les conducteurs en sanctionnant le comportement de ceux qui transgressent les règles du code de la route. La perte de points est une alerte et doit être ainsi interprétée par le contrevenant. Elle amène le conducteur à prendre conscience de la nécessité d’une conduite raisonnable et d’un comportement responsable au volant.
Deux mesures du texte présentées aux articles 1er et 2 me paraissent dangereuses pour la sécurité publique. Les deux principales mesures de ce texte – également contestées par le président du comité départemental de Seine-Saint-Denis de l’association de prévention routière qui compte nationalement 130 000 adhérents et donateurs – concernent la suppression des retraits de points au permis de conduire pour les dépassements de la vitesse maximale autorisée de moins de cinq kilomètres par heure, après application de la marge technique, soit dix kilomètres par heure au total, ainsi que la mesure identique pour le défaut de port de la ceinture de sécurité.
Ce sont les articles 1er et 2 sur lesquels Mme Catherine Troendle, rapporteur, a également émis les plus grandes réserves lors de l’examen en commission le 8 avril dernier, et a proposé de ne pas adopter ces deux articles notamment.
L’opposition de cette association reconnue d’utilité publique est particulièrement vive, car l’application du texte qui nous est présenté se traduirait ipso facto, pour la première mesure, par une augmentation des vitesses pratiquées par les conducteurs et donc par une augmentation du nombre de tués et de blessés sur les routes.
La question du retrait de points, pour les petits dépassements de vitesse en particulier, fait en permanence l’objet d’une polémique un peu irrationnelle et véhicule un sentiment d’injustice et d’incompréhension. Pourtant, au mois de novembre dernier, en réponse à une question écrite, monsieur Bussereau, vous indiquiez que 80 % des conducteurs possédaient tous leurs points. En 2007, une progression de 25 % du nombre des conducteurs récupérant tous leurs points a été enregistrée – 40 % en 2006. Le nombre de permis invalidés reste faible : 0, 5 % en 2006.
En ce qui concerne la suppression de la pénalisation du dépassement de la vitesse maximale autorisée inférieur à 5 kilomètres par heure, toutes les études françaises et étrangères ont, semble-t-il, montré qu’une augmentation des vitesses moyennes de 1 kilomètre par heure entraîne automatiquement un accroissement de 4 % du nombre de tués.
Si la proposition qui nous est faite était retenue, elle entraînerait mécaniquement une augmentation de la vitesse moyenne d’environ 5 kilomètres par heure et, parallèlement, une progression de l’ordre de 20 % du nombre de tués, soit 800 morts supplémentaires par an sur la route, sans compter les blessés. Vous en conviendrez, cela serait inacceptable.
Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d’État, que vous puissiez nous confirmer ce point, qui est essentiel. Bien évidemment, nous, nous voulons sauver des vies, …
Et nous, non ? Quelle violence de penser que les autres ne veulent pas sauver des vies ! C’est inacceptable !
… même si cela passe parfois par la contrainte.
Cette mesure serait justifiée, selon Nicolas About, car « au bout d’un certain laps de temps, le cumul de plusieurs petits excès de vitesse peut conduire à l’invalidation pure et simple du permis de conduire ». Or il n’en est rien !
Selon les statistiques de l’Observatoire national interministériel de sécurité routière, l’ONISR, les excès de vitesse ne contribuent qu’à un quart des invalidations du permis de conduire, loin derrière les alcoolémies délictuelles. Toujours selon la même source, « seuls 0, 12 % des conducteurs ont eu leur permis invalidé après avoir commis des infractions sanctionnées par un retrait de 1 ou 2 points maximum ».
Ce n’est pas de cela que nous parlons ! C’est l’argument bidon avancé !
Cette mesure ne concerne donc en fait qu’une centaine de conducteurs en infraction.
Par conséquent, et contrairement à ce que certains prétendent, l’augmentation des invalidations du permis de conduire a pour origine non pas les petits excès de vitesse, …
… mais les alcoolémies délictuelles.
Ainsi, 4 274 personnes ont perdu la vie sur les routes en 2008, contre 4 620 en 2007. La forte diminution des vitesses et du trafic a favorisé cette baisse de la mortalité routière.
Bon nombre d’accidents sont la conséquence de ce que certains qualifient de « petite complaisance » avec la règle, notamment une vitesse légèrement supérieure à la vitesse autorisée. Je rappelle que neuf accidents sur dix sont liés à une infraction au code de la route !
Précisons également que les sanctions concernant les petits excès de vitesse ont déjà été assouplies en 2007, en permettant la récupération d’un point au bout d’un an sans infraction ou retrait de point. Et le nombre de conducteurs ayant récupéré tous leurs points en 2008 est en très forte hausse. Il s’élève à 1 782 391, soit une augmentation de 25 %.
En outre, 80% des conducteurs français sont actuellement en possession de tous leurs points de permis.
Par ailleurs, l’article 2, qui prévoit également de supprimer les retraits de points lorsque le conducteur ne porte pas la ceinture de sécurité, constitue un grave retour en arrière, d’autant que la quasi-totalité des conducteurs ont désormais parfaitement intégré le réflexe de la mettre systématiquement.
Depuis 2002, les progrès ont été importants, mais l’absence de port de la ceinture de sécurité est aujourd'hui encore à l’origine de 9 % des morts sur la route. On estime même que 300 à 400 vies auraient pu être sauvées en 2008 si le port avait été systématique pour les conducteurs comme pour les passagers. Monsieur le secrétaire d’État, pouvez-vous confirmer ces chiffres ?
Une telle proposition de loi ne constitue pas un bon message. Je reprendrai nos arguments au fil de l’examen des articles, sachant que les membres de mon groupe et moi-même avons déposé un amendement de suppression sur chacun d’eux.
Je voudrais juste préciser que le système est perfectible. Des progrès sont ainsi attendus en matière de coopération internationale. La quasi-impunité des conducteurs de voitures immatriculées à l’étranger est souvent évoquée. Selon Bruxelles, le quart des excès de vitesse constatés en France sont le fait de conducteurs étrangers, hors Europe.
Une proposition de directive facilitant l’application transfrontalière de la législation dans le domaine de la sécurité routière a été adoptée le 9 mars 2008.
M. Nicolas About s’exclame.
Une marge de progrès en matière de respect des limitations de vitesse demeure. Environ 20 % des vies pourraient encore être sauvées si tous les conducteurs respectaient ces limitations.
Cela impose donc de persévérer dans la lutte contre les excès de vitesse, ce qui contribuera en plus à un meilleur développement durable.
Des progrès pourraient également être rapidement effectués si l’éducation nationale disposait de moyens supplémentaires pour développer une véritable politique de prévention.
Toutefois, la politique de sécurité routière pourrait être améliorée dans plusieurs domaines. Permettez-moi de vous en fournir quelques illustrations.
J’évoquerai d’abord les radars. À l’évidence, le dispositif n’est pas suffisamment souple. Il ne tient compte ni de l’heure, ni de la densité du trafic, ni de la pluie, …
… ni des conditions de brouillard. Dès lors, certains de nos concitoyens s’interrogent sur l’opportunité de telles installations.
À mon sens, il serait intéressant d’examiner ce que chaque radar rapporte à l’État et aux collectivités locales, en comparant ce chiffre au nombre d’accidents qu’il y avait à cet endroit avant la mise en place de l’appareil. Et si on constate qu’un radar placé à un endroit où on dénombrait peu d’accidents rapporte beaucoup, on pourra se demander si ce n’est pas juste un jackpot pour les collectivités publiques ! Nous devrions étudier si des adaptations s’imposent, notamment au regard du nombre d’accidents.
Je pense que nous devons également mener ensemble une réflexion sur les deux-roues et les motos. À cet égard, je rejoins certains des propos qui ont été tenus par notre collègue Nicolas About. Il est vrai que certains comportements de deux-roues et de motos, et même de piétons, sont parfois inadmissibles.
En outre, comme certaines personnes ne respectent pas le code de la route, les maires, notamment en milieu urbain, sont amenés à multiplier feux rouges et dos d’âne. C’est inadmissible.
Les modalités de contrôle technique des véhicules constituent également une anomalie. Le critère retenu est celui de la durée. Il me semble tout à fait anormal que la distance parcourue ne soit pas également prise en compte. (
J’ai aussi évoqué l’éducation routière, en insistant sur les efforts très importants qui s’imposent.
Le permis étant extrêmement coûteux pour les jeunes, certains d’entre eux conduisent sans l’avoir passé. C’est aussi une difficulté.
Nous devons également réfléchir sur les embouteillages, qui agacent tout le monde, et sur le développement des transports en commun à la place.
Par ailleurs, les crédits pour l’aménagement des routes sont distribués selon des critères qui me paraissent contestables.
M. Nicolas About applaudit.
Je vous l’accorde.
Enfin, même si nos concitoyens sont informés quand ils ont perdu la moitié de leurs points ou quand ils les ont tous perdus, nombre d’entre eux ne savent pas toujours combien de points il leur reste. Chacun devrait avoir la possibilité de savoir à tout moment où il en est, par exemple en tapant son numéro de permis de conduire. En effet, il nous arrive d’être flashés et de devoir attendre un ou deux mois avant de savoir si des points nous sont retirés ou non. Cela me semble complètement anormal. Il en est de même des délais de réponse aux contestations. Des efforts considérables doivent être faits dans ce domaine.
Au nom de l’importance que nous attachons à la vie humaine et au combat contre l’insécurité routière, le groupe socialiste demande que la réflexion sur la sécurité routière soit poursuivie. Mais nous ne pouvons pas admettre un certain nombre d’articles proposés par notre collègue Nicolas About.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer l’initiative de notre collègue Nicolas About (M. Dominique Leclerc applaudit), qui a eu le courage d’ouvrir le débat sur le permis à points en déposant la présente proposition de loi. Nous sommes un certain nombre de parlementaires UMP à soutenir ce texte – notre collègue Roland du Luart me le confirmait tout à l’heure –, car il s’agit, me semble-t-il, d’un dossier important.
En effet, il ne peut pas y avoir de sujet tabou. Nous devons en permanence chercher la meilleure adéquation possible entre les objectifs visés et les moyens mis en œuvre.
Je crois pouvoir le dire, nous partageons tous ici, sans exception, la volonté constante des pouvoirs publics de renforcer la sécurité routière pour réduire le nombre des victimes de la route.
Mais je pense que nous devons dans le même temps savoir faire preuve de discernement. Ajouter sans cesse de la répression à la répression expose au risque certain d’un refus collectif de la sanction, le niveau maximal d’acceptation étant atteint. §Si, monsieur le secrétaire d’État ! Je ne suis pas d'accord avec vous !
En ce sens, l’article 1er de la proposition de loi, qui vise à supprimer le retrait de points en cas d’excès de vitesse de moins de 5 kilomètres par heure, me semble tout à fait opportun.
Comme cela est indiqué dans l’exposé des motifs de la proposition de loi, à moins de 5 kilomètres par heure, « le contrevenant n’est ni un délinquant, ni un danger public. Pourtant, la sanction par retrait de points est automatique. Au bout d’un certain laps de temps, le cumul de plusieurs petits excès de vitesse peut ainsi conduire à l’invalidation pure et simple du permis de conduire. »
En tant qu’élu de proximité, je sens monter l’exaspération de nos concitoyens sur ce sujet. Commis par inadvertance, les excès de vitesse de moins de 5 kilomètres par heure sont le fait non pas de délinquants, mais d’honnêtes gens qui voient s’abattre sur eux une sanction automatique, sans discussion ni indulgence.
Bien entendu, on présente régulièrement la marge technique comme une faveur faite aux usagers de la route. Mais, nous savons qu’il n’en est rien.
M. Nicolas About acquiesce.
En Allemagne, aucune sanction n’est appliquée pour un dépassement de la vitesse autorisée jusqu’à 5 kilomètres par heure. Et il y a une amende, mais pas de sanction en termes de points, jusqu’à 20 kilomètres par heure.
En 2007, le nombre de morts sur les routes d’Allemagne n’a jamais été aussi bas, passant même, avec 4 970 tués, sous le seuil symbolique des 5 000 victimes. C’est un chiffre qui se remarque dans un pays de plus de 82 millions d’habitants ; il est du même ordre qu’en France, pourtant beaucoup moins peuplée.
Élu de la ruralité, je peux vous dire que la détention du permis de conduire est non pas un luxe, mais bien souvent une nécessité vitale. Et je ne peux pas plus me résoudre à voir le système actuel fabriquer des chômeurs que des hors-la-loi.
Car, il faut le dire, plus de 93 000 conducteurs ont été contrôlés sans permis en 2007. Bien entendu, parmi eux, il y avait tous ceux qui n’avaient jamais passé le permis. Mais il y avait également 30 000 conducteurs auxquels on l’avait retiré. Selon l’Observatoire national interministériel de sécurité routière, près de 300 000 conducteurs circuleraient sans permis sur notre territoire. Et ce ne sont que des estimations !
Même si les sanctions sont lourdes – le fait de conduire sans permis est passible de deux ans d’emprisonnement et de 4 500 euros d’amende –, elles sont peu dissuasives, surtout au regard de la probabilité d’être contrôlé.
Dans ces conditions, je considère que nous allons à l’encontre de l’objectif visé. La répression fait ainsi passer la pédagogie, qui est plus que jamais nécessaire, au second plan. Elle produit des effets d’éviction, et nous constatons une recrudescence d’accidents très graves sur le réseau secondaire, qui est plus fréquenté, surtout la nuit.
Pourquoi faut-il attendre deux ans afin de pouvoir effectuer un nouveau stage de sensibilisation permettant de récupérer quatre points ? Pourquoi continuer de pénaliser lourdement les professionnels de la route et ne pas créer un permis de conduire spécial assorti d’un système de récupération anticipée des points à leur intention ?
Voilà des questions qui méritent, me semble-t-il, d’être posées. Et c’est tout l’intérêt de notre débat d’aujourd’hui.
Applaudissements sur plusieurs travées de l ’ UMP. – M. Nicolas About applaudit également.
Par lettre en date de ce jour, M. le secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement a proposé d’avancer au matin du mercredi 13 mai 2009 la nouvelle lecture du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet, qui était prévue à 14 heures 30.
Je vous indique que cet aménagement horaire répond à la demande de la commission des affaires culturelles.
En conséquence, nous siégerions à 9 heures 30 pour l’examen du projet de loi favorisant la diffusion et la protection de la création sur Internet et à 14 heures 30 et le soir pour la suite de l’examen du projet de loi portant réforme de l’hôpital et relatif aux patients, à la santé et aux territoires.
Il n’y a pas d’opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Guy Fischer.